Chapitre 70
Une seconde...il n'a fallut que d'une petite seconde pour que tout ne vole en éclat. Mais pourquoi ça m'étonne tant que ça? Je n'ai jamais pu garder la moindre goutte de bonheur...sans qu'un orage ne vienne l'emporter au loin. Ça a toujours été ainsi et ça le sera toujours. Je ne me fais pas la moindre illusion. Dès que j'aurais tourné la poignée, ça sera la fin.
J'ai demandé à Chacha de me laisser. Je voulais y aller seule. Surtout, je veux pouvoir prendre mes jambes à mon cou, sans honte, si l'envie m'en prends. Pour aller où ? Pour retourner dans ses bras, une dernière fois. Angel n'est qu'à deux pas, dans la pièce d'en-face. Je le sais. Je sens son parfum, d'ici. Et, surtout, j'entends la voix de Sophia.
Pendant quelques secondes, j'ai fermé les yeux et posé ma tête contre la porte. J'espérais entendre sa voix. Je voulais qu'elle me rassure. Mais il est resté silencieux. Je le connais assez à présent. Il doit bouillonner de colère. Et même si j'aimerais qu'elle me soit destinée, je sais que ce n'est pas le cas. Il est bien trop doux pour ça...Pourtant, ça serait tellement plus facile qu'ils m'en veuille. Tellement plus facile que d'ouvrir cette porte et d'affronter ma mère.
J'ai tourné cette discussion dans ma tête des centaines de fois. Je sais comment ça va se passer. Elle va crier. Moi aussi. Mais je n'ai aucune idée de comment cela va se terminer. Je l'ai déçu, comme d'habitude. Mais je commence à avoir l'habitude. Et ça n'a aucune importance. Je compte bien choisir Angel. Il mérite que je le choisisse. Mais, et si lui...ne me choisissait pas? Rien ne l'empêcherait de franchir cette porte, de m'ignorer et de passer son chemin.
Rien ne l'empêche de m'abandonner et de sauver sa peau. Le pire est que je ne pourrais même pas lui en vouloir. Nous avons beau être deux adultes consentants, la situation est grave. Je n'en doute pas un moment. Sinon mon cœur ne battrait pas si vite et mes mains ne trembleraient pas non plus. J'ai beau respirer, comme Angel m'a montré, rien n'y fait. Certaines fois, il faut juste se lancer.
Il n'y a pas trois mille possibilités. Soit ça passe, soit sa casse. Donc je prends une grande respiration et tourne la poignée.
-Enfin!
Le directeur semble à bout. Mais je ne fais pas longtemps attention à lui. Je regarde ma mère se retourner. Son regard se pose sur moi et je me fige. Non...c'est bien pire! Je sens tout mon être trembler de peur. S'il y a bien une chose que j'ai apprise avec elle, c'est quand la craindre. Je la préfère en colère, à crier...car, quand elle affiche un large sourire et fait semblant que tout va bien, je sais bien ce qui va arriver...
-Asseyez-vous Mademoiselle Smith. Nous devons parler.
J'hoche la tête et m'avance. Je serais bien restée debout, à vrai dire, mais j'ai déjà assez de soucis. Ce n'est pas le moment de discuter les ordres.
-Allez, Jess, viens t'asseoir près de moi.
Ma mère tapote la chaise. La seule chaise vide. Et son sourire s'élargit. Le rendant encore plus inquiétant et faux. Comme son chignon trop tiré. Pourtant , je n'ai pas le choix. Je m'assois. Mais j'atterris au sol.
-Oh, quelle empoté ! elle rit faussement
Ça ne m'amuse pas! Surtout que je l'ai vu la tirer, au bon moment. Mais, je me relève, sans dire le moindre mot. Elle n'aura pas ce qu'elle veut. Je ne craquerait pas! Pas comme le directeur, déjà à bout.
-Bon, vous avez fini? J'ai bien l'impression que vous ne prenez pas cette situation au sérieux!
-Si! Je vous l'assure...
C'est parti seul. Mais ça le calme un peu. Je peux enfin m'assoir et regarder ma mère dans le blanc des yeux. J'y lis beaucoup de...satisfaction. Comme si elle attendait ce moment depuis longtemps. Mais ça ne m'étonne pas tant d'elle. J'ai beau tout faire pour la rendre fière et être une fille parfaite, elle n'attend toujours qu'une chose: ce moment où je ne le suis pas. Ce moment où je craque, où je fais des erreurs.
Même six pieds sous terre, elle sera toujours là pour assister à ma défaite. Ça lui donne un pouvoir. Elle se sent forte de me voir tomber à ses pieds et de lui demander de l'aide. Mais, la vérité, c'est que je n'ai pas besoin d'elle. Je n'ai besoin de personne! Je peux gérer cette situation seule. D'ailleurs, je sais déjà comment. Après tout, je ne vois pas pourquoi je m'en voudrais ou paniquerais. Je n'ai rien fais de mal. Sortir avec son prof est peut-être illégal au lycée mais je suis à la fac bon sang!
