Chapitre 16

Here you are

Macie

Vendredi 12 novembre, appartement de Penelope

Se monter tel qu'on est prend du temps. Un sage m'a dit ça un jour. J'ai dû l'entendre à la télévision, surtout. Une chose est sûre : elle n'a jamais montré cette facette d'elle. Une sorte de Minotaure qui laissait paraître que son corps d'homme. Quand elle commence à charger, là apparaît le taureau. Quatre ans sans elle; quatre ans sans une amie supposée être une meilleure amie.

Mais rien n'a réellement changé chez elle. Son précieux regard marron garde la trace de la trahison. Ses cheveux longs confirment bien mes pensées. Elle a changé sans moi, ainsi soit-il. Lisa n'est plus la même adolescente. C'est une femme qui a rapidement pris les opportunités qu'on lui tendait. À commencer par Fiorenzo, dès qu'elle en a eu l'occasion. Ma mère devait la regarder avec envie, elle qui adorait la façon dont Lisa coiffait ses cheveux.

- Oh pardon, je ne t'avais pas vu ma belle, s'excuse Léo, en me faisant la bise.

- Vous vous êtes revus ?

Sa grande bouche n'a toujours pas changé : elle l'ouvre pour aucune raison. Ce qui m'étonne, c'est tout d'abord la couleur de sa robe. Le rose qu'elle porte n'est absolument pas sa couleur préférée, loin de là. Sans m'en apercevoir, je ne cherche même pas à la juger plus que ça. La seule chose que Lisa m'a faite de vraiment décevant, c'est de ne pas avoir pris de nouvelles de moi autant après le bal qu'après mon départ. De ce que je comprends, Léo ne lui fait pas assez confiance pour lui dire de quoi nous avons parlé, et si l'on veut savoir qui est le véritable coupable, Lisa devrait rester en dehors de cette histoire pendant un très long moment. Alors que je laisse Léo se justifier, je la regarde faire avec Fiorenzo : elle le tient par le bras avec sûrement toute la force de son corps pour éviter qu'il s'échappe.

Fiorenzo

Je crois que notre présence dans cet appartement est en lien avec le rapprochement entre Léo et la voisine. En quelques semaines, il s'est déjà lié d'amitié avec cette Penelope et il s'est fait invité à son anniversaire surprise qui n'était pas tant une surprise pour elle. Un soir, elle est venue toquer à la porte et elle a demandé à Léo de venir pour son anniversaire surprise que Macie et son ami organisaient pour elle. Elle avait précisé qu'elle acceptait notre présence et elle a ajouté qu'elle a été tenue au courant par des bouteilles d'alcool mal cachées dans son appartement alors que seul son ami a ses clés. Elle avait d'ailleurs dit qu'il y avait un thème (c'était une évidence, s'ils la connaissent bien), mais elle ne savait pas lequel.

Je lève les yeux vers la personne qui a failli se faire frapper par la porte : c'est Macie dans une magnifique robe bleue. Elle est juste plus courte que celle du bal. Elle porte à la main une boîte de pizza et elle a encore ses beaux cheveux bouclés. Elle est la copie conforme de son père, autant par le caractère que par sa joie de vivre. Lorsque je suis parti l'aider à l'hôpital, j'ai menti à Lisa par rapport à l'endroit où je me trouvais, parce que c'est plus facile de dire que j'ai une urgence au travail que de dire que je rejoins mon ex dans un hôpital à la seconde où elle m'appelle. Je n'ai jamais été irrespectueux envers une fille, mais j'ai l'impression de ne faire que ça avec Lisa. Elle n'a jamais été une mauvaise personne, mais elle est très rancunière, ce qui pousse les gens en dehors de sa vie.

