— Partir avec eux ? Mais cela ne fait même pas deux semaines que je suis arrivée, je ne vais quand même pas déjà repartir ?

Danila n'en croyait pas ses oreilles. Comment Gladis pouvait-elle lui demander de quitter le palais, alors qu'elle devait reprendre sa place d'alpha ?

— Ce n'est pas moi qui te le suggère, mais notre Grand Alpha, répliqua sa tante en posant les mains sur ses hanches. Son fils lui avait écrit une lettre pour le tenir informé de la situation, et nous avons reçu sa réponse ce matin. Il pense que venir à la rencontre de tes sujets, dans les différents villages de notre région, te permettrait de renouer avec ta meute.

La jeune louve avait envie de se laisser tomber sur son lit, juste derrière elle.

— Je n'ai rien contre l'idée de partir à la rencontre de ma meute, reconnut-elle. J'ai conscience que si je veux que les loups de l'Émeraude m'acceptent, je dois aller vers eux.

Après sa venue au bal, la rumeur de son retour s'était rapidement répandue. La majorité des lycanthropes ne comprenaient pas la situation et demeuraient perplexes quant à cette nouvelle. Néanmoins, quelques-uns se réjouissaient que leur alpha disparue soit encore en vie. Danila ignorait ce qu'ils penseraient s'ils découvraient la vérité, mais tant qu'aucune annonce officielle n'était faite, ils ne pouvaient se douter de rien.

— En revanche, je ne vois pas comment je pourrais effectuer ce voyage en compagnie des fils du Grand Alpha. Marcus me déteste et il ne voudra certainement pas que...

— Il se retrouve dans la même situation que toi, la coupa Gladis. Son père a dit que tu devrais les accompagner, alors il se doit de lui obéir sans faire de vagues.

Danila poussa un profond soupir. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle se retrouve dans des situations impossibles ?

— Si tu veux mon avis, poursuivit sa tante de sa voix haut perchée, je ne pense pas que tu sois en position de te plaindre. Le Grand Alpha est déjà très gentil de ne pas t'imposer un interrogatoire, afin de découvrir ce que tu faisais au palais du roi des vampires.

Il ne faisait aucun doute que Marcus se ferait un plaisir de lui poser bon nombre de questions indiscrètes sur les "sales suceurs de sang"...

— Je pense même qu'il s'agit de la meilleure chose qui puisse t'arriver, affirma Gladis. En te voyant aux côtés des fils du Grand Alpha, les loups de l'Émeraude verront que tu bénéficies de leur soutien. Lorsque je ferai mon annonce officielle pour annoncer ton retour, je n'aurai pas besoin de préciser les raisons de ta disparition.

Sceptique, Danila croisa les bras. Sa tante devait publier son annonce le lendemain, afin que tout le monde soit bel et bien au courant du changement d'alpha.

— Tu veux dire... que nous n'aurons pas à révéler que j'étais une vampire ?

D'un côté, cela l'arrangeait. Elle s'épargnerait bon nombre de critiques acerbes et les loups de l'Émeraude ne la verraient pas comme une "traîtresse". Toutefois, elle avait aussi l'impression de renier une partie d'elle-même, en refusant d'assumer qu'elle avait été une immortelle.

— C'est encore l'avis du Grand Alpha, confirma Gladis. Même si chaque alpha doit des comptes à sa meute, nous pouvons conserver une petite part de mystère. Les gens n'auront qu'à s'imaginer ce qu'ils veulent, ils n'ont pas à connaître l'entière vérité.

Sauf si cette vérité finit par éclater au grand jour et que nos cachoteries se retournent contre nous... Au lieu d'exprimer sa pensée à voix haute, Danila jugea préférable de se conformer aux exigences du Grand Alpha. Depuis le temps qu'il exerçait, il devait bien savoir ce qu'il faisait.

Et même si son fils semblait particulièrement mesquin, elle conservait un excellent souvenir du dirigeant, qui avait été présent après la mort de son père. C'était grâce à lui si elle avait pu rencontrer Marcus et égayer un peu son quotidien.

