–Tu es toujours là, Kyo ?

Mais je ne réponds pas à Alex. Je suis trop occupée à tenter de décrypter l'expression de Deimos. Je me demande ce qui peut bien se passer dans sa tête. À quoi il pense ? Je ne sais pas mais clairement, à quelque chose qui le terrifie. Je ne l'ai jamais vu comme ça. C'est à la fois intrigant et inquiétant, de sa part. Et ça me donne encore plus envie de me renseigner sur cette inconnue. Il la connaît forcément. Sinon ils n'aurait pas réagi de la sorte. Et elle a l'air d'avoir été bien plus qu'une simple connaissance. C'est une chance à saisir !

– Dis m'en plus sur elle, je demande à Alex.

Et notre cher psychopathe panique encore plus. Il finit par me lâcher, balade son regard dans le vide, confus et agité. Puis il finit carrément par prendre la fuite.

–Je reviens... j'ai des choses à régler.

Deimos quitte le sous-sol, à la vitesse de la lumière, sans prendre la peine de se retourner. Et me laisse là, perdue. Qu'est-ce qui vient de se passer ? Mais la situation que je pensais à son maxima, devient encore plus étrange. À travers le téléphone, je l'entends rejoindre Alex. Il a l'air énervé et crie un langage compréhensif. J'essaie de demander ce qui se passe mais ça raccroche. C'était quoi ça ? Mais c'est clairement la confirmation que cette Suki est une piste sérieuse à creuser.

 Finalement, il suffisait juste d'être patient. Deimos s'est trahie lui-même. Et maintenant, il m'a donné l'arme parfaite pour l'atteindre en plein cœur. Mais il reste encore à trouver des informations sur elle. Son nom seul, ne suffira pas à le démolir. J'ai besoin de plus ! De beaucoup plus ! Heureusement, je sais qui appeler. L'une des seules personnes qui me fasse encore confiance et qui rende ce job à peu près supportable : Jay. Je sais qu'il est encore en mission, mais j'ai besoin d'aide. Il comprendra.

Kyo

J'ai besoin de toi.

Jay

Bonjour à toi aussi...

Kyo

Désolé. Mais c'est vraiment urgent.

Jay

Je t'écoute.

Kyo

Trouve moi tout ce que tu peux sur ce nom : Suki Rent.

Jay

Je t'appelle quand j'ai quelque chose.

Kyo

Merci, tu es le meilleur !

Jay

Évidemment.

Maintenant que ça s'est réglé, je peux me concentrer sur ce que je suis venue faire ici. C'est-à-dire, retrouvé ce corps. Enfin, ce qu'il en reste. Parce qu'avec Deimos, il faut toujours s'attendre au pire. Je le vois mal se donner tout ce mal, tuer cet homme, traumatisé sa femme, pour simplement laisser son corps intact au sol. 

De plus que, en jetant un coup d'œil dans cette pièce, je remarque qu'elle est étonnamment vide. Rien, pas même le moindre meuble. Je me suis fais avoir ! Il n'y a rien ici ! Je vais le tuer ! Donc je quitte le sous-sol à mon tour. Et monte les marches deux par deux, bien déterminés à lui foutre mon poing dans la gueule. 

Quand je rejoins le rez-de-chaussée, je trouve les deux acolytes en pleine discussion. Deimos pose son regard sur mon visage et comprend qu'il est temps de partir. Sa réaction, fuir de nouveau. Il fonce vers la porte d'entrée et je le suis.

–Deimos !

Mais j'ai beau crier son prénom à pleins poumons, il accélère. Parce qu'il sait que je ne le suis jamais pour des raisons agréables à entendre. C'est toujours soit pour me bagarrer avec lui, soit pour lui mettre une claque, pendant qu'il me regarde avec des yeux amoureux. Mais apparemment, là, il a d'autres priorités. 

En un claquement de doigt, il enjambe sa moto noire et démarre. Et moi je crie de colère. J'ai besoin de retrouver ce corps ! Si mon supérieur débarque, découvre qu'on stagne et qu'en plus Monsieur Min porte plainte, c'en est fini pour ma carrière. Pourquoi cet homme aime s'acharner de la sorte sur moi ?

J'aimerais tellement qu'il disparaisse de ma vie, une fois pour de bon ! Pourquoi il s'entête à me torturer? Pourquoi il ne me fous pas la paix, tout simplement ! J'en ai marre de lui ! Il ne fait que détruire tout ce qu'il y a de bon autour de moi ! Il est le seul problème que j'ai dans ma vie. Un problème dont j'aimerais bien me débarrasser. Mais c'est impossible ! Il me suis comme une sangsue !

