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Acte III : Folie Amoureuse


Deux semaines s'étaient écoulées depuis ce triste jour. Mozart ne voulait plus voir personne mais tout le monde s'affolait autour de lui. Des courtisans frappaient à sa porte, lui les congédiait immédiatement. Il passait ses nuits à pleurer.

Trop de bruit

Pour trop de nuits qui pensent

Il était parti. On le lui avait retiré. Cet homme, si sobre, si inquiétant, si dangereux mais terriblement attirant. Son absence au sein du palais le tuait de jour en jour.

Quand valse l'absence

Dans ce bal

Lors de son départ, Salieri n'avait pas nié. Il n'avait pas voulu expliquer à Mozart pourquoi. Ce silence l'avait brisé.

Ton silence est un cri qui fait mal

Pourtant, toutes les nuits, il le revoyait dans son bureau. Il s'imaginait avec lui, redessinant les quelques moments, précieux instants d'un bonheur éphémère, qu'ils avaient passé ensemble.

Je devine

Ton visage sur les ombres

Inévitablement, les larmes venaient salir ses joues pâles. Y repenser le faisait souffrir.

Les souvenirs sombres

M'assassinent

Wolfgang regardait sans cesse cette chevalière en argent et en onyx que lui avait laissé Antonio avant de partir. Ce précieux bijou entre ses mains aurait pu signer son arrêt de mort mais lui n'en avait que faire. Cette bague simple était le dernier vestige d'un amour dont on l'avait privé.

Je dors sur des roses

Qui signent ma croix

Il la serrait contre lui avec force, comme si cela pouvait le rapprocher d'Antonio, lui faire sentir son odeur, lui faire entendre sa voix. Pourtant, quelque chose en lui hurlait à l'injustice et à la révolte. Une autre part de lui lui demander d'oublier le compositeur qui lui manquait tant.

La douleur s'impose

Mais je n'ose pas

Manquer de toi

Ils avaient passé des jours et des nuits tous les deux, à composer, à se taquiner, à s'aimer.

Dans mes nuits

Salieri l'avait accueilli un soir d'orage alors que l'Autrichien avait été expulsé de chez lui. Personne ne l'avait jamais fait.

Dans la pluie

Wolfgang se souviendrait toute sa vie de la matinée où ils avaient humilié Rosenberg devant l'Empereur, les courtisans auraient pu voir deux enfants en train de s'amuser.

Dans les rires

Lors du décès de son père, Salieri l'avait soutenu et aidé à remonter la pente.

Dans le pire

De ma vie

Des bouteilles jonchaient le sol, un verre à la main, Mozart voyait trouble et sentit un vertige lorsqu'il se leva pour à nouveau renvoyer ceux qui faisaient du bruit à sa porte.

Trop de bruit

Pour mon esprit qui tangue

Le prodige désirait rester seul, pour le restant de ses jours s'il le fallait. Tout tournait autour de lui, alors qu'il était certain de faire un malaise. Le verre tomba au sol et lui se rattrapa à son bureau, les mains à plat sur celui-ci.

Sur mes rêves exsangues

Drôle danse

Pourquoi s'en souvenait-il encore ? Pourquoi devait-il le revoir, même dans ce moment de faiblesse ? Jamais, pas même au décès de sa mère, à celui de son père, il n'avait autant souffert. Ô funeste destin, pourquoi t'acharnes-tu sur un être aussi fragile ?

La mémoire est un puit de souffrance

Wolfgang tomba à genoux, le front contre son bureau, pleurant davantage. Il lui avait été interdit. La religion les avait surpris et les avait séparés. Mais leur amour perdurait, au moins dans un sens si Antonio ne s'était pas mis à le haïr à cause de leur indécence.

Au-dessus

De ton corps défendu

Mon amour pendu

Se balance

Il voulut s'endormir mais le mal de tête l'en empêchait. Qu'il aurait aimé mourir à cause de l'alcool et non rester ainsi à se morfondre. Salieri, lui, n'aurait pas pleuré, il n'aurait bu jusqu'à se mettre aussi minable.

Je dors sur des roses

Qui signent ma croix

Il devait se montrer fort mais comment ? Ses seules forces étaient parties le jour où la religion lui avait arraché son aimé. Tentant de composer à moitié saoul, Wolfgang ne parvint même pas à tracer une pauvre clé de sol. La seule musique dont il se souvenait était la dernière qu'il avait pu jouer avec Antonio, une pièce en duo piano-voix. Maintenant, il ne parvenait plus à toucher les partitions de cette œuvre commune.

La douleur s'impose

Mais je n'ose pas

Effleurer les choses

Écloses sans toi

Wolfgang ne désirait qu'une chose : Le bien-être de Salieri. Tant que celui-ci allait bien, alors il avait une raison de vivre. Il devait le revoir, c'était impératif. Peu importe l'acte atroce qu'il avait fait, peu importe le poignard qu'il lui avait planté dans le dos, Mozart l'avait pardonné le jour même où il avait été emporté.

Oh, ma rose

Ne fane pas

Je manque de toi

Bien décidé à le revoir, le compositeur sortit de son bureau en tanguant légèrement. Il prit sur lui et se mit à courir après avoir quitté le palais. Il faisait nuit noire, la pluie battait sur les pavés, les rendant glissant. Wolfgang eut du mal à garder son équilibre mais parvint, après moult détours, à sa destination. Il se précipita vers le gardien et piqua un scandale comme jamais auparavant pour pouvoir, une dernière fois, son aimé.

Dans mes nuits

Dans la pluie

Dans les rires

Dans le pire

De ma vie

Le compositeur, ivre mais presque lucide, marchanda longuement et parvint enfin à avoir ce qu'il voulait. Il parcourut la longue allée et s'arrêta enfin devant l'endroit désiré. Là, il fondit en larmes une nouvelle fois et passa ses mains autour de deux barreaux. Il murmura puis gémit le nom de Salieri qui ouvrit les yeux immédiatement en reconnaissant sa voix.

Je hais les roses

Autant que mes sanglots

Il se leva et vint voir Wolfgang, le cœur battant. Ils échangèrent de brèves paroles, Antonio le sermonnant d'avoir autant bu et d'être venu le voir. Le cadet arrivait à peine à parler mais son état en disait long sur ce qu'il ressentait. 

La vie s'impose

Je crois à nouveau

Ils étaient enfin réunis, enfin ensemble, malgré ces barreaux qui les séparaient. Un gardien arriva et Mozart, plus du tout en état de réfléchir, supplia qu'on l'enferme avec Antonio. Hérétique qu'il était, lui aussi devait être puni pour ses péchés. Sans délicatesse, l'officier ouvrit la porte, poussa le compositeur et les enferma de nouveau. Il atterrit sur Salieri et nicha sa tête dans son cou, fermant les yeux en humant son odeur délicieuse, si rassurante.

A mes rêves défunts

Je veux sans fin

Oser la fièvre

Du parfum

Des roses...

"Wolfgang...Comment peux-tu encore vouloir de moi..? Après tout cela..?

-Je te pardonne...tout..même le...le meurtre de Constance... Je..Je veux.. juste être..contre toi...c'est mon requiem...

-Serais-tu devenu fou ?

-Depuis que je te connais.."

La folie est contagieuse, mais pas toujours négative. Wolfgang était devenu fou d'amour pour Salieri qui avait sali ses mains pour s'approprier cet être déjà tombé dans ses bras. Ils s'aimaient et avaient perdu l'esprit. Les fous n'étaient-ils pas ceux qui vivaient le mieux et les plus heureux ?

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