Chapitre 13 – I'm here

Environ deux heures plus tard, à l'étage, les paupières d'Emma frémirent avant de s'ouvrir sur l'obscurité. Pendant un instant, cette noirceur complète lui fit peur et elle se crut encore prisonnière de Hyde, avant de se rendre compte qu'elle n'était pas attachée, mais confortablement allongée dans un lit, dans lequel il faisait chaud. Reprenant une respiration normale, elle remonta sa main jusqu'à son visage et, à l'aide de ses coudes, se redressa légèrement.

Petit à petit, ses yeux s'habituaient à l'obscurité, et elle distinguait désormais la commode en face du lit, sur laquelle trônaient encore des t-shirts qui, elle le savait, appartenaient à Killian. Sa poitrine se relâcha sous le coup du soulagement et elle referma les yeux, se laissant retomber sur le matelas moelleux. Emma passa une main sur son front en expirant lentement, ayant du mal à croire qu'elle était enfin sortie de ce cauchemar. Elle était de retour chez elle, en sécurité. Sa famille avait fini par la retrouver.

Bien que fatiguée, elle n'arriva pas à se rendormir et se contenta de fixer le mur face à elle, plongée dans une sorte d'hébétude et de soulagement. Elle avait du mal à comprendre tout ce qui s'était passé dernièrement, n'avait pas vraiment eu le temps d'y réfléchir sérieusement. Elle se souvenait très bien de l'attaque perpétrée par Hyde dans le cœur de la ville, et de sa famille ainsi que ses amis se battant contre ces Gardiens. Elle se rappelait qu'ensuite, quelqu'un l'avait tirée en arrière et avant qu'elle ait eu le temps de se débattre, elle avait senti une odeur de chloroforme avant de s'évanouir.

La suite était un peu plus trouble... Emma grimaça légèrement en essayant de percer le brouillard qui entourait les souvenirs de sa captivité, en vain. Elle était épuisée et n'aspirait vraiment qu'à dormir, mais elle n'y parvenait pas. Elle savait qu'elle était en sécurité, ici, mais ne pouvait s'empêcher de scruter l'obscurité, pensant à une énième illusion créée par Hyde... Elle avait sûrement des tendances paranoïaques, mais ces quelques jours à ne pas comprendre ce qui lui arrivait l'avaient troublée et faisaient ressortir ses insécurités.

Et alors qu'elle commençait à se sentir mal de nouveau, une sorte de malaise qu'elle ne pouvait expliquer lui obstruant la gorge, elle tourna la tête vers la porte de la chambre et sursauta vivement, étouffant un cri dans ses mains.

Se redressant dans le lit, les yeux écarquillés, elle fixait celle qui venait d'apparaître brusquement.

Dark Swan.

Que faisait-elle ici ? fut la première chose que pensa Emma alors que son cœur battait à vive allure. Elle fixait son homologue sans ciller, se demandant là encore s'il s'agissait d'un rêve ou de la réalité. Pourtant son autre avait l'air bien réel : debout dans l'embrasure de la porte, ses cheveux d'un blond très pâle étaient tirés en arrière, attachés en un chignon serré, et elle la fixait de ses yeux d'émeraude, statique.

Etait-ce là la projection de son esprit malade et torturé ? Elle n'aurait su le dire, en cet instant précis. Elle réfléchissait à toute allure, ne comprenant pas comment son alter ego pouvait être ici. A moins que... ?

- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle d'une voix qui se voulait ferme.

Elle se sentit stupide d'essayer de parler à ce qui n'était peut-être même pas réel. Ce pouvait être la projection d'un de ses cauchemars, après tout.