Mais c'est justement pour ça que je dois me calmer et me concentrer sur ce que j'ai à faire. Je dois d'abord régler cette histoire avec Monsieur Min et, ensuite, régler son compte à Deimos. De plus, il est temps de rentrée. Avec tout ça, j'avais totalement oublié les journalistes. Leurs flashs m'éblouis tellement que je manque de tomber. Il ne manquait plus que ça ! Et, en plus, ils me bloquent le chemin. Cette lumière m'empêche de m'orienter correctement. Il faut qu'Alex vienne à mon secours et me ramène à l'intérieur.

-Ça va ? il s'inquiète

–Oui, en quelque sorte...

Mais, je retrouve le sourire en ayant une idée de génie. Pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt ? Qui est mieux placé, après Deimos, pour me parler de cette inconnue ? Celui qui a été en charge de l'enquête ! Je me tourne vers Alex avec un sourire si grand, que ça l'inquiète.

-Dis, bébé, tu peux me parler de cette affaire ?

Mais il semble ne pas comprendre.

-De quelle affaire tu parles?

-Fais pas l'idiot! Celle de Suki évidemment !

-Oh... oublie ! J'ai dû me tromper.

-Pardon ?!

Je ne comprends pas ce revirement de situation. Et pourtant ce n'est pas si compliqué. Qu'est-ce que Deimos a bien pu lui dire pour lui retourner la tête, une fois de plus ?

-C'est lui qui t'a dit de ne pas m'en parler ?

-Oui... enfin, c'est compliqué. Il a peur que tu te mettes dans d'autres problèmes.

-Je vois... dans ce cas, je vais me débrouiller seule !

–Kyo...

-Oublie-moi !

Je me dégage et m'en vais. J'en ai marre de ces hommes ! Ils me rendent dingue ! Quoi que, venant de la part des Deimos, ce n'est pas très étonnant. Mais Alex ? Il est mon partenaire ! Il est sensé me soutenir. Il ne voie pas que cette affaire est important pour moi ? Pourquoi, chaque fois, il préfère protéger Deimos et l'écouter ? Ils sortent ensemble quoi ? Si seulement je pouvais en prendre un pour taper sur l'autre, je le ferai.

 Mais ce serait une perte de temps. Dans tous les cas, ne sont pas les seuls à savoir ce qui s'est passé. La majorité des affaires dans lesquelles Alex a travaillé sont des homicides. Donc, il y a des chances pour que cette Suki soit morte. Et si c'est le cas, elle a forcement été amené ici. Il y a beaucoup d'hôpitaux à Tokyo, mais c'est le plus grand et le plus fréquenté. 

Et puis, peut-être que la chance est de mon côté aujourd'hui. Mais à qui demandé ? C'est ce que je me demande, en traversant le long couloir. Je me fatigue pour rien. Donc je décide d'arrêter le premier médecin que je croise et de lui demander conseil.

–Excusez-moi, vous avez bien une morgue ici ?

–Oh, vous êtes l'inspecteur en charge de la disparition de Monsieur Jun Min ?

–Oui.

–Je peux vous garantir que si son corps avait été amené à la morgue, ce serait dans les registres.

–Oh je sais, en vérité, ce n'est pas à ce sujet. J'ai besoin de parler au médecin légiste au sujet d'une autre enquête.

–Ah ! Je comprends... dans ce cas, suivez-moi !

Enfin quelqu'un qui veut m'aider. Pas comme ces deux inutiles que je dois me coltiner toute la journée ! Donc je suis le charmant médecin et nous nous retrouvons, de nouveau, sous terre. Mais rien à voir avec l'espèce de cave sombre dans laquelle Deimos m'a poursuivi. 

Cette nouvelle pièce est très lumineuse et beaucoup moins effrayante. Enfaite, il est même très difficile de savoir que c'est une morgue. Les murs peints en blanc et les néons au plafond y apportent beaucoup de luminosité. Ce long couloir et presque rassurant.

–C'est la pièce tout au fond. Vous ne pouvez pas la rater ! Il m'indique.

Et en effet, il n'a pas tort. Pas moins de s'y tromper. Donc je le remercie et me dirige vers cette fameuse porte. Puis je l'ouvre et suis accueillie par le médecin légiste. Enfin, la médecin légiste.

–Je peux vous aider ?

Son carré parfait et ses fins cheveux foncés lui donnent un air sévère. Mais je suis sur que sous cette obsession pour la perfection, il y a un grand cœur. Après tout, c'est ça aussi être flic : faire un peu de profilage de temps en temps. Et quelque chose me dit qu'elle est une personne digne de confiance.

–Oui, désolé de vous déranger mais j'aurais besoin de vous poser des questions sur un corps que vous auriez peut-être reçu.

–Peut-être ?

–Oui, je sais que ça peut paraître bizarre mais...

Autant se lancer.

–Est-ce que le nom de Suki Rent vous évoque quelque chose ?

Elle a une réaction tout à fait étonnante : un léger ricanement. Comme si je lançais la question la plus stupide au monde.

–Vous en avez mis du temps...