— Bien, fit Gladis en tapant dans ses mains. Il faut que j'aille finaliser l'annonce qui sera clamée dans chaque village dès demain matin. Elle doit impérativement être prête ce soir, je te la ferai relire avant de l'envoyer à nos crieurs.

Elle s'en alla dans le couloir et Danila la suivit pour aller frapper à la porte de Duncan. Il était parti du palais une ou deux heures plus tôt, afin de se rendre à Montagne-Lunaire. Il voulait y déposer du courrier pour Isabella et la louve lui avait transmis une lettre pour Alisée. Personne ne répondit, signe qu'il ne devait pas être encore revenu.

N'ayant pas envie de se morfondre seule dans sa chambre, Danila se mit en tête de trouver ses cousins. Kiera lui avait expliqué que des professeurs leur donnaient des cours chaque matin, mais en cette fin d'après-midi, ils devaient être désoeuvrés. Un domestique lui indiqua qu'ils se trouvaient probablement dans la bibliothèque.

Parcourir les couloirs du château lui faisait toujours un drôle d'effet. Les murs anciens et les odeurs de bougie lui inspiraient un sentiment de familiarité, presque comme si elle n'était jamais partie. Néanmoins, les nombreux réaménagements lui donnaient l'impression d'avoir disparu depuis un siècle. Les dorures et les centaines de bougies qui éclairaient le palais de Sa Majesté lui manquaient, tout comme sa chambre à la décoration céleste. C'était cet endroit qu'elle aurait voulu retrouver, or il n'était plus qu'un tas de ruines au pied d'une falaise.

Un tas de ruines où devait reposer Jae-Sun. Malgré les terribles images qui lui revenaient en tête chaque fois qu'elle pensait à la nuit de l'attaque, elle avait envie de revenir sur ces lieux de chaos. Elle savait que les ruines du palais avaient attiré bon nombre de visiteurs, mais aucun ne pourrait jamais soupçonner tout ce qui se cachait sous ces débris.

Bon nombre de courtisans, de gardes, ou de domestiques – qu'ils soient aujourd'hui vivants ou morts – y avaient laissé une part d'eux-mêmes. Danila y avait perdu Danila Song et à présent qu'elle se trouvait dans cet autre palais, elle se sentait plus éloignée d'elle que jamais.

Ses pas la menèrent jusqu'aux portes de la bibliothèque, où ses sombres pensées ne la quittèrent pas totalement. Autrefois, elle adorait cette grande pièce garnie de livres vieux de plusieurs siècles. Elle ne prenait jamais vraiment le temps de les lire, mais adorait les contempler comme de précieux trésors. Sauf qu'en voyant cet endroit sombre et poussiéreux, elle songea qu'il n'arrivait pas à la cheville de l'ancienne bibliothèque du roi. Ici, il n'y avait pas le moindre dôme de verre, pas plus que des petits salons aménagés entre les allées, ou des éditions colorées du plus grand luxe...

— Dani !

Kiera fit de grands signes à sa cousine. Elle et ses frères se tenaient assis autour d'une table au centre de la pièce. En s'approchant, Danila vit de gros ouvrages ouverts devant eux.

— Qu'est-ce que vous faites ? s'enquit-elle en se penchant vers les livres. Cela ressemble à des mathématiques, non ?

Ces triangles entremêlés et ces multiples schémas lui réveillaient de bien mauvais souvenirs...

— Oui, gémit Mike, le plus âgé de la fratrie. Notre professeur nous a donné des devoirs, mais je n'y comprends rien.

— Morgan a de la chance, lui il doit juste faire des coloriages ! se plaignit Kiera.

Son petit frère lui tira la langue, avant de se replonger dans ses crayons de couleurs.

— Je peux peut-être vous aider, proposa Danila en tirant une chaise. Je...

— Chut ! murmura Kiera comme les pieds crissèrent sur le parquet. Y'a le monsieur qui a pas l'air gentil derrière les étagères, il faut pas faire de bruit !

Elle désigna le coin gauche de la pièce, près des fenêtres.

— Quel monsieur ? chuchota Danila. Le fils du Grand Alpha ?

Mike hocha la tête, puis ajouta à voix basse :

— C'est celui qui tire toujours une tête d'enterrement. Son frère est beaucoup plus gentil, j'ai eu l'occasion de lui parler, l'autre jour. La demoiselle qui l'accompagne a aussi l'air très agréable, mais celui-là...

Il grimaça, tout en passant une main dans ses cheveux blonds. Des trois enfants de Gladis, il était celui que Danila avait trouvé le plus changé. Lorsqu'il avait dix ans, sa petite taille inquiétait sa mère, qui craignait qu'il ne grandisse jamais. À présent qu'il en avait quatorze, il dépassait largement sa cousine. Ses yeux verts et son teint doré le rendaient très charmant, si bien que d'ici peu, il serait sûrement le parti le plus convoité de la Terre de l'Émeraude.

— Qu'est-ce qu'il fait ici ? marmonna Danila. Il n'a pas assez de livres dans son palais ?

L'idée que ce petit héritier imbu de sa personne fasse comme s'il était chez lui l'horripilait. Elle voulait bien croire que le Grand Alpha et sa famille avaient le droit d'occuper la demeure des autres alphas, or après l'impolitesse dont il avait fait preuve... Même si Danila détestait jouer de son titre, elle aurait voulu pouvoir l'expulser de ce qui était officiellement son château.

— Il m'a demandé où étaient les cartes, déclara Mike.

La louve crut qu'il parlait de cartes de jeux et fronça les sourcils.

— Les cartes quand on veut trouver son chemin, précisa Kiera. Comme il doit bientôt partir, il se renseigne sur la Terre de l'Émeraude.

Danila se permit d'être perplexe. Ce n'était certainement pas lui qui avait élaboré son itinéraire et les gardes qui l'accompagnaient devaient être mieux informés que lui.

— Je vais aller voir s'il a besoin de quelque chose. Je reviens juste après pour vos exercices.

Elle souhaitait surtout découvrir ce que faisait cette petite fouine. Cela ne l'étonnerait absolument pas qu'il cherche à jouer les espions. Il ne trouverait rien d'intéressant dans cette bibliothèque, toutefois elle voulait lui montrer qu'elle veillait au grain.

Elle se faufila entre les hautes étagères en bois, en veillant à faire le moins de bruit possible. Loin d'elle l'envie de l'effrayer, cependant... Si elle pouvait ne serait-ce que le prendre un tout petit peu par surprise, elle en tirerait une minuscule satisfaction.

— Je peux vous aider ? l'interpella-t-elle en le trouvant penché sur un bureau.

Hélas, ses larges épaules ne tressautèrent pas d'un millimètre. Il se tourna vers elle et la lumière du soleil vint se refléter dans ses yeux bleus, les rendant encore plus transparents.

Danila se demanda comment elle avait pu être si captivée par lui. Certes, n'importe quel artiste se serait battu pour l'utiliser comme muse, mais il n'était pas du tout le genre de la jeune fille. Elle préférait les personnes qui dégageaient une aura bienveillante et une énergie positive, à l'instar de Jae-Sun ou d'Alisée. Marcus ne lui inspirait qu'un océan glacial, dans lequel il valait mieux ne pas plonger.

— Mademoiselle de l'Émeraude, la salua-t-il en inclinant la tête.

Ses fausses politesses ne lui firent ni chaud ni froid. À quoi bon feindre de la traiter comme une dame, alors qu'il ne s'était pas gêné pour l'insulter ?

— Je ne fais que préparer notre futur voyage. La compagne de mon frère ne souhaite manquer aucune des splendeurs de votre région. Je m'assure qu'elles seront toutes sur notre trajet.

Même s'il parlait d'une voix très posée, la louve eut l'impression qu'il mentait. Il allait réellement lui faire croire que le Grand Alpha n'avait pas engagé quelqu'un afin de tout organiser à la convenance de ses enfants ?

— J'ai appris que votre père souhaitait que je participe à ce voyage. J'imagine que vous n'avez pas eu votre mot à dire ?

Finalement, peut-être serait-ce une bonne chose qu'elle soit de la partie. Du moment que cela contrariait Marcus, ce serait un mal pour un bien.

— Pas vraiment, répondit-il, parfaitement impassible. J'ai cependant pour habitude de me conformer à ses exigences. C'est donc tout naturellement que vous pourrez vous joindre à nous.