Lisa est appuyée contre moi et je sais très bien qu'elle commence à avoir peur. Si j'avais été un copain modèle avec elle depuis le début de notre relation, elle aurait été plus confiante. Hier, j'ai discuté avec Léo de ce que je ressentais pour Lisa. Je l'ai aimée dès le premier jour de notre relation, parce que j'avais besoin d'être rassurée et de pouvoir prendre quelqu'un heureux une seule fois dans ma vie. Léo m'a fait remarquer que si je me posais la question sur mes sentiments, je voudrais aussi me poser la question de comment prouver à Macie que je n'étais pas celui qui lui avait fait du mal. Mon meilleur ami avait hésité à me raconter sa visite chez elle, mais il a fini par me dire qu'il a pris contact avec elle pour pouvoir s'excuser de ne pas avoir été là dans les moments les plus difficiles de sa vie.

- Les boissons à droite, la bouffe, à gauche, balance-t-elle rapidement.

Léo la remercie pour son accueil, mais elle préfère bousculer Lisa plutôt que de le calculer. Au fond de moi, j'aimerais que ce geste soit par jalousie, et non pas pour une vieille rancune. Je ne fais tout de même aucun commentaire à ce geste, parce que je ne veux pas m'en mêler. J'ai appris à mes dépens qu'entrer dans une dispute de filles était encore pire que les guerres mondiales. Elles ont cette faculté d'être aussi froides que l'URSS et les États-Unis tout en trouvant la force de boxeurs professionnels.

- Elles ne sont pas vues depuis quatre ans et il y a eu juste un coup d'épaule, me rassure Léo. C'est plutôt bien comme début. En espérant qu'elles ne s'arrachent pas des extensions de cils.

Léo croque dans la part de pizza qu'il a attrapée du carton que Macie tenait et me laisse planter là, alors que Lisa se disperse déjà dans la pièce. Pour la soirée, Léo est venu en jeans et un polo noir. J'ai accordé ma couleur de jeans avec son haut et j'y ai ajouté un t-shirt blanc avec une veste en jean. Pourquoi faire plus habiller pour un anniversaire ? Quant à Lisa, c'est un tout autre délire : elle s'est vêtue de sa plus belle robe - ma préférée de sa grande collection, qui est d'un rose pastel un peu délavé vers le bas. Elle m'a dit que la robe se décrit comme une mini robe en velours. Bientôt, elle m'achète un prompteur pour pouvoir me dicter ce qu'elle veut que je dise.

- Et bien, je n'aurais jamais pensé te rencontrer à l'anniversaire de Penelope.

Je me retourne pour faire face à la personne qui me parle : c'est un grand blanc aux cheveux presque longs. C'est le garçon qui a raccompagné Macie quand je suis venue la voir au studio. Et dire qu'elle a sorti une chanson... Ça doit être un de ses amis - ou son petit-ami. Je réfléchis tellement que j'en oublie avoir croisé son soi-disant copain le jour où je l'ai revu dans ce bâtiment. Je lui souris en réponse à son affirmation.

- Tu as foutu un bazar dans sa vie et pourtant, tu ne la laisseras jamais partir, je me trompe ? me demande-t-il, d'une voix lasse.

Lorsque nous sommes revenus de l'hôpital, elle avait l'air tellement apaisée que je m'attendais à ce qu'elle comprenne que je n'étais pas le coupable. En arrivant à l'hôpital, j'ai vu cette petite bouille rosée et d'une beauté inestimable. Quand j'ai reçu l'appel, c'était un ambulancier qui me prévenait qu'elle voulait me voir. Même en me voyant, elle n'a pas eu la même réaction que d'habitude. Ce poids que j'avais dans la poitrine depuis des années s'en était allé un instant. Ses petits yeux verts en amande m'avaient fixé d'une façon tellement belle et tellement apaisante que j'en ai perdu les mots. Elle ne changera jamais, celle qui a fait mon bonheur pendant des années. Son père me disait toujours qu'en grandissant, elle resterait cette petite enfant dans sa tête qui dort avec une peluche auprès d'elle, un gros pull à son papa sur elle une couette qui entoure tout son corps.

- Je veux juste qu'elle sache que je ne suis pas coupable, réponds-je à l'ami de mon ex-copine. Parce que je suppose qu'elle t'a raconté l'histoire du soi-disant Fiorenzo, son ex flippant qu'il aurait violé, n'est-ce pas ?

- Elle m'a raconté votre premier baiser, vos moments à deux et vos voyages ensembles, me raconte-t-il, en sirotant sa boisson qui sent l'alcool de très loin. Je ne dirai pas que je t'apprécie, mais je t'apprécie plus que Jamie. Je ne me mêle pas de sa vie, mais entre ces accusations de viol, ce viol, son arrivée subite ici, le fait de devoir se mettre en couple avec quelqu'un pour éviter de blesser son amie, sa vie n'a pas été facile du tout.

Qui est Jamie ? Est-ce son copain qui lui a fait du mal, aussi ? Mon cerveau surchauffe. Je reste calme devant cet inconnu si proche de ma belle ex, mais intérieurement, je ne me sens pas seulement d'attaque à me battre avec ce Jamie, mais à le tuer aussi. Cet inconnu, qui vient de se présenter comme Samuel, pose sa main sur mon épaule, mais c'est pire. Pourquoi il me caresse l'épaule ? Si c'est sa manière de me rassurer... C'est raté, mon ami.

- Je ne veux pas raconter tous les secrets de Macie, mais son mec est sûrement le pire mec du monde, confirme Samuel. À la limite, Penelope et moi sommes persuadés que tu n'as rien fait. Mais alors, non seulement je suis content de savoir qu'il ne vient pas en vacances pour Noël avec nous, mais savoir que tu es revenu pile-poil au moment où on apprend que c'est un imbécile de macho est encore mieux que prévu.

- Il l'a touchée ? l'interroge sans discrétion.

- Disons que ça nous est déjà arrivé de les entendre dans leur chambre en train de faire des choses, avoue-t-il. Mais ce n'est pas étonnant qu'elle ait des relations sexuelles avec lui alors que cela fait trois ans qu'ils sont ensembles.

Le temps d'un instant, j'ai cru qu'il la frappait. J'ai vu le moment où j'allais le rejoindre chez lui pour lui arracher tous ses membres, et Léo m'aurait accompagné. Je remercie Samuel pour ces informations et je pars à la recherche de ma copine. Pendant plus d'une heure, Lisa et moi avons pu discuter avec de nombreuses personnes présentes à la fête qui n'avaient pas l'air de nous connaître ou de connaître notre histoire. Je ne me suis pas tant préoccupé de Lisa pendant la soirée, même si elle était juste à côté de moi. J'ai préféré jeter un coup d'œil à Macie, parce que j'ai pu la croiser quelques minutes avant en train de se resservir un autre verre d'alcool. Elle avait bu ce soir-là.

La peur commence à monter jusqu'au creux de mon estomac : elle a disparu de mon champ de vision et je commence à paniquer. L'appartement est grand, mais je me dis que je vais la trouver rapidement. J'avais raison puisque quelques minutes plus tard et un verre de servi plus tard, j'entends une des personnes présentes dire que Macie est sur le point de s'énerver contre quelqu'un. Un verre à la main, elle tire sur sa robe pour la faire redescendre sur son corps et elle grimpe sur la table basse. Certains de ses amis sont dans le même état qu'elle et je sens que ça va mal se terminer. L'adolescente de 18 ans qui est en moi ressasse tous ces souvenirs de cette soirée, parce que la personne qui lui a fait du mal m'a brisé autant qu'il l'a brisé.

- Quelqu'un peut m'expliquer ce qu'ils font tous là, crie Macie, en voyant Lisa assise sur le canapé. Maintenant ton rôle est de suivre Léo comme un chien ou tu viens pour surveiller ton mec comme une chienne en manque d'affection ?