L'autre ne répondit pas, se contentant de la fixer, avant de disparaître dans une volute de fumée grise, comme si elle n'avait jamais été là. Regardant l'endroit où la Ténébreuse s'était tenue, Emma n'en revenait pas de ce qui venait de se produire. Elle passa une main sur son front pour essuyer la fine pellicule de sueur qui le recouvrait, et cligna des yeux plusieurs fois pour se remettre de ses émotions. Elle se redressa ensuite dans le lit, se mettant en position assise et appuya la paume de sa main contre son front, tentant de calmer sa respiration.

On ne pouvait pas dire que sa période de captivité l'avait laissée indemne : elle se sentait encore vulnérable et paniquée. Le pire était cette incertitude à propos de la réalité : tout ce qu'elle vivait paraissait sortir du commun... si tant est qu'être la fille de Blanche-Neige et du Prince Charmant soit commun.

Secouant vivement la tête pour se remettre les idées en place, elle décida de se reprendre et repoussa les couvertures sur le côté avant de s'asseoir sur le bord du lit. Elle se leva pour se changer, mais chancela aussitôt tant ses jambes peinaient à la porter. Finalement, elle se tint au mur et avança lentement jusqu'à la commode qui faisait face à leur lit afin d'en sortir un pull ainsi qu'un pantalon simples, dans lesquels elle se sentirait bien.

Une fois changée, non sans quelques difficultés, elle ouvrit la porte de la chambre et descendit très lentement l'escalier, sentant des effluves de nourriture lui chatouiller les sens. Elle se tenait fermement à la barrière qui suivait les marches et se concentrait pour ne pas tomber, sachant pertinemment qu'elle devrait se ménager au moins le temps d'une journée afin de se remettre rapidement de l'épreuve qu'elle avait subie.

Quand elle arriva au rez-de-chaussée, elle passa la tête par-dessus la rambarde de l'escalier et lorsqu'elle regarda dans la cuisine, elle assista à un spectacle des plus amusants : Killian, dos à elle, s'affairait derrière le comptoir en râlant à tout va après quelques ustensiles de cuisine et coquilles d'œufs.

Emma se sentit fondre à cette vision et son cœur s'allégea quelque peu. Elle savait que Hook avait du mal à se faire à la cuisine moderne – il fallait dire qu'à bord de son vaisseau pirate, ce n'était pas lui qui préparait à manger, mais bien un cuisinier. Elle secoua légèrement la tête d'amusement en l'entendant jurer une nouvelle fois, et s'approcha de lui le plus silencieusement possible, et ce lui fut facile car le pirate était tellement pris par sa tâche qu'il ne faisait attention à rien d'autre.

Elle s'avança donc vers lui jusqu'à arriver dans son dos, avant d'enlacer doucement sa taille et d'enfouir son visage entre ses omoplates. Elle était ravie de la sensation que cela lui procura, l'espace de quelques secondes : elle se sentait comme si elle était chez elle, bien en sécurité. L'espace de quelques secondes, elle sentit qu'elle était sauve.

Killian sursauta dès le moment où elle fit cela, mais se reprit bien vite en sentant la jeune blonde l'enlacer si tendrement. Trop occupé par le repas qu'il tentait difficilement de préparer, il n'avait rien entendu. Il se retourna ensuite vers elle pour la regarder, glissant sa main dans son dos et gardant son crochet sur sa taille.

- Déjà réveillée, Swan ? Comment tu te sens ? murmura-t-il en plongeant son regard dans le sien.

Elle hocha simplement la tête. C'était un tel soulagement de l'avoir près de lui qu'elle ne sut rient dire d'autre et se contenta de l'enlacer de nouveau pour le rapprocher d'elle, cachant son visage dans son cou tandis que lui collait sa joue contre son front et l'étreignait avec douceur.

Killian aussi était tellement rassuré de la savoir enfin en sécurité qu'il n'aurait su l'exprimer. Après quatre jours d'angoisse et de recherches qui ne menaient jamais à rien, ils l'avaient enfin retrouvée. Emma était là, avec lui. Saine et sauve. Il n'aurait pas supporté de la perdre de nouveau, et chaque jour qui avait passé était une déchirure. Il s'était senti comme si son cauchemar s'était réalisé : elle avait disparu, de nouveau. Même si c'était lui qui s'était retrouvé aux Enfers et qu'il était mort plus d'une fois aux yeux d'Emma, il avait aussi vécu ces cruelles et injustes séparations.

