Chapitre 6
Je traverse la cour du lycée en marchant rapidement, le souffle court et les pensées en désordre. Enfin, le terrain de lacrosse apparaît derrière le bâtiment principal, entouré de vieux chênes et de bancs remplis d'étudiants bruyants. L'équipe est déjà en plein match, les cris des joueurs et des spectateurs résonnent dans l'air frais de l'après-midi, mélangeant encouragements et exclamations. Le soleil de fin de journée projette de longues ombres, ajoutant une touche dramatique à la scène.
D'un coup d'œil rapide, je repère James. Mon cœur rate un battement en le voyant, sa silhouette athlétique se découpant nettement sur le fond vert du terrain. Bien que son casque cache ses cheveux blonds, je reconnais son nom inscrit sur le dos de son équipement, et même sans cela, je l'aurais identifié entre mille. Sa manière de se déplacer, fluide et confiante, est inimitable. Je détourne immédiatement les yeux.
Pas maintenant. Mon objectif est clair : trouver le principal Lexington, et apparemment, il n'est pas encore arrivé.
Je scrute la foule, cherchant désespérément Ruby et Lin. Elles devraient être là, quelque part, parmi les visages familiers, mais elles restent introuvables. Une vague d'anxiété me traverse, serrant mon estomac. Je n'aime pas me retrouver au milieu de la foule, seule. Je passe en revue les gradins, les abords du terrain, chaque recoin où elles pourraient se trouver, mais rien.
Les seules choses que j'aperçois sont les étudiants en uniformes bleus et roses de notre école, les garçons de l'équipe, qui passent en courant près de moi avec des expressions déterminées. La barrière est la seule chose nous séparant, et je peux sentir l'odeur de l'herbe fraîchement coupée.
Je continue d'avancer, serpentant à travers la foule animée, jusqu'à atteindre l'extrémité du terrain où il y a moins de monde. Là, je trouve un endroit tranquille et passe mes bras au-dessus de la barrière pour m'appuyer et observer le match. Le métal froid contre ma peau contraste avec la chaleur de l'après-midi, et je prends un moment pour apprécier la vue dégagée sur le terrain. Les joueurs s'affrontent avec une énergie féroce, leurs mouvements rapides et coordonnés capturant mon attention.
Cependant, mes yeux captent soudain Alistair avançant vers son adversaire avec une détermination absolue. Avant même que celui-ci n'ait la chance de marquer, Alistair se précipite sur lui. Les cris aigus de James transpercent l'air, et mes yeux s'écarquillent alors que je vois l'adversaire être propulsé au-dessus du corps d'Alistair, avant de retomber violemment au sol. L'atmosphère devient chargée de tension, amplifiée par le sifflet de l'arbitre, signifiant l'arrêt du jeu.
Un silence oppressant s'abat sur le stade, brisé uniquement par les murmures inquiets de la foule. Puis, tel un feu qui prend, le chaos éclate sur le terrain. Alistair, débordant de rage, se rue vers le garçon étendu au sol, déclenchant une réaction en chaîne de colère et de confusion. Les joueurs des deux équipes s'empoignent, leurs voix se mêlant dans un concert de protestations et de cris de défi.
Le public, happé par l'action, crie et proteste. L'arbitre et l'entraîneur tentent désespérément de rétablir l'ordre sur le terrain, mais leurs voix se perdent dans le tumulte grandissant. L'atmosphère est électrisée par l'adrénaline, et je sens mon propre cœur tambouriner dans ma poitrine alors que je reste là, impuissante, observant le spectacle qui se déroule sous mes yeux.
Finalement, une certaine accalmie semble se répandre parmi les équipes, mais l'atmosphère reste tendue. James, le visage crispé de frustration, repousse violemment Alistair à l'écart, le retirant brusquement du jeu. Leurs voix s'élèvent dans une dispute étouffée par les hurlements du public et le brouhaha environnant. Malgré mes efforts, je ne parviens pas à saisir leurs paroles à travers le vacarme assourdissant. Le coach, le regard empreint de colère, ordonne d'une voix sévère à Alistair de quitter immédiatement le terrain.
