Tout en se rappelant de cette sensation de sérénité et d'apaisement qui s'était emparée de lui lors de leur première nuit ensemble, sentir les doigts de la jeune fille entrelacés avec les siens n'avait pas été suffisant. Killian avait eu besoin de plus. Il avait eu besoin de sentir la peau fraîche de la jeune fille sur la sienne qui était brûlante. C'est pourquoi, incapable de résister à ce désir de proximité, il avait doucement attiré leurs mains jointes vers lui en faisant comprendre implicitement à la jeune fille de se rapprocher.

Eryn avait éprouvé la même envie irrépressible. Elle avait désiré retrouver cette sensation de plénitude et de sécurité qu'elle avait eue la première nuit lorsqu'elle était encerclée par les bras puissants du jeune soldat de feu. Quand elle avait compris qu'il l'incitait à s'approcher davantage, elle n'avait pas hésité une seconde à coller son corps contre le sien de nouveau.

La perspective de pouvoir passer une autre nuit l'un contre l'autre les avaient fait soupirer de bien-être. Ils avaient tous les deux eu l'impression d'être enfin à leur place et de pouvoir lâcher prise.

Ce fut les premières lueurs de l'aube qui réveillèrent Eryn. Elle savait qu'elle devait se lever, mais elle ne voulait pas bouger. Elle voulait profiter encore un peu de ce moment paisible.

— Il faut qu'on se lève, annonça-t-elle en laissant transparaître son manque de volonté.

— Je sais, souffla Killian tout en gardant les yeux clos.

Aucun des deux n'initia le moindre mouvement pour sortir du lit. En fait, Eryn était presque sûre que le jeune homme venait de resserrer sa prise autour de ses hanches, comme s'il refusait de la laisser s'éloigner de lui.

— Comment tu as su que je ne dormais pas ? reprit-il en rompant le silence.

— Ta respiration. Quand tu dors, elle est lente, profonde et régulière, avoua-t-elle d'une voix douce.

C'est ce qui l'avait bercée la veille lorsqu'elle s'était retournée vers le jeune homme pour enfouir sa tête dans le creux de son cou et poser sa main sur son torse. Elle pouvait l'entendre respirer et sentir son torse monter et descendre au rythme de ses respirations. Cela couplé avec la chaleur délicieuse de son corps avait eu un effet apaisant immédiat qui l'avait fait sombrer dans le sommeil en à peine quelques minutes.

— T'es capable de dire si je suis éveillé en analysant ma respiration ? demanda-t-il avec une pointe d'admiration.

— Ça et ton rythme cardiaque. À ton réveil ton cœur se met à battre plus vite. Un peu comme maintenant d'ailleurs, expliqua la jeune fille qui avait encore la main posée sur son pectoral gauche, juste au-dessus du cœur du jeune soldat.

Elle pouvait le sentir s'emballer sous ses doigts et frapper plus vite et plus fort dans sa poitrine.

Lorsqu'elle comprit l'effet que son toucher provoquait chez le jeune homme elle se racla la gorge avant d'ajouter :

— Rassemble tes affaires pendant que je me prépare. On descendra déjeuner rapidement après.

Elle s'écarta ensuite à contre cœur de Killian pour aller s'habiller dans la salle de bain.

En se regardant dans le miroir, Eryn put constater que les traits de son visage étaient reposés malgré leur courte nuit. Elle s'aspergea tout de même le visage d'eau glacée pour se changer les idées. Elle devait arrêter de penser au corps si chaud du jeune soldat qu'elle avait pu sentir contre elle pendant des heures. Il fallait qu'elle cesse de se repasser en boucle l'effet que lui faisait sa peau douce contre la sienne.

De retour dans la chambre, la jeune fille agrippa le sac avec ses affaires qu'elle avait préparé la veille avant de s'adresser au jeune soldat.

— Rejoins-moi dans la cuisine sans faire de bruit dès que t'es prêt.

Sa main était posée sur la poignée, elle s'apprêtait à sortir quand elle eut l'impression d'oublier quelque chose.

Elle parcourut rapidement sa chambre des yeux et son regard fut attiré par le cadre disposé sur sa table de nuit. Elle se rappela avoir trouvé des photos dans le sac de Killian. Elle se dit que cela n'était peut-être pas une si mauvaise idée d'emporter un souvenir également.

Elle saisit la photo de ses amis pour la glisser dans la poche avant de son sac. Après tout, son ami Nathan était présent sur cette photo. Elle pourrait s'en servir pour la montrer aux soigneurs et aux militaires qu'elle rencontrerait. Elle espérait secrètement avoir des nouvelles de son ami.

Elle ne pouvait pas savoir que celui-ci avait été brutalement tué par Killian il y a de ça quelques jours. Elle n'avait pas perdu l'espoir de le retrouver.

Après avoir déjeuné à la vitesse de l'éclair, Eryn et Killian sortirent de la maison pour se diriger jusqu'au camion médical. Ils tombèrent nez à nez avec Mélodie qui avait l'air de les attendre de pied ferme. Le jeune soldat attrapa les affaires de sa sauveuse pour aller les charger à l'arrière du véhicule et ainsi laisser les deux jeunes filles discuter tranquillement.

— Mélodie ? On était censés passer te prendre avec le camion. Tu n'avais pas à marcher jusqu'ici, dit Eryn légèrement confuse tout en enlaçant sa meilleure amie.

— Oui je sais, mais je me suis dit que ça t'éviterais de faire un détour, répondit Mélodie avant de se défaire de l'étreinte de la jeune fille pour lui sourire.

En réalité, Mélodie n'avait pas été capable de fermer l'œil de la nuit. Le voyage la rendait bien trop nerveuse. Elle n'avait fait que de tourner en rond dans sa chambre en attendant l'heure du départ jusqu'à ne plus pouvoir tenir en place.

— Je vois. Dans ce cas, dépose ton sac à l'arrière et monte. On va pas tarder à y aller.

Mélodie acquiesça de la tête mais se figea en voyant le jeune homme de feu s'approcher de la portière réservée aux passagers.

L'espace passagers était pourvu de deux sièges à l'avant ainsi que d'une banquette juste derrière pouvant accueillir deux autres personnes, trois si celles-ci se serraient. Le reste du camion était un immense compartiment faisant office de coffre avec le matériel médical et suffisamment de place pour deux brancards permettant de transporter les blessés.

— Où il va comme ça ? s'empressa de demander Mélodie en voyant Killian continuer à se rapprocher dangereusement de la banquette arrière.

— Euh... Je ne suis pas sûre mais je pense qu'il s'apprête à monter dans le camion, répondit Eryn de façon sarcastique.

— Mais est-ce que tu as vu OÙ est-ce qu'il s'apprête à monter ? reprit Mélodie en haussant le ton et en articulant de façon exagérée.

— Sérieusement ? Y'a pas d'autre possibilité Mélodie. Je t'ai déjà expliqué qu'il n'était pas dangereux, répondit Eryn agacée par le fait que sa meilleure amie trouve toujours quelque chose à redire concernant les faits et gestes du jeune soldat.

— À d'autres ! Je ne veux pas de ce putain de démon de feu derrière moi ! Il serait bien plus à son aise dans le coffre avec les fournitures médicales, dit-elle suffisamment fort pour être sûre que le jeune homme l'entende.

Eryn inspira profondément avant d'expirer lentement pour se contenir.

— Il va occuper la banquette arrière. Maintenant arrête de discuter et monte à l'avant, conclut la jeune blonde de façon autoritaire.

Killian sourit de satisfaction en voyant Mélodie vexée par l'attitude de sa meilleure amie. Il trouvait cela tellement plaisant de voir sa sauveuse prendre sa défense, et si au passage cela pouvait contrarier cette fille agressive qui avait tenté de s'en prendre à lui, c'était un bonus.

Alors que Mélodie passait près de lui pour monter à l'avant, Killian lui adressa la parole à voix basse.

— Ne t'en fais pas, je te laisse volontiers la place du mort, dit-il avec un sourire mauvais.

Mélodie ne se laissa pas décontenancer pour autant.

— Tu as peut être réussi à tromper Eryn mais elle va vite se rendre compte de l'abomination que tu es. Et crois-moi, à la seconde où elle le réalisera, je serai là pour t'abattre, lui répondit-elle d'une voix qui lui fit froid dans le dos en lui rendant son sourire hypocrite.

Eryn regarda l'heure pour la seconde fois depuis qu'ils avaient pris la route : '6h02'. Le trajet s'effectuait dans un silence tendu. La jeune fille était mal à l'aise, ses mains étaient crispées sur le volant depuis qu'elle avait démarré le camion. Elle remarqua que sa meilleure amie aussi était tendue. Les muscles du dos de Mélodie semblaient être contractés à l'extrême. En faisant plus attention, Eryn se rendit compte que son amie regardait attentivement Killian à l'aide du rétroviseur tout en plantant ses ongles dans son siège de temps à autre. Le jeune soldat lui, faisait semblant d'être détendu. Il s'était allongé sur la banquette, la tête juste derrière le siège d'Eryn afin d'être en mesure d'observer Mélodie en biais tout en étant le plus éloigné d'elle possible.

Cela ne faisait que quelques minutes qu'ils étaient partis et pourtant, Eryn avait l'impression que cela faisait plus d'une heure. Leur première destination était Lusco, une petite ville située à environ douze heures de voiture sans compter les pauses. Si tout se passait comme prévu, ils arriveraient à l'auberge gérée par l'amie du superviseur médical aux alentours de dix-neuf heures.

Ne supportant plus ce silence pesant, Eryn craqua et prit la parole.

— Quelle ambiance, c'est fou ! dit-elle ironiquement.

Elle n'obtient aucune réaction hormis quelques grognements.

Plus que onze heures et cinquante-neuf minutes à tenir. GÉ-NI-AL. Moi qui pensais que les road trip étaient supposés être amusants, se dit mentalement la jeune fille qui appuya un peu plus sur l'accélérateur sans s'en apercevoir.

— Ralentis, sinon on risque de se faire contrôler par les soldats. Et avec ce qu'on se trimballe sur la banquette arrière, ça risque d'être problématique, lui dit Mélodie en lançant un regard noir au jeune homme de feu. Au pire, on aura qu'à dire qu'il nous a prises en otage, reprit-elle en feignant un rire sadique.

— Qui voudrait de toi comme otage ? Si j'avais pu, je t'aurais flambée à la minute où je t'ai rencontrée, intervint Killian qui avait de plus en plus de mal à supporter les piques de la meilleure amie d'Eryn.

— Oh vraiment ? Essaye pour voir ! beugla Mélodie

— Avec plaisir je vais..., la menaça Killian avant de s'interrompre.

Eryn regrettait déjà le silence gênant. Elle avait appuyé brutalement sur la pédale de frein, ce qui avait immédiatement fait cesser la dispute entre Mélodie et Killian qui la regardaient maintenant avec étonnement.

Elle se tourna vers eux pour hurler.

— NON ! NON ! Et NON ! On roule depuis moins d'un quart d'heure et j'ai déjà envie de planter le camion dans un arbre. Aucun de vous ne va tuer qui que ce soit. Si j'entends encore une menace, c'est moi qui vous tuerai ! Maintenant taisez-vous. Je veux plus vous entendre.

Eryn regarda le cadran affichant l'heure une dernière fois : '6h31'. Au moins, sa crise de nerfs avait eu le don de faire passer le temps un peu plus vite.

Mélodie avait fini par s'endormir contre la fenêtre à force d'observer les nuages par la vitre. De son côté, Killian s'était enfin décidé à discuter avec Eryn. Alors que sa meilleure amie dormait profondément, il avait eu envie de parler avec sa sauveuse, d'abord pour passer le temps mais ensuite par véritable intérêt.

Leur conversation était assez maladroite au début mais rapidement, ils se rendirent compte qu'ils avaient plus de points communs qu'ils ne le pensaient. Le jeune homme lui avait un peu parlé de sa famille et de sa culture. Ils avaient constaté avec amusement qu'il existait énormément de similitudes entre leur mode de vie. Certaines de leurs croyances divergeaient totalement mais ils persistaient à demeurer compréhensifs.

C'était agréable d'apprendre à le connaître davantage et de discuter de leurs différences aussi librement sans que Killian ne fasse de commentaires désobligeants. Plus ils discutaient et plus la jeune fille découvrait un jeune homme qu'elle appréciait.

Au bout de cinq heures de route, les trois voyageurs se mirent d'accord pour faire leur première pause. Ils avaient besoin de se dégourdir les jambes et de reprendre des forces.

Le jeune soldat s'éloigna pour s'exposer aux rayons du soleil tandis que les filles s'étaient assises sur le bord du compartiment arrière du camion en profitant de la brise fraîche. Eryn observait Killian se détendre à quelques mètres quand soudain, elle le vit s'étirer. En levant les bras, son tee-shirt s'était légèrement soulevé en laissant apparaître pour le grand plaisir de la jeune fille, une partie de ses abdominaux ainsi que cette marque en forme de V si hypnotisante.

Mélodie suivit la direction du regard d'Eryn en comprenant ce qu'elle était en train de faire. Elle souffla bruyamment en tournant sa tête de gauche à droite pour lui montrer sa désapprobation.

— Mais qu'est-ce qui cloche chez toi ? Tu le regardes comme s'il était une part de gâteau au chocolat ! l'accusa-t-elle.

— Quoi ? C'est faux, se défendit la jeune fille, mortifiée à l'idée d'avoir été prise en flagrant délit par sa meilleure amie.

— Et le plus inquiétant, c'est que lui aussi te regarde comme ça, rajouta Mélodie en fixant Killian qui était toujours suffisamment éloigné d'elles pour ne pas entendre leur conversation.

— Mais tu délires. Je le regarde normalement, affirma Eryn.

— Tu devrais arrêter ça. C'est littéralement contre nature, exposa Mélodie d'un ton neutre avant de continuer, Et même si on passait outre sur ce qu'il est, j'te rappelle qu'on est en train de faire un voyage pour le ramener chez lui. Si tout se passe correctement tu ne le reverras jamais.

— Oui je sais merci ! C'était mon idée, commença à s'énerver la jeune soigneuse.

Lorsqu'ils reprirent la route après leur courte pause, Eryn s'était renfermée sur elle-même suite aux propos de Mélodie. Elle s'était perdue dans ses pensées et ne souhaitait plus discuter avec qui que ce soit. Sa seule distraction était la contemplation d'une route entourée par des arbres et qui s'étendait à perte de vue.

🔥 Fin du chapitre 21. 🔥