Pourquoi stress-il toujours autant avant de franchir l'entrée de ce fichu bar? En le voyant hésiter ainsi face à la poignée on aurait pu croire que sont sort allait se jouer à l'intérieur de l'établissement mal fammé.

Mais peut être aussi que que ce soir, les rires semblent plus nombreux et la salle plus pleine...

La porte s'ouvre violemment laissant apparaître la silhouette de l'unique barman de l'enseigne qui l'invite à entrer d'un geste exagéré d'une courbette humoristique.

" Comment tu...? demande le plus jeune étonné.

Éric pose un doigts sur ses lèvres de manière à créer un minable suspense.

- Secret de magicien. répond-il en souriant.

- Nan sérieusement... Tu guette ma venue? Il y a des caméras? Tu as un complice en face?"

Comme pour confirmer ses dires, il se retourne pour chercher un quelconque espion imaginaire posté au coin de la rue créant l'hilarité chez la personne tenant toujours la porte ouverte.

" Bon... Je m'apprête à te révéler un grand secret transmis de génération en génération... chuchote Éric."

Charles se penche, curieux.

"En fait... reprend-il. La porte et transparente..."

Le brun baisse la tête pour regarder le porte en question, effectivement malgré les affiches collées maladroitement dessus elle translucide...

Énervé de s'être laissé avoir, il rentre dans le bar sous les moqueries d'Éric.

Une fois rentré il se rend compte que la musique est bien plus forte que dehors ce qui paraît logique lorsque qu'on y pense...

Charles se dirige d'un pas mal assurer vers le comptoir. Lui même abandonné de tous pour les tables près de la scène en bois où s'égosille un chanteur à la voix traînante.

Le jeune barman passe de l'autre côté histoire de terminer de servir les nouveaux clients...Tout le monde se bouscule et discute à voix haute de manière inaudible et désagréable.

" Sinon je te sers quoi mon petit? Un lait à la menthe ou un sirop de fraise? l'interpelle Éric depuis une table plus éloignée.

- Je, ne, suis, pas, petit, râle son client entre ses dents. En plus je suis sûr d'être bien plus vieux que toi! Les goûts ne désignent en aucun cas l'âge réel de l'intéressé."

Content de sa blague, le serveur retourne en face de Charles et sors une bouteille orange du mini bar posé sur le plan de travail.

Le brun désigne la bouteille étonné. Ne pouvant se faire comprendre par des mots dans ce bruit, Éric devra se satisfaire de gestes. Comprenant encore une fois la question silencieuse il esquisse un sourire moqueur et répond plus proche de lui pour qu'il saisisse ses mots.

" Une boisson pour ces dames, histoire de ne pas te rendre ivre cette fois-ci..."

Charles grogne avant de se saisir du verre que le barman a mis à sa disposition. Le flot de paroles incompressible s'échappant du micro lui donne le tourni, c'est bien trop fort. Il s'apprête à se tourner vers Éric pour lui demander des boules Quies mais il est déjà réparti.

J'ai l'impression que ça fait trois jours non-stop que je vis dans ce bar, pense-il.

Le jeune homme observe la salle depuis son siège, pourquoi ne connait-il jamais personne au fêtes?

Il soupire avant de se retourner vers son verre vide, Éric lui a bien dit que c'est un alcool léger. Alors un deuxième verre pour passer le temps ne lui fera pas de mal.

J'ai aussi l'impression de passer ma vie à me bourrer ici... Enchaîne-il mentalement.

Voyant un deuxième homme derrière le comptoir à la place de son seul ami présent, il lui demande de la resservir tout en lançant de petits regards en coins au barman occupé au loin.

La musique est vraiment bonne... Il la connais d'ailleurs, elle tourne souvent en boucle dans l'appartement. Même si c'est une reprise il remarque tout de même les paroles communes.

« If we live our life in fear
I'll wait a thousand years
Just to see you smile again
Kill the press for love in peace
You'll wake the far police
We can hide the truth inside»

Servi, Charles avale son verre d'une traite les yeux perdus sur la scène... Aidé de l'alcool, la musique lui paraît bien meilleure qu'avant, elle lui donne même envie de danser...

Il souris à cette il y a bien longtemps qu'il n'avait pas dansé autre chose que les cours de flamenco de clémentine.

Clémentine... Elle lui manquait un peu bien sûr... C'est une jeune fille gentille quand on apprend à la connaître.

Sans s'en apercevoir, le jeune client avait déjà fini près du tiers de la bouteille, il a un hoquet de surprise en l'apercevant...

Éric va me tuer... songe-il.

Non, Éric ne lui dira sûrement rien, il est majeur et il a de quoi payer, il n'a de comptes à rendre à personne. Content de son raisonnement, il se lève et se dirige vers la piste de dance improvisée par l'écartement de quelques tables.

