–Quoi, tu en doutes ?

–Oui, c'est un peu compliqué de la reconnaître, en journée. Je viens souvent de nuit.

-Pourquoi ?

Je ne suis même pas sûr de vouloir savoir.

–Moins tu en sais, mieux ce sera.

-Bien.

Je n'insiste pas.

–Tu te gare où ? Je ne vois pas de...

J'ai à peine le temps de finir ma phrase qu'elle fonce sur la raie de pissenlit et manquent d'écraser le chien de la voisine.

-T'es malade?!

-Quoi? Ce sont les pissenlit de la voisine. Madame Kim y est allergique mais cette mégère refuse de les déplacer, juste pour l'agacé.

J'explose de rire.

–Je croyais que tu n'aimais pas ta belle-mère.

–Tu plaisantes ? J'ai dis qu'elle était collante, pas détestable comme la tienne.

Ce n'est pas faux...

-On échange?

-Même pas en rêve!

J'aurais essayé.

-On descend, ma puce? elle lance regardant par le rétroviseur.

Kaya semble toute excitée, confortablement assise dans son siège auto. Elle a l'air tout aussi pressé que nous d'en finir avec cette histoire. Puis nous descendons.

Plus vite on récupère ce qu'Ana est venue chercher et plus vite on pourra passer à la suite. Heureusement dès que nous sonnons, la porte s'ouvre et Madame Kim apparaît. Avec un large sourire qui s'agrandit encore plus, quand ses yeux se posent sur sa petite-fille.

-내 공주님...  (ma princess...)

Elle a l'air si content de la voir. C'est trop mignon! Si seulement on avait le temps de profiter de toute cette douceur. Mais malheureusement nous sommes pressés.

-On est juste venu récupérer quelque chose, belle maman.

-Qu'est-ce que tu racontes? Vous n'avez même pas le temps de déjeuner ?

-Non, malheureusement. Mais ce sera pour une prochaine fois. Il est là beau-papa?

-Oui...

Ana rentre dans la maison, en furie. Elle prend juste le temps de retirer ses chaussures avant de débouler dans le salon. Moi j'offre à Madame Kil un sourire nerveux et suis, au mieux, mon ami. Mais c'est compliqué de suivre ses pas, dans cette grande maison.

Une maison traditionnelle coréenne dans toute sa splendeure. Un lieu empreint d'histoire et de charme, où chaque élément respire l'authenticité et la richesse de la culture coréenne.

Dès que l'on franchit la porte d'entrée, on est accueilli par un magnifique hanji, un écran de papier coréen délicatement orné, qui diffuse une lumière douce et tamisée dans toute la pièce. Les murs en bois, aux tons chauds, révèlent l'artisanat traditionnel, avec des détails finement sculptés représentant des motifs floraux et des symboles culturels.

Le sol en ondol, chauffé par le dessous, procure une sensation agréable sous les pieds, invitant à s'asseoir sur les coussins moelleux disposés autour d'une table basse. Cette dernière est encadrée par des meubles en bois laqué, décorés avec des incrustations de nacre, véritables œuvres d'art qui racontent l'histoire de la dynastie coréenne.

Les portes coulissantes en bois, appelées "hanji", séparent les différentes pièces de la maison, offrant une flexibilité d'espace et créant une atmosphère chaleureuse. Chaque pièce est conçue pour s'ouvrir sur le jardin intérieur, créant ainsi une connexion harmonieuse avec la nature environnante.

Le plafond en poutres apparentes ajoute une touche rustique, rappelant la simplicité élégante de l'architecture coréenne traditionnelle. Les fenêtres en bois, délicatement ouvragées, laissent filtrer la lumière naturelle tout en préservant l'intimité de la demeure.

À l'extérieur, le jardin, appelé "won", est un havre de paix. Les pierres soigneusement disposées, les arbres en pot et les plantes délicates créent un paysage serein, invitant à la méditation et à la contemplation.

Cette maison est bien plus qu'un simple abri ; c'est un témoignage vivant de l'histoire et de la culture de la Corée, où le passé et le présent se rencontrent dans une harmonie intemporelle.

C'est toujours un plaisir de venir ici. Malheureusement je n'ai jamais vraiment le temps d'en profiter. Ana ne m'en laisse jamais le temps. Une fois qu'elle obtient ce qu'elle est venu chercher, on s'en va toujours aussi vite qu'on est venu. Cette fois ne fera pas exception.

Je ne sais pas ce qu'elle est venue chercher mais elle s'agite dans toutes les pièces, comme si elle essayait de trouver une personne en particulier. Sûrement son beau-père...

Heureusement, elle finit par le trouver, dans un lieu plutôt insolite : sur le toit. Ne me demandez pas comment nous sommes arrivés là. C'est une longue histoire... Mais je suis bien heureuse quand elle finit enfin par s'arrêter de marcher. Même si je fini, essoufflée et épuisée. Pas elle! Bordel, elle a de l'endurance! Moi, j'ai les poumons en feu. J'arrive à peine à parler.