De son côté, Emma ne pensait à rien d'autre qu'à la sensation des bras du pirate autour d'elle, l'enserrant comme si elle allait disparaître dans un nuage de fumée... Cette pensée la ramena à l'apparition de son alter ego maléfique et elle se serra un peu plus contre lui, luttant pour ne pas se laisser submerger par l'angoisse et l'insécurité. Il dut le sentir car lui aussi l'étreignit plus fermement, les yeux fermés, savourant l'instant.

Ils finirent par se détacher, sans pour autant que leurs corps se séparent. Emma releva la tête vers lui et Killian eut tôt fait de la satisfaire : d'un simple mouvement, il plaqua ses lèvres sur les siennes, d'abord avec douceur puis avec plus de fermeté. La jeune femme glissa une main dans son cou puis dans ses cheveux, les caressant doucement, comme pour lui dire « je suis là, tu vois bien ». Killian, quant à lui, caressait sa joue de son pouce avec tendresse, l'apaisant du mieux qu'il pouvait.

- Epouse-moi, murmura Killian, les paupières toujours closes, en collant son front contre le sien.

- Quoi... ? répondit Emma de la même manière en ouvrant les yeux, sans se détacher de lui, pas certaine d'avoir compris ce qu'il avait dit.

Dire qu'elle était étonnée aurait été un euphémisme.

- Epouse-moi, Emma, répéta-t-il en plongeant son regard dans le sien, d'un air le plus sérieux du monde. Je ne veux plus jamais te perdre, ni craindre de ne plus jamais te revoir sourire... Tu n'imagines pas comme j'étais inquiet de te savoir avec lui sans pouvoir y faire quoi que ce soit.

- Killian, soupira-t-elle en comprenant totalement son inquiétude et ses craintes.

- Non, écoute-moi, dit-il avec fermeté sans jamais se détacher d'elle, la forçant à le regarder. Je t'aime. Et je sais que je n'aimerai personne d'autre de cette manière.

Il marqua une pause.

- Je ne veux pas qu'on se marie demain, dans un mois, ou dans un an. Je veux m'engager avec toi pour toujours, t'assurer que je ne te quitterai pas. Je veux être avec toi de toutes les manières qui puissent exister, Emma Swan.

Elle était muette, proprement stupéfaite par sa petite tirade, ne sachant que répondre. Elle était simplement émue par son discours, et rassurée, en un sens. Elle était persuadée de son amour, ils avaient traversé tant d'épreuves, et le destin les avait toujours réunis. Les dieux eux-mêmes les avaient testés !

Emma chercha dans ses yeux la sincérité dont elle ne doutait pas, plongeant dans un océan aigue-marine tourmenté. Elle ne voulait plus jamais être séparée de lui, elle non plus. Et elle comprenait qu'il faisait sa demande maintenant parce qu'il était bouleversé à l'idée de la perdre de nouveau et que l'épouser fonctionnerait comme un moyen de s'assurer qu'elle ne disparaitrait plus jamais.

Ils avaient le droit à un peu de bonheur, après tout ce qu'ils avaient subi.

- D'accord, chuchota-t-elle en esquissant un très vague sourire, les yeux mi-clos, n'aspirant qu'à l'embrasser de nouveau.

- Quoi ? demanda-t-il en fronçant les sourcils, comme s'il ne s'était pas attendu à cette réponse, avant de décoller son front du sien.

- Je suis d'accord pour t'épouser, répondit-elle en le regardant, ne comprenant pas. Je sais que je veux être avec toi. Il n'y a rien d'autre qui me ferait plus plaisir.