Macie s'avance dangereusement du canapé, les yeux remplis de haine. Lorsqu'elle s'est mise à crier, ses quelques amis l'ont rejoint et d'autres se sont regroupés autour d'elle et de Lisa. Léo est appuyé contre la baie vitrée de l'appartement et il semble admirer la scène à l'écart des autres. Elle a les yeux rouges, les lèvres tremblantes quand elle parle et une voix pleine de rancœur et d'alcool. Je n'arrive pas à savoir si elle va mal ou si elle a juste trop bu. Je m'avance un petit peu pour essayer de comprendre ce qu'il se passe. Je crois que si j'arrête l'une des deux dans leur conversation, je me fais assassiner par les deux filles que j'ai aimées.

- Qu'est-ce qui t'arrive, Macie ? commence Lisa, en se levant avec une coupe de champagne à la main. Tu es devenue une si grande paumé dans ta vie ? Être la risée de toute la Corse ne t'a pas suffi ? Ne crois pas que New York te cache très bien, ma belle. Ce n'est pas parce que tu pars, que tu n'es pas la fille qui a été agressée sexuellement pendant une soirée et filmée pour être montrée à tout le monde. Pour faire ton intéressante, tu bois. C'est bien joué comme tactique pour te faire avoir, surtout quand on sait que ce qui est arrivé vient de toi et rien que de toi.

- Lisa ! m'énervé-je. On rentre, s'il te plaît.

Lisa est allée beaucoup trop loin, même pour moi. Cette soirée de bal, ce n'est pas seulement le passé de son ancienne meilleure amie, mais bien le mien aussi. Je ne sais pas si elle s'en est rendu compte, mais elle vient de me blesser et de mettre en colère autant Léo que Macie. Celle qui semble être Penelope prend la main de Macie dans la sienne, mais Macie sert toujours ses poings. Lisa, tu viens de te mettre dans une de ses situations... L'amie rousse de Léo vient se mettre derrière Macie pour l'enrouler de ses bras et lui chuchoter quelque chose à l'oreille. Les yeux verts de mon ex sont remplis de larmes. Mon cœur saigne et je sais que je ne vais pas tarder à laisser couler les miennes. Je ne veux pas pleurer, non pas parce que je pense qu'un garçon ne devrait pas pleurer, et parce qu'elle fait partie de mon passé et que je ne devrais pas autant m'inquiéter pour ça, pour elle et pour sa vie.

- Bien joué Lisa, bien joué, répond Macie, en s'approchant encore plus. Tu es tellement pathétique comme fille que tu n'as même pas remarqué que tu as blessé ton mec. Et tu n'as tellement pas de personnalité que tu es sortie avec l'ex de ta meilleure amie. Moi qui me demandais depuis le début pourquoi tu n'étais même pas venue une seule fois me voir, j'ai eu directement ma réponse par la mère de ton copain qui, soi-disant passant, n'a pas vraiment l'air de t'aimer.

Les regards de travers fusent dans toute la pièce. S'il y a bien une chose que je déteste, c'est être le centre d'une bagarre devant une foule de gens inconnus. Je tombe bien bas lorsque j'entends que Lisa m'a menti. J'ai aimé Lisa dès le début de notre relation, mais je n'aurais jamais pensé qu'elle aurait autant menti sur cette affaire. Ce que je ne comprends pas, c'est que j'avais déjà vu la voiture de Lisa devant la maison de Macie, quelques jours après ce qui s'est passé. Il est peut être possible que mon ex ne soit pas au courant de sa venue et que ses parents l'aient caché.

- On s'arrête là, les femmes, finit par dire une voix grave derrière moi.

C'est l'homme qui était devant le bâtiment et qui avait ramené Macie le soir où je l'ai revu après quatre ans. Je n'aimerais personne d'autre, parce que je n'aime que toi pour toujours. On a bien changé. Macie se recule tandis que Lisa rejoint Léo près de la baie-vitrée. Je laisse ma copine prendre quelques minutes pour m'expliquer ce qu'il se passe pour avoir pour de bon une sincère conversation.

- J'y suis allée une fois avec mes parents, débute-t-elle. Mais elle ne sortait plus de sa chambre et son père disait que la fatigue était toujours présente. On était resté quelques minutes pour boire un café, mais elle n'est jamais descendue. Ses parents m'ont demandé d'arrêter de l'appeler, quelques mois après son départ. Lorsqu'on a commencé à parler de New York, j'espérais tellement qu'elle serait là. C'était une chance de tomber sur cette photo du restaurant, mais on n'aurait jamais dû venir à New York.

