Chapitre 14.1: Lek
Daw reviens avec une couverture et m'enveloppe délicatement. Puis il me soulève de nouveau, pli mon fauteuil et m'emporte hors du studio d'enregistrement. Je me laisse faire et quelque part les mouvements me bercent. Je me colle tout contre son torse et peux même entend les battements de son cœur. Il bat paisiblement et c'est très apaisant.
Au point où mes paupières deviennent de plus en plus lourdes et je ferme enfin les yeux. J'ai envie de m'endormir, là, au creux de ses bras, parce que je m'y sens en sécurité. J'aime sentir son odeur et savoir que je suis la seule personne dont il prend autant soin.
D'habitude, je n'aime pas qu'on se souci autant de moi mais, si c'est lui, ça me va, parce que je sais qu'il n'a aucune intention cachée. Il le fait parce qu'il en a envie, parce que ça me fait plaisir. Alors pourquoi ne pas se laisser faire et profiter de cette belle soirée ?
Il ouvre de nouvelles portes et nous entrons dans sa chambre. Elle n'a rien à voir avec la mienne, même si je leur trouve une petite similarité. Moi aussi j'aime bien la musique. Sauf que ma décoration est plus en lien avec la k-pop. J'ai aussi pas mal de figurines et quelquefois j'aime bien écouter du rap et du R&B. Mais je n'arrive pas à la cheville de Daw.
Lui a les murs remplis de vinyle et une armoire entière remplie de CD. Je me demande s'il a d'autres passions que la musique. Quelque chose d'autre qui le rende heureux et qu'il aimerait partager avec moi. Même si j'en doute, parce que, pour l'instant la musicale obsède ses pensées et semble contrôler sa vie.
Il finit par me déposer sur le canapé et allume la télé.
-On va se faire une soirée romantique ? je demande
Il sourit.
- Peut-être... mais avant je veux être sûr que tu ailles bien.
- C'est le cas, je le rassure. Tu n'as pas à t'inquiéter. Si quelque chose n'allait pas, je te l'aurais déjà dit.
-Ok.
- Et toi ?
Un moment de silence et je peux lire la surprise dans son regard. Il ne s'attendait pas à ce que je pose cette question. Quelque part, j'ai un pansement cœur en me disant que peut-être personne avant moi n'a pensé à la lui poser. Pourtant, pour moi, c'est tout à fait évident. Le bien-être dans une relation est important dans les deux sens pour les deux partenaires.
Je pose ma main sur sa joue et la caresse doucement sans quitter son regard.
-Tu vas bien Daw ? je répète.
Il hoche la tête doucement et glisse un léger « oui ». Je suis rassuré. J'ai besoin de savoir qu'il va bien. C'est important pour moi, parce que je tiens à lui et parce que c'est ce que tout bon petit-ami est censé faire.
-Tu sais, si tu veux, on peux parler de ta crise d'angoisse, je glisse.
Il a un sourire nerveux et je comprends qu'il n'en a pas envie. Je comprends que ce soit compliqué pour lui : il est quelqu'un de très secret mais au moins j'aurais essayé.
-D'accord, je n'insiste pas.
-Merci, il répond. Bon et si j'allais chercher un peu de glace ?
-C'est une superbe idée.
-Quelle parfum ?
Je réfléchi un bon moment. Je ne veux pas qu'il se prenne trop la tête à aller chercher mon parfum préféré, surtout qu'il fait nuit. Puis je me rappelle qu'il est sûrement riche comme Crésus et donc doit avoir un frigo rempli de glace délicieuse à manger.
-Pourquoi pas pistache...
-Va pour la glace pistache alors.
Puis il dépose mon fauteuil près du canapé et quitte la pièce. Mais je ne compte pas rester tranquille à l'attendre. Je récupère mon fauteuil et par à la découverte de sa chambre. Il a plein d'objets très intrigants. Des choses que je ne m'attendais pas à retrouver dans sa chambre, comme une perceuse. Pourtant il n'a pas la tête à aimer le bricolage. Mais j'ai remarqué qu'il y a au fond de la pièce un petit coin rempli de tableaux. Je comprends à quoi elle sert, à présent.
