
Chapitre 9
PDV Emma
Je relevais la tête et aperçu Adam. J'avais l'esprit tout embrumé. Je fronçais les sourcils en m'apercevant que j'étais complètement nue sous ce draps. Je ne me rappelais pas de ce que j'avais fait avant d'être arrivée là.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Tu t'es manifestée, fit Adam.
Il avait l'air... contrarié. Je ne savais pas pourquoi. Alors, c'était pour ça que j'avais une grosse migraine tout à l'heure... Je commençai à me rappeler. J'avais l'impression de m'être endormie, et que je venais de me réveiller. Ce qui s'était passé, c'était comme si je ne l'avais pas vécu. Mon cœur se mit à battre plus vite. Je m'étais métamorphosée ! Je crois que je ne réalisais pas vraiment.
— Ah ouais ? Vraiment ?
— Oui.
— Alors ? Je suis quoi ?
— Une tigresse.
J'avais toujours aimé les tigres. Ils étaient majestueux, magnifiques... Et j'en étais un. Je ne savais pas ce que je ressentais. Je ne sais pas non plus ce que j'aurai dû ressentir. Je me sentais... Bizarre. Adam avait l'air sombre. C'était étrange.
— C'est mauvais ?
— Oui et non...
Il s'assit à côté de moi.
- Il y a une vingtaine d'année, quelqu'un a reçu une prophétie. Elle disait un truc comme "Des vies tomberont des griffes du tigre aux pouvoirs". Autant dire que, depuis cette prophétie, le tigre est un peu un animal maudit... Et si un Métamorphe se transformant en tigre venait à manifester un pouvoir, autant dire qu'on a quasiment la certitude que c'est l'"Élu" de la prophétie.
Une vague de panique enfila en moi. Je me transformais en tigre et j'avais des pouvoirs. Autant dire : je suis dans la merde. Clairement.
— Et ce n'est que ça, la prophétie ? Un vers ?
— Oui... Autant dire que personne ne sait quoi penser.
Le Métamorphe me regarda droit dans les yeux.
— Il ne faut pas que tu révèles ta Métamorphose aux autres. Ils pourraient te craindre... te rejeter... ou pire. Bien sûr, la vérité finira par éclater un jour ou l'autre... Et souvent, les élus de prophéties comme celle-ci, assez sombre, n'ont pas bien fini... Parfois enfermés, voire tués... Alors je t'en prie, ne révèle pas ton animal tout de suite.
Il avait l'air désespéré. Je lui promis que je ne ferai rien. Je comprenais que sinon, ça n'irait pas trop pour moi.
— Mais cette prophétie... Ça se trouve, ça ne concerne même pas quelqu'un de notre époque... Ça se trouve, cette personne n'est pas encore née...
— Justement, on ne peut pas dire d'office qu'un Flamora qui se transforme en tigre est l'Élu de cette prophétie... Mais on en sait rien... Alors les gens ne prennent pas de risques... Ils se méfient... Ils ont peur... On a peut-être même pas bien interprété le sens...
— Mais moi, j'ai pas envie de me faire passer pour une Arcano...
— Fais comme tu veux. En tout cas, je te conseille fortement de faire comme si rien ne s'était passé.
Je hochai la tête. Je pense qu'il fallait mieux que je fasse ça. J'allais me relever pour me rhabiller quand je remarquais une trace rouge sur l'épaule d'Adam.
— Tu saignes, fis-je remarquer.
— Ah oui ! Quand on se transforme pour la première fois, on est particulièrement incontrôlable... Et tu n'as pas échappé à la règle.
— Je suis vraiment désolée...
— Oh, t'inquiète, t'excuses pas, c'est rien, je suis habitué à bien pire. Et puis, on est tous passés par là. Moi, quand je me suis manifesté, j'étais tout seul. J'ai tout cassé dans la pièce dans laquelle je me trouvais.
— Ah ouais ?
— Oui. Alors relax, c'est vraiment rien, répéta-t-il.
Il commença à se relever. Une idée me vint.
— Adam ?
— Oui ?
— Tu crois que tu pourrais m'apprendre à faire des choses avec mon animal ? Les autres ont des cours spéciaux pour ça... Et mon animal est assez similaire au tien...