Les larmes coulent sur le visage de Lisa et ses lèvres tremblent. J'ai envie de la croire ; j'ai envie de croire que quelque chose dans ma vie se passe bien pour une fois. Je ne suis pas tellement en colère contre Lisa, parce que même Léo a mal vécu cette histoire et a détruit beaucoup. Parfois, j'attends que tout le monde dorme pour partir dans des réflexions où je considère que c'est elle, la seule coupable. Elle m'a accusé, sans même répondre à mes appels où me voir pour que je lui dise la vérité. Elle est partie sans dire au revoir à sa meilleure amie et son meilleur ami, en me laissant face à des adultes qui ne voulaient que mon malheur. Et lorsqu'on se retrouve, elle préfère s'en prendre à Lisa comme si elle était fautive de tout. Léo ne semble pas convaincu du discours de Lisa et il le fait comprendre.

- La seule chose que je retiens de toi, Lisa, ce sont les mensonges incessants, confie-t-il. Dès le moment où elle est partie de la Corse, tu as sauté sur l'occasion pour rester avec son ex. C'est bien de faire la meilleure amie de temps à autre, mais c'est mieux de respecter la règle d'or.

- Léo, ce n'est même pas Lisa qui a choisi que l'on sorte ensemble, mais moi-même, rétorqué-je. Je ne comprends pas où est le problème quand tu sais qu'elle m'a accusé sans savoir la vérité dès qu'elle s'est barrée.

Léo ne me répond même pas. Il part en direction du salon sans même se soucier de ce que l'on pense. Au loin, je le vois rejoindre Macie. Lisa se faufile dans mes bras et attend que je la sers en retour. Pourquoi devrait-elle être heureuse avec Jamie sans que je le sois avec quelqu'un d'autre ? Je me connais très bien, et je sais que j'aurais pu tout plaquer pour elle si elle me l'avait demandé à l'hôpital. Elle ne l'aurait jamais fait, mais j'avais besoin d'espérer que notre histoire ressemblait à celle dans un livre, c'est le genre de New romance qu'elle lisait, il y a quelques années. Mais ce n'est plus la même, n'est-ce pas ? Si elle passe son temps à me croire coupable, c'est que je dois l'être au fond d'elle. Je me dis parfois que j'aurais dû avouer, même si je suis innocent, pour pouvoir partir en prison. Elle aurait mieux accepté mes excuses, ces fameuses excuses pour quelque chose que je n'ai pas fait.

- Pas maintenant, Jamie, entends-je dans la pièce à côté, alors que je suis dans la salle de bain.

- Pourquoi il faut que ce soit compliqué entre nous, dis-moi ? demande Jamie, je suppose.

- Tu ne changes jamais, Jamie. Tu fais toutes les erreurs du monde et moi, je suis tellement épuisée de te supporter que je te laisse tranquille. Je n'en veux plus de cette merde, tu m'entends ? J'étouffe avec toi et je ne peux plus rester comme une idiote dans cette relation qui est vouée à l'échec le plus lamentable du monde, Jamie !

Quand je finis par sortir, je croise Macie qui ne veut même pas écouter son copain parler. Elle me bouscule en passant, mais la curiosité et l'envie de comprendre ses délires me poussent à lui attraper le bras pour en savoir plus sur les dires de Lisa. Je connais bien Macie et ça me parait bizarre qu'elle s'énerve aussi vite s'il n'y a pas quelque chose qui la dérange énormément. Elle me fait face, les yeux rouges, comme si elle venait de pleurer.

- Lâche-moi Fiorenzo, retourne avec la pouffe qui n'a rien d'autres à faire que prendre mes restes, dit-elle d'une voix trop calme. J'ai laissé la croûte de la pizza, si elle veut aussi.