Je les observe un moment. Malgré leur air étrange, j'y trouve quelque chose de poétique. On sens que celui qui les a peints y a mis de la passion. Et, même si moi je n'arrive pas à les déchiffrer, je sais qu'ils comptent beaucoup pour lui. C'est signé K. Ça ne peut pas être « K » comme Kam. Il n'a pas la tête à faire de l'art mais Kitty, c'est tout à fait possible. Et ça expliquerait pourquoi Daw a fait un coin juste pour ses tableaux. Je sais à quel point il tient son frère.
Kitty a la chance ! Moi aussi j'aimerais toujours avoir mon frère près de moi. J'aime à penser que quelque part, il veille toujours sur moi mais je n'en suis pas aussi sûr. Depuis qu'il est mort, je n'arrive pas à sentir sa présence. Et je me sens seul. Je ressens un vide que personne n'arrive à combler, pas même Daw. Je suis en colère, je n'explose juste pas pour ma mère. J'essaye d'être fort pour elle, parce que je sais qu'elle essaye aussi de l'être pour moi. Mais ne pas savoir ce qui est arrivé à mon frère, ne pas avoir retrouvé son corps, me tue intérieurement.
Seule la vérité pourra apaiser cette douleur dans mon cœur donc je ne désespère pas. Je continue à m'informer sur les portés disparus. Quelquefois, je m'arrête au commissariat du coin, celui qui est tout près de ma maison pour savoir s'ils ont du nouveau. Mais évidemment ce n'est jamais le cas et c'est normal : il y a tellement de gens qui disparaissent. Surtout dans notre quartier ! Les gens ont remarqué que beaucoup de personnes s'évaporaient du jour au lendemain.
Mais la police n'a jamais retrouvé de preuves qui puissent montrer que toutes ces disparitions étaient liées donc ils ont laissé tomber. Peut-être que tout ça a un lien avec la disparition de mon frère mais je ne le saurais jamais. Ma mère non plus et c'est pour ça qu'elle a abdiqué. C'est pour ça qu'elle le considère mort : pour avoir moins mal parce qu'elle sait. S'il y a une chose que j'ai appris de la vie, c'est qu'il y a des centaines, voir des milliers de façons de mourir tragiquement. Mais rien ne tue plus atrocement que l'espoir.
Je sais que beaucoup de gens se disent que tant qu'il n'y a pas de corps, on peut considérer que cette personne est toujours en vie. Moi aussi je pensais ça. Mais après que la police ai retrouvée les habits de mon frère dans une mare de sang, ils ont conclu qu'il n'y avait aucune chance qu'il soit toujours en vie. Pas après avoir perdu autant de sang. Mais on espère encore retrouver son corps, pour pouvoir l'enterrer et qu'il repose enfin en paix. Il le mérite. Mais n'a pas encore eu cette chance.
J'ai l'impression d'avoir failli à ma mission. Chaque jour, je n'arrête pas de repenser à ces après-midi où on adorait jouer dehors à se pourchasser, à se taquiner. Il affichait toujours un immense sourire, parce que le plus important pour lui n'était pas de gagner mais de me rendre heureux. Et il le faisait très bien ! Il m'a toujours protégé et moi je n'ai même pas été capable de le retrouver. Je me rappelle qu'il ne voulait pas que je fasse ce voyage scolaire. Il voulait que je reste avec lui.
Il m'avait supplié de rester avec lui. Si je l'avais fais, il ne serais jamais sortie seul de la maison. Non, il aurait été trop occupé pour ça. Trop occupé à écouter mes blagues pas marrantes et à me pincer les joues mais je n'étais pas là. Lui l'a été, chaque fois que j'en ai eu besoin. La seule fois où lui a eu besoin de moi, je n'ai pas répondu présent et c'est un regret que j'amènerai avec moi dans ma tombe.
Je pose ma main sur ma joue humide et je me sens stupide de pleurer. Parce que ça ne change rien : tout est de ma faute. Et même l'univers est d'accord avec moi. C'est pour ça que j'ai fini dans ce fauteuil et c'est pour ça que j'accepte si bien ma condition. Ce n'est pas parce que je suis un grand optimiste mais parce que j'ai accepté ma punition. Je dois payer pour ce que j'ai fait ! Je ne l'ai peut-être pas tué mais c'est comme si. J'aurais dû être là je n'avais aucune excuse. Je suis sûre que même lui me blâme.