Un sourire éclaira son visage.
— Essaie déjà de te métamorphoser en gardant tes vêtements, et on verra après.
Sur cette phrase, il quitta ma chambre. Je restais seule, assise par terre et emmitouflée dans un draps.
Je me relevais et me rhabillai. Il fallait que je tente de me métamorphoser, mais seule. Je pris des vêtements de rechange, et les mis dans un sac. J'ouvrai ensuite la fenêtre de ma salle de bain et m'"évaporais" dans l'air, après avoir vérifié que personne ne regardait. C'était devenu pour moi un moyen de transport. Je m'habituais de plus en plus à mes pouvoirs.
Je volais jusqu'à la forêt, dans la clairière où débutait le Karp'ball. Je m'arrêtais et posai mon sac sur le sol. Il fallait que j'essaie de me métamorphoser. Je me concentrais, en m'imaginant dans la peau d'un tigre. Ce n'était pas vraiment plus difficile que de me transformer en courant d'air.
C'était... particulier. Je voyais très bien, à mes pattes poilues et rayées, que ça avait marché. J'avais l'impression, en ce moment, que, dans ma tête, nous étions deux. Je n'étais pas seule. C'était génial. Je marchais un peu, pour voir. J'étais souple, et légère.
Je décidais de faire une balade, sous ma nouvelle apparence. Je me sentais libre. Sous cette forme, personne ne pouvait me reconnaître.
Après plusieurs minutes à vadrouiller, je retournai à la clairière. J'essayai de me retransformer en humaine. Je réussis, mais sans mes vêtements. Je remis ces derniers, assez troués et sales d'ailleurs, juste pour m'entraîner.
Je refis ça plusieurs fois. Je ne réussis pas à une seule. Je remarquai que maintenant, tout mes sens étaient amplifiés. Je me sentais... Mieux. Et... presque puissante.
Bon. Il fallait que je rentre. J'étais absolument dégueulasse. Je mis mes vêtements de rechange, histoire d'être présentable un minimum au cas où, et m'envolais vers ma chambre. Heureusement, Faline n'était pas revenue. J'avais fini tôt les cours aujourd'hui, contrairement à elle.
Je pris ma douche assez rapidement, et ne me couchais pas tard. Les événements d'aujourd'hui m'avaient épuisée. Je m'endormais rapidement.
*****
Je fus réveillée par un cri strident. Je reconnus la voix de Faline. J'ouvrai un œil pour trouver pourquoi. Je découvris bien vite la source de sa peur.
Je m'étais transformée pendant mon sommeil.
Ma colocataire avait une peur bleue des gros prédateurs. Et puis surtout, j'étais censée essayer d'éviter que quelqu'un sache que je m'étais manifestée... Et je rompais cette promesse le premier jour.
Je me démétamorphosai aussitôt. Faline était paniquée au possible. J'eus cependant une petite victoire : je m'étais transformée avec mes vêtements. À croire qu'il fallait ne pas y penser pour que ça marche.
— Tout va bien, fis-je pour essayer de la rassurer. Je ne vais pas te manger pendant ton sommeil.
Mais Faline n'avait pas l'air très convaincue : surtout qu'à cela s'ajoutait la prophétie. Cette fichue prophétie. Je ne connaissais son existence que depuis la veille, mais elle m'énervait déjà.
— Écoute... Ne dis rien à personne, s'il te plaît...
Plongée dans son mutisme, ma coloc' ne répondit pas. Elle s'enfuit par la porte. Je poussai un soupir. Je m'étais rarement sentie aussi abandonnée par une amie. Je restais là debout. Sans émotion. Je ne commençais pas les cours tout de suite, j'avais le temps.
*****
J'avais fini par réussir à convaincre Adam de m'entraîner ; désormais, il m'apprenait le combat, souvent le soir. Je m'étais rendue compte qu'en fait, il était largement meilleur que moi.
Je continuai à aller en cours comme si rien ne s'était passé, mais je sentais que je n'allais pas tenir cette couverture très longtemps ; plusieurs fois, j'avais eu envie de me métamorphoser, juste pour qu'on arrête de me traiter comme une moins que rien.
