Chapitre 14
Tremblants et le visage rouge d'avoir pleuré, nous arrivâmes à Chromatica. Certains élèves avaient déjà l'air d'être au courant. La nouvelle aurait déjà été annoncée ?
Direction, le bureau de M. Archillac, pour la deuxième fois de la journée. On lui a tout raconté. Comme d'habitude, il resta muet, calme et compréhensif tout le temps où Naïa racontait ce qui semblait être un meurtre. Il reprit la parole ensuite.
— Est-ce que vous avez des soupçons ? Même entre vous ?
— Je pense que c'est elle, dit Minsi en me pointant du menton.
Évidemment, je vis rouge. J'eus envie de la frapper. Mais pas en présence du directeur.
— Mais t'es complètement cinglée ? me contentai-je de dire en haussant la voix. Pourquoi j'irais tuer une de mes rares amies ?
— Pour réaliser la prophétie, répondit Minsi.
— Tu déconnes. L'Élu de la prophétie n'irait pas tuer quelqu'un juste pour la réaliser, s'il est sain mentalement...
Les autres observaient l'échange silencieusement, sans y participer.
— On ne sait jamais, ajouta la louve d'une voix hautaine.
J'eus envie de me jeter sur elle et de lui faire la peau. Elle avait un sérieux don pour me faire péter les plombs. Voyant que la tension montait, M. Archillac prit la parole.
— Emma, est-ce que c'est toi qui a commis ce crime ? me demanda-t-il en me regardant dans les yeux.
— Bien sûr que non...
— Voilà qui règle le problème alors !
Minsi ouvrit la bouche pour répliquer, mais la referma aussitôt. C'était le directeur. Elle se contenta de me jeter son regard le plus noir et de se reconcentrer sur M. Archillac, qui avait repris la parole.
— Je vais faire une annonce à tout le monde, tout à l'heure, pour annoncer cette nouvelle. Vous pouvez disposer.
Le groupe, qui tenait à peine dans le bureau, en sortit. Je me rendis compte que je tremblais comme une feuille. Le vent commença à souffler, alors même qu'on était à l'intérieur. Toujours la faute de mes émotions.
— Eh bien, même ici, il y a des courants d'air, commenta Naïa.
Je paniquai instantanément. Il fallait que je bouge, sinon ils allaient se rendre compte que quelque chose clochait avec moi.
— Je vais en bas, annonçai-je aux autres. J'ai besoin de prendre l'air.
Sans attendre de réponse, je fonçai dans le miroir le plus proche. Je m'évaporai dans l'air, juste après avoir vérifié que personne ne me voyait, dans la Salle des Miroirs. Je m'arrêtai à la clairière de d'habitude, là où on débutait le Karp'ball.
Enfin seule.
Je laissai mon élément se déchaîner comme il le voulait. Ça m'était égal. Mais je commençai à sentir mon tigre, qui lui aussi voulait sortir. Mais non. Il ne fallait pas. Même Adam me l'avait dit.
Mais d'un autre côté, c'était tentant d'échapper à la réalité. Peut-être qu'en tant que bête sauvage, la vie était meilleure ? Mieux que de voir une amie mourir sous mes yeux et peut-être de ma faute ?
Voilà que ces pensées tentaient encore plus mon animal. Je le sentais déjà en train de prendre le contrôle.
Je l'ai laissé faire.
Je n'aurai peut-être pas dû.
Mon tigre s'empara de moi, comme prévu en théorie. Mais il ne fut pas satisfait. Je n'avais rien, aucun punching-ball. Que des pauvres arbres.
Je continuai mon chemin, à chercher des proies dans la forêt. Au bout d'un moment, j'en trouvai une. Enfin quelque chose pour défouler mes émotions. Un humain marchait dans la forêt.
Aussi silencieusement que possible, je m'approchai de lui et, au dernier moment, lui sautai dessus.
Il se transforma, lui aussi, dès qu'il me vit. Peut-être qu'il m'avait repérée avant que je bondisse, mais en tout cas, il ne l'avait pas montré.
Lui aussi était un félin : un lion. Je ne savais même pas pourquoi je me battais contre lui actuellement. Ça me défoulait, je suppose.
Mais mon adversaire aussi était expérimenté. Il évitait mes attaques avec adresse, mais n'essayait pas de m'en faire. Sauf quand il essaya de me donner un coup sur le côté du cou. J'ai aussitôt compris ce qu'il voulait faire, c'est-à-dire m'assommer, et l'ai esquivé.
Cette tentative me mit encore plus en colère. Je redoublai d'efforts, les griffes sorties. Les siennes ne l'étaient pas. Je réussis enfin à lui faire une petite entaille à la côte. Ça me procura instantanément une énorme satisfaction. J'avais envie de recommencer.
"Emma, arrête."
Je dressai les oreilles mais continuai de me battre. Bien sûr, j'avais entendu cette supplique, et l'avais comprise. Mais je n'allais pas maintenant, alors que je commençai tout juste à m'amuser.
Je continuai presque fini de danser à essayer d'atteindre mon adversaire. Lui battait en retraite. Je ne comprenais pas. Pourquoi ne se défendait-il pas ?
Il essayait de s'éloigner, mais je revenais sans cesse à la charge.
"Emma, s'il te plaît, bats-toi. Ne le laisse pas faire."
Mais nulle trace d'Emma. C'est la partie faible de mon corps. Je ne voulais plus d'elle.
Le lion s'écarta en courant et, soudainement se transforma en humain, avant de se stopper en plein milieu de sa course.
— Vas-y, tue-moi et abandonne tout ce que tu as fait contre la prophétie. Réalise-la, tant pis.
Ces quelques mots réveillèrent la part d'humanité en moi. Je m'arrêtai net. Cette fois je sentais qu'Emma essayait de reprendre le contrôle. Sauf que je n'avais pas envie. C'était tellement mieux quand moi, la tigresse, j'étais seule, sans Emma pour décider de ce qu'on doit faire ou non.
Je fixai l'humain, mais en réalité, une véritable bataille se tenait en moi. Emma qui me forçait à refaire équipe avec elle, et moi qui voulais rester maître de la situation.
Elle avait une énorme volonté de réussir, très forte, trop forte sans doute pour moi. Moi, je n'avais pas de vraie raison, à part être libre de faire ce que je voulais. Elle, elle devait trouver l'assassin de son amie, et sans doute aussi survivre. Je l'ai laissée petit à petit reprendre un peu de contrôle, sans quitter des yeux l'humain.
Nous étions à nouveau une équipe. J'avais réussi à forcer mon tigre à me laisser faire. Toujours sous ma forme de tigre, je fixai du regard Adam, qui faisait de même, toujours sans bouger.
— Tu es de retour, Emma ? demanda-t-il avec prudence.
Cette phrase me mit comme un coup de fouet. Oui, j'étais de retour. Mais... je me sentais différente. Comme plus complète. Plus animale. Maintenant, nous étions réellement deux, en harmonie, mon tigre et moi. Ça semblait difficile à comprendre, mais j'avais réussi à trouver cet équilibre.
Je continuai de fixer Adam, mes yeux dans les siens. Puis je me retransformai en humaine. Pour la première fois, ce n'était pas un ordre, mais une demande. Je ne voulais plus faire des choses avec ma tigresse dans la contrainte. Je ne savais pas comment le fait que mon animal avait pris le contrôle m'avait autant changée.
Dès l'instant où je redeviens humaine, Adam se précipita vers moi et m'enlaça directement. Je fis de même.
— Tu m'as fait tellement peur ! dit-il la voix légèrement brisée. J'ai cru t'avoir perdue !
Lui-même se mettait à pleurer. À moi aussi, les larmes commençaient à monter.
— Je suis tellement désolée ! fis-je en le serrant contre moi.
— Tant que tu es revenue, c'est le principal.
Le vent souffla de plus belle. Adam, quelques minutes plus tard, releva la tête.
— C'est toi qui fais ça ?
— Euh... Oui, répondis-je. Souvent, il se cale sur mes émotions...
— Ah oui... C'était toi aussi, tout à l'heure, dans le couloir ?
