vingt six
Une journée entière s'était écoulée et Mark n'était pas venu.
Ses doigts tapant furieusement contre le comptoir, le fleuriste tentait tant bien que mal de rester rationnel. Il cherchait milles et unes excuses qui auraient pu expliquer l'étrange absence de son bon ami. Peut être devait-il travailler sur un projet de groupe ou assidûment étudier en vue d'un test imminent ?
Cependant, au coeur des tréfonds de son crâne on lui murmurait que le noiraud cherchait à fuir.
Donghyuck comprenait, lui même aurait préféré se couper une jambe plutôt que de devoir se supporter ou pire, sortir avec sa propre personne. Alors il n'en voulait pas tellement à Mark, il méritait bien mieux que ça après tout mais une petite étincelle d'espoir, au plus profond de ses entrailles, continuait d'animer les battements irréguliers de son palpitant.
Tout au long du mercredi assailli par une bruine constante, le fleuriste n'avait pu vraiment s'empêcher d'être un tantinet désagréable. Ses mots s'extirpaient secs et cassants tandis qu'un semblant de sourire tentait tant bien que mal de s'imposer sur sa belle figure dorée.
Le commerçant voulait en finir avec cette journée, rentrer chez lui et s'apitoyer sur son propre sort de presque amoureux transi. C'était qu'il était plutôt nouveau sur ce terrain, n'ayant jamais trouvé un intérêt particulier en l'amour et toutes ses trop nombreuses fioritures. Le jeune brun avait certes déjà eu un crush ou deux durant ces trop longues années passées dans un lycée un peu miteux mais tout ça n'avait jamais été bien intéressant.
Le premier n'était pas si important que ça : un bête joueur de basket répondant au prénom de Sunwoo qui lui avait donné faux espoir sur faux espoir tandis que le second avait été douloureux pendant un long moment. C'était peut être ce qui l'avait dégoûté de cette chose trop vague qu'était l'amour, qui sait ?
Après tout, tomber amoureux de son meilleur ami, ça n'avait jamais été une bonne idée.
À aucun moment n'avait-il osé se déclarer aux beaux yeux de Jaemin ; il ne lui portait de toute façon pas cet intérêt si particulier et ça aurait été bien plus douloureux de se manger un large mur de refus plutôt que d'essayer d'oublier dans son coin. Et puis, c'était certainement mieux comme ça.
Les choses auraient probablement été drastiquement différentes si ils s'étaient retrouvés à couper les ponts ou au contraire, à partager une relation un tant soit peu exclusive. Ils étaient bien là, à être amis et collègues, à rire à propos de tout et courir sans cesse après l'autre afin d'avoir son approbation ou son objection bien plus importantes que celles de qui que ce soit d'autre.
Ils écoutaient l'autre pleurer, tentaient de le rassurer et murmuraient des mots d'amour fraternel qui portaient milles fois plus de sens et d'importance que d'autres paroles dans le vent. Donghyuck était reconnaissant et même cent fois plus que ça d'avoir une personne comme Jaemin à ses cotés.
La pulpe de ses doigts continuait à frapper le bois du large meuble vieilli, produisant un rythme saccadé qui n'apaisait en rien les nerfs à vif du fleuriste. Il avait besoin d'une pause, de bras autour de sa taille ou de murmures sensés détendre les nœuds qui assaillaient ses muscles si endoloris.
La cloche tinta, le brun leva lentement les yeux et son coeur sembla mourir un peu quand il croisa deux paires d'yeux rieurs à la place d'une autre paire emplie des plus belles étoiles de son ciel nocturne.
« Hey. s'écrièrent les nouveaux venus.
- Hey. » répliqua Donghyuck, l'air morne.
Jaemin s'approcha de son meilleur ami, une once de soucis se lisant sur la surface de son front assombri par l'inquiétude, tandis que l'autre jeune homme derrière lui papillonna des yeux. Ce dernier ne pouvait vraiment rester silencieux cependant, il savait très bien qu'avec la personne légèrement particulière qu'était Donghyuck, des gestes parlaient plus et mieux que des mots moyennement pensés.
Alors, ce jeune homme aux cheveux violets se glissa derrière le comptoir aux cotés du commerçant qui, sans bruit, se laissa aller dans l'embrassade qu'on lui offrait ; rapidement rejoint par le grand roux.
Tous les trois restèrent là, dans un désordre de bras et respirations chaudes qui faisait frissonner leurs membres las. L'atmosphère était lourde, un peu trop à leur goût ; alors, le plus grand haussa la voix.
« Chenle, tu m'écrases. » s'enquit-il.
Le brunet gloussa et ils se séparèrent doucement avant qu'ils ne laissent tous échapper l'un ou l'autre soupir qu'ils retenaient sans vraiment s'en être rendu compte. Ils auraient pu cribler leur ami de questions, mais Jaemin et Chenle savaient que ça n'en valait pas la peine. Ils attendraient que le fleuriste décide d'ouvrir la bouche de son propre chef ; c'était tout ce qu'il fallait afin de pouvoir lui venir en aide de la meilleure façon qui soit.
Contre toute attente, ils ne durent pas patienter si longtemps que cela.
« J'ai un problème.
- Quoi donc ? demanda le plus jeune, curieux.
- J'aime bien quelqu'un mais j'ai peur de mal comprendre ses signaux.
- C'est toujours difficile. répondit-il.
- On peut jamais vraiment savoir ce qu'il se trame dans l'esprit de l'autre. » ajouta Jaemin, pensif.
Donghyuck posa son front contre le comptoir.
« C'est bien ça le soucis. J'aime pas quand c'est pas clair.
- Personne n'aime vraiment ça, tu sais. » répliqua le roux.
Un silence.
« Tu t'es déclaré ? demanda Chenle qui ne perdait pas le nord.
- Oui. Je l'ai fait parce que je croyais qu'il s'était déclaré aussi.
- À toi ?
- À moi, oui. Il m'a offert des lilas blancs. »
Le commerçant sentit le benjamin froncer les sourcils et Jaemin faire les gros yeux à son égard.
« Il a dit qu'il en connaissait sa signification.
- D'accord. Et toi, qu'est-ce que t'as fait ? interrogea le plus grand.
- Je lui ai offert des violettes. Je le lui ai pas directement demandé mais j'espérais qu'il aille en chercher le symbole ou je sais pas quoi. Peut être que je me suis fait des idées. »
Un long souffle s'échappa de la gorge nouée du commerçant. Rien que le fait d'en parler un peu le faisait se sentir plus léger. Il avait l'impression qu'un poids venait de s'envoler de sa cage thoracique, rendant sa respiration bien plus facile à entreprendre. Délicatement, une large main se posa entre ses omoplate ; main dont la paume adressa de douces caresses apaisantes contre son dos.
« Il est pas venu aujourd'hui. Peut être que je lui ai fait peur.
- Ou alors il est juste stressé à l'idée que ses sentiments soient réciproques. proposa Jaemin.
- Moi, si Renjun m'aimait en retour, je te jure que je me pisserais dessus. annonça le plus jeune.
- Très fin, Chenle.
- La ferme. »
Lentement, le brunet leva sa tête qui reposait toujours contre le large meuble - l'esprit si confus qu'il ne releva même pas le lien concret entre le crush de son ami et le colocataire de Mark -.
« Vous croyez ?
- On peut pas en être sûrs mais c'est une possibilité non négligeable. dit le roux.
- Il a raison. » renchérit Chenle.
Les yeux du commerçant glissèrent du visage détendu de son meilleur ami, jusqu'aux baies vitrées qui perçaient les murs de l'endroit. Il laissa ses pupilles vagabonder d'un passant à l'autre avant de les faire valser entre les présentoirs qui habillaient joliment sa petite boutique de centre ville.
Au fond, peut être que Donghyuck avait encore le droit d'espérer.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro