Quatre heures plus tard

« Merci beaucoup, M. Smith. Vous avez été d'une grande aide. Je suis sûre que le gala sera un grand succès grâce à vous. »

« Avec plaisir, Mademoiselle Martin. Nous sommes ravis de participer à cet événement. À bientôt, alors. »

« À bientôt ! »

Je raccroche, dégageant une mèche de cheveux tombée sur mes yeux et posant une main sur ma hanche droite, avant de souffler de soulagement.

J'ai passé dix minutes à essayer de joindre le traiteur qui s'occupera du buffet et du service pour la fête de demain, et les quinze dernières minutes à m'assurer que tout soit prêt. Ce coup de fil était le dernier détail à vérifier pour être certaine que tout soit parfait.

Je regagne l'enceinte du lycée d'un pas déterminé, pressée de retrouver mon équipe que j'ai laissée entre les mains de Ruby pour quelques instants. En traversant le hall, le souvenir de ce que nous avons découvert dans le bureau de M. Sutton revient me hanter. Bien que Lydia soit une figure lointaine de mon passé et que nos chemins se soient éloignés, je ne peux m'empêcher de me questionner sur les circonstances qui l'ont menée à une telle situation. Connaissant son intelligence et sa perspicacité, je suis troublée par la disparition apparente de sa raison.

En arrivant dans la salle de réunion, un silence pesant s'est installé entre les membres du comité. Lorsque je les avais quittés, ils étaient en pleine discussion animée. Maintenant, ils semblent abasourdis, figés comme des statues.

« Qu'est-ce qui se passe ? Où est Ruby ? » demandai-je, inquiète en apercevant leurs visages livides et l'absence de Ruby, qui ne se serait jamais absentée habituellement.

Les regards se tournent vers moi, et Lin, visiblement troublée, s'approche pour me parler. « Olivia, c'est à propos de James Beaufort... »

Mon estomac se noue à cette mention. James Beaufort, cet homme énigmatique qui avait quitté ma vie de manière aussi soudaine qu'il y était entré. « Qu'est-ce qui se passe avec James ? »

Lin hésite un instant avant de répondre, choisissant ses mots avec précaution, comme si chaque syllabe pesait une tonne. « Il est venu ici, Olivia. Il te cherchait. »

Mon cœur manque un battement et semble s'arrêter quelques microsecondes. Ma respiration s'accélère, des milliers de questions tournent en boucle dans ma tête, tourbillonnant dans un chaos incontrôlable. Pourquoi voulait-il me parler ? Après tout ce temps, pourquoi maintenant ? L'angoisse monte en moi, chaque seconde de silence rendant l'atmosphère plus oppressante.

Je scrute les visages autour de moi, et y retrouve des regards curieux et légèrement envieux de la part de quelques filles qui, à en juger par leurs airs dégoûtés, souhaiteraient être à ma place actuellement, que je leur aurais volontiers donnée, si j'avais le choix. « Et Ruby ? » demandai-je, ma voix à peine plus qu'un murmure.

Lin prend une profonde inspiration avant de répondre. « Comme tu n'étais pas là, il lui a demandé de le suivre. Ils sont partis dans le couloir. »

Je fronce les sourcils, perplexe face à la soudaine réapparition de James dans ma vie après tant d'années d'évitement. Pourquoi prendrait-il la peine de me trouver maintenant, et qu'est-ce qui le pousse à emmener Ruby à l'écart pour discuter ? Ces questions tournent en boucle dans mon esprit, alimentant mes inquiétudes et éveillant ma méfiance à l'égard de ses intentions.

Soudain, l'image de sa sœur jumelle embrassant passionnément Sutton me revient en mémoire, illuminant brusquement mon esprit d'une révélation. James n'aurait jamais cherché à me trouver, ni même Ruby. Une certitude s'installe en moi : il souhaite nous faire taire après ce que nous avons surpris, quelque chose qui aurait dû rester secret. Une onde de réalisation m'envahit alors que je prends conscience de l'ampleur de la situation.

Sans réfléchir, je me dirige vers le couloir d'une démarché affirmée et mon cœur battant à tout rompre. Chaque pas résonne dans le silence pesant. Les murs semblent se rapprocher, l'air devient lourd. Je serre les poings, tentant désespérément de maîtriser la colère qui brûle en moi. L'idée que ma meilleure amie se trouve en compagnie de James, me fait bouillir de l'intérieur. Une chaleur intense envahit ma poitrine, et mes tempes battent furieusement. Mais au-delà de la colère, une vague d'appréhension me submerge. Affronter James après toutes ces années de silence est terrifiant. Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que j'entends des voix provenant d'une pièce éloignée se trouvant dans le couloir. 

Les mots entendus à travers la porte entrouverte me figent sur place. La surprise se mêle à ma colère et à mon inquiétude grandissante.

"Et note bien ceci. Ce que tu as vu dans le bureau de Sutton ne s'est jamais passé."

