Chapitre 4
Près de six heures se sont écoulées depuis l'incident avec le professeur Sutton et Lydia. Malgré tous mes efforts pour bannir ces images de mon esprit, elles continuent de tourner en boucle. À chaque instant, les souvenirs de ce matin envahissent mes pensées, ramenant sans cesse à la surface les moindres détails. De plus, la confrontation avec James ne m'aide pas du tout à prétendre que rien ne s'est passé.
Je n'aurais jamais imaginé, même vaguement, renouer un jour avec un membre de la famille Beaufort. Et pourtant, me voilà maintenant liée non seulement à Lydia, mais aussi à son frère.
Un retournement de situation totalement imprévu et en contradiction avec mes plans : me concentrer sur mes objectifs, éviter les conflits et surtout rester invisible aux yeux de tous. Après avoir défié James, je suis consciente qu'il ne laissera pas tomber et tentera de rendre ma vie misérable. Je ne sais pas encore quelle forme prendront ses attaques, mais il a toujours un plan en tête. Je suis satisfaite d'avoir tenu bon et de ne pas avoir cédé, mais je suis déjà effrayée par les conséquences de mes actes, et je ne peux m'empêcher de penser à ce qu'il pourrait envisager.
Ces pensées me hantent depuis des heures, et je me maudis de ne pas parvenir à les chasser de mon esprit. La fête de bienvenu est prévue pour demain soir, et bien que ce soit l'aspect le plus crucial sur lequel je devrais me concentrer, je n'y parviens pas.
"Est-ce que tu viens toujours dîner chez nous ce soir ?" demande Ruby alors que nous marchons côte à côte en quittant Maxton Hall.
Son ton est empreint d'une douceur familière, reflétant la chaleur et la bienveillance qui caractérisent les moments passés en compagnie de sa famille. C'est devenu une habitude pour moi d'être accueillie chaque soir chez les Bell, alors que ma mère travaille tard, me laissant souvent seule à la maison.
"Absolument. Tant que ça ne pose pas de problème à tes parents." répondis-je .
"Ça ne dérange pas du tout, au contraire ! Mes parents sont ravis que tu viennes." répond-elle avec un sourire chaleureux. "Et puis, on pourra cuisiner tous ensemble ce soir, comme on le fait souvent. Ça te va ?"
Elle pose la question avec une telle assurance que je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour, reconnaissante pour cette famille que je considère comme la mienne et qui m'accueille toujours avec tant de générosité.
"Parfait."répondis-je avec un sourire sincère.
Nous poursuivons notre chemin en discutant joyeusement, jusqu'à ce qu'une voix familière nous interpelle par derrière. "Hé les filles !" s'exclame Amber, la petite sœur de Ruby, avec son dynamisme caractéristique, alors qu'elle nous rejoint.
Un large sourire éclaire mon visage alors qu'elle se glisse à mes côtés, me gratifiant d'un sourire éclatant, tandis que sa sœur, portant le même sourire, fronce légèrement les sourcils, curieuse et amusée.
"Tu n'es pas censée être en cours de maths ?" demande Ruby, perplexe.
"Madame Venze a pété un câble parce que Victor l'a inscrite sur Tinder en plein cours. Elle nous a libérés plus tôt." explique Amber, visiblement ravie.
Ruby et moi échangeons un regard étonné. Un éclat de rire m'échappe, accompagné d'une pointe de nostalgie à l'évocation de notre ancienne professeure de mathématiques.
"Avouez qu'elle vous manque votre ancienne école quand vous entendez ce genre d'anecdotes."ajoute Amber, pivotant sur elle-même alors qu'un adolescent passe à côté de nous.
Elle cligne des yeux, affichant un sourire encore plus grand. Le jeune homme et elle échangent des sourires complices avant de se séparer. Amber se retourne vers nous, continuant à marcher à nos côtés. Nous éclatons toutes les trois de rire, alors que je la pousse légèrement sur le côté.
J'apprécie particulièrement chez elle cette capacité à suivre ses propres désirs sans se soucier du jugement des autres. Elle insiste constamment sur le fait qu'elle refuse de se restreindre, agissant souvent à sa guise, voire même très souvent.
"Tu comptes rentrer à la maison te changer avant d'aller travailler ?" demande Amber à sa sœur.