Comprenant enfin qu'elle acceptait sa demande, il l'attira à lui en pressant sa taille pour l'embrasser avec fougue, souriant comme un dingue. Elle rit légèrement de son empressement et lui répondit de la même manière. Tous ses soucis oubliés, Emma remonta ses mains dans ses cheveux avant de les redescendre sur son torse. Ce n'était pas tant l'idée de l'épouser, c'était de le voir si heureux.

Killian finit par glisser sa main sur sa taille avant de l'insinuer sous le t-shirt qu'elle portait, lui procurant des frissons. Dieu qu'il était épris de cette femme ! Il cessa ensuite de l'embrasser et glissa ses lèvres le long de sa maxillaire, la faisant frémir, avant de déposer un baiser léger dans son cou, alors qu'elle passait une main le long de son dos, sous sa chemise.

Rien n'aurait pu les arrêter en cet instant, à part...

- Ça ne sent pas le brûlé ?

**

Plusieurs minutes après, Emma était assise sur une chaise et se tenait les côtes tant elle riait. Killian, lui, râlait après sa poêle qu'il débarrassait de son contenu gâché.

- Foutue cuisine, marmonna-t-il en la posant dans l'évier sans délicatesse. Arrête de te moquer, Swan, ajouta-t-il à l'attention de la blonde qui ne savait plus s'arrêter.

- Je suis désolée, finit-elle par dire entre deux rires, qu'est-ce que tu essayais de faire ?

- Une sorte de gâteau avec des œufs, je ne sais plus comment ça s'appelle...

Voyant qu'il était un peu déçu de n'avoir pas réussi à finir son plat, elle l'attira à lui avec un petit sourire, toujours assise, et leva la tête vers lui.

- Allez, ne t'inquiète pas, je vais m'en occuper.

- C'est hors de question, s'offusqua-t-il. Tu devrais encore te reposer !

- Killian, je vais bien, soupira-t-elle.

- Je sais quand tu mens, love, et là... – il abaissa son visage de manière à ce que ses yeux soient à la hauteur des siens – tu mens.

Elle le toisa un instant avant de se mettre à sourire et de se lever, l'entraînant vers un des placards de la cuisine duquel elle sortit un plat de nouilles instantanées qu'elle glissa prestement dans le micro-onde. Elle se tourna ensuite vers le pirate, s'appuyant contre le plan de travail et posa ses mains sur son torse, laissant ensuite retomber son front entre elles. Killian ne se le fit pas dire deux fois et l'enlaça de nouveau.

Ils restèrent ainsi, silencieux, appréciant simplement la présence et la chaleur de l'autre, jusqu'à ce que le micro-onde émette un petit bip sonore indiquant que leur repas était prêt. Emma se détacha donc du pirate pour sortir le plat, attrapa ensuite deux couverts et, prenant sa main, l'enjoignit à s'installer sur le canapé du salon.

Après qu'ils aient tous les deux avalé quelque chose – bien que pas aussi nourrissant qu'il n'aurait dû – ils se blottirent dans les bras l'un de l'autre, Emma allumant la télévision. Elle en expliqua le principe à Killian, qui se montra d'abord perplexe, observant la boite avec circonspection.

Il aurait certes été plus confortable pour eux d'aller se coucher dans leur lit mais, à vrai dire, Emma craignait d'y retourner. Elle avait peur de revoir la Dark Swan apparaître, ce qu'elle se refusait de dire à Killian. Il lui fit pourtant plusieurs fois la remarque, voyant bien que, malgré le fait qu'elle ait repris quelques couleurs, la jeune femme demeurait un peu pâle et paraissait toujours aussi vulnérable. Cependant, face à son insistance, il laissa tomber et se contenta de l'attirer à lui en s'allongeant dans le divan, lui aussi épuisé par les évènements de ces quatre derniers jours. C'est donc ainsi qu'ils s'endormirent, enfin paisibles, dans les bras l'un de l'autre.