— Ouais, c'est pour ça que je suis partie. Sinon, ils allaient se rendre compte que quelque chose clochait avec moi, fis-je avec un petit sourire en coin. Ah oui, comment tu m'as trouvée ?
— J'étais sorti de base pour prendre un peu l'air, puis je me suis dit qu'il y avait une possibilité pour que tu te transformes, sans forcément le vouloir...
- Et... merci. Si tu n'étais pas arrivé, qui sait ce que j'aurai fait à la première personne venue...
— De rien. Tu lui aurai sans doute fait la peau.
— Je suis vraiment un boulet... Entre les Antigos, et... Vista...
— Ce n'est absolument pas de ta faute...
— Si, de partie... Il arrive toujours des trucs aux autres... Je ne sais pas ce qu'ils me veulent...
— Ce qui est arrivé à Vista n'a aucun rapport avec toi... dit Adam.
— Si... Le papier, qui disait que c'était un avertissement... Je suis quasiment sûre qu'il m'était adressé... Il était comme... collé sur le verre, et quand j'ai mis la main dessus, il s'est décroché. Et en plus, cette prophétie... Ça ne me rassure pas tout ça.
— Hey, Emma, dit-il en prenant mon visage entre ses mains pour me forcer à le regarder dans les yeux. Tu n'es pas une mauvaise personne. Beaucoup des plus grandes personnes ont eu à tuer pour le bien des autres. Je suis sûr que ces gens sont des tarés qui ont un objectif complétement absurde... Tu n'as pas à t'en vouloir.
Je ne répondis pas. Je ne savais pas quoi dire.
— On y retourne ? demanda Adam en se tournant vers le chemin qui menait au bâtiment.
J'acquiesçai. Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais au moment précédent, j'avais presque espéré un baiser.
"À tous les étudiants, les professeurs et le personnel de Chromatica !"
Une voix, celle de M. Archillac, venait de résonner, même jusqu'à la forêt. Adam et moi nous stoppèrent.
"J'ai une annonce de la plus haute importance à vous annoncer. Je ferai ça à 18h00, au niveau du lac, si vous voulez y assister en présentiel, mais elle sera retranscrite partout dans l'établissement et même dehors grâce aux hauts parleurs. Je compte sur vous pour y être attentifs. "
Adam et moi nous regardâmes. Nous savions tous les deux de quoi allait parler cette annonce. Il était 17h45.
— Je crois qu'il faut vraiment qu'on y retourne, dis-je.
— Oui, acquiesça Adam.
On retourna dans l'enceinte du château, sans s'adresser la parole une seule fois. Je crois qu'on ne savait pas du tout quoi dire. Après un dernier sourire à mon encontre, Adam entra dans le bâtiment. Moi, j'étais mieux dehors. Je m'évaporai dans l'air, après avoir vérifié que personne ne me suivait. C'était réconfortant. Je me suis laissée porter autour du château jusqu'à voir des gens s'attrouper vers le lac.
Toute trace de bonne humeur avait disparu. Je redescendai et me postai à côté de Faline. Celle-ci tremblait. Elle n'avait pas l'air de pleurer pour le moment.
Je la pris dans mes bras. Un câlin, ça faisait toujours du bien. Elle se laissa faire.
M. Archillac se posta devant le lac. Tous les élèves suivirent son mouvement de sorte à être devant lui tout en lui laissant de l'espace.
— Ce que je m'apprête à vous annoncer est très difficile à dire. Ceux qui sont déjà au courant et qui ne veulent pas rester, vous êtes libres d'aller où vous voulez.
Il se racla la gorge.
— Autant y aller droit au but : une de vos camarades à été assassinée.
Il se tut le temps de laisser le temps aux élèves d'assimiler la nouvelle. L'entendre prononcer ces mots me faisait réaliser pleinement ce qu'il s'était passé. Mais j'étais plus en état de choc et en colère que triste. Certaines personnes, comme Faline, craquèrent sans les bras de leurs voisins. Je tremblais également. Chacun réagissait différemment.
— Elle buvait un verre avec des amis et a été empoisonnée. On ne sait pas qui, on ne sait pas quand, ni même comment.
J'entendais derrière moi des personnes en train de pleurer, et d'autres qui s'indignaient.