Ruby hoche la tête. Il y a deux ans, nous avons toutes les deux décroché un emploi dans un petit café près de chez nous. Initialement, le propriétaire ne pouvait pas nous embaucher toutes les deux car il n'avait pas besoin de tant d'employés. Mais grâce à notre proposition de travailler en alternance, un jour pour elle, un jour pour moi, nous avons toutes les deux obtenu le poste. Cette stratégie nous a permis de partager non seulement nos tâches au travail, mais aussi nos revenus, ce qui s'est avéré être une solution pratique pour nous deux.
Cela peut sembler incroyable, mais Ruby et moi sommes inséparables depuis toujours. Nous partageons tout : nos secrets les plus intimes, nos préoccupations les plus profondes, nos moments de bonheur les plus simples, nos peines les plus difficiles, et même nos craintes les plus obscures. Depuis que nous sommes enfants, nous avons construit un lien si fort que rien ne peut le briser.
Les filles et moi continuons de marcher quelques mètres de plus avant de nous séparer à l'angle de la rue, chacune prenant une direction différente. Le silence soudain me rappelle avec une intensité douloureuse qu'en franchissant le seuil de ma maison, je serai accueilli par le vide et la solitude. Je franchirai la porte et m'avancerai dans le salon, déterminée à briser le silence devenu mon compagnon quotidien en allumant la télévision. Depuis que maman s'est plongée dans son travail, nos moments de complicité se sont évaporés. Les soirées chaleureuses autour d'un bon repas ou d'un film ne sont plus que des souvenirs lointains. À son retour, épuisée, elle n'a plus la force que de s'asseoir et de prendre quelques bouchées du repas que je lui ai préparé avant de se retirer, laissant dans son sillage un silence pesant qui témoigne de nos échanges manqués.
Le jour où les Beaufort ont décidé de nous tourner le dos et de nous trahir, ce fut bien plus qu'une simple fracture dans la famille, ce fut un séisme qui a transformé notre vie de manière irréversible.
Arrivée devant chez moi, je plonge la main dans ma poche pour attraper mes clés. Après les avoir saisies, je les manipule avec hâte à la recherche de la bonne. Enfin, je la trouve, et un soupir de soulagement m'échappe alors que je l'insère dans la serrure. D'un geste précis, j'ouvre la porte et franchis le seuil de mon foyer, libérée du tumulte de la journée. Tout ce que je veux, c'est m'écraser
sur mon lit et ne plus bouger jusqu'à demain.
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L'expression bien connue "La nuit porte conseil" résonne en chacun de nous, rappelant l'idée que prendre du recul et réfléchir aux problèmes peut souvent conduire à des solutions plus claires et plus sages. Dans l'obscurité de la nuit, alors que le monde semble plus calme et les pensées plus profondes, c'est à ce moment précis que je me retrouve prisonnière de mes propres pensées. C'est dans ces moments de solitude nocturne que mon esprit ne cesse de chercher les réponses à mes interrogations et mes doutes.
Après être rentrée chez moi des Bell, j'ai attendu que ma mère rentre du travail avant de monter directement dans ma chambre. Maintenant, le sommeil semble vouloir m'échapper, et depuis de longues heures, des questions et des inquiétudes tourmentent mon esprit, accentuant le stress lié à la fête de bienvenue qui aura lieu dans moins de vingt-quatre heures.
Je n'aime pas être incapable de faire taire et détourner mes pensées vers autre chose que James Beaufort. Il occupe chaque recoin de mon esprit, et je me demande comment je vais pouvoir affronter la journée entière en sa présence. Mon cœur bat plus vite à chaque pensée de lui, et je sais que je dois trouver un moyen de me concentrer sur autre chose, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. La perspective de le voir au lycée m'angoisse et m'énerve autant qu'elle m'enthousiasme.
Notre altercation m'a beaucoup plus marquée que je le pensais et je sais que je ne l'oublierai pas si facilement. Son regard, ses mots, tout est gravé dans ma mémoire, et l'idée de le revoir ravive des sentiments contradictoires. Est-ce de la colère ou quelque chose de plus profond ? Mes émotions sont un tourbillon que je peine à contrôler.
Le revoir aujourd'hui m'a donné l'impression de redécouvrir une partie de moi-même oubliée depuis des années. C'était comme un coup de couteau en plein cœur de réaliser à quel point son absence m'avait pesé. Malgré tout, je ne l'avouerai jamais. Il continuera à jouer au petit con insolent, et je garderai mes sentiments enfouis, prétendant ne jamais avoir croisé sa route.
