II | Professeur Lennon
Chapitre 2 : Professeur Lennon
•
Leslie ne reçut que trois ou quatre appels : juste un groupe de potes qui s'inscrivaient tous en même temps. Pour la première année, Leslie avait très peur de comment elle allait s'en sortir. L'année dernière, il y avait tellement de gens qu'elle avait dû en refuser. Visiblement, ce n'était pas le cas cette fois. En même temps cette année elle n'avait pas fait beaucoup de pub... Pendant qu'elle attendait d'autres appels, elle fit son exercice d'introduction de sciences, puis son sac en se réjouissant d'avoir sa spécialité littérature le lendemain. Depuis toujours elle attendait l'année où elle aurait de la philo ! Il ne restait plus qu'à espérer que la prof soit géniale. Elle regarda ses heures de français (une de ses matières préférées). Elle avait écrit « Mme Lennon ». Elle pensa tout de suite à John Lennon. Au moins la prof avait une meilleure référence que « Samedi dimanche » à son nom de famille...
En se penchant un peu plus sur son emplois du temps, elle vit qu'elle avait Arts à midi trente puis de nouveau Arts à 15h45. Quand elle avait dit qu'elle avait des heures de merde en Arts... Malheureusement, le lendemain elle allait aussi voir Monsieur Hernandez en spécialité Histoire-Géo. Il allait lui redire de rester à la fin de l'heure pour lui parler et elle ne pourrait pas l'éviter indéfiniment celui-là.
En haussant les épaules, elle fourra un porte vue pour les Arts et son trieur tout abîmé dans son sac puis alla vers le coin où étaient entassés ses instruments : son synthétiseur et son violon. Des deux, elle préférait le violon, il avait le don de la remplir, de la compléter, c'était une extension de son corps. Elle ne voulait pas se lancer dans un morceau triste, parce qu'elle vivait ce qu'elle jouait, et qu'elle n'avait plus envie d'être triste. Elle avait envie de légèreté, de gaieté ! Elle prit son violon, attrapa son archet et commença à jouer Le printemps de Vivaldi. Elle n'était pas encore tout à fait au point sur le morceau, mais ça viendrait !
— Eh oh ! Moins fort la musique ! cria le propriétaire.
Leslie fut brutalement sortie de sa transe. Voilà... ça viendrait si elle pouvait répéter, aussi.
— Pas une once de spiritualité celui-là ! Petit escroc de merde ! marmonna-t-elle en reposant son violon.
Elle ne pouvait jamais jouer. Elle ne pouvait jouer que du piano car elle pouvait régler le son et mettre en sourdine. Malheureusement, elle détestait jouer en sourdine, ce qui était un peu normal. Elle en avait marre de cette vie ! Elle shoota dans une chaise et s'effondra dessus, furieuse. Pourquoi fallait-il qu'on lui interdise de jouer alors qu'elle n'avait plus que la musique ? D'accord, certaines mesures n'étaient pas encore très fluides, mais elle ne faisait pas de fausses notes non plus ! Est-ce qu'il fallait qu'elle joue du Jul pour que son proprio la laisse terminer ne serait-ce qu'un seul morceau ? Tant pis, elle jouait quand il n'était pas là. Ou elle allait jouer chez sa meilleure amie. Mais elle aimait être seule avec son violon, surtout quand elle s'entraînait. De temps en temps, elle jouait pour des mariages, ça payait bien mais c'était rare. En plus elle détestait les fêtes, c'était bien dur de voir des gens débordant de joie quand elle était à peine capable de se fabriquer de faux sourires pour passer les journées en ayant l'air normal.
Le lendemain, elle commença par Anglais. Elle s'ennuya à mourir encore une fois. Les cours d'introduction de début d'année c'était toujours une torture. Elle trépignait d'impatience de rencontrer la prof de français. Tout de suite, ils avaient une heure de trou donc Leslie se rendit en étude avec Anie et elle la regarda dessiner tout en guettant un nouvel appel pour son club mais il n'y avait rien. Il allait falloir qu'elle se plonge dans les papiers pour avoir des aides... quelle vie... ou sinon qu'elle trouve un autre travail, du genre femme de ménage. Cette pensée lui fit froncer le nez, elle qui était du genre bordélique.
