•Chapitre 1•
-Ouvre la bouche!
J'entrouvre les lèvres et il y glisse un fin pinceau. Lorsque les poils chatouillent ma langue il le retire et humidifie le rouge Cramoisie de la palette. Le liquide coloré s'accroche aux fins poils qui se posent ensuite sur la feuille blanche. Je trouve la méthode dégoûtante mais j'avoue que le résultat est magnifique. Charly se gratte le menton en observant le morceau de papier, pensif comme un peintre devant son futur chef-d'œuvre. Sauf que lui sait à peine dessiner un cercle. Puis le blondinet me met la feuille sous le nez et affiche un sourire satisfait.
-On la prend! il lance.
-Je regrette de t'avoir invité. J'aurais dû venir acheter mon matériel d'art toute seule.
La remarque me vaut un coup de poing à l'épaule et je peux vous dire s'il n'a rien de léger. Depuis qu'il s'est inscrit à la pôle-danse, mon meilleur ami a une assurance et une force impressionnante. Je pensais qu'il passerait son temps à tourner sur la barre avec ses bras frêles, mais, ça lui a fait les abdos et les pecs. Je devrais peut-être m'y mettre aussi. Ça ne ferait pas de mal à petit bidons. Il faudrait que tu cesse d'enchaîner les paquets de chips devant Netflix, me gronde ma conscience. Mais je ne l'écoute pas. Je suis capable de beaucoup de choses quand je le veux.
-Alors et ton week-end Chacha?
Un long soupir. Je comprends que quelque chose ne s'est pas passé comme prévu et j'ai mal pour lui. Charly dit bosser le samedi, mais il se laisse toujours séduire par un mec qui lui fait tourner la tête pendant deux jours. Ils enchaînent les bars et finissent même dans mon appartement à se bécoter jusqu'au petit matin. Moi, je prétend ne pas les entendre pour le bien de ma santé mentale. Avec autant de mecs canons, d'abdos ciselé et de lèvres roses, il y a de quoi devenir folles...et jalouse. Surtout, quand je les voit pavaner le matin. J'en lâcherais presque ma tasse à café. Mais, cette fois, rien.
-Hum...j'ai passé une mauvaise soirée, il reprend.
-Pourquoi ?
-J'ai joué les apprentis psy...Mommy issues.
-Aïe.
D'habitude c'est moi qui n'ai pas de chance avec les mecs. Soit je de m'investi trop dans la relation, soit je déverse sur eux toutes mes insécurités. Alors qu'ils veulent juste baiser et se casser. Puis j'appelle Charly qui vient me réconforter. Il est un ange, toujours là pour veiller sur moi. C'est pour ça que je le laisse squatter chez moi, sans payer le loyer. Nos cinq ans d'amitié sont mon meilleur investissement.
Le deuxième sera la palette d'aquarelle que je vais acheter. Je suis des cours d'art à la fac. Je ne sais pas encore dans quel but mais je trouverais bien. Peut-être faire une carrière dans le design, je verrais. Je ne suis qu'à ma deuxième année, j'ai encore le temps.
Pour l'instant, je vais devoir acheter la palette que Charly a inauguré sans autorisation. Sinon nous allons passer un mauvais quart d'heure avec le vigile. J'aperçois son regard noir d'ici et lui souris nerveusement. Puis je récupère la palette et tire Charly par le bras vers la caisse.
-Jess du calme!
-Charly je ne mourrerai pas ce soir. J'ai trois épisodes de mon k-dramas à finir.
Il explose de rire. Je m'empresse de tendre notre unique article à la caissière, sans oublier les bonnes manières. Elle m'indique le prix. Je fouille mon porte-monnaie et retire ma carte de crédit. Je la passe dans la machine mais elle refuse le paiement.
-Je vais réessayer.
Deuxième échec. Je panique. Je ne peux pas être aussi pauvre quand-même ! Je sors nerveusement mon téléphone et, en effet j'ai de l'argent. Mais mon loyer, en passant, m'a fait atteindre mon plafond de paiement. Et, avec tous les incidents bancaires que j'ai eu, je ne peux pas appeler mon banquier. Je veux qu'il m'oublie!
-Je vais payer, lance Charly.
-Merci, tu me sauve la vie.
-T'inquiète.
-Je te rembourserais.
-T'as qu'à payer la pizza de ce soir.
-Ok.