— Je vous suis infiniment reconnaissante de me donner la permission de voyager dans ma région, ironisa-t-elle.

En général, elle ne se permettait pas de répliquer ainsi à qui que ce soit. Et du reste, cela ne lui venait jamais à l'esprit. Se montrer désagréable avec quelqu'un impliquait un risque de le blesser. Aussi niais que cela pouvait paraître, elle ne supportait pas l'idée de faire du mal à des personnes qui avaient peut-être leurs raisons de lui parler sèchement.

Néanmoins, puisqu'il semblait prendre un malin plaisir à jouer les insensibles, elle n'allait pas se gêner pour dire ce qu'elle pensait.

Il ne rentra pas dans son jeu et se réintéressa à ses cartes. En les regardant d'un peu plus près, Danila s'aperçut qu'elles étaient particulièrement anciennes.

— Je ne crois pas qu'elles soient encore d'actualité, l'informa-t-elle. Certaines routes ont évolué depuis...

Elle se pencha pour discerner la date inscrite au bas de la carte, ce qui l'amena à se rapprocher un peu de Marcus. Elle le vit se crisper de manière presque imperceptible.

— Trois siècles, compléta-t-elle. Vous avez pris l'une des plus vieilles cartes que nous possédons.

Elle doutait qu'il soit stupide au point de ne pas s'être rendu compte qu'il y en avait des plus récentes. Il pinça les lèvres, comme si sa curiosité l'agaçait. Et tant mieux.

— Pour être honnête, commença-t-il après avoir pris une inspiration, je voulais me renseigner sur vos anciennes tours d'observation.

Elle pencha la tête sur le côté, ne voyant pas de quoi il voulait parler. Cela le fit tiquer et elle se demanda ce qui pouvait bien clocher chez ce loup. Pourquoi avait-elle la cruelle impression qu'il la prenait pour la reine des idiotes ?

— Lorsqu'il y avait des guerres, nous utilisions ces tours pour surveiller nos ennemis, lui expliqua-t-il avec une certaine impatience. Elles sont aujourd'hui abandonnées, mais offrent toujours de très beaux panoramas. J'aimerais emmener ma belle-soeur en haut de l'une d'elles.

Sûrement Danila avait-elle déjà dû entendre parler de ces tours, mais elle ne s'en souvenait plus très bien. Elle s'étonna de le voir déployer autant d'efforts pour offrir un voyage si mémorable à sa belle-soeur. N'aurait-ce pas plutôt dû être à son frère de se préoccuper de ce genre de choses ?

— Elles sont peut-être indiquées dans nos archives militaires, supposa-t-elle en songeant à ses anciens cours de stratégie.

Cours qui s'était révélés parfaitement inutiles, puisqu'elle n'y comprenait pas grand-chose. Sa manière de raisonner différait de celle de ses professeurs, ce qui lui avait valu des remontrances de Gladis. Tu pourrais au moins faire l'effort d'essayer de comprendre ce qu'ils attendent de toi.

À défaut d'exceller en stratégie militaire, Danila connaissait la bibliothèque sur le bout des doigts. En quatre ans, aucun rayonnage n'avait été déplacé. Elle trouva sans mal les archives, tandis que Marcus la suivait docilement.

— Il doit y avoir d'anciens plans de bataille, ou des rapports militaires, fit-elle en désignant une étagère particulièrement poussiéreuse. Vous devriez trouver des renseignements sur les tours.

Personne ne devait avoir touché à ces documents depuis des années, voire des décennies. Aucune des personnes sensées vivant au palais ne voulait s'intéresser à ce genre de choses.

— Je vous remercie, déclara-t-il avec une certaine retenue, comme si cela lui coûtait de prononcer ces mots.

Il attrapa une grosse pile de livres et la transporta jusqu'à la table la plus proche. En temps normal, face à n'importe quelle autre personne, Danila aurait proposé de l'aider à chercher. Cela aurait rappelé à elle les doux souvenirs de ses moments passés avec Alisée et Jae-Sun, dans la bibliothèque du roi, lorsqu'ils étaient en quête d'informations sur le frère de son amie.