Anie et elle se rendirent vers le bâtiment F qui était le bâtiment de littérature, philosophie, etc. Une fois à l'intérieur, Anie sortit son emplois du temps pour regarder le numéro de la salle et plaqua une main sur sa bouche.
— Il y a écrit que c'est en C105 ! s'exclama-t-elle.
— Merde ! C'est à l'autre bout du lycée ! s'exclama Leslie et elles repartirent en courant dans l'autre sens.
Quand elles arrivèrent tout essoufflées devant la salle, tout le monde attendait devant la porte fermée à clef et aucun prof ne pointait le bout de son nez.
Au bout d'un moment, une femme aux courbes très enviables, avec des jambes qui montaient jusqu'au ciel, en talons aiguilles, jean et chemise ouverte sur la naissance de sa volumineuse poitrine, déboula dans le couloir comme une furie, les sourcils froncés. Elle passa devant eux en faisant claquer ses talons très très fort sur le sol, enfonça une clef dans la serrure de la porte comme on enfoncerait un poignard pour tuer quelqu'un et se jeta presque sur le panneau pour l'ouvrir. Toute la classe échangea un regard avant que Max et Alex n'osent rentrer, puis les autres suivirent.
— Le dernier ferme la porte ! éructa la prof.
Leslie ne put s'empêcher de penser qu'elle avait l'air beaucoup trop jeune, elle aurait pu se fondre avec les étudiants. Une fois que tout le monde fut rentré et qu'elle eut fermé la porte en la claquant parce que personne ne l'avait fait, elle revint se planter au milieu de la salle. Il y avait un silence de mort. Si de la fumée sortait de ses oreilles, Leslie n'en serait même pas surprise.
— RHAAA CET ENFOIRÉ D'HERNANDEZ M'A PRIS MA SALLE ! hurla-t-elle en balançant son sac et ses cours avec fracas sur le bureau. ET MOI JE ME RETROUVE AVEC QUOI ? UNE VIEILLE SALLE DE PHYSIQUE ? CE TRUC C'EST UN CAGIBI COMMENT TU VEUX FAIRE COURS LÀ-DEDANS ? ÇA FAIT DEUX ANS QUE JE SUIS EN F305 ET L'AUTRE IL SE POINTE ! COMME ÇA ! IL VIENT COMME IL EST, ON N'EST PAS À MCDO ICI ! ET EN PLUS IL SE MET À M'INSULTER ! J'VAIS LUI FAIRE BOUFFER JUSQU'À LA FIN DE SES JOURS AVEC UNE PAILLE ! NON, MIEUX : J'VAIS LUI FAIRE BOUFFER LE GAZON SYNTHÉTIQUE DE SON TERRAIN D'SPORT AVEC UNE PELLE !
C'était la première fois que Leslie voyait chaque élève de la classe totalement immobile et silencieux et fixant la prof avec un regard un peu terrifié. Au moins Leslie était d'accord avec elle sur le fait qu'Hernandez était un enfoiré. Mais elle commença à imaginer cette prof obliger Hernandez à manger du gazon avec une paille et sentit un fou rire nerveux pointer le bout de son nez. Elle tenta de se retenir mais n'y arriva pas. Elle finit par éclater de rire en se sentant stupide, mais comment ne pas rire ? Tout le monde la regarda et elle se tut, toute rouge... oh la honte...
— Bon on va pas passer l'heure à parler de ce connard, il m'a déjà pris assez de temps comme ça ! Donc, on est là pour quoi ? Français ou philo ?
— Heu... c'est... spécialité... lui répondit Max.
— Aaaah oui, merci. Tu t'appelles comment toi ?
Max devint tout rouge lorsque la prof s'approcha de lui.
— Heu... Maxence, mais tout le monde m'appelle Max, bégaya-t-il.
— Okay, bon heu... merde comment il s'allume cet ordi ! s'exclama-t-elle en cherchant le bouton marche arrêt.
Leslie comprit soudain pourquoi Max et Alex s'étaient mis devant.
— Elle est trop canon cette prof putain, entendit-elle derrière elle.
Elle se retourna pour voir qui avait dit ça mais elle ne se rappelait plus de son prénom. Leslie regarda encore la prof, c'est vrai qu'elle était magnifique. C'était quand même pathétique que des mecs comme Max et Alex aient besoin de jolies fesses pour avoir envie de travailler...