D'abord timidement, puis plus engagé, ses pas de danse l'inspire et il attrape la première personne à sa portée pour la faire danser avec lui. Une jeune femme rousse aux grands yeux verts, absolument magnifique.

" Je peux? demande le jeune homme en attrapant sa main.

- Bien sûr! Lançe-elle en souriant, on ne m'invite pas souvent à danser.

- Pourquoi? Vous êtes absolument sublime, s'indigne Charles avec effusion.

- Je n'ai pas un corps parfait en fait, rougit la jeune femme, mes amis me trouvent gentiment trop ronde."

Il lance un regard d'ensemble à sa compagne de danse, elle est très belle malgré ses formes prononcées qui ne sont en rien un défaut.

" Charles! appelle une voix connue."

Il se tourne pour apercevoir Éric au loin qui lui lance un regard complice. Il lâche tristement les main de la jeune femme et lui demande.

" Vous vous appelez ?...

- Laure! Laure Anesty, et vous? répond elle.

- Charles Cebale, ajoute-il avec empressement, je reviens... un ami m'appelle."

Il quitte la jeune femme pour se diriger vers son nouvel ami l'attendant au comptoir.

" J'espère que tu as une bonne raison de me déranger... Elle est magnifique... lance-il au barman.

- On fait une partie d'action ou vérité en binômes avec les potes, tu veux te mettre avec moi? questionne Éric en souriant."

Charles lui lance un regard meurtrier.

" Tu n'es pas sérieux Éric.

- Bien sûr que si, répond le barman faussement outré, aller viens! Ta belle c'est déjà retrouvé un cavalier!"

En se retournant une nouvelle fois vers la piste, le jeune ce rend compte qu'il dit vrai. Charles soupire une nouvelle fois et regarde l'autre jeune homme dans les yeux.

" Ok, je joue. répond il à la question restée en suspend."

Il s'installe autours de la table avec trois autres «couples» plus où moins mixtes. La plupart ayant déjà pris une cuite monumentale et tenants à peine debout.

Le temps passe et les bières s'enchaînent à une vitesse phénoménale chez les autres comme chez lui. Les questions tournent et les gages provoquent de grands éclats de rires au saint de l'assistance. Mais soudain...

" Éric...Tu doit embrasser... l'gamin!"

Désignant Charles, l'homme a un sourire malsain collé au visage. Éric hausse les épaules et s'approche du «gamin» effrayé pour déposer un baisers sur sa joue.

" Mais non! reprend l'homme passablement énervé, sur la bouche idiot!

- Pardon! hurle Charles.

Le client se retourne vers lui.

- Ne fait pas ta prude, c'est pas ton premier bisou, si? Alors Éric embrasse le bordel! Puisque lui n'est pas capable de la faire, crie-il."

Le barman lance un sourire désolé à Charles avant de l'embrasser rapidement sur la bouche. Il retourne presque aussitôt à sa place.

Le jeune homme est pivoine, et histoire de se redonner consistance il décide de terminer sa bière d'une traite. Ce qui n'a pour effet que d'accentuer son mal de tête.

Délaissant le jeu, il tente de ce relever sans succès ne tenant pas debout, tout est flou. Il lance un regard implorant à Éric qui se lève à son tour et le dirige vers la sortie, l'aidant à mremarque remarque que presque personne ne s'est aperçu de leurs départs précipités.

Une fois dehors, Éric referme la porte et regarde son client tenir misérablement mal contre un poteau de signalisation.

" Dit Charles! Tu rentre comment là? demande-il."

Il n'obtient qu'un regard triste du jeune homme qui se met à pleurer dans la seconde. Étonné, il s'approche du garçon qui le prend dans ses bras.

" Je...je n'ai pas de maison... Je sais plus... je... essaye-il d'expliquer.

- Moi je sais où tu habites, tu me l'as dit, tu veux que je te racompagne? C'est pas loin, tente-il."

Charles acquiesce.

Après quelques minutes de marche rythmée par les dérapages du jeune homme tenu par son confrère, ils arrivent devant l'appartement du plus petit.

" Heu... Charles? J'ai pas le code...
- 2493 appartement 13, récite calmement le brun."

L'air sérieux du jeune homme met Éric mal à l'aise. Malgré tout, il accompagne le jeune homme jusqu'à son appartement deux étages plus haut. Le plus jeune sort des clés de sa poche et ouvre difficilement la porte.

Il rentre alors qu'Éric fait demi-tour, Charles l'attrape par le bras et le fait rentrer dans l'appartement. Le barman sait bien que discuter ne servirait à rien alors il le suit sans poser de question.

Charles s'installe sur le canapé, bientôt rejoint par l'autre.

Il fixe Éric droit dans les yeux avant de demander extrêmement sérieusement.

" Éric, est ce que tu penses réellement que je suis incapable d'embrasser un homme?"