Plus nous nous enfonçons dans la forêt et plus la peur m'envahis.

-Ils sont sûrement devant le château. Heureusement que je sais me repérer...

-Heureusement...

J'écoute à peine ce qu'ils se disent. A vrai dire, je lutte pour garder les yeux ouverts. L'épuisement menace et je ne peux même pas me permettre de faire une pause. Ma vision se flou à chaque bouffée d'air trop grande et j'ai mal...tellement mal. Mais qu'est-ce que cela peut bien leur faire, à eux, trop préoccupé par leur partie de chasse...

-Je pense à un truc...

-Quoi?

-Si on se pointe juste avec un seul cadavre, c'est sûr, on peut dire adieu au premier prix.

C'est donc tout ce qui les intéresse ?!

-Pas bête...Tu as un autre plan?

-Oui...on pourrait la tuer et reprendre la partie. Je suis sûr d'avoir entendu des pas vers la droite...

-Oh. C'est tentant.

Beaucoup trop pour qu'ils y résistent.

J'ai peur...peur qu'il me tirent une balle entre les deux yeux, pour reprendre leur jeu malsain. Mais je dois avancer et oublier cette idée. Les paupières fermées...priant silencieusement de me tromper.

-Et si j'y allais? Toi tu pourras rester la surveiller, grand frère...

Le plus calme des deux semble être l'aîné et prendre toutes les décisions. Alors que l'autre, excité à la moindre suggestion n'est bon qu'à pointer son fusil sur ma tempe. Je préfère rester avec son frère. Il est plus posé. Je serais soulagé qu'il lui passe l'arme. Mais ça n'a pas l'air de l'intéressé.

-Vraiment ? Tu veux aller affronter les autres? Seul? L'accident de l'an passé ne t'a pas suffit?

Il s'arrête un moment et inspecte le visage de son frère, soucieux.

-Tu as perdu l'œil gauche. On a rattrapé le droit, de justesse. Tout ça pour une stupide course!

La culpabilité lui fait sûrement baisser les yeux. Mais je suis trop préoccupé par ma propre situation pour compatir.

-Mais, si tu y tiens autant...je vais y aller.

Quoi? Il veut me laisser avec le fou furieux?

-Vraiment?!

-Oui. Toi, garde un œil sur elle. Je fais vite.

Je frissonne à cette idée. Mais je ne peux pas me laisser distraire par cela maintenant. Je dois me concentrer sur ma survie et trouver un moyen de m'échapper de cette situation terrifiante. Plus je les observe, plus je me rends compte à quel point ils sont dangereux. Le bracelet de l'ainé fait un bruit étrange. Je l'avais remarqué depuis tout à l'heure. Sans savoir qu'il portaient des dents humaines, en charmes. Ce sont eux qui font ce drole de bruit. Ils claquent les uns contre les autres, quand leur possesseur explique calmement que me tuer est une perte de temps...

Je les écoute, même si je ne n'en ai pas envie. Leur conversation est plus interessante que je le pensais. Elle dévoile leur véritable nature: ils n'ont aucune considération pour la vie humaine.

Je dois trouver un moyen de m'échapper de leur emprise avant qu'il ne soit trop tard. Mes pensées se bousculent alors que je cherche désespérément une solution. C'est là que me vient une idée. Tom me dirait qu'elle est stupide et risquée. Idiote...Mais il n'est pas là. Il n'est pas à la merci de deux inconnus au regard glacial. Non, lui doit être au chaud, étalé sur le canapé. Peut-être même qu'il désaoule encore.

Et moi je dois me sortir de ce merdier! Donc j'attends qu'ils procèdent à l'échange d'arme. Je réalise aussi que me retrouver avec le cadet pourrait être un cadeau. Il a beau être plus instable...il a beau être plus nerveux de la gâchette...il a une belle faiblesse: un œil en moins.

Dès qu'il se retrouve seul, je lui donne un coup de pied dans les bijoux de famille. Ça n'arrange pas ma douleur au genoux mais le voir s'étaler sur la neige est bien satisfaisant.

-...garce...

Je remarque que son arme est également au sol. Mais dès que je tends le bras, il se relève. D'un coup, sans la moindre hésitation. Comme s'il ne sentait plus la moindre douleur. Comme si rien ne sétait passé.

-Qu'est-ce que tu pensais ? Me la faire à l'envers, petasse?

Je reçois un premier coup dans les côtes. Puis un second.

-J'aurais dû te buter depuis longtemps !!!

Il est furieux mais je n'y pense pas. Je n'ai en tête que ce fusil, que je vois lentement se rapprocher de moi. Car, à chaque coup qu'il me donne, mon corps est projeté vers l'arrière. Donc je les encaisse tous. Et je me rapproche de plus en plus...de la liberté.

Pourtant, d'un côté, cela me terrifie aussi. Qu'est-ce qui se passera une fois que je l'aurais eu? Une fois que je l'aurais touché? Qui dit que j'aurais la force de l'utiliser ? Qui dit que je saurais comment faire? Personne mais là, tout de suite, j'ai mal. Tellement mal.

Mon corps tout entier a envie de lui tirer dessus.

-Je vais t'enterrer si profond que personne ne te retrouvera!

Il fait froid...si froid...

-Fallait pas jouer avec mes nerfs!

Mes doigts se posent enfin sur la gâchette. Il se fige.

-Oh...qu'est-ce que tu penses faire avec ça?

-Te...te tuer.

Ça l'amuse. Je saisi l'arme et la pointe sur lui. Mais ça ne l'effraie pas. Il se place au dessus de moi.

-Et bien qu'est-ce que tu attends ? Tire!

Il saisit le canon et le plaque contre sa poitrine.

-Tire, bordel!

D'un coup, je pâli. Je ne suis plus aussi sûr de pouvoir faire ça. Mes mains tremblent bien trop pour tirer. La peur me paralyse. Je ne peux pas le tuer. Je ne peux pas prendre une vie. Je ne suis pas comme eux.

-T'attends quoi, merde?

Je n'en sais rien.

-Chochotte...

Il frappe violemment l'arme qui me glisse de mains. Je dois la reprendre...Mais il m'arrête dans mon élan. L'une de ses mains m'agrippe la nuque pendant que l'autre m'assène un coup de poing. En plein visage.

-C'est si...satisfaisant, il glisse entre deux coups.

J'aurais dû trouver la force de me relever et courir dans la forêt. J'aurais dû me tenir debout et avancer sans hésiter. Mais les coups m'empêchent de voir clair. Tout autour de moi devient encore plus trouble.

-Ne perds pas ton temps. Personne ne peut t'entendre ici.

Sa réaction aux minces gémissements s'échappant de ma gorge.

-Tu ne réplique pas? Tu n'as plus de force?

Je n'en ai plus...la moindre goutte.

-C'est plus marrant quand tu ne résiste pas...

Lui aussi semble épuisé. Je sens ses mains se refermer autour de mon coup et me plaquer violemment au sol. Je tente de me débattre,en vain. Sa prise est trop forte.

-Un dernier mot, pétasse?

Je...

-Et toi? Tu en as un?

Cette voix n'était pas la mienne.

Je reprends mon souffle, quand il me lâche et tombe au sol. Puis il gémit sur la neige trempée de son sang. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, jusqu'à lever les yeux. Et là, elle apparaît.

-...putain...

-Arrête de chouiner. J'ai tiré dans la jambe.

Le ton de sa voix de sa voix est toujours aussi sec, et son regard...en se posant sur moi...devient glaciale. Je sens qu'elle se retient de m'en mettre aussi une.

-Qu'est-ce qu'on fait de lui?

Sa question me prend tant par surprise que je pense qu'elle parle à quelqu'un d'autre.

-Tu veux...,elle se retourne vers lui,...que je le tue?

Elle le ferait ?

-T'as pas intérêt...

Le concerné proteste mais Madame Rose le fait taire. Elle enfonce sa bottine noir dans sa blessure douloureuse.

-J'attends, Lila. Qu'est-ce que tu veux? Que je le bute?

À quel jeu elle joue? Ce n'est pas marrant.

-Après m'avoir enfermé toute la nuit avec une bande d'assassins...maintenant, tu veux m'aider?

-Te faire tirer dessus par l'un de mes invités ne faisait pas parti de la punition.

-La punition...qu'elle bonne blague.

-Bien.

Elle lance un large sourire au brun.

-Fais-toi plaisir, Theodore. Achève-la.

Il ne ne se fait pas prier. Elle prononce à peine ces mots qu'il avance déjà dans ma direction, près à me sauter au cou. Sa douleur devient secondaire et en rampant, il arrive à agripper ma jambe. Je cris, en le repoussant. Mais il tient bon.

-Tu n'as qu'un mot à dire, Lila...Arrête de jouer aux saintes.

Je ne peux pas...

-Lila...

Elle me presse. Et lui réussi à récupérer le fusil. Il va me tuer, cette fois. Il ne me ratera pas.

-Tue-le!!!

Je cris à pleins poumons et elle s'exécute. Un point rouge apparaît au milieu de son front et il s'écroule, d'un coup. C'est si violent...si soudain...Je ne réalise pas sur le coup. Je ne pensais pas qu'elle le ferait. Mais, en même temps, comment j'avais pu en douter? Après ce que j'ai vu, hier...

Et quand je pose mon regard terrifié sur ses pupilles sombres de plaisir, je comprends qu'elle est pire qu'eux. Pire que tous ces criminels enfermés dans cette forêt. Elle ne ressent pas la moindre goutte de compassion, ni aucun remord à retirer une vie aussi facilement.

-Ça, Lila, c'est la vrai vie...

Elle tient toujours son fusil, comme s'il allait revenir des morts.

-C'est tuer où se faire tuer, pour un rien. Être faible et se faire dominer ou...être fort et dominer. Et encore, tu as eu de la chance...Dans cette vie de merde, personne ne vient nous sauver. Si tu n'es pas prête à l'affronter retourne dans ton conte de fée !

Ce chapitre a été dur à écrire mais en valait la peine. J'espère que vous avez aimé 💕😊