Le visage rouge de colère, il avance d'un pas résolu vers moi, une aura de fureur émanant de lui. Mes yeux s'écarquillent à nouveau en le voyant retirer brutalement son casque, qui tombe avec un bruit sourd sur le sol. Sans un mot, il s'installe à côté de moi, créant un silence oppressant qui contraste avec les acclamations du terrain. Je me retourne, détournant mon regard, priant silencieusement pour qu'il ne rompe pas ce silence en m'adressant la parole. J'en profite pour chercher le proviseur des yeux, mais sursaute involontairement lorsque la voix d'Alistair se fait entendre.
"Si tu cherches où est le terrain, il est derrière toi."
Je tourne la tête vers lui, espérant que l'ironie dans sa voix s'évanouira aussi rapidement qu'elle est apparue. Nos regards se croisent et je le fixe pendant quelques instants. Il me rend mon regard, les sourcils froncés, semblant se demander pourquoi je le dévisage de cette manière. Il est si rare qu'il m'adresse la parole.
"Tu vas juste rester là à me regarder, ou tu as quelque chose à dire ?" grogne-t-il finalement, brisant le silence pesant.
Je prends une inspiration profonde, essayant de trouver mes mots. "Je... Je ne m'attendais pas à te voir réagir de cette façon sur le terrain." dis-je, ma voix plus faible que je ne l'aurais souhaité.
Alistair soupire, passant une main tremblante dans ses cheveux ébouriffés. "Ce n'était pas censé arriver. Mais parfois, la colère prend le dessus."
Un silence inconfortable s'installe de nouveau entre nous. Je me tourne légèrement et passe à nouveau mes bras au-dessus de la barrière, ne sachant pas quoi ajouter. Nous restons silencieux un instant.
"Qu'est-ce que ce pauvre gars t'a fait pour que tu t'acharnes sur lui ?"
Il tourne son regard vers moi et semble hésiter à répondre, probablement en train d'évaluer s'il est dans son intérêt de m'en parler ou non. J'aurais sans doute dû arrêter de poser des questions et m'occuper de mes affaires, mais, à ma surprise, il me répond.
"Il a failli briser la nuque de l'un de mes coéquipiers au dernier match qu'on a disputé." dit-il. "Si l'arbitre n'avait pas été aussi rapide, j'aurais vraiment pu défoncer ce MacCormac."
Je hausse un sourcil, essayant de jauger la véracité de ses paroles. "Je comprends. Mais tu sais, il y a des façons plus créatives de se venger. Tu pourrais, par exemple, lui offrir des cours de danse pour qu'il apprenne à éviter les coups !"
L'expression de fureur sur son visage s'efface dès que je réussis à lui décrocher un sourire. Ses yeux, auparavant étincelants de colère, se radoucissent tandis qu'un léger rire s'échappe de ses lèvres tendues. C'est comme si un poids avait été soulevé de ses épaules, laissant place à une lueur de détente dans son regard.
Un léger silence, dorénavant moins gênant, s'installe entre nous alors que nous nous concentrons sur ce qui se passe sur le terrain. Les cris des supporters résonnent autour de nous, créant une ambiance électrique. J'aperçois James attraper la balle avec agilité, son visage s'illumine d'un large sourire alors qu'il lance un regard triomphant à l'équipe adverse. Son geste provoque des applaudissements enthousiastes parmi les spectateurs, alimentant leur excitation commune.
"Alastair."
Je tourne la tête, prise au dépourvu et l'observe. Il me tend sa main, brisant ainsi le dernier rempart de notre silence. Je le regarde, surpris par ce geste inattendu, avant de saisir sa main dans la mienne, scellant ainsi un nouveau début entre nous.
"Olivia."
Un rire s'échappe de ses lèvres alors qu'il relâche ma main. "Je sais. On est dans la même classe."
Évidemment, j'étais au courant. Pourtant, malgré cela, nos échanges avaient toujours été limités. Je pensais que, comme tous les autres au lycée, il ne connaissait ni mon nom ni mon visage.
"C'est vrai." répondis-je, la légèreté de mon rire dissimulant à peine ma surprise.
À peine ai-je prononcé ces mots que le son strident d'un sifflet déchire l'air, suivi d'un concert de cris et d'applaudissements. Nos regards se détournent instinctivement vers la source du tumulte, découvrant une foule en liesse, agitant des drapeaux aux couleurs de notre lycée. Alastair et moi échangeons un sourire complice, notre conversation interrompue par cette célébration inattendue.
Quand le brouhaha s'atténue légèrement, il reprend la parole.
"Tu viens souvent à ces matchs?" demande-t-il, le ton curieux.
"Oh oui."avouai-je. "En fait, je suis venue à tous les matchs, tu ne m'as jamais vue ?" je demande, sur un ton moqueur, ponctuant ma phrase d'un sourire taquin.
"Il faut dire que je suis pas mal occupé sur le terrain." réplique-t-il en rentrant dans mon jeu, un sourire amusé aux lèvres.
J'hoche la tête avec exagération. "Évidemment. Trop occupé à tabasser l'adversaire."
Un éclat de rire échappe à Alistair, tandis que je me retiens difficilement de rire à mon tour. Pendant que nous partageons ce moment de complicité, je tourne légèrement la tête et aperçois le proviseur se diriger vers les gradins derrière moi. Il est accompagné de Lin et Ruby, qui l'interpellent avec enthousiasme pour prendre une photo.
"Je dois t'abandonner."dis-je, me tournant légèrement vers lui. "Je suis contente de t'avoir parlé, Alistair."
Il tourne la tête vers moi et hoche la tête en souriant, m'offrant un clin d'œil complice. Puis, il reporte son attention sur le match, tandis que je me dirige vers les filles et le proviseur, déterminée.
Mon cœur palpite avec appréhension alors que je m'approche de mes amies. Leurs sourires chaleureux illuminent mon visage alors que je me joins à elles, me sentant soutenue par leur présence réconfortante. Linn se tient prête avec son appareil photo, capturant déjà le proviseur prenant la pose avec aisance.
Je prends une profonde inspiration pour calmer mes nerfs avant de m'adresser au proviseur d'une voix aussi assurée que possible. "Bonjour, Monsieur le Proviseur." dis-je avec un sourire confiant. "Auriez-vous un instant à m'accorder ?"
Le proviseur reste immobile, figé dans sa pose, tandis que l'appareil photo de Linn capture une série de photos. "Vous voyez bien que je suis occupé, mademoiselle Martin," déclare-t-il d'un ton calme mais ferme, soulignant ainsi l'importance de sa présence sur les lieux.
Je souris en acquiesçant, consciente de ne pas vouloir le frustrer davantage. "J'en ai conscience, mais je n'en ai que pour une minute," répondis-je, essayant de rester respectueuse.
Il soupira légèrement, et j'entendis Ruby murmurer à l'oreille de Linn d'arrêter de prendre des photos, afin de me permettre d'avoir toute l'attention du proviseur.
Je prends une profonde inspiration, rassemblant mon courage avant de me lancer. "Monsieur le Proviseur...."commençai-je d'une voix ferme mais respectueuse. "...j'aimerais savoir s'il serait possible que vous rédigiez une lettre de recommandation pour Oxford, pour Ruby et moi." J'étends le bras vers Ruby pour l'inviter à se joindre à moi, soulignant ainsi notre demande conjointe avec détermination.
Le proviseur tourne précipitamment la tête vers nous et fronce les sourcils. "Cela fait longtemps que vous auriez dû vous en occuper."réplique-t-il d'un ton sévère, soulignant ainsi l'importance de prévoir ces démarches à l'avance.
Ruby et moi échangeons un regard tendu. "Vous êtes la meilleure référence que cette école puisse avoir, et nous avons pensé qu'il était crucial de vous solliciter." intervient Ruby, cherchant à justifier notre démarche.
"Que vous soyez d'excellentes élèves, nous le savons pertinemment. Mais cela n'est pas suffisant pour être admises. Surtout pas pour Oxford." déclare-t-il en faisant une pause. "D'ailleurs, si j'y réfléchis bien, au cours des deux dernières années, j'ai très peu entendu parler de vous, mesdemoiselles. Vous savez pour quelle raison ?"
Je tourne la tête vers les filles et leur adresse un sourire complice avant de faire un geste vers elles. "Cette année, je suis chargée de diriger le comité d'organisation en collaboration avec Ruby et Lin." expliqué-je avec fierté.
"Ah oui ! C'est vrai." s'exclame-t-il, l'expression de son visage se détendant légèrement. "Où en est la cérémonie pour la rentrée scolaire ?"
"Les préparatifs avancent." répondis-je avec assurance.
Le proviseur hoche la tête, son regard devenant soudainement très sérieux. "Cette fête représente la première impression que les nouveaux élèves et leurs parents auront de cette école, qui prélève chaque année plusieurs milliers de livres sur leurs comptes." explique-t-il, scrutant chacune d'entre nous avec une précision intimidante. "Cette année, nous avons quelques nouveaux élèves particulièrement importants, donc il est primordial que tout se déroule sans problème."
Nous acquiesçons silencieusement, absorbant ses paroles avec sérieux.
"S'il se trouve que vous vous débrouillez bien en tant que chefs d'équipes et que tout se passe comme prévu, je ne vois rien qui pourrait s'opposer à une recommandation."conclut-il avec un léger sourire.
Un frisson d'excitation parcourt mon corps et un large sourire illumine mon visage. Je lance un regard ravi à Ruby, qui semble partager mon enthousiasme. Cette nouvelle apaise mes inquiétudes concernant la lettre de recommandation, et je me sens soudainement légère, comme si un poids avait été levé de mes épaules.
"Je vous remercie."disons ma meilleure amie et moi en même temps.
"Mesdemoiselles." ajoute le proviseur. "Faites-moi une faveur."
Nous acquiesçons en signe d'écoute. "Sortez de mon champ de vision." nous sourit-il.
Nous nous éloignons avec un sourire amusé, saluant Lin qui reste concentrée sur ses photos. Ruby m'informe qu'elle rentre chez elle pour se préparer pour ce soir, et je lui adresse un signe de tête approbateur avant de partir dans la direction opposée du terrain. Alors que je continue à avancer en rêvassant, le coup de sifflet retentit, signalant la victoire de notre équipe. Je me retourne pour voir Lin, toujours devant le proviseur, manifestant son enthousiasme avec son appareil photo.
Soudain, une collision brutale me ramène à la réalité. Je viens de heurter une masse dure. Titubant légèrement, je me retourne, prête à m'excuser, mais mes mots meurent sur mes lèvres lorsque je réalise que je viens de percuter James. Ses yeux bleus me fixent avec une fureur contenue, et son visage n'inspire que mépris et colère. Je le fixe, légèrement effrayée, incapable de détourner le regard.
"Qu'est-ce que tu voulais à Alistair ?"
Je secoue la tête. "Rien du tout."
Il s'approche de moi, et je recule légèrement.
"Je sais très bien ce que tu essaies de faire, mais ça n'a pas d'importance. Quelqu'un comme toi ne peut pas atteindre les gens comme nous. N'oublie pas que désormais, tu n'es plus personne. Tu vis dans une baraque pourrie. Tu n'as ni argent, ni relations, presque plus aucune famille. Tu n'es qu'une pauvre fille frustrée qui a tout perdu : ta vie, ton père, ton frère. Alors vas-y, donne tout, lâche-toi. Fais ce que tu as prévu, mais je te préviens, on n'hésitera pas à te ruiner encore une fois." me crache-t-il, un sourire mauvais étirant ses lèvres.
Je reste figée, incapable de répondre, tandis qu'il disparaît dans la foule en liesse. Ses paroles me laissent un goût amer dans la bouche, me rappelant brutalement tout ce que j'ai perdu. Mon cœur bat à tout rompre, et je sens les larmes monter. Autour de moi, la célébration continue, mais je me sens plus seule que jamais, perdue dans un océan de visages inconnus. Je savais que James était un connard, mais je ne pensais pas qu'il était capable d'une telle cruauté.
Pourtant, ses paroles résonnent en moi, me rappelant une autre maxime : "Tel père, tel fils". Et cela me fait frémir, car je ne sais pas si je veux être confrontée à la même cruauté que celle de son père.
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