Alors qu'elle se lance déjà dans une discussion intense avec le vieillard. Il est surpris de nous voir.

–Ana... c'est un plaisir de te voir. Qu'est-ce que tu...

–Ne vous donnez pas cette peine, Monsieur Kim. Je ne vais pas vous balancer. Je suis juste venue vous emprunter votre détecteur de chaleur.

Il a l'air tout aussi perdu que moi.

–Mon détecteur de chaleur ?

–Oui...vous savez, celui que vous utilisez pour savoir si votre voisine est là. Vous savez, celle aux gros seins.

Un moment.

-Celle aux énormes seins...

-Oh.

Il sourit nerveusement. Décidément cette famille plus de secrets que je l'imaginais. Qui aurait cru que ce vieillard, qui a besoin d'aide chaque fois qu'il doit se lever du canapé, est capable de monter sur le toit de sa maison pour jouer aux voyeurs pervers?

Et moi qui croyais qu'il était juste un retraité avec une carrière de politique respectable. Je retire ce que je viens de dire....je ne connais aucun politique qui soit respectable. Peut-être les rouages du métier.

-Alors, c'est oui ou non ? À moins que vous préfériez que je descende partager votre petit secret avec Madame Kim?

–Mais tu n'as pas honte de menacer un vieillard de soixante piges? je lui chuchote dans l'oreille.

–Moi ? C'est lui qui devrait avoir honte. C'est illégal! Je devrais même l'embarquer au poste pour ça.

Soudain, le vieux panique et se met à genoux. Il manque même de glisser sur les tuiles et, mon cœur, de s'arrêter. Je l'imaginais déjà étalé au sol, après sa magistrale chute du toit.

–Non, pitié. Ne fais pas ça.

–Je veux juste votre détecteur de chaleur. C'est tout. Rien d'autre.

Mais il est toujours aussi réticent.

–Ne vous inquiétez pas, je vous le rendrai.

Il semble enfin céder et sort un appareil de sa poche. Et pendant ce temps, moi, je me demande ce qu'Ana compte bien en faire. Quoique... j'ai bien une petite idée. Cela doit bien être utile pour trouver des corps. Mais est-ce que cela vaut la peine de mettre un vieillard dans cet état? Je sais que ce qu'il fait n'est pas bien, mais à cet âge il faut bien un peu de stimulation non ?

Ce n'est pas comme s'il avait traversé son jardin et agressé sa voisine. Cela me briserait le cœur de devoir venir arrêter le beau-père d'Ana.

-Merci grand-papa!

Elle lui saute carrément dans les bras. Mais cela dur juste un court instant. La minute d'après, elle tourne les talons et m'entraîne avec elle. Et c'est parti pour se retaper cette maudite échelle.

-Je déteste ce truc. C'est si inconfortable à descendre!

-Tu préfères jouer aux acrobates sur l'arbre?

–L'arbre ?

Elle le pointe du doigt et mon sang ne fait qu'un tour. Une idée folle me traverse l'esprit.

–Ne me dis pas que c'est par là que passe Monsieur Kim ? Le soixantenaire souffrant d'arthrose avec une CANNE?

Son regard en dit long.

–Si tu savais ce que ce vieillard est incapable de faire pour une paire de nichons...

-Je devine....

Nous explosons de rire, au point de presque tomber de l'échelle. Après, ce n'est pas comme si nous étions étonné.

-C'est un homme après tout.

-Oui.

-Hey, mais Jay n'avait pas dit que son père avait des problèmes de vue?

Elle s'arrête un moment.

-Si.

-Donc...comment il fait pour la reluquer?

-Ben, on est en semaine.

-Et donc?

-Il n'a pas de soucis de vue, en semaine.

La bonne blague.

-En gros, il baratine.

-Totalement.

Nous rions de nouveau. Nos éclats de voix doivent s'entendre dans toute la maison mais ça fait du bien. Ca me fait oublier tout mon stresse, pendant un moment. Mais dès que nos pieds touchent le sol, il est temps de redevenir sérieuses.

-Bon, écoute. On récupère ma fille et on se tire. Compris?

-C'est ta belle famille. On fait comme tu veux, Ana.

Elle semble soulager et moi aussi. Je ne veux pas lui rajouter plus d'angoisse. Mais il faut encore retrouver Madame Kim.

-Elle joue à cache-cache ou quoi?

Le salon est vide. De même pour la cuisine.

-Merde! Elle a kidnappé ma fille ou quoi?

Non. Elle est dans le jardin, à notre surprise.

-Vous l'avez mise où, Kaya? Ana panique.

-Ne t'inquiète pas, elle est couchée dans sa chambre. Je lui ai aussi acheter un berceau tout mignon.

Puis elle passe de longues minutes à expliquer à quel point elle est adorable à dormir paisiblement dans sa nouvelle chambre. Ça c'est une mamie dévouée!

-C'est adorable de votre part, Madame Kim mais vous pouvez aller la réveiller, s'il vous plait?

-Non.

Je vois venir des ennuis pour Deimos...