Ça ne vaut pas la prison. Je le sais. Alors qu'est-ce qu'ils peuvent bien me faire? Ma mère et cet homme chauve au regard dédaigneux...ils me font perdre mon temps. Il est hors de question que je supporte ma mère pour si peu. Donc je me lève. Évidemment, elle attrape mon bras.
-Tu penses aller où?
Je ne réponds pas.
-Ma parole...tu t'enfonces!
-Non, je m'en vais.
-Elle s'en va..., souffle le directeur.
-Tu ne m'as pas vu depuis des mois et tu t'en vas ainsi? Et puis...on doit gérer cette situation.
Tu aimerais...
-Il n'y a rien à régler.
-Jess!
-Quoi?
-Rassied-toi!
-Non! Je sors avec mon professeur d'art et ce n'est pas un crime. Arrêtez d'en faire tout un plat! Et foutez-moi la paix!
-Jess!
Elle me menace du regard mais c'est peine perdu. Je suis furieuse et je veux qu'elle le soit aussi.
-Arrête de faire ta mère modèle à deux balles, maman!
-Pardon?
-On ne se parle plus depuis une semaine mais tu débarque en apprenant que je me tape mon prof?
-Je...je suis venu te donner un coup de main.
-Un « coup de main »?
Je retiens un rire.
-On n'est pas en maternelle! Tu viens me « sauver » pour que je te sois redevable. C'est bien comme ça que tu fonctionne non? Toujours aussi...pathétique !
La gifle est partie bien vite mais, bizarrement, ça me fait sourire. Je préfère ça. Je préfère quand les choses sont clairs entre nous. On ne s'entend pas. Ça n'a jamais été le cas. On se supporte. Elle le sait bien. Je ne jouerais pas la comédie et ne lui ferais pas des grands sourires pour qu'elle m'aide.
-Madame Smith!
-Désolé...je...c'est parti seul.
Ma mère remarque enfin que nous ne sommes pas seule ici. Mais je suis bien heureuse que son masque soit tomber. Elle devrait être autant fière d'être une salope en privé qu'en privé. Et pas se cacher comme elle le fait si bien.
-Tu peux m'en donner une deuxième si tu veux...
Ma remarque la surprend.
-...ça me donnera deux raisons de plus de te détester.
-Arrête! Ça suffit! Assise!
Je ne prends pas la peine de lui répondre et tourne les talons.
-Mademoiselle...
-Oh vous ça va! j'explose.
-Vous ne comprenez pas...
-Non! C'est vous qui ne comprenez pas...
Je me retourne et lui fais face. Cette fois, c'est moi qui suis à bout.
-Vous n'avez pas le droit de vous assoir derrière votre grand bureau et de me juger! C'est MA vie ! Et elle ne vous concerne pas!
-Votre mère...
-Ça ne la concerne pas non plus! Je fais ce que je veux de mon corps!
-Ça on l'avait bien compris..., ma mère lance amusée.
-Qu'est-ce que c'est sensé dire?
Elle ne répond pas et j'envisage le pire. Surtout, je n'aime pas voir son assurance revenir. Elle se rassoit sur sa chaise avec grâce. Rien à voir avec la rage de tout à l'heure. Là, elle est calme. Bien trop calme. Je n'aime pas ça.
-De quoi tu parles, maman?
Elle ricane.
-Tu croyais vraiment que je viendrais ici parce que ton prof d'art t'a sauté? Jess...ma pauvre Jess...t'es cuisses n'ont jamais été très dures à ouvrir. Sauf qu'au moins, la dernière fois, tu avais eu la présence d'esprit de tomber enceinte. Et ça m'avait valut un beau chèque...
Ça fait mal. Voilà la mère que je connaît bien. Et, alors que son regard se durcit, je sens les larmes monter. Elle a osé...
-Madame Smith...vous devriez y aller plus doucement.
-Vous, ne me dites surtout pas comment gérer ma fille!
Puis elle se tourne vers moi.
-Toi viens poser ton cul sur cette chaise! Tu t'en iras quand je l'aurais décidé et quand tu seras devenu...moins stupide!
Mais je ne bouge pas. J'ai beau avoir les larmes aux yeux, je ne veux pas m'approcher d'elle.
-Bien..., elle souffle, tu l'auras voulu.
J'attends qu'elle se lève et me gifle de nouveau. Mais, à la place, elle tourne l'ordinateur du proviseur. De sorte que je puisse voir l'écran. Que je puisse me voir sur l'écran. Une larme passe et mon souffle se coupe. La bibliothèque...
J'espère que vous avez aimé ce chapitre❤️
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