Faline m'évita toute la semaine. Minsi, elle avait l'air de se douter de quelque chose.
— T'as l'air bizarre... Enfin plus que d'habitude. Tu as l'air plus sûre de toi et... différente. Je suis sûre que ton animal s'est manifesté.
— Ah bon ? Mais je croyais que j'étais une Arcano, ironisai-je. Faudrait savoir.
La louve me jeta un regard perçant.
— Je me suis peut-être trompée...
— Je ne me suis pas manifestée, affirmai-je. Je ne vois pas pourquoi je mentirais.
— Je ne vois pas non plus... Mais je trouverai bien.
En effet, Minsi n'arrêta pas de me faire des piques tout au long de la semaine. Elle voulait que je craque. Je ne craquai pas. Jusqu'à ce jour.
Alors que je me posais pas très loin de la forêt et du lac, ce dimanche après-midi, une nuée d'une demi-dizaine d'oiseaux environ fonça sur moi. Je me relevais et cherchai du regard quelqu'un qui aurait attiré ses oiseaux ici. Mes yeux se posèrent sur Minsi et son groupe, moins nombreux qu'avant. Les oiseaux étaient sans doute des Métamorphes de sa clique.
Ces derniers m'attaquaient de coups de bec. Je poussais le vent à souffler plus fort, sans que ça soit visible qu'il vienne de moi, et fit de mon mieux pour donner des coups de poings aux oiseaux. Ils finirent par s'éloigner, voyant que je résisterai et que ça n'irait pas bien pour eux. Je me retournai pour reprendre mes occupations quand mes sens de félin repérèrent quelque chose qui courait droit sur moi.
Je n'eut pas le choix. Je me transformais et roulait avec Minsi, sous sa forme de louve. Je pris vite l'avantage grâce à ma taille imposante et la plaquai au sol.
Je la fixai intensément dans ses yeux gris. Finalement, je relâchai ma prise. Tout le monde me regardait. Sous le poids de tous ces regards, qui me jugeaient probablement, je pris la fuite dans la forêt. Personne ne me retint.
Comme d'habitude, c'était la colère qui prit le dessus. Une fois redevenue humaine, je laissais le vent de déchaîner. J'avais envie qu'il souffle fort. J'avais envie que la forêt toute entière soit au courant de ma colère. Ce ne fut que quand le premier arbre se déracina et tomba au sol que je me rendis compte de ce que j'avais fait. J'arrêtai alors le vent. D'avoir tué un arbre m'avais fait prendre conscience de l'inutilité de déchaîner ma colère avec mon pouvoir. De plus, ça m'avait vidé de mon énergie.
Je restais là, seule, à ne rien faire, à réfléchir. Ça faisait parfois du bien de s'ennuyer. Lorsque que je me relevai, je vis que j'étais transparente. Encore. Mais cette fois, c'était pire. Lorsque j'essayai de toucher quelque chose, comme un arbre à côté de moi, mon bras passait tout simplement à travers.
Je secouais mes mains, comme si ça pouvait les remettre bien. La dernière fois, mon corps était redevenu normal après ma douche. Peut-être qu'il fallait simplement que j'en refasse une.
Je saisis mon pendentif de téléportation, accroché à mon cou, et le brandit à la lumière avec en tête une seule destination : Chromatica. Je n'aimais pas me téléporter pour si peu, mais en me promenant comme ça, j'allais forcément attirer l'attention. Et puis, si je m'évaporais dans l'air, j'avais peur de ne pas réapparaître.
J'atterris juste devant le bâtiment. Je me précipitais dans la Salle des Miroirs, et fonça dans un de ces derniers. J'atterris dans ma chambre, comme souhaité. J'enlevai mes vêtements. Dès l'instant où ils quittèrent mon corps, ils redevinrent solides. J'entrai dans la douche mais ne put la refermer ; ma main passait à travers.
L'eau ne coulait pas vraiment sur mon corps ; je ne sus pas vraiment si la douche avait servi à quelque chose. Je ne pus me rhabiller.