— Je peux t'aider si tu veux, proposa un mec qui s'était mis à côté de Leslie car c'était des tables à trois.
— Ouais, viens s'teu-plaît, demanda-t-elle.
À peu près tout le monde fut choqué de la familiarité de leur échange. Devant les regards interrogateurs, la prof expliqua :
— Je préfère que mes élèves me tutoient. Lui il le sait, je l'avais l'année dernière, dit-elle en adressant un sourire au beau brun qui venait d'allumer son ordi. Tu peux retourner à ta place Elvis. Bref, je m'appelle Eachna (se dit Akna) Lennon, mais je n'aime pas qu'on m'appelle Madame, alors trouvez autre chose.
— Elvis Presley ! lança Alex, fier de sa blague.
La prof et Elvis le fusillèrent du regard.
— Est-ce qu'on peut savoir ton nom de famille à toi ? demanda Madame Lennon.
— Heu... Li... Lineau.
— Oui donc quand on s'appelle comme le sol on ferme sa gueule surtout quand la prof parle, lui lança-t-elle en le foudroyant du regard.
— Oui pardon, Madame, marmonna-t-il.
— Je viens de dire que je voulais pas qu'on m'appelle Madame !
— Heu... bah on vous appelle comment alors ?
— Vous m'appelez « professeur ». Est-ce que j'ai une tête à être mariée ? demanda-t-elle en pointant un doigt sur son visage.
Alex ne répondit pas, estimant que c'était plus prudent. Le professeur Lennon se retourna brusquement et sa longue crinière blonde vint fouetter le nez d'Max. Leslie se félicita de ne pas s'être mise devant.
— Bon... où est-ce que... c'est pas possible je perds tout ! marmonna-t-elle en fouillant dans ses cours.
Elle ouvrit des gros classeurs et tourna les pages énergiquement... tellement énergiquement que des feuilles volantes s'envolèrent dans toutes les directions. Elle s'arrêta enfin d'envoyer des feuilles en l'air quand elle eut trouvé une pochette contenant plein de polycopiés.
Elle commença à passer dans les rangs pour distribuer et absolument tous les mecs se mirent à baver devant elle, sauf Elvis.
Leslie se dit que lui elle l'aimait bien ! Il avait l'air moins con que le reste de la classe. Anie lui convenait très bien, Leslie était sûre que dans même pas un mois ça deviendrait sa meilleure alliée dans ce monde cruel qu'était le lycée, mais des fois elle se disait qu'elle devrait prendre sa vie sociale en main et parler à un peu plus de gens... Bon après elle se disait ça tous les ans et il n'y avait jamais de grande amélioration... pas d'amélioration du tout, en fait...
Leslie vit clairement les yeux de Thibot (un autre mec qui était dans sa classe l'année dernière) s'arrêter plus de temps que prévu sur le décolleté de la prof, puis sur son jean quand elle se retourna. En reportant son regard sur Elvis, elle vit qu'il regardait lui aussi Thibot, mais comme s'il imaginait la manière la plus horrible de l'assassiner.
— Eh, ça va ? demanda Leslie en lui donnant un léger coup de coude.
Il tourna lentement la tête vers elle et son regard noisette se mit à scruter chaque angle de son visage avant de la regarder de nouveau dans les yeux. Comme il ne parlait pas et se contentait de la fixer, elle se sentit très mal à l'aise.
— Heu... désolée... j'aurais dû me présenter d'abord ou je n'sais quoi. J'ai pas beaucoup de tact... marmonna-t-elle.
Il haussa un sourcil puis un rictus amusé déforma ses lèvres.
— J'avais remarqué, dit-il, toujours avec un air sarcastique.
— Tu peux pas arrêter de me fixer comme ça ?
— Elvis et la Miss qui se tape des fous rires toute seule !
— Pardon ! lança Leslie à la prof.
Anie ressemblait à un chacal en rut à se retenir de rire et Leslie se tourna vers elle.
— Eh tu te fous de moi là ? protesta Leslie.
— Oui... désolée... mais la seule chose que la prof a retenu de toi c'est ça... dit-elle en continuant de se cacher derrière sa trousse pour ne pas qu'on la voit rire.
— Attends de voir que je te ramène des dix-huit à chaque contrôle, tu rigoleras moins, dit-elle.