Elle retire son bras de mon emprise et elle s'en va. Je ne comprendrai jamais les femmes. Et si elle était simplement jalouse de Lisa parce qu'elle est encore amoureuse de moi ? Et si j'avais une seule dernière chance avec Macie... ?

Macie

Je ne sais même pas où mène cette soirée. Quand j'ai vu Lisa rigoler avec Marcel, j'ai juste ressenti cette haine jusqu'au bout de mes doigts, comme des flammes qui avaient envie de sortir de moi pour la tuer. Elle est arrivée de la manière la plus tranquille dans cet appartement sans même dire bonjour, ni même emmener un cadeau pour la personne qui fête son anniversaire. J'ai tellement été submergé par des millions d'émotions à la fois que je n'ai pas pu résister. Après avoir distribué la pizza à tout le monde, j'ai rejoint Penelope qui pleurait sur son balcon.

- Il aurait dû fêter son anniversaire avec moi ce soir, me confie-t-elle, ses bras autour de ses jambes pliées. Il a tellement souffert les derniers jours qu'il aurait mérités une fête comme ça, digne de ce nom.

Je me suis assise à ses côtés et je l'ai écouté parler d'Andrew. Lorsqu'il est mort, je me suis permise de pleurer qu'à son enterrement, parce que mon amie avait besoin que je la soutienne. L'entendre parler de lui est une souffrance abominable. Fiorenzo a beau être là, je ne pense qu'à cet ange qui est parti, qu'à cette belle personne qui a quitté ce monde. Mais cette conversation est partie beaucoup trop loin pour que je puisse garder les émotions à l'intérieur encore longtemps.

- Vous auriez dû vous mettre ensembles, lui et toi, me dit-elle, sans que j'y sois préparée. Je sais très bien qu'il aurait été la personne parfaite dans ta vie et qu'il aurait compris ce que tu as vécu sans te blesser.

À ce moment-là, je n'ai plus retenu mes larmes. Andrew avait été la meilleure personne que j'ai pu connaître de toute ma vie, bien avant mon ex. On m'a toujours appris qu'il y avait deux personnes dans notre vie que l'on allait aimer totalement différemment, mais d'une puissance phénoménale. Il y a celui qui déjouera toutes les passions pour nous, qui braverons toutes les montagnes venteuses pour un sourire ; il y a celui qui donnera la tendresse et l'écoute pour voir la personne devenir la plus heureuse. Dans sa vie, on doit aimer ces deux personnes et on devrait en détruire une pour en aimer l'autre. Je me suis toujours dit que j'avais des trucs Fiorenzo et totalement aimer Andrew. Le fait de savoir qu'elle se doutait de notre histoire qui n'en était pas une me brise le cœur. Non pas parce qu'elle le sait, mais parce que j'aurais pu être là pour lui bien avant.

Alors je n'ai pas tenu, je suis allée voir Lisa qui avait l'air très sereine sur son canapé. Peu importe la vision de moi que les autres avaient, ça m'est égal. J'avais bu, mais pas au point d'être bourrée et en manque d'affection. Je n'avais juste plus la force mentale de supporter cette soirée. Et ce n'est pas fini, à ce que je comprends lorsque je vois Penelope sortir une lettre de son sac. Elle s'avance et demande à tout le monde de s'approcher. Elle a bu, même trop bu...

- En mars 2021, j'ai perdu le seul homme qui restera à jamais le seul homme de ma vie, essaie-t-elle de raconter, les yeux dans le vide. En partant, Andrew nous a laissé ces fameuses lettres où il nous remercie d'avoir été là pour lui. Ce qui m'a étonnée, c'est de voir que ma lettre était une lettre d'excuse pour avoir aimé une de mes amies. Il aurait fêté ses 23 ans et s'il m'en avait parlé, on aurait pu partager cette même personne dans votre vie. Macie...