Charly règle et nous quittons le centre commercial. Puis nous rejoignons sa Jeep noire dans le parking. Aussitôt que je referme ma portière, il démarre.
-Ta ceinture Jess!
-Non.
-T'es vraiment insupportable. Alors que tu as vingt-et-un ans...
-Une vraie gamine! j'ajoute
Il sourit.
-Je rêve que tu te mettes en couple. Comme ça quelqu'un d'autre devra supporter ton caractère de cochon.
-Y'a pas moyen!
-Tu devrai essayer de rencontrer des mecs.
-Ouais, pourquoi pas...
Non, j'ai assez eu de déceptions pour un siècle entier. J'ai eu la total, au moins un petit-ami par catégorie. Le fils à maman qui va faire sa lessive chez sa mère le dimanche? Check. Le playboy qui connaît par cœur sa liste de conquêtes ? Check. Le narcissique qui se regarde dans tous les miroirs qu'il trouve sur son chemin et te considère chanceuse de l'avoir? Check. Le mec sentimentalement instable qui te prend pour son psy, et pleure tous les soirs sur ton épaule? Check. Le mec pseudo-dépressif qui s'invente des faux problèmes pour se droguer sans culpabiliser ? Check.
Une belle collection de cons. Puis j'ai essayé les filles. J'avoue qu'il y a eu moins de dégâts de ce côté là. Je n'ai juste pas trouvé la perle rare. Alors pour l'instant, je préfère garder mon lit vide et mater les amants de Charly le matin. C'est tout aussi satisfaisant mais moins dangereux.
-J'ai bien des amis qui...
-Houla...non! Je vais me débrouiller comme une grande fille.
La voiture s'arrête devant la fac et je respire enfin. Charly est adorable mais quand il s'imice dans ma vie amoureuse ça finit toujours mal. Je pose un doux baiser sur sa joue et descend.
-Pas de bêtise!il lance avant de s'en aller.
Je pénètre dans le bâtiment. Le Brun sombre et la bonne odeur des pots de peinture fraîchement ouverts m'accueillent. La HMG université of arts, est la plus hupée du pays, et la plus reconnue de Paris. J'ai dû attendre deux semaines sur liste d'attente pour y être accepté mais le jeu valait largement la chandelle. Elle regroupe différents pôles artistiques comme l'écriture, la peinture, la sculpture et même la musique et le choix des cours est libre. Cette université est parfaite pour moi. La sonnerie résonne et je me précipite vers ma salle de cours.
-Madame Smith arrêtez de courir dans les escaliers. Vous allez tomber! crie la surveillante
Je ne l'écoute pas et arrive enfin devant la porte. J'ai vingt-et-un ans. Je peux quand-même veiller sur mon corps. Bon d'accord, je me brûle encore en faisant du popcorn et je sautille comme une gamine devant une sucette. Mais il y a pire comme comportement. Comme lâcher le volant en plein examen de conduite?lance ma conscience. Ok, un point pour toi. Je tourne la poignée et entre dans la pièce. Je ressens toujours beaucoup de joie à être ici. Mes problèmes semblent s'évaporer à la vue des toiles et tenir un peinceau me procure plus de plaisir que n'importe qu'elle expérience sexuelle sur terre.
Nous devons être une bonne cinquantaine d'élèves. Chacun s'assoit sur l'un des petits tabourets entourant la scène ronde. Aujourd'hui ni les toiles ni les chevalets ne sont de sortis. La scène aussi est vide. Il devrait y avoir un modèle, un arrangement d'éléments naturels tels des fruits, ou un homme nu pour le dessin. Il sortirait par la porte qui nous fait face et se présenterais. Mais rien ne vient. Je regarde perplexe mes camarades mais eux aussi n'y comprennent rien.
Soudain, la poignée se tourne et la directrice rentre. Dans une longue robe noire moulante, comme d'habitude. Elle lui va bien, même si elle irait mieux avec ma peau caramel et mes cheveux crépus.
-Bonjour chers élèves, je suis désolé du petit contretemps.
Un homme rentre à son tour dans la pièce. La démarche élégante, le torse enveloppé d'une chemise blanche, il avance vers nous et rejoint Mme.Simini sur la scène.
-Je vous présente votre nouveau professeur. Monsieur Angel Seth Saint.
...
Dernière version du premier chapitre. Promis juré. J'espère que vous avez aimé ❤️
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