— Leslie Samedi ! s'écria la prof.
— Hein ? Quoi ? J'ai rien fait ! protesta Leslie.
— Elle fait l'appel depuis tout à l'heure, lui chuchota Elvis.
— Oh... heu... bah... présente ? tenta Leslie.
En voyant que la prof réfléchissait en la regardant, elle redouta le pire.
— Bon, venez devant, au moins vous arrêterez de discuter.
— Y a plus de place devant, dit Leslie.
La prof attrapa une petite table pleine de trous et de chewing-gum moisis sur laquelle était posée la poubelle et la tira pour la coller à son bureau. Elle posa la poubelle par-terre, prit la chaise de son bureau et la mit devant la table.
— C'est une blague ? demanda Leslie.
— Venez, ne faites pas perdre de temps, s'il-vous-plaît, demanda le professeur Lennon.
Leslie attrapa sa pochette, sa trousse et son sac puis se leva mollement. Anie et Elvis étaient morts de rire. Elle frappa Elvis avec sa pochette au passage et celui-ci se mit à rire de plus belle. La prof eut un petit rictus.
— Bah alors Elvis, on se fait taper par les filles ? lança la prof et pas mal de ricanements s'élevèrent dans la salle.
Leslie s'installa avec des gestes dignes d'un éléphanteau dépressif à sa petite table miteuse.
— Au moins j'ai des accoudoirs... dit-elle.
Max et Alex, qui l'avaient entendue, ricanèrent. Leslie n'osa pas poser ses affaires sur la table tellement ça la dégoûtait et elle les laissa par terre.
— Bien, maintenant que l'appel est fait, on va pouvoir commencer. Quelqu'un de grand peut-il m'allumer le projecteur ? Max ? Alex ?
Quelques sourires moqueurs étirèrent les lèvres de certains élèves, c'est vrai que la prof n'était pas très grande malgré la disproportion de ses jambes par rapport au reste de son corps.
— Vous n'avez pas une télécommande ? demanda Leslie.
— Ah non, je perds tout le temps les télécommandes alors je ne compte pas dessus. En fait je perds toujours tout, dit la prof en ramassant les feuilles qu'elle avait faites tomber partout.
Alex se leva, alluma le projecteur puis se rassit. Leslie ne pouvait pas s'empêcher d'aimer cette prof. Elle était drôle, totalement bordélique et paraissait proche de ses élèves, puisqu'elle voulait qu'on la tutoie. Elle ne voulait juste pas qu'il y ait de bruit dans sa classe, comme tout bon prof qui sait se faire respecter. Leslie lut au tableau :
« Grand thème 1 : Les pouvoirs de la parole
Sous-thème 1 : L'art de la parole
Sous-thème 2 : Le pouvoir de la parole
Sous-thème 3 : La séduction de la parole »
« Hein ? Séduction ? Qu'est-ce que c'est que ce truc ? » se demanda Leslie et elle n'était pas la seule. Elle échangea un regard de loin avec Anie qui haussa les épaules.
Max leva timidement le doigt et la prof lui fit signe de parler.
— Heu... c'est quoi la séduction ? Enfin... me dites pas que...
— Rho là là j'oubliais que j'avais affaire à des adolescents... marmonna la prof. Vous pouvez pas vous en empêchez hein ? dit-elle avec un sourire. C'est tout ce que vous en avez retenu ! Il y avait plein d'autres questions à poser ! Pour vous répondre, c'est loin d'être des cours de séduction. C'est une partie très intéressante du programme je dois dire...
Elle se lança dans toute une explication sur l'art de la réthorique pendant l'Antiquité et les trois quarts de la classe décrochèrent très vite alors que Leslie buvait ses paroles. Enfin un cours intéressant auquel elle comprenait quelque chose ! Lorsqu'elle entendit Michael Jackson, elle fut presque déçue de quitter ce cours.
— Attendez ! J'ai une dernière chose à vous dire ! Ceux qui m'appelleront Madame Lemon, Madame Pouffe ou Achné je ferai de leur vie un enfer jusqu'à la dernière seconde de l'année, c'est clair ? D'ailleurs, tout manque de respect vous coûtera très chère. Je rends tout ce qu'on me jette, mais en deux fois plus fort, je vous préviens tout de suite, dit la prof d'un ton menaçant. Vous pouvez y aller, ajouta-t-elle en reprenant un air jovial, ses lèvres s'étirant en un sourire étincelant.