— Chacun est, comme je l'ai dit précédemment, libre de partir, d'avoir une aide psychologique ou ce qu'ils veulent pour se sentir bien. Mais j'aimerais aussi vous dire d'être prudent. Et plus particulièrement les Flamoras.
Je tremblai de plus belle, et le vent, sous l'influence de mes émotions, soufflait toujours plus fort.
— Vista était une Flamora. Le message déposé sur son verre pouvait clairement dire qu'elle avait été assassinée à cause de sa nature. Je voudrai dire à tous les Flamoras qu'ils ne sont sans doute pas en sécurité. N'hésitez pas à dire que vous l'êtes à des personnes de confiance, mais pour les autres, essayez de garder le secret.
« Et dites-vous que ce n'est pas parce que certains Flamoras ont perdu le contrôle de leurs pouvoirs que vous devez en avoir peur. Au contraire, utilisez les souvent pour savoir les contrôler. Et surtout, soyez fort, Flamoras comme Métamorphes. Les prochains mois ou années ne seront pas faciles.
Il fit une autre pause.
— Des aides psychologiques seront présentes sur le campus aussi longtemps qu'il y en aura besoin. Vous n'êtes pas obligés d'aller en cours demain. Nous comprendrons. Mais ne vous arrêtez pas de vivre. Essayez de rester actifs.
M. Archillac scruta le visage de ses élèves, un par un, et reprit.
— Vous pouvez retourner à vos occupations.
Petit à petit, les élèves quittèrent le lieu. Je restais avec Faline, qui s'était un peu calmée, le temps que la place soit libérée, avant d'aller avec elle dans notre chambre.
— Faline ? fis-je tandis qu'elle allait vers son lit.
— Oui ? répondit-elle en se retournant.
— J'ai quelque chose d'important à te dire.
Le visage soudain soucieux, elle me fixa.
— Je suis une Flamora, fis-je.
Elle parut surprise, mais ne répondit pas tout de suite. Elle semblait y réfléchir. Enfin, elle se remit à parler.
— Emma, il faut que tu saches que maintenant, tigresse, Flamora ou même élue de la prophétie, je ne t'abandonnerai pas. Tu es une de mes meilleures amies.
Nouveau câlin. Ça me faisait chaud au cœur d'avoir des amis sur lesquels compter.
J'avais envoyé un message à Anaïs pour lui dire que j'avais beaucoup de choses à lui raconter et qu'il fallait que je la voie en vrai pour lui dire. Il s'était passé trop de choses en l'espace de deux jours pour les lui dire par message ou en visio.
Le lendemain, je suis tout de même allée en cours. Il fallait que je me change les idées. En maniement d'armes, on avait commencé le combat en corps à corps, après nous être bien entraînés sur des mannequins les séances précédentes.
Dans la classe, ce jour-là, nous étions seulement 6, au lieu des 18 habituels. Parmi eux, le seul que je considérais comme un ami était Ayden.
Après le cours, en sortant du dojo, ce dernier vint me voir.
— Emma, il faut que je te dise quelque chose. En privé.
— D'accord, répondis-je, les sourcils froncés, un peu soucieuse.
Je le suivis jusqu'à ce qu'il s'arrête, quelque part dans la forêt. Il était rouge tomate et semblait stressé.
— J'ai répété cette scène des dizaines de fois dans ma tête, dit-il. C'est... assez difficile...
Je le regardai, redoutant un peu ce qu'il allait me dire. Ayden se racla la gorge.
— Je...
Une feuille craqua derrière moi. Nous deux, tous les deux des félins, le repérâmes aussitôt. Je n'eus pas le temps de me retourner quand je sentis une aiguille s'enfoncer dans la base de mon cou.
La personne qui m'avait fait ça, une femme d'assez grande taille, attrapa Ayden, qui tenta de s'enfuir. Mais elle était plus rapide. Avec son aiguille, elle lui injecta le contenu de sa seringue, sans doute le même que le mien.
Ce fut ma dernière vision avant que tout disparaisse.
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Eh ouais ENCORE quelque chose ! Je vous aurai prévenus eheh !
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