Le Garçon.
Un soir d'automne, dans le silence morne de sa chambre, Elle observe. Elle observe la route qui coupe son jardin. Elle observe le fils du voisin qui promène son chien. Elle observe. Le haut saule est aussi nu que les murs de sa chambrée, aussi froid que ses pupilles dilatées. Soudain, la Fille sursaute, se retourne d'un bond. Les oreilles grandes ouvertes, Elle craint le monstre. Un craquement sinistre fend la paix. La Bête se déploie, son ombre traverse le sol et le plafond. Son grognement guttural emplit le silence, bourdonne, grésille, inquiète. Elle ne bouge plus. Son cœur bat, bat, bat. Il ne se tait pas. Et Elle ne veut pas. Non Elle ne veut pas que l'on découvre son secret.
Il y a un monstre dans le placard.
Alors Elle se lève, tremblote et hurle à la bête de se taire. TAIS-TOI. Mais la chimère refuse et s'agite dans sa cage. Elle glisse sur le sol, griffe, saccage dans le noir. La Fille flageole, trébuche et la lampe de chevet se fracasse sur le plancher. Que la bête immonde ferme sa bouche féconde ! Mais c'est toujours l'horreur qui gagne la bataille. La bête n'abandonne pas. La bête, la chose, le monstre observe. Et la Fille le sait. Il y a une grosse pupille bleue qui la toise à travers la serrure, un océan flamboyant qui coule jusqu'à ses bras, l'enveloppe et la noie. Il y a des griffes qui longent les bords et forcent les gonds de la porte.
Enfer ! Elle l'a fermée à clé.
La Fille a peur mais Elle n'en parle pas. Quelle honte ce serait ! Car la Fille a une bonne famille. Car la Fille a de bons amis. Pourtant, il n'y a rien de bon dans le placard. Ce n'est qu'un amas informe de mauvais. Alors Elle, la bouche cloisonnée, pleure des larmes sur sa vie dorée. La Fille coule le long de ses joues glacées.
Malheur ! Il y a un monstre dans le placard.
C'est une chimère, un songe brutal et meurtrier qui soupire sur le palier. L'être bestial enfermé là bas, au fond à droite, vagit lentement. Il veut sortir mais il ne peut pas. Il vit dans ce coffre qu'Elle a cadenassé. Tout a commencé l'hiver dernier, tandis que la mélancolie suivait son harmonique quotidien. Lorsqu'un soir, telle une mauvaise note en plein milieu de la partition, aussi subtile qu'une ombre, le monstre est entré. Désintégrant les certitudes, déchirant les sourires, empoisonnant les rêves. Elle a tout fait pour s'en débarrasser mais la bête a demeuré. C'est donc dans le placard qu'elle l'a enfermée, espérant l'oublier.
Mortelle enfance ! Engloutit la peur.
Mais ce soir là, un soir d'automne, dans le silence morne de sa chambre, Elle sanglote la bouche fermée, scellée par le secret. La Fille se lève et s'empare de la clé. Pour la première fois depuis des mois, Elle ouvre la porte des Enfers. A l'intérieur, Elle croise les yeux de la gorgone. Accalmie. La Fille voit. Elle voit son propre reflet dans le miroir.
Ce quelqu'un a le cœur ouvert. Le secret s'est échappé.
Mais ce n'est pas Elle qui décline dans le placard. Ce n'est pas Elle qu'on a enfermée à clé. Ce n'est pas Elle dans le reflet. Non, c'est Lui.
Le Garçon.
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