Leslie ne put s'empêcher de sourire, elle adorait définitivement cette prof.
— Elle est géniale ! s'exclama-t-elle à Anie en sautillant de joie.
— Pas vrai ? Bon j'ai eu le malheur de l'appeler Madame Lemon l'année dernière et elle a vraiment fait de ma vie un enfer, mais en-dehors de ça elle est géniale, dit Elvis en s'incrustant dans la conversation. Apparemment Hernandez a trouvé le moyen de se la mettre sur le dos, je le plaindrais presque...
— D'ailleurs on l'a maintenant, dit Leslie.
— Il va te redemander des explications sur tes parents, dit Anie.
— Bah il a pas intérêt sinon c'est moi qui le ferait bouffer du gazon avec une paille !
Elvis pouffa.
— Eh... j'vous aime bien, vous deux ! s'exclama-t-il.
— T'as pas d'amis ? demanda Leslie, moqueuse.
— Bah... nan, avoua-t-il, légèrement embarrassé.
— Super, alors tu vas rester avec nous ! s'exclama Anie.
Leslie trouva son ton un peu trop admiratif et enthousiaste. En arrivant en Histoire, Anie s'assit à côté d'Elvis qui lui fit un beau sourire et elle devint toute rouge. Leslie sourit, fit un cœur avec ses doigts et leur tira la langue. Elvis secoua la tête, exaspéré et Anie rougit encore plus.
— Place aux amoureux, moi je me casse alors, dit Leslie en partant s'installer tout au fond de la salle dans l'espoir de passer incognito.
Hernandez balaya la classe des yeux et regarda attentivement au fond. Leslie se couvrit la tête avec un pan de son foulard dans l'espoir qu'il ne la reconnaisse pas mais, malheureusement, il lança :
— Samedi ! Vous avez oublié de venir me voir hier.
Leslie retira son foulard.
— Ah bon ? C'est bête que j'ai oublié... dit-elle d'un ton peu convaincant.
— C'est ça. Vous viendrez à la fin de ce cours-ci alors.
Leslie regarda autour d'elle, désespérée, en cherchant quelque chose qui pourrait la sauver.
— Laissez-la tranquille à la fin ! Elle veut pas parler de sa vie privée à un prof qu'elle connaît que depuis hier, je trouve ça normal moi. Arrêtez de forcer, nous on vous force pas à dire que vous êtes sur tinder depuis quatre ans et que vous êtes toujours célibataire ! lança Elvis.
— Ooooouh là ! Ça balance des dossiers ! s'exclama Max.
La tête du prof était littéralement fondue, décomposée. Ses petits yeux étaient devenus invisibles tellement il les avait plissés.
— Comment vous savez ça, vous ? demanda le prof.
— Ah parce qu'en plus c'est vrai ? demanda Elvis en éclatant de rire.
Toute la classe le suivit dans son fou rire. Le prof s'était clairement trahi tout seul.
— O'Mara, c'est vous qui viendrez me voir à la fin du cours dans ce cas.
Il fit son cours comme si de rien n'était. Leslie trouva qu'il avait quand même un self-control admirable car toute la classe chuchotait des choses à son voisin en pouffant de rire.
Quand Michael Jackson leur annonça la fin du cours, Leslie se précipita vers Elvis.
— Qu'est-ce qui t'a pris ? demanda-t-elle en l'attrapant par la manche.
— Bah c'est à toi de choisir si tu veux lui parler de quelque chose ou pas. Il a pas à forcer. Je viens de te sauver, princesse, tu devrais me remercier.
— Ne m'appelle pas princesse ! Mais comment ça se fait que... enfin... tu risques d'avoir de gros problèmes ! Attends la première fois qu'on s'est parlé remonte à même pas deux heures ! Comment peux-tu risquer aussi gros pour... une fille bizarre que tu connais pas ? Je ne veux pas que tu aies des problèmes à cause de moi !
Il l'attrapa par les épaules et la secoua.