Je ne sus pas non plus par quelle sorcellerie j'avais réussi à m'allonger sur mon lit sans passer à travers. Toujours était-il que, comme Faline était chez ses parents ce week-end, j'étais tranquille ; personne ne me dérangerait, en théorie. Je sombrais alors dans le sommeil, à 15h de l'après midi.
Lorsque je me réveillai, j'étais un peu moins transparente, mais j'avais très faim. Je réussi à m'habiller. Je me téléportais du miroir de ma chambre pour aller à celui de la cantine. À Valquia, il y en avait partout. Je pris rapidement une petite réserve de pain et de fruits, de sorte à ce que personne ne me voie. Il était 19h. Les autres allaient peut-être s'inquiéter de ne pas me voir. Et ce n'était pas plus mal, au vu du fait que je m'étais manifestée.
Je mangeais ma réserve au dessus du lavabo, pour ne pas en mettre partout. Faline arrivait ce soir, vers 21h.
J'achevai de manger quand j'entendis quelqu'un toquer à ma porte. Je regardais dans le miroir si j'étais assez présentable. J'avais littéralement repris des couleurs. Bon. Je supposais que c'était assez pour ne pas être cramée.
J'ouvris la porte et tombai nez à nez avec Adam.
— Le directeur veut te voir, dit-il. En fait, depuis cet après-midi midi, mais tu n'étais trouvable nulle part. J'ai essayé de toquer à la porte, mais personne n'a répondu.
— Je dormais, dis-je en toute honnêteté.
— Bref, tu devrais y aller rapidement, rajouta-t-il.
Je sortis en fermant derrière moi.
— Pourquoi tu n'es pas venue manger ce soir ?
Je me doutais qu'il le demanderait. Ça se sentait dans sa voix qu'il me reprochait quelque chose.
— Je n'avais pas faim, menti-je.
— Tu as toujours faim d'habitude. Tu es sûre que ce n'était pas à cause du regard des autres ?
Tiens, une excuse parfaite, comme servie sur un plateau d'argent.
— Si, aussi.
— T'inquiète pas, bientôt ils n'y penseront plus, ça sera devenu normal. De toute façon, ils n'ont rien pour prouver que tu es bien l'élue de la prophétie.
S'il savait...
— T'as sans doute raison...
Nos chemins se séparèrent quand je descendis l'escalier pour aller voir le directeur. J'espère qu'il ne me reprochait pas mon animal...
Je toquai à la porte. J'entrai quand j'entendis un "entrez". Comme la dernière fois que j'étais venue, il était assis derrière son bureau. Rien n'avait manifestement changé.
— Ah, Emma, dit M. Archillac. Je t'attends depuis longtemps.
Alors que la plupart des professeurs vouvoyaient les élèves, le directeur, lui, les tutoyait ; il avait l'air proche d'eux, presque.
— Je t'ai convoquée ici pour parler de ta récente manifestation.
Je croisais les doigts pour qu'il ne me renvoie pas de Chromatica, ou pire, me dénonce aux autorités comme la tigresse de la prophétie. Il n'en fit rien.
- Voici ton nouvel emploi du temps, dit-il en me tendant une feuille. On y a ajouté le cours de métamorphose et je t'ai faite passer au Niveau 4 de cours physique et au Niveau 2 de cours d'information. Il y a un cours supplémentaire au Niveau 4 de cours physique, la manipulation d'armes. Ça te fait donc un emploi du temps plus rempli que précédemment, mais pas trop quand même, ne t'inquiète pas, fit-il avec un sourire.
Sidérée intérieurement, je saisis le papier. C'était juste ça ?
— Ah, Emma ? dit le directeur quand je m'apprêtais à sortir. Si jamais tu es une Flamora, fais attention à toi. Ne te laisse pas déborder par un quelconque pouvoir. Garde toujours le contrôle. Et puis, quoi que les autres disent, ils ne peuvent pas savoir. Et n'oublie pas qu'on ne peut changer l'avenir.
C'est sur ces mots mystérieux que je quittais la pièce. J'avais de quoi cogiter, ce soir !
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On avait un petit chapitre avant, en voici un gros !
Bref, n'hésitez pas si vous avez des questions, si je ne suis pas claire ahah, ou même des théories, ça me fait plaisir de lire vos commentaires !
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