Je fronce les sourcils, remarquant le silence tendu qui règne entre eux, interrompu seulement par un soupir d'agacement échappé des lèvres de James, ainsi qu'un froissement de papier.

"Il n'y a pas tout à fait dix milles, mais si tu tiens jusqu'à la fin de l'année, on doublera la somme."

J'écarquille les yeux, soupirant d'incrédulité face à la situation. Je savais que James Beaufort incarne tout ce qui ne va pas dans le monde des riches : il est arrogant, est doté d'un ego surdimensionné, et il se croit plus beau et meilleur que tout le monde. Cependant, je n'aurais jamais imaginé qu'il le soit à ce point.

"Ah, waouh..." s'émerveille faussement ma meilleure amie, dans un ton qui sonne trop fabriqué pour être sincère. Je sens le regard satisfait de James peser sur elle, convaincu d'avoir déjà remporté la partie. "Enfaite, t'es encore plus con que je le pensais." ajoute-t-elle froidement.

"Attends une seconde, nous sommes loin d'en avoir fini." déclare James d'un ton suffisant, ravivant ma colère déjà à son comble.

"Tu veux y ajouter un œuf de Fabergé et une Maserati ?" se moque Ruby.

"Je sais que cet argent pourrait être utile. Pour un nouveau sac à dos peut-être ? »

Je suis au bord de l'explosion. Alors, d'un pas décidé, j'entre dans la pièce, chaque battement de mes pas résonnant comme un grondement de tonnerre. James et Ruby sont là, tous les deux tendus et exaspérés, comme si leur conversation était un brasier prêt à s'enflammer.

Je frappe des mains et ricane amèrement, le claquement résonne dans la pièce presque dépourvu de meubles.

« Bien joué, Beaufort. Tu es encore plus pathétique que je le croyais. » dis-je en m'avançant vers lui, la colère flamboyant dans mes yeux.

Alors que je regarde James, une étrange dualité émotionnelle se déploie devant mes yeux. Il y a quelque chose dans son regard, dans la façon dont il se tient là, raide comme un piquet, qui trahis une tension intérieure palpable.

D'un côté, il émane une aura de froideur, une barrière invisible qu'il a érigée autour de lui pour se protéger. Son visage arbore un masque de dureté, ses traits figés dans une expression de mépris feint. Pourtant, lorsque je m'approche de Ruby pour me placer à ses côtés, je remarque dans ses yeux une lueur de surprise, comme s'il avait été pris au dépourvu par ma présence et ne savait pas comment réagir. Cependant, son visage se referme davantage, et il arbore une expression de nonchalance absolue.

"Martin, c'est parfait que tu sois là. Je te cherchais, figure-toi."dit-il en fermant sa veste de costume d'une main experte.

Je l'ignore et porte mon regard sur la liasse de billets que Ruby tient fermement dans sa main, comme si elle s'apprêtait à les lui jeter au visage.
Je prends délicatement l'argent des mains de Ruby, sentant le léger frisson de crispation dans ses doigts alors qu'elle le relâche. Les billets sont doux sous mes doigts, mais je remarque aussitôt les coins légèrement froissés, témoins de leur manipulation hâtive. Levant les yeux vers James, je marque une pause, laissant planer un silence chargé d'interrogations avant de lancer: "Waouh, c'est un sacré pactole. C'est ainsi que vous dépensez mon argent ?"

Le petit sourire arrogant qui planait encore il y a quelques secondes sur le visage de James disparaît en un claquement de doigts, lorsqu'il prend conscience de ma référence à ce que toute sa famille m'a prise. Ses yeux s'assombrissent légèrement, trahissant une pointe d'embarras mêlée à une once de défiance.

Lorsque James prend enfin la parole, je lui adresse un regard acéré et je réplique avec fermeté : "Ne t'inquiète pas, Beaufort. Je n'ai pas l'intention de récupérer un seul centime qui m'appartient. En revanche, je suis déterminée à faire tomber toute ta belle petite famille, et ce qui s'est passé dans le bureau de Sutton va grandement m'y aider." Mon regard reste fixé sur lui, résolu à ne pas fléchir devant son arrogance.

Un frémissement passe dans son œil lorsque j'achève mes paroles. Pourtant, je n'ai aucunement l'intention de révéler les imprudences de sa sœur. Que je le veuille ou non, James et Lydia garderont toujours une place spéciale dans mon cœur et dans ma vie. Malgré le mépris et la colère qu'ils suscitent en moi aujourd'hui, je refuse catégoriquement de leur infliger la même souffrance qu'ils m'ont infligée. Pourtant, il est gratifiant de voir la fureur qui se dégage de James lorsque je lui laisse penser le contraire.

Il se rapproche lentement de moi et c'est à ce moment que je prend conscience que Ruby s'était reculée et est probablement bouchebé par ce qu'il se déroule sous ses yeux. James n'est plus qu'à quelques centimètres de moi, et soudain, les battements de mon cœur résonnent dans mes oreilles, comme s'ils avaient cessé lorsque j'étais entrée dans la pièce, puis avaient repris de plus belle lorsqu'il s'était approché de moi.

Nous nous fixons intensément, nos respirations lourdes étant le seul son perceptible dans la pièce, à tel point que même celle de Ruby semble résonner dans le silence pesant. Nos regards semblent s'adoucir malgré nous alors que nous nous observons, comme si nous nous découvrions à nouveau après des années. Les secondes paraissent être de longues minutes alors que je fixe frénétiquement sa bouche, son nez, sa mâchoire, et sa joue droite marquée par une petite cicatrice qui ravive des souvenirs que je préférerais oublier. Ses yeux d'un bleu hypnotisant semblent capturer mon regard. La dernière fois que j'ai été aussi proche de lui, nous n'avions même pas dix ans. À l'époque, c'était un enfant qui se tenait devant moi, mais désormais, c'est un homme différent, presque un inconnu, indéniablement beau et séduisant, même s'il m'est difficile de l'admettre.

Ce qu'il dégage me fait presque oublier où nous nous trouvons et que ma meilleure amie, probablement devenue extrêmement gênée par la situation, nous observe certainement. Cependant, il décide de rompre le silence de cette brève minute d'échange silencieux.

"Tu crois vraiment avoir le pouvoir de nous faire tomber ? Même si tu décidais d'ouvrir grand la bouche pour dénoncer ce que toi et ton amie avez vu, tu n'as aucune preuve. Personne ne prendrait votre parti contre le nôtre."

James ponctue sa déclaration d'un sourire suffisant, comme s'il était convaincu de sa propre invincibilité. Ses mots résonnent dans la pièce, imprégnés d'une confiance arrogante qui me fait frissonner d'exaspération. Pourtant, malgré son assurance, je sens une pointe de nervosité dans sa voix, comme s'il cherchait à masquer une vulnérabilité qu'il ne veut pas admettre.

"Alors pourquoi James Beaufort lui-même prend-il la peine de gaspiller son précieux temps en venant nous parler, à Ruby Bell et moi, Olivia Martin ?"

Ma voix résonne dans la pièce, chargée de défi et de détermination. Je fixe James droit dans les yeux, cherchant à percer la façade de confiance qu'il tente de maintenir. Cette question, simple en apparence, cache une profondeur de sens qui ne lui échappera pas.

Il haussa les épaules, comme si tout cela n'avait aucune importance. « Je cherche simplement à éviter des complications inutiles. Vous avez mal interprété ce que vous avez vu, et je voulais juste clarifier les choses. »

Je m'avance encore plus près de lui, ne laissant presque presque aucun espace entre nous. « Et tu crois que c'est la bonne façon de le faire ? En interrompant une réunion et en nous prenant de haut ? »

James soupira, exaspéré. « Écoute, Olivia. Parfois, il est nécessaire de régler les choses rapidement et discrètement. »

« Rapidement et discrètement ? » dis-je, presque en riant d'incrédulité. « Ce que tu appelles 'rapidement et discrètement', moi, j'appelle ça de l'intimidation. »

James secoue la tête, un léger soupçon d'agacement dans son regard. « Je n'avais aucunement l'intention de vous intimider, Olivia. Tu sais bien que ce n'est pas mon style. » dit-il d'un ton moqueur.

Je lève les yeux au ciel. « Vraiment ? Parce que c'est exactement l'impression que tu donnes en ce moment. »

James laisse échapper un léger soupir, comme s'il était fatigué de devoir se justifier. « Tu peux croire ce que tu veux, Olivia. Mais sache que je suis ici pour résoudre cette situation de la manière la plus civilisée possible. » ajoute-t-il en marquant une pause. « Mais si toi et Robyn... »

"Ruby !" rectifions-nous simultanément, Ruby et moi.

La voix de James résonne dans la pièce, chargée de menace. "Peu importe. Si vous n'êtes pas coopératives, je serais dans l'obligation de trouver un moyen de pression pour m'assurer que vos petites bouches restent bien fermées."

Chaque mot semble peser une tonne, s'enfonçant dans l'atmosphère déjà tendue. Je presse les dents si fort que j'ai l'impression qu'elles pourraient se briser sous la pression. Mon cœur, autrefois agité par notre proximité, bat désormais au rythme de ma colère, pulsant avec fureur à travers chaque fibre de mon être.

Je m'écarte légèrement de lui, les billets crispés dans ma main, lève mon bras entre nous et je les relâche lentement, les laissant glisser entre mes doigts. Ils tombent au sol avec un léger bruit sourd, symbolisant ma détermination inébranlable. Je le fixe droit dans les yeux, mon regard ardent dégageant une force indomptable. "Tu peux te les mette où je pense."

Sans attendre de réponse, je saisis la main de Ruby et nous nous éloignons, laissant derrière nous cette confrontation tendue. Je sais que ce n'est que le début d'une lutte beaucoup plus grande, mais je suis prête à affronter chaque défi.