Alors que je m'égare dans mes pensées, la lune éclaire faiblement ma chambre, ajoutant une dimension presque mystique à cette nuit sans fin. Je me demande si la lumière du jour apportera des réponses ou si je resterai enfermée dans ce cycle d'incertitude. Il y a quelque chose d'étrangement apaisant dans le silence de la nuit, mais aussi de terrifiant dans les vérités qu'il révèle.
Je finis par me lever en allumant la petite lampe de chevet posée sur ma table de nuit et ouvrir la fenêtre, laissant l'air frais de la nuit envahir la pièce. Alors que je m'installe sur le rebord de la fenêtre, perdue dans mes pensées, j'entends des pas légers dans le couloir. La porte de ma chambre s'ouvre doucement, révélant la silhouette de ma mère.
"Ma chérie, tu es encore éveillée?" Sa voix est douce, mais teintée d'inquiétude. "J'ai vu ta lumière s'allumer lorsque je passais dans le couloir."
Je me retourne, surprise mais touchée par son attention. "Oui, maman, je n'arrive pas à dormir."
Elle entre dans la chambre, refermant la porte derrière elle, et vient s'installer à côté de moi près de la fenêtre. "Est-ce que quelque chose te tracasse? Tu as l'air préoccupée."
Je la fixe, les yeux grands ouverts, et peine à répondre pendant une seconde. Je ne me souviens pas de la dernière fois que ma mère est entrée dans ma chambre pour discuter. Cela faisait si longtemps que ce genre de moment semblait appartenir à une autre époque, une époque où nos échanges étaient plus fréquents et moins formels. La présence de ma mère ici, en pleine nuit, me semble presque irréelle, et je me demande ce qui l'a poussée à franchir le seuil de ma chambre ce soir.
Je soupire légèrement, cherchant mes mots. "Je pense juste à beaucoup de choses. La fête et.....tout le reste. J'ai une grande responsabilité sur les épaules et ça m'angoisse énormément."
Une partie de moi aimerait lui faire part de ce qu'il s'était passé avec James un peu plus tôt, mais une autre partie sait que cela n'est pas une bonne idée. Prononcer ce nom devenu tabou, ne ferait que de lui causer encore plus de peine. Je pris une profonde inspiration, tentant de chasser les souvenirs qui menaçaient de m'envahir. Il y a des secrets qui sont peut-être mieux gardés, des vérités qui pourraient détruire ce qu'il reste de notre fragile équilibre.
"Est-ce que tout va bien ?" La voix inquiète de ma mère me ramène à la réalité. Son regard est empli d'une inquiétude maternelle qui ne s'estomperait jamais.
"Oui, ça va." je mens, affichant un sourire faux. "Je suis juste un peu fatiguée."
Elle ne semble pas totalement convaincue, mais elle n'insiste pas et pose une main réconfortante sur mon bras. "Tu sais, c'est normal de se sentir submergée parfois. Mais ne t'inquiète pas, je suis sûre que tout se passera bien, que ce soit pour cette fête ou pour les autres choses qui te préoccupent."
"Je l'espère." dis-je en hochant la tête. "C'est juste difficile de tout gérer en ce moment."
Elle me regarde avec bienveillance. "Et si tu essayais de te concentrer sur une chose à la fois? Par exemple, la fête. Comment te sens-tu par rapport à ça?"
"Stressée." admets-je. "Je ne sais pas comment les choses vont se passer, et j'ai peur de faire une erreur."
Ma mère sourit doucement. "Tu es plus forte que tu ne le penses. Et peu importe ce qui arrive, toi et tes amis aurez fait de votre mieux."
Je prends une profonde inspiration, appréciant sa présence. "Merci, maman. Ça fait du bien de parler un peu."
"Je suis toujours là pour toi, ma chérie." dit-elle en se levant. "Maintenant, essaie de te reposer. Demain est un nouveau jour."
"Bonne nuit, maman." dis-je doucement.
"Bonne nuit, mon ange." Elle quitte la pièce, refermant la porte derrière elle.
Je reste assise un moment près de la fenêtre, écoutant le silence de la maison endormie, avant de retourner à mon lit. Peut-être que, comme ma mère l'a dit, parler pourrait vraiment aider. Mais pour l'instant, je préfère garder mes pensées pour moi, dans le calme apaisant de cette nuit tranquille.
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