Son regard se pose sur moi, au fond de cette foule. Je ne veux pas pleurer, je ne veux pas pleurer et elle ne peut pas faire ce qu'elle va faire, parce que c'est son anniversaire et que je ne vois aucun rapport de parler d'Andrew et de moi pour leur anniversaire. Je m'enfonce un peu au fond du salon et je l'écoute. Léo est venu vers moi pour me passer sa veste, quelques minutes après que je sois partie de la chambre de Penelope avec Jamie. Il était venu, tout ça pour arranger ce que je ne trouve pas arrangeable. Il est d'ailleurs à côté de Marcel et c'est tant mieux. Je prends les longues manches de la veste entre mes poings, et j'essaie de me cacher avec.

- La chose dont je suis le plus fier dans ma vie, c'est aussi la chose qui me rend le plus triste. Je me souviens de tes peines de cœur, de ces terribles garçons qui te brisaient comme du verre. De toutes les petites conquêtes que j'ai pu avoir, il a fallu que je tombe amoureux d'une de tes amies qui te rend tellement heureuse sans le savoir. Ma sœur, avant son arrivée à New York, ton sourire avait disparu de ton regard était sombre et vide d'amour. En 3 ans, elle n'est pas juste devenue ton amie, mon amie ou celle que j'aime, mais elle est devenue notre espoir et un membre de notre famille. La personne la plus fière de toi, ça restera toujours moi. Prenez soin l'une de l'autre, rends-la heureuse comme elle te rend heureuse et ouvre ton cœur à celle qui comprendra toutes tes douleurs. S'il te plaît, protège-la et ne faites pas comme toutes ces filles qui se disputent pour un rien. Je suis le garçon le plus chanceux de savoir avant de partir au ciel que ma sœur et au pré de la fille que j'ai aimé jusqu'à mon dernier souffle. Les deux amours de ma vie.

Tout le monde se demande comment arrêter des larmes qui coulent sur des joues rosées et mouillées. Penelope ne semble plus savoir tenir debout, mais elle demande à Marcel de lui tendre un cadeau plutôt grand et je reconnais un bout de papier cadeau collé dessus. Le cadeau a déjà été ouvert et Penelope sort ce qu'il se trouve dans ce grand carton. Je comprends que c'est le cadeau que je lui ai offert.

- Tout à l'heure, j'ai trouvé une copie de la lettre que mon frère a écrit à Macie dessus ce cadeau. Il y avait écrit sur l'enveloppe qu'elle était désolée de m'avoir cachée ce qu'elle ressentait pour mon frère et quand j'ai ouvert, je suis tombée sur cet album et ce cadre photo. Je voulais juste le montrer à tout le monde, parce que mon frère a raison : tu as embelli ma vie alors que je ne croyais plus aux amis.

Pour son anniversaire, j'avais fait ce que je sais faire de mieux : j'ai mis dans un cadre ma photo préférée que j'ai pu prendre des jumeaux et dans un album photos, j'ai mis toutes les photos que j'ai pris de nous tous avec son frère et elle, pendant des soirées et des vacances, pendant des disputes et des rigolades, pendant des moments d'amour et de haine. C'était la première fois que je sais réellement ce qu'elle ressent pour moi. Je l'ai toujours considéré comme ma sœur, mais elle était trop pudique pour m'affirmer que c'était réciproque. Elle n'attend pas une seconde pour venir me serrer dans ses bras et pour que l'on se mette à pleurer à deux, encore.

Il était temps de finir la soirée et d'aider Penelope à ranger toute sa maison, un minimum. Certains d'entre nous restent dormir ici, d'autres s'en vont très vite. Lisa est toujours là. La seule chose qu'elle a essayé de faire dans sa vie, c'est sortir avec les ex de ses meilleurs potes. Cette fille n'a aucune figure et à partir de maintenant, je compte très bien le montrer. Si elle a voulu venir à New York pour me narguer, et bien à mon tour de jouer. À la fin de la soirée, je la croise une dernière fois et je me permets de frôler son corps pour murmurer quelque chose au creux de son oreille.

- Tu diras bonjour à ton père et à ta mère de ma part.

Le karma Lisa, le karma.