Toutefois, elle n'avait aucune envie d'aider Marcus. Il ne semblait même pas avoir conscience de la cruauté de ses propos. Son ressentiment envers elle était si fort qu'il ne lui présenterait sans doute jamais d'excuses pour ce qu'il lui avait dit. Tant qu'il s'obstinerait à dénigrer son ancienne espèce, elle se contenterait de lui offrir le minimum de cordialité.

Elle s'apprêtait à revenir vers ses cousins, lorsqu'il l'interpella :

— Cela doit vous faire étrange d'être redevenue une louve.

Elle s'immobilisa et prit un instant pour l'examiner. Il s'était assis et commençait déjà à éplucher un énorme carnet. Pourquoi relançait-il la conversation ?

— En effet, mais pas pour les raisons que vous vous imaginez.

Il releva la tête vers elle, les sourcils légèrement froncés.

— La plupart des loups associent les vampires à la mort, avança-t-elle en croisant les bras. Vous pensez que nous ne sommes que des créatures sanguinaires qui ne ressentent plus rien, alors que c'est tout l'inverse. Nos sens surnaturels nous permettent de faire attention à des choses auxquelles aucun loup ne songe jamais.

Danila pensait particulièrement au ruissellement des cours d'eau, au sifflement du vent, aux grattements des rongeurs dans les arbres, au bruissement des plus hautes feuilles des chênes... Seule sa condition de vampire lui avait permis de se sentir proche de la nature à un point aussi bouleversant.

— Nous avons également des capacités surnaturelles, lui fit-il remarquer. Rien ne peut égaler les détails que nous percevons grâce à notre forme animale.

— Sauf que cela n'arrive qu'une fois par mois. Lorsque nous sommes sous notre forme ordinaire, nous sommes bien moins sensibles que les vampires.

Répliquer quelque chose devait le démanger, or il ne dit rien. La louve fut étonnée d'apprendre qu'il pouvait fermer sa bouche, quand il le voulait.

— C'est comme si le monde avait perdu de ses couleurs, depuis que je suis redevenue une louve, poursuivit-elle. Aussi étrange que cela puisse paraître, tout s'est éteint le jour où j'ai retrouvé ma capacité à voir le soleil.

Elle ignorait pourquoi elle lui faisait un tel aveu, alors qu'il allait certainement se moquer d'elle. Le soleil lui avait manqué et elle était heureuse de le revoir, cela allait sans dire.

Mais rester privée de ses magnifiques rayons ne l'aurait pas dérangée, du moment qu'elle avait Jae-Sun à ses côtés.

La couleur que prenait la nuit quand il était près d'elle lui manquait.

Cependant, hors de question d'évoquer le chef de clan devant Marcus. Il trouverait une nouvelle remarque désobligeante à lui faire et du reste, tout fils de Grand Alpha qu'il était, sa vie ne le regardait pas.

— Dans ce cas, j'espère que vos couleurs reviendront, déclara-t-il après être resté pensif.

Étrangement, ses mots ne sonnèrent pas de manière ironique, ni moqueuse. Il n'y avait pas mis une grande empathie non plus, mais Danila eut l'impression qu'à défaut d'avoir vraiment compris ce qu'elle voulait dire, il ne la jugeait pas.

Il n'ajouta rien et se reconcentra sur son carnet. Elle estima le moment propice à s'en aller et retourna voir ses cousins. À sa plus grande surprise, elle les trouva cachés derrière une étagère, à épier sa conversation avec Marcus.

— Qu'est-ce que vous faites ? les questionna-t-elle en ouvrant des yeux ronds.

Ils prirent tous un air coupable, qui manqua de la faire éclater de rire.

— On surveillait juste si le monsieur il était pas trop méchant avec toi, se justifia Kiera. Il a été gentil ?

Sa petite mine préoccupée fit fondre le coeur de Danila. Elle se sentit infiniment coupable d'être partie vivre loin d'eux sans un au revoir, alors qu'ils étaient tous adorables.

— "Gentil" est un bien grand mot, mais disons qu'il a au moins été poli, murmura-t-elle avec un sourire complice.

Restait à espérer que pendant leur voyage, il ferait l'effort de poursuivre sur sa lancée. Rien n'est moins sûr...