- Je suis désolée Chay...
Je fonds en larmes comme je ne l'ai jamais fait depuis sa mort, mais comme j'aurais dû. Parce qu'à cet instant je ne vois pas ce qui me retiendrait de pleurer. J'ai tellement mal. Je me sens tellement coupable, je me déteste. Quand il est mort la ce chose qui m'a empêcher de sauter par la fenêtre, c'était que je trouvais ça trop facile. Je devais rester en vie et payer pour ma faute comme un condamné à mort.
Je veux qu'il me pardonne. Je veux qu'il sache que si je pouvais revenir en arrière, je le ferais sans hésiter une seconde. Si j'avais pu échanger nos places et subir ce qu'il a subi je l'aurais aussi fais. Mais pour l'instant, je dois me reprendre. Daw risque d'entrer dans la pièce à n'importe quel moment. J'essuie rapidement mes larmes et retourne sur le canapé. Une heure passe puis deux heures...trois heures...
Je me demande ce qu'il fait. Il ne faut pas autant de temps pour aller chercher une glace. Peut-être qu'il faudrait que j'aille voir ce qu'il fait. Et s'il a besoin d'aide ? J'imagine le pire. Et s'il avait perdu connaissance ? S'il avait fait un malaise. J'essaye de me rassurer mais ça ne fonctionne pas. Donc je m'empresse de quitter la pièce. Puis j'avance lentement dans le couloir, atteins l'ascenseur et rejoint le rez-de-chaussée.
Essaie d'éviter de croiser qui que ce soit. Enfin, sauf si c'est Tae ou à la limite Kitty, je sais qu'ils sont sympas. D'ailleurs, j'ai très mal jugé Kitty la première fois que je l'ai croisé. Au final, il est plutôt sympa, je l'avouer. On aurait même pu être ami dans une autre vie ou dans celle-la, qui sait... Mais les autres membres de la famille me font encore un peu peur, surtout Kam. Je n'aimerais pas le croiser. Il n'a pas l'air aimable, comme cette « Angie ».
Elle, si je la croise, je n'hésite pas une seconde à lui en foutre une. Ça lui apprendra à courir derrière mon mec. Elle ferait mieux d'aller s'en chercher un. Il y en a plein les dispos, même s'il n'y a pas plus doux, plus gentil et plus loyal que Daw.
Je le cherche du regard mais il n'est ni dans le salon, ni dans la salle à manger. Donc je vais dans la cuisine et finit enfin par le trouver. La pièce est plongée dans le noir mais j'entends deux voix. La première est celle de Daw mais j'ai du mal à reconnaître la seconde. Je sais juste que c'est un homme. Puis, finalement, en tendant bien l'oreille et surtout quand mes yeux commencent à s'habituer à l'obscurité, je reconnais enfin la voix de Jimi. Je ne m'attendais pas à les voir ensemble, si tard.
Je pourrais aller leur parler mais je n'ai pas envie de faire ma fouine. Surtout je n'ai pas envie de faire croire à Daw que je suis jaloux ou que je ne lui fais pas confiance. Même si ce n'est pas très faux. C'est juste que chaque fois que j'ai accordé une pleine confiance à des personnes, je l'ai regretté. Les gens aiment faire des promesses qu'ils ne peuvent pas tenir. Le pire, c'est qu'ils y croient. Ils pensent vraiment y arriver mais tout ce qu'ils font c'est s'empêtrer dans les mensonges et demander pardon. Alors que c'est trop tard, beaucoup trop tard.
Avec Daw, je ne veux pas prendre le risque . Je ne vais pas sagement retourner dans sa chambre. Non, à la place, je vais rester un peu. Je veux entendre ce qu'ils ont à se dire. Je suis sûre que ce n'est rien de très important et que je me fais des idées. Mais quand je vois la manière avec laquelle Jimi le serre dans ses bras et avec quelle facilité Daw se laisse faire ça ne me rassure pas beaucoup.
Double chapitre aujourd'huit! J'ai été efficace et productive.
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