Primavera.
Primavera.
Ce jour là, il faisait beau. Depuis des semaines une ombre grise planait sur nos toits et nos corps malpropres. On se confinait dans des pièces chaudes car dehors il faisait froid. Car dehors c'était humide. Car dehors il n'y avait pas de lumière. Dehors n'allait pas. La ville était malade. L'hiver était sale. Les gens, tels des lépreux en quarantaine, se laissaient mourir. Mais la lumière était revenue.
Ce jour là il faisait beau. Le ciel était bleu. Les bâtiments étaient repeints de leurs anciennes couleurs. Quelques nuages tâchaient la sphère pastelle. L'air était si doux qu'on y croyait pas. Au fond des grottes sombres où on se laissait faner, quelqu'un était venu nous chercher. Le printemps était rentré. Le printemps avait fait pousser des fleurs utopiques. Le monde revivait.
Je marchais le long d'une avenue, traversant un square au vert tout neuf. Des enfants baignaient leurs pieds dans l'eau des fontaines. Des passants observaient. Peu importe ce qu'ils observaient, ils observaient. Le soleil éclairait de nouveau la Terre. Je traversais les bosquets dénudés. Des feuilles blanches habillaient les sentiers de cailloux. Les mains dans les poches je marchais. Je levais les yeux dans le bleu du ciel et ça me plaisait. Le squelette des arbres devenait presque charnel. J'accélérais le pas pour atteindre la laverie automatique. L'enseigne rose et bleue rayonnait sous le jour. J'attendis que les voitures passent, faisant voler leur poussière. La musique dans mes écouteurs filaient de mon portable, planté dans la poche de mon jean, jusqu'à mes oreilles. Tel le sang pourpre qui parcourt sa grande veine. La porte vitrée du magasin arc en ciel était grande ouverte. A l'intérieur les clients s'afféraient à trier leurs vêtements colorés dans le ventre d'un large panier. Soudain une brise brutale s'engouffra sur la place.
Ouragan festif. Outrage intempestif. Orage de soleil.
Ondée d'oxygène.
Arrivé sur la route, les chaussures plantées au milieu du gravier, mon buste fit volte face. Un coup de vent fila, souffla, transporta. L'air sauvage fit tourbillonner la route, la rue, la ville, la planète.
Univers ! Tu étais là.
L'improbable se produisit. Dans la violence du choc, les vêtements s'étaient envolés. Les fragments de tissu fendaient l'air et enflammaient la rue. Des brasiers aux mille couleurs flottaient au dessus de nos têtes. Les joues closes, la bouche rose, je contemplais le spectacle mirifique. C'était beau. Bon dieu c'était beau. Et entre les souffles bruyants de tous ces gens, les plaintes et la stupeur, je t'ai vu. Assis sur le toit d'une voiture garée en travers de l'allée, tu regardais le ciel se teinter de cette tornade en fleur. Tu souriais tellement. La musique comblait chaque coin vide de mon esprit. Tu emplissait chaque millimètre de mes prunelles. Tu avais en toi, un tableau sans forme et sans limite où se baignait centaine de teintures. Tes mèches colorées frétillaient. Tes iris opalines scrutaient les galaxies cachées. Les traits si doux de ton visage évoquaient la perfection des dieux grecs et la brutalité des lignes impressionnistes. De bleu et d'orange, tu flamboyais. Tes doigts clairs et fins dépassaient de ton gilet exotique, s'accrochant au bord du toit de la voiture. Ton corps écliptique régnait sur une peinture qui coulait depuis le ciel.
Puis tu as baissé les yeux. Tu les as posé sur moi comme si tu savais que j'étais là. Tu m'as souri. Et tes paupières sont tombées en même temps que le vent.
Les vêtements redescendirent lentement, ramenant avec eux des morceaux de paradis. Lorsque la voiture au milieu de l'allée se remit en marche, tu avais disparu. Apporté et emporté par les bouffées d'air. Aussi imprévisible et volage qu'un brin de vie. Tu étais une couleur encore inconnue et je t'avais vu.
Le monde reprit son cours. Les autos roulaient toujours. Les enfants jouaient toujours. Les adultes observaient toujours. T'avais-je rêvé ?
Quel beau songe ç'aurait été,
Si tu avais existé.
Ce jour là, il faisait beau. Les aquarelles d'une vie nouvelle chutaient en trombes. Il y avait du goudron et des robes par terre. Je jetai un dernier regard au ciel bleu. Un des nuages avait la forme de ton sourire. Puis je fis demi tour pour rentrer dans la laverie. Je retirai mes écouteurs et écoutai les oiseaux chanter depuis le bosquet d'en face.
En rentrant chez moi cet après midi là, je me suis mis à écrire une chanson. J'ai composé toute la nuit qui a suivi. Au petit jour elle était finie. Je l'ai appelée Primavera. Je l'ai appelée comme la couleur de ton visage.
Parce que tu étais beau comme ça.
Parce que tu étais grandiose, toi
Qui au creux d'un froid ardent,
Avais fait fleurir le printemps.
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