— Tais-toi et laisse-moi parler ! Bon je vais répondre dans l'ordre. Je t'appelle comme je veux. J'aurais fait pareil pour n'importe qui. Je déteste les profs qui s'acharnent sur un élève en particulier. Je t'observe depuis hier donc je te connaissais avant de te parler. Je ne risque pas si gros que tu le penses. J'avoue que tu es bizarre. Et enfin, ce ne sera pas de ta faute si j'ai des problèmes puisque tu ne m'as pas demandé de te défendre. Que je sache, j'ai agi de mon plein gré. Ça te va comme réponse ?
— Heu... oui... mais... heu... merci...
— De rien, princesse.
— Ne m'appelle pas comme ça !
Il lui fit un sourire en coin et partit en la bousculant. Leslie soupira, est-ce que ce type la draguait ? Ou pas... elle n'en avait aucune idée, elle n'arrivait pas à le cerner. Une phrase tournait dans son esprit « Je ne risque pas aussi gros que tu le penses ». Ça voulait dire quoi ça ? Ce prof allait lui pourrir la vie jusqu'à la fin de l'année et essaierait peut-être même de s'arranger pour le faire renvoyer ! Et pour l'instant, il allait sans doute récolter un nombre X de retenues.
Elvis se dirigeait vers M. Hernandez avec un sourire confiant et Leslie lut dans les yeux du prof qu'il était à deux doigts de lui mettre une baffe. Elles sortirent de la salle avec Anie qui lui envoya un petit sourire encourageant. Elles prirent aussitôt le chemin de la cantine. Leslie devait manger tout de suite car elle n'avait que 30 minutes, pas le temps de sortir grignoter un truc.
— Tu craques pour le beau brun ? demanda Leslie à Anie en lui faisant un petit sourire moqueur.
— Hein ?
— Elvis !
— Ah... heu... non...
— Tu ne vas pas me faire croire ça ! Tu rougis comme une tomate chaque fois qu'il te fait son sourire colgate !
— Mais... je... j'étais en crush sur lui en troisième.
— Wah mais ça fait longtemps !
— Il m'a mis un râteau en seconde, j'avais mis un an à trouver le courage de lui parler... marmonna-t-elle, embarrassée. Mais il me connaissait pas trop fin moi je l'observais tout le temps mais il n'a jamais fait attention à moi...
— Et tu ne crois pas que ça serait bien de passer à autre chose ?
— Oui mais... c'est quand même un peu gênant... et puis il m'avait dit qu'il était déjà en couple...
— Ah bon ? Enfin ça m'étonne pas ! Avec qui ? demanda Leslie qui était d'une humeur commère.
— Je sais pas, dit Anie en haussant les épaules. Mais je crois qu'il a menti pour pas me dire que je ne lui plaisais pas...
— Bah je pense qu'un mec comme ça tout le monde en voudrait. En plus ça a l'air d'être un type super ! Regarde ce qu'il a fait pour moi !
— Oui mais il a toujours dit qu'il était célibataire et fier de l'être aux autres. En fait, je crois qu'il est gay parce qu'apparemment les filles ne l'intéressent pas trop.
— Ah oui c'était le seul mec à pas baver devant prof' Lennon.
— Ah ? J'ai pas fait attention.
Leslie mangea en vitesse, elle prit son muffin et décida de le manger en chemin, parce qu'on ne gâche pas un muffin ! Finalement, elle décida qu'on ne gâchait pas des frites non plus, pour une fois qu'à la cantine c'était bon ! Elle prit sa serviette, mit les frites qu'il lui restait dedans ainsi que son muffin et son pain dans l'autre main.
— Laisse ton plateau je vais le débarrasser, tu as déjà dix minutes de retard ! proposa Anie.
— Oh merci ! T'es une fille trop sympa, vous seriez trop bien ensemble avec Elvis, dommage qu'il t'aime pas. Pardon pardon je sais que je suis lourde. À tout à l'heure ! lança Leslie en quittant la cantine en courant, ses frites à la main.
Elle arriva toute essoufflée devant la salle d'Arts Plastiques. Maudite option qu'elle avait prise pour être avec ses meilleures amies au départ ! Elle se demanda soudain si on allait vraiment la laisser rentrer avec un quart d'heure de retard et des frites dans les mains, mais bon elle pouvait bien essayer...
— C'est ton projet d'arts plastiques ou tu vas ouvrir un restaurant ? lança la voix d'Elvis derrière elle.
