Vendredi 7 septembre 2018

Ce soir, cette toute première semaine touchera à sa fin. Et jusqu'à présent, c'est un échec total. J'ai rencontré beaucoup de nouvelles personnes. Aucune d'entre elles n'est particulièrement intéressante mais il faut que je m'en tienne au plan : Avoir bonne réputation.

Devenir populaire n'a pas l'air d'être très compliqué, il suffit de s'adapter un peu. De dire aux gens ce qu'ils veulent entendre. De montrer ce qu'ils veulent voir.

Je suis très frustrée de n'avoir croisé Nolan qu'à cinq reprises. Et nous n'avons pas pu échanger autre chose que des salutations.
Je me motive en me disant que ce n'est que le début. Et puis je le vois enfin quotidiennement. Il m'avait manqué.

   Esther rangea son carnet dans son sac et quitta la banquette arrière où elle était assise, seule, pour descendre du bus. Elle fut rejointe par Auriane. Aux yeux d'Esther, cette dernière était une excellente amie : elle ne posait pas de questions inutiles, était compréhensive, serviable, gentille et quand elle n'avait rien à dire, elle se taisait, tout simplement. Le silence avec elle n'était pas gênant.

Lors des premiers cours, Esther se concentra durant les appels afin de commencer à retenir les noms de ses autres camarades de classe. Elle trouvait leurs prénoms tous plus banales les uns que les autres.

Durant l'inter classe, elle complimenta la tenue d'une fille. Habillée dans un style vintage très épuré, cette dernière rougit et marmonna un "merci" intimidé.

Esther essayait de complimenter un maximum de personnes car elle avait remarqué qu'après une remarque positive sur leur tenue ou leur physique, des personnes qui ne la calculait même pas se mettaient à la saluer.

Auriane proposa de manger avec ses amies et Esther accepta. Lorsqu'elles eurent fini, elles traînèrent un peu dans le hall. Une des amies d'Auriane tourna alors l'objectif de son téléphone vers elle et l'interpella.

« Aha ça part dans ma story di-rect !

- Ohhh nan ! Pétasse ! »

Elle essaya de se venger mais la jeune fille cacha son visage à temps. En peu de temps le petit groupe finit par effectuer une guerre de photographie.

Esther, qui restait un peu en retrait, sortit alors brusquement son téléphone et fit mine de se prêter au jeu.

Le petit manège dura pendant bien cinq minutes, jusqu'à ce que la sonnerie retentisse. Les amies se dirigèrent alors vers leurs salles de classe.

Elles ne remarquèrent pas qu'Esther, la luminosité baissée au maximum, zoomais dans le fond de l'une des photographies.
Nolan s'y trouvais. Et il souriait.

La jeune fille rogna la photo et l'enregistra avant de rattraper Auriane.

En fin de journée, les deux jeunes filles marchèrent un peu aux alentours du lycée et discutaient de tout et de rien. La mère d'Auriane arriva et elle souhaita un bon week-end à Esther avant de la quitter.

Elle retourna donc en direction du lycée pour rejoindre l'arrêt de bus. Elle y étais presque quand une voiture à un passage piéton l'empêcha de passer. Impatiente, elle croisa les bras et observa autour d'elle ; à sa droite un groupe de lycéennes et à sa gauche un jeune homme en mobylette.

Elle s'apprêta à traverser quand une remarque la fit s'arrêter net.

« Hé bah putain... t'étonnes pas de te faire violer si tu t'habilles comme ça »

C'était le type en mobylette qui fixait le groupe de lycéennes.

La jeune fille visée sursauta puis rougit, et, gênée, elle tira nerveusement sur sa jupe. Le gars éclata de rire. Esther bouillonnait : elle ne connaissait pas le garçon mais sa mentalité l'énervais au plus haut point et elle ne connaissait pas la fille mais sa non-réaction l'agaçait.

Elle décida d'intervenir et s'approcha de la fille pour lui dire :

« Défends toi un peu... tu vas le laisser te parler comme ça ? Tu t'habilles comme tu le veux. »

Le garçon leva les yeux aux ciel, attirant sur lui l'attention d'Esther. Elle lui lança :

« Ça te fait rire d'être un crétin fini ? »

Vexé, il s'approcha et lui demanda de répéter ce qu'elle avait dit plus fort. Premier degré, elle s'exécuta.

Constatant alors qu'Esther n'en démordait pas, il lâcha :

« C'est bon, chacun son avis ! Liberté d'expression ! Toujours obligé d'en faire tout un plat... »

Il s'apprêta à partir mais cela ne suffit pas à Esther. Il avait voulu faire le malin ? Qu'il assume jusqu'au bout alors, il n'allait pas se défiler si vite.

« Si là tout de suite tu te fais tabasser à mort, ne viens pas te plaindre, tu as vu à quoi tu ressemble ?

- Espèce de grosse sal– »

Esther lui plaqua la main sur sa bouche et murmura clairement :

« Liberté d'expression. »

Sur ce, ce fut elle qui quitta les lieux. Elle aurait juré entendre quelqu'un murmurer sur son chemin :

« Wah ça c'est badass. »

La jeune fille alla attendre son bus. La situation l'avait énervé plus que nécessaire. Il était vrai qu'ici, tout le monde ne la connaissait pas, et donc ne la respectait pas. Elle avait l'habitude qu'au collège tout le monde sache qu'il fallait être de son côté, mais ici toute sa réputation était à refaire.

Montant dans le bus, elle s'assit à nouveau sur la banquette du fond. Elle n'aimait pas particulièrement la place mais détestait avoir quelqu'un derrière elle qui puisse observer ce qu'elle faisait. À côté de la fenêtre elle était donc tranquille.

Jusqu'à ce qu'un groupe de trois garçons s'avance jusqu'à elle. Pendant une seconde elle crut à des amis du crétin qu'elle avait confronté plus tôt, venus prendre leur revanche ou on ne sait quoi. Mais elle en reconnu un qui faisait partit de sa classe. Les autres lui étaient inconnus par contre. L'un d'entre eux demanda :

« Yo... tu réserves la place pour des gens ?..

- Non.

- On peut s'assoir du coup ?

- ... Oui. »

Il la remercia et s'assit en laissant une place de libre entre elle et lui. Ses amis s'assirent à côté de lui.

Après quelques minutes de silence ils commencèrent à discuter. Le gars de se classe s'appelait donc Adam. Il fit mine d'être vexé qu'Esther ne connaisse pas son prénom alors qu'il connaissait le sien, mais enchaîna bien vite en parlant des profs et de leur emploi du temps.

Les trois amis descendirent une station avant celle d'Esther.

Cette dernière réfléchit alors à la journée qu'elle venait de passer puis griffonna dans son carnet ;

Il semblerait que je puisse devenir populaire en restant d'une certaine manière moi même.