À l'Ombre des regrets
Au centre des folies environnantes, je me voue tout entier à l'Ombre qui geint. Dans le coin de mon crâne, les cauchemars abondent, ils parlent d'un Autre que j'eus connu, que je ne connais plus, un de ceux qui existent pour un temps pis qui n'existent plus, sans pour autant ne jamais disparaître.
Ils parlent de cet amour premier qui m'eut donné la vie mais qui ne me l'a pas laissée, qui l'a reprise dès lors que nous nous sommes enfuis vers ces horizons lointains d'où l'on ne revient pas, ou peut-être trop tard. Le temps n'a que peu d'intérêt pour les amants qui s'arrachent, il file et lorsqu'ils réalisent qu'ils l'ont perdu, il n'est déjà plus là. Un peu comme toi, finalement.
Et c'est bien cet infime moment éternel, juste après le « trop tard », qui laisse en bouche ce goût amer : celui des regrets infinis, qu'on ne corrigera plus, qu'on enterrera dans le silence de nos mémoires pour courir vers d'autres futurs regrets.
En as-tu seulement ? Terribles, qui hurlent la nuit dans ton sommeil, qui te rappellent ce moment où pour la dernière fois, nos chemins se séparaient ? Les entends-tu ? Presque hideux tant ils puent l'échec, te répéter sans cesse ces mêmes mots que tu n'as pas su dire ? Suintants dans les yeux, griffant dans le cœur, ils tapent dans la chair. Ces migraines assassines, ces détresses meurtrières qui t'attrapent ou plutôt qui s'agrippent à ta peau, sous l'artère, dans tes os, les connais-tu, toi aussi ?
J'aurais aimé qu'ils te murmurent au moins une fois la douleur de t'avoir perdu. Je suis heureux que tu ne la connaisses jamais. C'est la vie qui meurt à l'intérieur, c'est la malédiction de l'Immortel forcé de regarder partir et surtout de devoir rester. Je suis prisonnier de ce futur qui n'est jamais passé, j'y vis par projection chaque instant de mon quotidien – je marche ici mais je suis là-bas. C'est bien toujours l'ailleurs qui semble meilleur, n'est-ce pas ? Surtout quand il est dans le creux des courbes de ton corps. Et je rêve que j'y dépose de doux baisers de rose dont les épines seraient des caresses, des promesses comme j'en fis sûrement nombre autrefois à graver, invisibles, dans ton squelette entier.
Mes rêves seulement me tiennent à toi, et cette détresse dans ta voix, et celle dans mon ventre. Et dire qu'il fut un Univers où nous mariâmes nos Solitudes...
La mienne est seule désormais, et moi avec.
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