— J'ai pas eu le temps de finir mon repas... et j'allais pas gâcher ça...
— Moi j'ai pas pu manger tout court...
— Au fait, il t'est arrivé quoi avec Hernandez ?
Il lui piqua une frite.
— On pourrait rentrer au lieu de faire la conversation autour d'un cornet de frites improvisé.
— Oh mais c'est une idée géniale ! s'exclama Leslie.
— De quoi ? De rentrer dans la classe ?
— C'est ça ! Je vais mettre une feuille autour de mes frites comme ça je pourrais entrer avec !
— C'est vrai qu'on te laissera jamais rentrer comme ça.
Elle plongea le bras dans son sac, prit une feuille complètement déformée qui traînait au fond, lui donna une forme approximative de cornet et mis ses frites dedans.
— Tu veux mon pain, vu que t'as pas mangé ? demanda Leslie.
— C'est si gentil, mais apparemment je suis pas assez haut dans ton estime pour avoir des frites.
— Ah nan mais... fin tu peux en prendre si tu veux mais... fallait pas le prendre comme ça...
— On a vingt minutes de retard, lui dit-il en regardant sa montre.
Elle toqua à la porte de la salle et entendit un « entrez » étouffé.
— Alors Mademoiselle Samedi, encore en retard, comme l'année dernière ? demanda la prof.
— J'ai pas pu finir de manger, excusez-moi pour le retard, dit Leslie en dissimulant son muffin du mieux qu'elle pouvait.
— C'est vrai qu'on n'a pas des heures très pratiques, allez ça va pour cette fois, reconnut la prof.
— Merci, souffla-t-elle.
Elvis se mit à rigoler et Leslie le tira vers le fond de la classe, sa feuille pleine de frites à la main. Ils étaient mélangés avec des élèves d'autres classes et Leslie salua Chloé et Théo, deux de ses camarades de l'année dernière. Ils s'installèrent tout au fond, derrière un panneau plein de peinture pas sèche, de façon à disparaître du champ de vision de la prof.
— Bon alors tu m'en donnes des frites ? demanda Elvis.
Elle posa la feuille entre eux.
— Écoute, tu n'as qu'à tout prendre, je garde juste le muffin.
— Je peux en avoir aussi ? demanda-t-il en lui faisant un air mignon totalement craquant, ses quelques tâches de rousseur le rendaient encore plus chou.
— Arrête de faire cette tête !
Il continua. Elle le fusilla du regard. Il commença à faire semblant de pleurer.
— Tais-toi, abruti, la prof va t'entendre !
Il s'arrêta et continua de lui faire un air trop mignon qui aurait fait craquer n'importe quelle autre fille. Elle croqua son muffin et le lécha.
— T'en veux encore ? demanda-t-elle d'un ton railleur.
— Oui.
— Je pensais pas que tu aimais les muffin au point de bouffer ma bave.
— Ça peut pas faire de mal l'ADN d'une fille aussi jolie.
— Hein ? s'exclama-t-elle, choquée, en le regardant avec des yeux ronds.
— C'est pas une réaction normale ça. Normalement les autres filles rougissent ou essaient de m'embrasser pour les plus entreprenantes...
— Tu me racontes des conneries pareilles pour un putain de muffin ?
— Insulte pas le muffin !
Elle dut s'empêcher d'éclater de rire pour ne pas faire comme avec prof' Lennon.
— Tu veux que la prof d'Arts Pla' me voie comme prof' Lennon ?
— Prof' Lennon ? C'est comme ça que tu vas l'appeler ?
— Ouais, vu qu'elle aime pas qu'on l'appelle Madame.
— C'est pas mal. Je vais te piquer le nom.
— D'ailleurs tu la trouves comment cette prof ? demanda Leslie.
Oui c'était une question piège. Elle voulait juste savoir s'il était vraiment gay.
— Bah elle est marrante, très impulsive, stricte dans ce qu'elle attend de nous, mais c'est parce qu'elle veut nous faire progresser avant tout, elle a une bonne répartie, elle est très proche de ses élèves, compétente, elle a plein de faces cachées...
— Quoi comme face cachée ?
— Tu ne me croiras peut-être pas, mais elle n'écoute que du hard rock, si tu la croises dans les couloirs elle a toujours des écouteurs dans les oreilles. Hehe elle a pas trop une tête à écouter ça mais tu vois... elle peut être particulièrement naïve parfois... fin bref cette prof t'étonnera toujours.
