Esther traversa lentement l'entrée, prêtant attention aux moindres de ses gestes, évitant de faire du bruit. Le reste de la maison était silencieux.

Mais lorsqu'elle posa le pieds sur la première marche de l'escalier menant à l'étage, le craquement résonna tout autour d'elle. Puis, sa mère hurla :

« ESTHER ? »

Cette dernière grimaça puis reprit sa progression, plus rapidement.

« ESTHER T'ES LÀ ! VIENS ICI ! »

Esther perçue un bruit de meuble qui se déplace, puis des bouteilles qui tombent au sol, alors elle se mit à monter les marches trois à trois.

« MAIS RAMÈNE TOI ! C'EST QUOI TON PROBLÈME SALE FOLLE ? »

Elle était juste devant sa chambre et ouvrit la porte. Tandis qu'elle la refermait derrière elle, elle crut entendre ;

« T'es comme ton père franchement... »

Le silence retomba enfin. Esther se traîna jusqu'à son lit et s'y laissa tomber. Elle fixa le plafond, et quand elle fut enfin calmée elle pris son téléphone pour se changer les idées.

Sur Instagram elle avait été ajoutée au groupe de sa classe.

Ses camarades n'arrêtaient pas de s'envoyer des vidéos d'eux en trains de faire des playbacks, de jouer à des jeux ou de faire des danses fortnite ce qui l'agaçait assez pour mettre le groupe en sourdine. Puis Esther remarqua que Maud aussi avait été ajoutée au groupe et jeta un coup d'œil à son profil.

Il était comme celui de n'importe quelle ado d'une quinzaine d'année ; des photos de ses amies, de nourriture, de vacances, ou des selfies. Il n'y avait aucune photo avec Nolan ce qui rassura Esther. Elle décida de la suivre, chose qu'elle n'avait pas fait avant.

Elle posa son téléphone, fit ses devoirs et alla se coucher, le ventre vide. Ne trouvant pas le sommeil, elle prit son carnet et commença à griffonner ;

Toujours mercredi 19 septembre

Je ne sais pas encore quoi faire pour M. Peut être que Nolan ne s'intéresse même pas à elle. J'espère. J'irais la voir demain, histoire de tâter le terrain.

La matinée du jeudi se déroula sans encombre ; elle ne put voir que brièvement Maud car les cours étaient principalement en demi-groupes et qu'elles ne faisaient pas parties du même.

À midi, Esther, qui n'avait rien mangé depuis presque vingt-quatre heures, fut trop pressée pour vraiment prêter attention à son plan.

Si Esther n'était pas allée à Maud, Maud vint à Esther ; Maud posa son plateau sur la table qu'Esther partageait avec Joanna et demanda ;

« Hey ! Je peux ? »

Les deux jeunes filles déjà assises hochèrent la tête. Les premières minutes se déroulèrent en silence, puis Maud commença à papoter ;

« Waaaah tu as pris beaucoup de choses Esther ! Un, deux, trois... sept morceaux de pain ?! Et t'as pas lésiné sur les entrées ! Tiens je croyais qu'on avait le droit de ne prendre qu'un dessert ? »

Ne sachant pas quoi répondre à ça, Esther se contente d'hausser les épaules.

« Et tu manges comme ça à tous les repas ? Mais comment tu peux faire pour ne pas prendre de poids ?

- Je ne mange pas comme ça tout le temps. »

Comme si elle avait saisit le malaise, Maud baissa les yeux et fixa son assiette. Puis elle redressa la tête et s'excusa ;

« Je suis désolée si je parler trop... ou si je suis rude. J'ai tendance à pas réfléchir avant de parler. C'est juste que, comme vous dites rien, j'ai l'impression de déranger ! Je veux pas paraître impolie ! Je suis désolée. »

Esther la trouva d'une certaine manière touchante alors elle répondit ;

« Ne t'inquiètes pas, tu nous déranges pas du tout. Et si on parle pas, c'est simplement qu'on est pas très bavardes... ou alors trop affamées. Ne stresse pas autant. »

Après ça, Maud sembla se détendre et l'atmosphère se montra nettement plus agréable ; la discussion était même intéressante.

Après ça, elles se rendirent toutes trois en cours de français. Comme un signe du destin, leur professeur avait préparé un plan de classe, et Esther se retrouva à côté de Maud.

Les deux heures passèrent relativement vite. En effet, une fois détendue, Maud été une très bonne compagnie. Elle était très drôle et même si elle avait tendance à parler un peu trop fort, elle laissait tout de même Esther respirer.

Cette dernière regrettait de l'avoir jugée si tôt et était plutôt contente d'être assise à ses côtés.

Vint le cours de sport, les deux dernières heures de la journée. Au programme, du demi fond. Après les échauffements, la professeure demanda de constituer des équipes de trois personnes.

Melissa et Shana, deux filles aux apparences superficielles qu'Esther n'avait encore jamais pris la peine de calculer, se retrouvaient sans troisième personne et ne voulant pas être séparées, proposèrent à Maud de les rejoindre. Visiblement flattée, elle accepta.

Esther, restée aux côtés de Joanna, fut rejoint par Adam.

Les exercices bien qu'épuisant ne durèrent pas longtemps.

Lors de la pause, Esther décida d'aller voir Maud, qui était tombée pendant un des sprints.

Alors qu'elle s'approchait de cette dernière, elle entendit son prénom dans la conversation que Maud partageait avec ses coéquipières.

« Putain mais Esther elle m'a maté grave bête tout à l'heure. »

Melissa se tourna vers Maud et s'exclama :

« Tu trouves pas qu'elle est insupportable ? »

Elle les regarda, un peu intimidée, puis s'exclama ;

« Esther ? Grave, c'est trop une pétasse. »

Comme personne ne réagit, elle continua :

« Et elle a ce regard hautain, elle croit qu'elle vaut mieux que tout le monde... Puis elle est ultra maigre ! »

Mélissa et Shana gloussèrent, ce qui procura à Maud une sorte d'encouragement malsain qui la poussa à ajouter :

« Quand elle s'est changée tout à l'heure on voyait ses côtes... et même sa colonne vertébrale est ultra marquée ! Elle connaît pas Macdo ?

- Grave aha ! »

Esther se recula de quelques pas et murmura ;

« Que quelqu'un me donne de l'eau que je la noie. »

Elle entendit Adam lui lancer ;

« Tu veux de l'eau Esther ? »

Elle s'apprêtait à accepter puis changea d'avis ;

« J'en ai dans mon sac, mais je l'ai laissé aux vestiaires. Je vais la chercher je reviens. »

Elle s'exécuta et s'y rendit. Une bouteille d'eau se trouvait en effet dans son sac. Elle bu une petite gorgée, mais ça ne suffit pas à étancher sa soif.

Son regard balaya alors le vestiaire. Et tomba sur le sac de Maud.

Un petit sourire naquit alors sur ses lèvres.