— Ah bon... Et tu fais pas une seule remarque sur son physique ?
Il sembla commencer à sentir un piège.
— Bah... heu... tu veux que je dise quoi ?
— Je sais pas... tu la trouves comment physiquement ?
— Oui, elle est jolie, c'est vrai.
— Okay mec c'est quoi ton problème ? Elle est carrément canon ! s'exclama-t-elle.
— Nan mais elle est pas juste un physique. Comme toi t'es pas juste un physique. Ce que tu es ça se limite pas à ce que tu ressembles. T'essaies de découvrir des infos sur moi, là ? Elle t'a dit quoi Anie pour que tu me poses des questions ?
— Hein ? Anie ne m'a rien dit du tout ! Qu'est-ce que tu veux qu'elle me dise ? Je sais juste que tu lui as mis un râteau l'année dernière !
— Moi aussi j'ai plein de raisons d'enquêter sur toi. Pour commencer, ce que tu caches derrière ton foulard ou tes gants, là ! Tu laisses jamais voir ton corps à personne, et je pense pas que ce soit juste par simple complexe. Y a quelque chose que tu veux pas qu'on voit là-dessous... et je pense que ça a un rapport avec le fait que t'aies pas mis les coordonnées de tes parents, dit-il, contrarié, en tapotant son poignet de l'index.
Leslie retira vite son bras, de peur qu'il lui relève sa manche de force.
— Monsieur Presley ! lança la prof.
— Ah non pitié, Madame, ne recommencez pas avec ce surnom ! l'implora Elvis.
— Je vous ai dit l'année dernière que je vous appellerai comme ça tant que vous continuerez à perturber mon cours ! Je peux savoir ce que vous avez à dire de si intéressant à votre voisine ? Voisine qui est, au passage, une très bonne élève que je ne veux pas que vous tiriez vers le bas !
— On débattait sur le cours ! lança Leslie.
— Ah et c'était quoi comme débat très exactement ? demanda la prof d'un air suspicieux.
— Heu... on parlait... du fait qu'une femme se limite pas juste à ce qu'elle est physiquement, tenta Elvis.
— Ah je vois, mais expliquez-moi juste le rapport avec la réception de l'image ? Vous n'écoutiez rien comme d'habitude !
— Mais... heu... bah si ! Par exemple, une photo où on verrait une belle femme devant un beau fond, par exemple un coucher de soleil, on se concentrerait plutôt sur le coucher de soleil parce que des belles femmes y en a plein. Mais à partir du moment où le visage de cette femme montrerait une émotion, ou exprimerait ce qu'elle ressent, si ses yeux devenaient expressifs et si on ne l'avait pas obligée à sourire pour la photo, alors on se concentrerait plus sur la femme que sur l'ensemble de la photo. Parce que ce serait comme un personnage de film dont on veut découvrir l'histoire.
Chloé l'applaudit discrètement et la prof soupira profondément.
— Bon on va dire que vous vous êtes très bien rattrapé... mais maintenant taisez-vous, marmonna la prof.
Elvis se rassit.
— C'est incroyable comment tu as une belle image des femmes, lui glissa Leslie bien qu'il l'ait envoyée paître deux minutes plus tôt.
Il sembla décider lui aussi de faire abstraction de leur échange un peu houleux.
— Pourquoi ça t'étonne ? Ça devrait te paraître normal !
— Je... bah oui, c'est vrai. Enfin on dirait que quand tu parles des femmes en général, tu parles d'une femme en particulier. Tu regardes pas les autres filles, en fait tu as un comportement de mec fou amoureux de quelqu'un. Mais avec des phrases de charo...
Il la considéra un instant en cherchant ses mots.
— Si tu le dis... maintenant on devrait écouter le cours, dit-il enfin avant de tourner la tête vers le tableau.
Leslie le regarda, surprise par ce soudain changement d'humeur. On aurait dit que dès qu'elle creusait un peu, il se sentait menacé. C'était quelqu'un qui avait quelque chose à cacher, elle était assez bien placée pour reconnaître ce genre de comportement. Elle choisit de respecter son secret. On laisse le passé derrière et on ne pense qu'au futur... ça lui convenait.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro