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Chapitre 65


J'avais officiellement trop bu. C'était un fait. Les verres s'enchaînaient devant moi et plus ils passaient, plus j'obtenais un peu de répit mental. Certaines questions se mettaient dans un coin reculé de mon esprit, d'autres disparaissaient complètement. Les pires restaient malgré tout celles qui s'obstinaient à tourbillonner en rond encore et encore sans jamais trouver un semblant de réponse. C'était dans ces moments-là qu'apparaissaient les pensées les plus sombres, quoi que je fisse, elles étaient là, elles. Mais peu importait. Cela faisait du bien de lâcher prise de temps en temps.

- Écoute Mérida, je sais que tu as des problèmes à oublier mais l'alcool ce n'est pas la solution crois-moi, me réprimanda Marley en repoussant mon énième verre.

- Nan, nan, nan, c'est parfait crois-moi, ça marche presque, répondis-je d'une voix pâteuse.

À quelques sièges de là, Kyle et sa bande piégeaient discrètement le barman pour obtenir plus d'alcool. Je leur souhaitais beaucoup de chance parce que c'était ce qu'il leur fallait pour échapper à M. Carter. Je levai finalement mon verre pour ce cher Kyle et le remerciai du regard. Il me répondit d'un clin d'œil.

- Je t'assure que tu as bien mieux à faire. Et si on appelait Lizzy ? proposa Marley, prête à tout pour que j'arrête de boire.

Sans réellement savoir pourquoi, entendre son nom me procura une étrange sensation, comme s'il y avait quelque chose à propos d'elle que j'étais censée faire ou savoir mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus.

- Elle est probablement avec Luke, très mauvaise idée Marley...

- Tu es sûre ? Je ne l'ai pas vu de la soirée... Et puis je croyais que tu avais enfin accepté leur relation et que c'était pour ça que vous vous étiez réconciliée ? s'enquit-elle à propos de mon ton méprisant. Bon Savannah ça suffit, laisse-moi te ramener à ta chambre, m'ordonna-t-elle sans attendre de réponse.

- Non ! m'écriai-je. On s'amuse bien, je veux rester. Tient allons danser !

Je reposai mon verre sur le comptoir, décidée à ne pas me laisser faire.

- Tu tiens à peine debout je te le déconseille, reprit-elle.

- Quoi ? Marley Rhodes ne veut pas danser ? m'exclamai-je. Voilà une chose que je ne pensais pas entendre un jour.

Je me levai presque sans perdre l'équilibre de mon tabouret et m'avançai en marchant à peu près droit vers la piste de danse. Elle me rattrapa et me soutint par le bras.

- Il s'est passé un truc avec Lizzy depuis la chanson ? me demanda-t-elle. Je ne l'ai pas vue depuis un moment. Raconte-moi.

Mais de quelle chanson parle-t-elle ?

- Pas envie, répondis-je simplement.

Je n'essayais même pas de comprendre à quoi elle faisait référence mais commençai à bouger sur le rythme de la musique, en tentant de faire abstraction de tout le reste, même si Marley n'aidait pas.

- Avec Jeremy alors ?

- Jeremy..., répétai-je lentement.

Ce nom m'arracha un sourire et je devais avoir l'air d'une folle en le prononçant. Tant qu'elle ne devinait pas les pensées qui allaient avec, tout allait bien.

- C'est encore à cause de la nuit dans les bois ? m'interrogea-t-elle.

- Si seulement il n'y avait que ça, fis-je en riant cette fois.

- Qu'a-t-il fait d'autres ?

Marley faisait semblant de danser pour m'accompagner mais elle vérifiait surtout que je ne tombasse pas. Au fond, je lui en étais reconnaissante.

- Il existe, grognai-je en bougeant habilement sur mes talons.

- Je suis sûre que tu exagères, affirma-t-elle.

- J'aurais tellement voulu qu'il ne dise pas toutes ces choses horribles, avouai-je inconsciemment à voix haute.

Marley fronça les sourcils, en tentant certainement de comprendre de quelle discussion je parlais quand bien même c'était impossible.

- Il a vraiment été si méchant ? demanda-t-elle finalement.

- Non...si...enfin je ne sais plus.

Mon Dieu, je devais vraiment passer pour une folle... Disons-le, l'alcool n'avait pas que des avantages. Mais c'était étrange comme sensation, n'avoir à protéger personne pour une fois. Ça faisait si longtemps que je n'avais pas simplement vécu pour moi. Il y avait toujours des problèmes ou des secrets pour plomber l'ambiance habituellement.

- Peut-être un peu des deux. Je... (Je réfléchis un instant) je sais que certains de ses propos étaient faux, même si lui en doute encore, mais d'autres...

- D'autres ?

Je fis une petite moue triste puis jetai un regard vers le balcon. Il n'y était plus depuis longtemps mais l'image du visage de Mlle Carson s'approchant du sien me hantait encore.

- D'autres se rapprochent dangereusement de la vérité, déclarai-je enfin pour Marley mais aussi pour moi-même.

- Alors où est le vrai problème ? Ce n'est pas comme s'il t'avait baratinée avec des mensonges, dit-elle pour relativiser.

- Je ne veux pas que ce soit la vérité ! m'écriai-je soudainement en colère. Je la déteste !

N'aurait-elle pas dû être en train de danser avec Jason plutôt que de me surveiller ? J'appréciais le geste mais je ne voulais pas qu'elle passât sa soirée comme ça. Et surtout je voulais qu'on me laissât seule avec mon cerveau embrumé et confus.

- Dans ce cas ce n'est pas la vérité. Il n'y a que toi qui la connais vraiment, ne l'oublie pas.

Je cessai alors de danser et la dévisageai. Je fus frappée par sa beauté. Pas seulement, ses magnifiques yeux bleus gris, ni ses lèvres charnues et roses, ni sa peau lisse parsemée de discrètes taches de rousseur, ni ses longs et soyeux cheveux blonds. Elle était réellement, purement, entièrement belle. Elle arrêta également de danser et me regarda avec amour et force. Elle était tellement meilleure que moi. Ma colère disparût en quelques secondes pour laisser place à la honte et la tristesse.

- Mais il n'a pas inventé ce qu'il a vu en moi. Suis-je vraiment si aveugle à propos de moi-même ? lui demandai-je en espérant obtenir une réponse honnête.

Marley serra tendrement ma main.

- Je pense que ce sont d'excellentes questions auxquelles tu répondras toi-même quand tu auras l'esprit clair.

Je levai les yeux au ciel. Je comprenais maintenant l'exaspération que ressentait Lizzy quand j'insistais toujours pour la protéger. Toutefois, je n'avais pas peur d'avoir mal.

- Non, j'ai besoin d'une réponse tout de suite.

Une idée terrible venait de me traverser l'esprit et elle me tentait mille fois plus que de rester ici à alterner entre danse et alcool.

- Et qui va te la donner ? me fit Marley. Je veux bien essayer mais je risque de ne pas être très objective.

- Je connais quelqu'un qui le sera, la rassurai-je.

C'était vraiment une mauvaise idée.

- Qui ? me demanda-t-elle inquiète.

- La même personne qui a porté ces accusations sur moi, lui expliquai-je.

- Jeremy ? Oh non c'est une idée encore pire que de venir danser !

Ah ! J'étais d'accord...mais j'allais quand même le faire.

Je levai un index afin de la corriger.

- Étant donné que venir danser était une excellente idée (ne jamais laisser paraître que vous avez tort) je pense qu'aller le voir ne sera pas un problème.

Je commençai à retourner au bar pour finir mon verre avant de partir.

- Savannah, tu es complètement soûle, tu ne penses pas la moitié des choses que tu dis et tu auras tout oublié demain ! s'exclama Marley pour me dissuader.

- C'est faux ! répondis-je indignée.

- Ne choisis pas la facilité. Pas encore. Boire c'était déjà une erreur mais ça c'est une erreur magistrale, continua-t-elle toujours sur mes talons.

Par miracle, je retrouvai mon verre intact et avalai le restant de son contenu d'une traite avant de le reposer fièrement sur le comptoir.

- Parfait, ça me connaît les erreurs du genre.

- Oh non, je t'en supplie, Savannah...

J'étais déjà en train de marcher vers la sortie de la salle. Il ne pouvait pas s'en tirer comme ça après tout. Il m'avait dit des choses affreuses et m'avait déjà menti auparavant, j'étais vraiment censée le laisser partir sans rien dire ? Il avait raison sur un point, je devais arrêter de fuir et faire face à mes problèmes. C'était exactement ce que je m'apprêtais à faire.

Marley me suivit jusque dans la cour que je devais traverser pour rejoindre le bâtiment où se trouvait la chambre de Jeremy. Pourquoi était-il un couche-tôt aussi ?

- Savannah, attends ! cria Marley dans mon dos.

- J'en ai marre d'attendre, tu avais raison je ne peux pas choisir la facilité, délirai-je tout en marchant droit vers mon but.

- Pourtant c'est exactement ce que tu es en train de faire, insista-t-elle.

- Non au contraire ! Je l'aurais choisie en restant me soûler dans cette salle de bal débile, là au moins j'agis, me défendis-je.

Ce qu'elle était grande cette cour merde ! Et pire encore, le sol était en ce moment recouvert d'un mélange de neige, de boue et de terre. Je soupçonnais aussi du verglas à plusieurs endroits. L'alcool tenait peut-être chaud mais il avait ses limites.

- Ça ne compte pas si tes actes sont stupides.

- Non ! criai-je en me retournant, furieuse envers le monde entier. Tu n'as pas le droit de me dire que ce que je fais est stupide. Pas toi, je t'en supplie.

Un air triste mais plein d'amour s'afficha sur le beau visage de Marley et je compris qu'elle faisait simplement tout ce qu'elle pouvait pour m'aider.

- Savannah, dit-elle ensuite en me prenant les mains, tu es plus forte et plus intelligente que je ne le serai jamais mais je sais reconnaître quelqu'un qui a besoin d'aide pour ne pas faire quelque chose qu'il regrettera plus tard et toi Anna, tu as besoin d'aide. Ne me rejette pas, je t'en prie.

- Mais pourquoi...

- Baisse-toi ! m'ordonna-t-elle soudain, une expression grave sur le visage.

Je me baissai rapidement en lui faisant confiance et la vis sortir le poignard que je lui avais confié un peu plus tôt, retirer rapidement ses chaussures puis se placer devant moi. Je tournai la tête et aperçus un homme bizarre s'avancer vers nous le bras levé. Il avait une démarche très particulière, ses vêtements étaient sales et déchirés et sa peau paraissait presque noire à la lumière des lampadaires.

Un Lune. Putain un Lune !

Mais comment avait-il fait pour entrer dans le pensionnat ? C'était impossible que personne ne l'eût vu !

- Marley c'est un...

- Lune, je sais. Reste bien derrière moi.

Je m'étais relevée depuis le temps et enlevai mes chaussures à mon tour. Je l'observai plus attentivement et compris qu'il ne levait pas le bras pour se la jouer zombie.

- Il est armé.

- J'avais aussi remarqué, me chuchota-t-elle.

- Il faut absolument prévenir les Soleils, m'empressai-je d'ajouter.

- Je crains qu'on n'ait plus le temps pour ça.

Plus nous parlions en restant plantées sur place, plus ce Lune se rapprochait dangereusement de nous, donc, de l'établissement dans lequel se trouvait des milliers d'élèves.

- Je peux t'aider, affirmai-je en ignorant la peur qui me broyait les intestins.

Je n'avais pas oublié ce qu'il s'était passé la dernière fois que je m'étais retrouvée face à un Lune – c'est-à-dire que j'avais failli y rester – mais l'idée que Marley se battît seule contre ce monstre était encore plus intolérable que les images qui me revenaient à l'esprit.

- Ça ne va pas la tête ? s'écria-t-elle en s'assurant que je restais bien derrière elle. Tu es ivre, il te tuera en un clin d'œil si tu l'approches de trop près.

J'avais cinq foutues années d'entraînement derrière moi et ce n'était pas mon premier vrai combat cette fois, je pouvais le faire.

- Non ça va mieux, je t'assure que je peux tenir le coup. Je ne te laisserai pas l'attaquer seule, déclarai-je très sérieusement.

- Non, il faut que tu ailles chercher de l'aide. J'ignore comment il s'est introduit dans l'établissement mais il n'est peut-être pas seul, le danger est trop élevé, les Soleils doivent intervenir, tout de suite !

Elle ne cessait de fixer le Lune et serrait toujours plus fort son poignard. Un poignard même pas affûté ! Voilà la seule arme qu'elle possédait.

- Marley, laisse-moi...

- Non ! Savannah, fais ce que je te dis ! Va-t'en et préviens les Soleils, m'ordonna-t-elle.

Elle était tellement courageuse, elle l'avait toujours été. Mais je la connaissais trop bien pour ne pas voir à quel point elle était terrifiée.

Le Lune s'arrêta finalement à dix mètres de nous.

J'étais complètement perdue. Pouvais-je faire cela ? La laisser se battre contre une chose qui avait dix fois sa force ? Je n'arrivais pas à m'y résoudre, c'était inconcevable. Et s'il la blessait sérieusement ? Ou...non, je ne pouvais pas penser à cela pour le moment. Elle avait raison, le risque était bien trop élevé, les Soleils devaient être avertis de toute urgence. Mais Marley...

- Maintenant ! hurla-t-elle avant de s'élancer vers le Lune.

Je n'avais plus le choix. Plus vite je les aurais prévenus, plus vite j'allais pouvoir revenir aider ma courageuse amie. Je commençai d'abord à m'éloigner à reculons avant de courir réellement. Je ne pus aller bien loin car mes pieds se mirent à me brûler au contact de la neige. Mais que se passait-il ? Ce n'était vraiment pas le moment ! Je continuai ma course en endurant la douleur mais elle devenait de plus en plus forte, et surtout, s'étendait maintenant dans mes jambes. Non. C'était impossible. Pas maintenant !

Marcher devint douloureux mais je refusais de m'arrêter pour souffler. Un bruit sourd éclata alors près de moi. Le Lune avait ouvert le feu. Marley fondit sur lui en quelques secondes. Je devais me retenir pour ne pas courir me battre à ses côtés mais j'avais moi-même un autre problème en dehors de ma terreur qui grimpait en flèche. Ma peau commença à rougir et à me faire mal au moindre frottement. Je ne comprenais pas pourquoi il fallait que j'eusse une crise au pire moment de toute ma vie. Les brûlures s'intensifièrent et je ne pus bientôt plus bouger. Je gémis de douleur et m'effondrai sur le sol, trop loin du bâtiment. Ma respiration ne tarda pas à se faire pénible en plus du reste et ramper sur le sol devenait encore plus dur.

- Aah !

Je tournai immédiatement la tête en ignorant la douleur qui me scia la nuque. Le Lune venait de blesser Marley au bras. Elle continuait de se battre bravement. Aucune frayeur ne m'était épargnée à chaque fois qu'ils se rapprochaient, à chaque fois qu'ils tentaient de se blesser. Ils se rendaient coup pour coup mais elle était très désavantagée par sa tenue, son arme et tout le reste. Lui semblait infatigable.

- Marley, sauve-toi ! lui criai-je.

Je ne pouvais plus avancer, que ce soit physiquement ou mentalement. J'étais incapable de détacher mon regard du combat qui se déroulait devant moi. Finalement, un autre coup de feu me frôla mais ne me toucha toujours pas. Ce combat entier reposait sur l'inégalité ! Et puis pourquoi n'y avait-il toujours aucune personne ? Ça s'entendait quand même des coups de feu ! DJ de merde... Il fallait que je trouvasse un moyen de l'aider et vite !

- Savannah, je t'ai dit de courir ! glissa Marley entre deux esquives.

- Je ne peux pas !

Une odeur de brûler commença à s'installer autour de moi et je vis le bas de ma robe noircir sous la chaleur. C'était impossible... Pendant ce temps, Marley se battait admirablement. Elle était forte et rapide. Précise et tenace. Mais elle ne pourrait pas continuer comme ça longtemps, je devais absolument l'aider.

La tension montait en moi d'un cran à chaque seconde de plus qui passait. D'un coup, toutes les ampoules des lampadaires éclatèrent et j'arrivai à peine à protéger mon visage de mon bras. Ce seul geste m'arracha un cri de douleur. Mon bras se fit lourd et mon sang semblait s'enflammer dans mes veines. Eux, ne paraissaient pas s'en soucier et continuaient de se battre.

Je devais me réveiller et vite ! Marley ne pouvait compter que sur le clair de lune pour l'éclairer et c'était loin d'être suffisant, sans parler des conditions climatiques glaciales et du sol glissant et dangereux. Un troisième coup de feu retentit et toucha le jupon de ma robe heureusement pour moi et pas ma jambe. Un instant plus tard, Marley réussit à le désarmer et je pus souffler de soulagement le peu d'air qu'il me restait.

La température de mon corps augmenta tellement que j'étouffai et commençai à ressentir les premières brûlures. Si j'en avais été capable, j'aurais crié à en perdre la voix, mais l'air ne voulait plus rentrer dans mes poumons et j'étais sur le point de m'étrangler. Je puisai au plus profond de moi la force de me redresser pour m'asseoir, en espérant que ça faciliterait ma respiration, puis tentai de déchirer mes jupons en flamme. Mon monde s'effondra alors quand le Lune attrapa Marley de dos, passa un bras autour de son cou et lui planta son propre poignard dans le cœur.

- NNNNNOOOOONNNNN !!!!!

Ce qui me bloquait sur place disparut et mes pieds décollèrent du sol en une seconde. La chaleur n'avait pas disparue mais la douleur oui. C'était comme si des décharges électriques parcouraient mon corps et décuplaient mes sens. Je me sentis alors plus grande, plus forte. J'avais une boule de feu au creux du ventre qui me poussait à avancer. Le feu se propageait littéralement en moi. Mais pas seulement. Ma robe était entièrement rougeoyante et ma peau ne tarda pas à s'enflammer aussi rapidement que la rage qui s'emparait de moi au même instant. Mais je ne sentais rien. Au contraire, ça me faisait du bien. La colère qui rugissait en moi depuis tout ce temps sembla enfin se libérer. Mais quelque chose d'autre avait explosé.

Le Lune balança le corps inerte de Marley sans prendre de gants et je la regardai atterrir à mes pieds, pétrifiée.

- Marley...

Je me penchai doucement sur son corps pour ne pas la brûler mais le feu n'avait pas le moindre effet sur elle. Alors, je pris son visage entre mes mains, en sachant pertinemment que le mien était recouvert de larmes. Le buste de sa robe avait maintenant une teinte ensanglantée et ses yeux bleus ne cessaient de fixer le ciel étoilé.

- Non, non, reste avec moi je t'en supplie...

Mais je savais bien qu'il était déjà trop tard. Je redressai donc la tête vers son meurtrier. Il était en train de lécher ses doigts rouges du sang de mon amie. Là, j'explosai définitivement. Je n'essayai pas le moins du monde de me retenir, quand bien même je faisais preuve d'inconscience. Je me levai et fonçai vers le Lune. Il ne devait pas s'attendre à me voir riposter parce que mon premier coup l'atteignit facilement. J'allais avoir du mal à me battre dans cette tenue mais plus rien ne pouvait me faire changer d'avis. La douleur et la rage occupaient absolument toutes mes pensées. Il allait mourir ce soir.

Lui aussi semblait avoir hâte d'en finir. La violence de son premier coup me surprit, d'autant plus que je le voyais encore un peu flou par moment. Il me projeta à plusieurs mètres et mes coudes amortirent le choc. Je me retournai et lui lançai un tel regard qu'il aurait pu en être pétrifié en pierre s'il avait été humain. Mais il ne l'était pas. En revanche, deux grosses boules de feu, dont je ne pouvais pas voir la source, fendirent l'air et touchèrent mon adversaire aux jambes. Il poussa un sacré cri de douleur, ce qui attisa certainement sa haine contre moi. Je me redressai en un clin d'œil et remerciai mentalement la personne qui les avait envoyées. Plutôt que de retourner bêtement me battre contre lui, je récupérai le poignard qui traînait près de Marley et le serrai dans ma main.

Une vague de sentiments contradictoires m'envahit quand une goutte de son sang toucha mon doigt. C'était ce poignard qui l'avait tuée. Le cœur de ma meilleure amie avait été tranché par cette même lame. Je voulus mourir sur le champ plutôt que de sentir encore une pareille souffrance mais cela me rappelait aussi pourquoi je devais me battre. Le poignard s'enflamma à mon contact, et je retournai auprès de ce monstre de Lune. Mon corps était meurtri mais pas autant que le serait le sien quand j'en aurais fini. Je m'en fis la promesse.

Il était certes plus fort que moi, mais j'étais plus rapide et plus agile. J'esquivai un certain nombre de ses coups, ce qui compensait l'effet que ceux que je recevais avaient sur moi. J'avais de plus en plus de mal à l'atteindre en revanche. Alors dès que je vis une occasion, je la saisis. En entendant du bruit, il tourna brièvement la tête. Je pivotai sur moi-même et balançai mon pied dans sa figure mieux que je ne l'avais jamais fait. L'impact fut conséquent. Il grogna de douleur tel un ogre. J'ignorais que j'avais cette force en moi.

Quelque chose attira quand même mon attention. Il y avait maintenant une vingtaine de personnes dans la cour, tous avaient des regards apeurés. Marley. Je devais la protéger. Avant même que j'eus le temps de réfléchir à une solution, un grand mur de flammes nous encercla tous les trois et nous coupa du reste du monde. Les flammes étaient hautes de plusieurs mètres, il était impossible de passé à travers sans être réduit en cendre.

Pourquoi me faisaient-ils ça ? Ne devraient-ils pas m'aider au lieu de me piéger avec un Lune ? Je repris néanmoins mes esprits avant mon ennemi et arrivai à lui faire une entaille à la gorge. J'aurais aimé faire plus, mais c'était déjà ça. Cette fois, il hurla réellement de douleur et du sang noir jaillit de sa gorge en allant jusqu'à m'éclabousser. J'entendis également d'autres cris mais eux, venaient de l'extérieur. Les élèves et les Soleils devaient affluer en masse. Qu'attendaient-ils pour me libérer maintenant ?

Le Lune me donna alors un grand coup de pied dans le bras et le poignard me glissa des mains. Il me poussa violemment et je tombai sur le dos à plusieurs mètres de là. Il arriva au-dessus de moi en quelques secondes et commença à m'étrangler. Il était tellement fort qu'il ne fallut que très peu d'instants pour que l'oxygène ne me parvînt plus. Mes poumons me brûlaient violemment et ce fut un miracle que ma nuque ne fût pas déjà brisée. Je me débattus aussi longtemps que possible mais mes mouvements étaient très limités à cause de la paralysie qui me gagnait à chaque instant. La pression sur ma nuque était si puissante que j'en sentais les répercussions jusque dans ma colonne vertébrale. Mes poumons cherchaient encore le moindre petit souffle d'air tandis que je m'éteignais à petit feu.

La hauteur du mur de flamme baissa alors considérablement et les personnes qui se trouvaient à l'extérieur pouvaient maintenant voir la scène. Les cris redoublèrent. Ce fut seulement maintenant que je sentis quelque chose au bout de mes doigts engourdis à cause du manque d'oxygène. Le poignard. Dans un grand effort, je le saisis et le plantai avec le peu de force qu'il me restait dans la gorge de la Lune. Une fois, deux fois, puis une ultime fois. Celui-ci écarquilla les yeux de surprise. Son emprise se desserra immédiatement et des filets d'air passèrent à nouveau dans mon sang.

Le mur de flamme remonta instantanément, alors que des Soleils s'apprêtaient enfin à le franchir. Je fixais toujours le monstre au-dessus de moi. Du sang noir comme le charbon gicla de partout et je dus fermer les yeux et tourner la tête pour ne pas en recevoir aussi dans la bouche. Quand je sentis le flot ralentir, je le regardai encore une fois et compris que ses paupières ne se refermeraient plus jamais. Dans un haut-le-cœur, je repoussai aussi fort que possible son corps et rampai loin de lui. Ma gorge me brûlait tant respirer était douloureux et je n'osais me servir de mes cordes vocales. Les flammes ne cessaient de monter mais contrairement à tout à l'heure, elles étaient translucides.

Je me traînai péniblement vers le corps de Marley en priant pour que tout ceci ne fût qu'un très, très mauvais rêve. Quand je l'atteignis enfin, elle ne bougeait pas d'un millimètre et sa peau était d'un pâle maladif. Je plaçai mes mains sur sa poitrine ensanglantée, bien que l'hémorragie ne pût plus être stoppée. Je cherchai désespérément son pouls de mes mains enflammées, recouvertes de sang et toutes tremblantes mais je ne pouvais qu'être déçue.

- Non, Marley...

Ma voix se perdit dans mon propre souffle et je compris que le moindre murmure serait une vraie torture.

- Savannah !

Des cris me parvinrent de l'autre côté, mais je ne pus la quitter du regard. Ses beaux yeux bleus perçants luisaient à la lumière des flammes mais ne me regardait plus. Les larmes affluèrent hors des miens et de violents sanglots me coupèrent la respiration. Je la serrai contre moi de toutes mes forces, comme si cela pouvait la ramener. Je ne réalisais qu'à moitié ce qui venait de se passer. Ma meilleure amie était...elle était morte. Dans le cœur... Il lui avait enfoncé un poignard dans le cœur.

Tout me revint alors à l'esprit. Luke. Lizzy. Christina. Ma mère. Le rêve. Elle savait. J'ignorais comment, mais depuis le début, ma mère savait que quelqu'un mourrait ce soir. Je m'en souvenais parfaitement maintenant. Le bal, la musique, la neige, le Lune, le sang. Elle avait essayé de me prévenir. Elle m'avait dit que je perdrais ma meilleure amie le soir du bal. Seulement ce n'était pas Lizzy, c'était Marley.

- Savannah !

Des spasmes secouèrent violemment mon corps, mais le sien resta sans vie. Elle s'était battue pour me protéger. Elle m'avait réellement protégée et défendue au péril de sa vie. Elle n'avait jamais failli à sa promesse, pas une seconde.

- Savannah !

Je levai la tête, désespérée.

- Arrêtez ! hurlai-je en me brisant la voix. Arrêtez ! Laissez-nous tranquille, arrêtez !

La douleur était insoutenable et je voulais juste que tout s'arrêtât. La souffrance, la peur et le vacarme était en train de me faire vivre une réelle agonie.

- Je dois la protéger, murmurai-je ensuite pour moi. Je ne peux pas la laisser seule.

J'embrassai son front plein de coupures et laissai les larmes couler. En réalité, aucun silence n'aurait été suffisant pour me soulager mais je réunis quand même toute mes forces pour ignorer ce point sensible et observai finalement le feu qui s'était emparé de mon corps se mettre en œuvre pour soulager ma peine physique. Je relevai ensuite la tête et aperçus des Soleils balancer de l'eau sur les flammes. Quand les deux entrèrent en contact, une douleur cuisante me déchira le ventre et pendant quelques instants. Je hurlai de douleur et d'horreur en lâchant le corps de Marley malgré moi.

- STOP ! cria soudain une autre voix. Arrêtez ! Vous allez la tuer ! Arrêtez !

C'était Cameron. Je reconnus immédiatement sa voix familière au milieu de tout ce chaos. Il était le seul à pouvoir m'aider. Peut-être allait-il pouvoir contrôler le feu lui.

- Qu'est-ce que tu dis, toi ? lui demanda un des adultes.

- Si vous continuez, ça la tuera, répéta-t-il.

Ah bon ? Qu'ils continuent alors...

Comment pouvais-je vivre après cela de toute manière ? Une partie de moi était déjà morte ce soir. Plus rien ne semblait avoir de l'importance.

- Comment ça ? intervint une autre voix que je ne connaissais que trop bien. Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Ne l'écoutez pas Scandola, il raconte sûrement n'importe quoi !

- Je vous jure que c'est vrai ! se défendit Cameron. Vous ne voyez pas ? Ne savez-vous pas reconnaître de la magie ? C'est elle ! Le feu c'est elle ! C'est ça son pouvoir, et...c'est aussi sa peur, sa colère et sa douleur ! Si vous faites quoi que ce soit pour éteindre le feu vous-même, dans l'état qu'elle est c'est sûr que ça la tuera ! s'écria mon cousin.

- Depuis quand ? fit M. Gardiner que j'avais reconnu maintenant, d'un ton autoritaire. Retourne te coucher, petit.

Il s'apprêtait à relancer de l'eau quand Jeremy l'arrêta.

- Attendez.

Il se tourna vers Cameron.

- Si ce que tu dis est vrai, ça la blessera non seulement physiquement mais aussi mentalement. Alors es-tu sûr de ce que tu avances ? lui demanda-t-il comme s'il s'agissait d'un secret d'État.

- Oui certain ! Je la connais quand même mieux que vous, c'est ma cousine ! Je suis comme elle, le feu reflète nos émotions, elle ne contrôle absolument rien ! s'énerva Cameron en me désignant du doigt.

- Ta...tu as bien dit ta « cousine » ? bégaya Jeremy.

- Oui, je suis Cameron Hamilton.

Jeremy resta interdit quelques instants.

- Scandola ?

- Il dit la vérité M. Gardiner, déclara-t-il finalement.

- Et comment on fait pour arrêter ça alors ? hurla celui-ci sur Cameron. Elle va bientôt mettre le feu à l'établissement.

- Elle est la seule à pouvoir l'arrêter sans que quiconque soit blessé, expliqua mon cousin.

- Tu as dit qu'elle ne contrôlait rien, reprit Jeremy.

- C'est le cas. On peut lui parler, n'importe quoi, mais elle est la seule à pouvoir agir.

Ils me regardèrent tous. Ils devaient se tromper, je n'avais rien demandé de tout ça. Je ne pouvais pas être Feu. Pas comme ça. Je ne voulais pas l'être.

- Et comment on lui parle, petit malin ? lui cracha M. Gardiner à la figure. Au cas où tu n'as pas remarqué, il y a comme un immense mur de flammes entre nous !

- Bah je vous en prie si vous avez la moindre idée je vous écoute, mais ça n'a pas l'air d'être le cas !

- Arrêtez, vous deux ! intervint Jeremy, on a un plus gros problème.

Les flammes n'arrêtaient pas de monter alors que je ne faisais rien. Comment pouvaient-ils penser que tout cela venait de moi ? Pourquoi nous aurais-je exclues du monde, seules, avec un Lune ? Je devais protéger Marley de tout ça, c'était la seule chose qui comptât pour le moment. Je la serrai contre moi et l'emmenai du mieux que je pus au centre de l'espace dont nous disposions, le plus loin possible du feu. Le cercle s'élargit alors de plusieurs mètres. Par chance, personne de l'extérieur n'avait été touché. Comment... Non ce n'était pas possible. Ça ne pouvait pas être...moi. Quand Kelly avait eu ses pouvoirs, elle s'était noyée avec sa propre eau mais elle n'avait pas créé une immense vague destinée à je ne savais quoi ! Tout ce que je souhaitais, c'était fuir le monde pour rejoindre Marley.

- Savannah ! crièrent plusieurs personnes bien réelles.

Je me levai finalement et marchai vers les parois. Il redevenait dur de voir de l'autre côté mais mes yeux s'adaptèrent drôlement bien. Je reconnus un visage familier.

- Lizzy ! m'écriai-je faiblement.

Ce fut un miracle qu'elle m'entendît à travers tout le vacarme qui régnait.

- Anna ! Est-ce que ça va ? hurla-t-elle.

Je l'entendis tousser et la vis protéger sa bouche. Ses cheveux lui fouettaient le visage et une fine couche de sueur sur sa peau témoignait de la chaleur ambiante.

- Va-t'en d'ici, Lizzy ! Vite, je t'en supplie ! criai-je.

Avoir à moitié retrouver ma voix était formidable mais mes efforts ne pouvaient pas tous se concentrer en même temps. Je tombai à genou sur le sol dur et froid sans même tenter de me relever.

- Je ne pars pas d'ici sans toi ! me répondit-elle.

- C'est trop dangereux, tu dois partir avant que ça ne dégénère encore plus !

- Je ne t'abandonnerai pas, Anna !

Son regard était empreint de peur, mais également d'une détermination que je ne lui connaissais pas. Mais j'avais déjà perdu une meilleure amie, je ne pouvais pas en perdre une autre.

- Mlle Darcy !

Je vis mon mentor arriver à ses côtés.

- Jeremy ! m'écriai-je. Emmène-la loin, je t'en supplie !

Dès que ses yeux descendirent sur corps mourant en flamme, une lutte de peur, de colère et de devoir s'installa en lui.

- Non, je veux rester, protesta Lizzy.

Jeremy paraissait entièrement partagé. Il était évident qu'il avait très chaud lui aussi et qu'il était fatigué et simplement dépassé par la situation. Ses cheveux étaient en bataille et des cernes soulignaient ces yeux sombres et clairs à la fois sous la lumière des flammes. J'aurais voulu l'entendre me dire de sa voix calme que ce n'était qu'un rêve et que j'allais très bientôt me réveiller, mais il n'en fit rien. Alors je me concentrai à nouveau sur la monstrueuse réalité : il était temps qu'ils aillent se mettre en sécurité, parce que je ne savais pas ce que je serais capable de faire si quelqu'un d'autre était blessé.

- Faites ce que je dis ! hurlai-je aussi fort que ma voix torturée me le permettait.

L'instant d'après, une telle force se dégagea du mur que je fus projetée auprès du corps de Marley.

- Savannah !

Je ne pus reprendre mon souffle qu'après plusieurs secondes, et encore, je peinais toujours à respirer. Ma tête me faisait atrocement souffrir et j'avais désormais des coupures, des éraflures et des brûlures un peu partout. Je vis en triple pendant quelques instants avant de distinguer le corps de Marley. Je tendis faiblement un bras tremblant mais finis par attraper sa main ensanglantée.

De l'autre côté les conversations continuaient.

- Jeremy faites quelque chose, le suppliait Lizzy. Cameron ! Tu ne peux pas entrer toi ?

- Pas plus que les autres. Du moins pas sans la blesser et sans avoir la quasi-certitude de ne pas ressortir entier.

Elle grogna et prit sa tête entre ses mains. Je ne l'avais vu que rarement faire cela. Elle était réellement morte d'angoisse.

- J'ai peut-être une idée ! s'écria alors Jeremy. Si elle est bonne il me suffit d'entrer et de lui parler.

- Comment ? demanda Cameron. Je croyais qu'on était d'accord pour ne pas la blesser ?

- Et il y a des chances que ça ne le fasse pas !

- Et vous ? Avez-vous une idée de l'intensité de ces flammes ?

- Si ça fonctionne elles ne me toucheront même pas.

- Alors essayez ! s'exclama Lizzy impatiemment.

De mon côté j'avais réussi à remonter au niveau de Marley, l'avais reprise dans mes bras et avais posé sa tête sur mes genoux. Ma tenue, qui était autrefois une robe, était désormais une guenille sanglante qui partait en lambeaux et qui laissait à découvert ma peau meurtrie. Dire que j'étais aussi déchirée qu'elle n'était pas une hyperbole.

Je ne compris pas bien ce qui se passa ensuite, mais quand Jeremy apparut de mon côté du mur, une grande brûlure recouvra soudainement presque tout mon avant-bras gauche et m'arracha un cri de douleur.

- Savannah !

Jeremy accourut et s'agenouilla près de moi alors que j'avais reposé la tête de Marley sur le sol où je me tordais de douleur à ses côtés. Le plus étrange fut que ce même sol était bizarrement devenu recouvert d'une nouvelle neige. La hauteur du mur, elle, avait diminué.

- Regarde-moi Savannah, ça va aller, je vais te sortir de là, tenta de me rassurer Jeremy. Attends.

Il prit mon bras dans ses mains et une fine couche de glace apparut dessus. Le feu ne le brûlait-il pas ? C'était comme si la même fine couche de glace recouvrait son corps tout entier.

- Ça devrait te soulager, me fit-il.

Je me mordis la lèvre jusqu'au sang.

- Je ne voulais pas, Jeremy, je te le jure, lui dis-je le souffle court d'une voix éraillée et noyée dans les larmes.

- Je le sais bien sûr, rien de tout ça n'est ta faute.

- Si, je...je n'ai pas...elle ne voulait pas...elle ne voulait pas venir, elle l'a fait pour moi, tout est ma faute. C'est à cause de moi, tentai-je d'expliquer entre mes sanglots.

Jeremy souleva le haut de mon corps et me serra contre lui.

- Ça va bien se passer, je te le promets, murmura-t-il à mon oreille. Tu t'en remettras, la personne qui lui a fait ça a déjà payé.

- Non, non tu ne comprends pas, le repoussai-je, c'est à cause de moi, c'est à cause de moi qu'elle est morte, elle s'est sacrifiée pour moi, elle m'a sauvée, elle est morte à cause de moi. Je l'ai tuée...

La force était en train de remplacer la compassion et l'inquiétude dans son regard.

- Non ! Tu ne l'as pas tuée, Anna, elle a choisi de donner sa vie pour te protéger !

- Mais elle n'aurait jamais dû avoir à la faire ! J'ai été faible, j'ai complètement foiré, je voulais tellement tout oublier. Je l'aimais tellement, elle ne devait pas mourir comme ça... j'aurais dû mourir à sa place !

Il prit mon visage brûlant et humide de larmes entre ses mains glaciales.

- Elle aussi elle t'aimait énormément et grâce à elle tu vas pouvoir vivre, tu vas pouvoir faire ce que tu as toujours voulu faire. Elizabeth et tes amis t'attendent de l'autre côté de ce mur. Ce que tu viens de traverser, des tas de personnes ne le traverseront pas au cours de toute une vie et ne sauront jamais quels efforts ça va te demander d'en sortir, mais des tas d'autres seront là pour t'aider à le faire. Parce que oui, tu vas t'en sortir. Tu le dois ! Pour elle, pour Marley. Tu dois être forte et continuer à te battre ! Moi j'ai foi en toi, Anna, et je sais que tu possèdes cette force. Ta bonté et ta générosité, ta vivacité et ton énergie mais aussi ta douleur et ta colère, ce sont toutes ces choses qui font ta force. Mais avant tout, c'est l'amour que tu ressens. Il y a des personnes que tu aimes au-delà de ce mur, des personnes qui t'aiment aussi et qui ont besoin de toi. Tu ne peux pas les abandonner, tu ne dois jamais cesser de te battre pour eux.

Il y avait tellement de conviction et de détermination dans sa voix, tellement d'émotions sur son visage, tellement de force dans son regard, tellement d'amour dans ses paroles.

Je n'aurais pas pu avoir plus mal quand je le vis tousser violemment et respirer difficilement. Cette fois, ce fut lui qui tomba dans la neige.

- Jeremy, qu'est-ce que tu as ? demandai-je très inquiète.

- C'est...c'est la fumée...

- La fumée ? Je ne sens rien.

- Bien sûr, c'est ton feu... Le feu ne te fera jamais de mal, il te protégera.

- Et pas toi ?! m'écriai-je ahurie et désemparée.

Il recommença à tousser violemment et son corps fut secoué de convulsions. Je l'allongeai correctement sur le sol et serrai sa main de la mienne.

- Jeremy reste avec moi ! Tu dois rester conscient, il ne faut pas t'endormir ! Parle-moi, continue de parler ! Jeremy je t'en supplie, pas toi aussi, tu ne peux pas me laisser...

J'observai ses traits se détendre et ses yeux se fermer. Le soulagement que j'eusse ressenti en comprenant que le Lune ne fermerait plus jamais les paupières me revint en tête. Ce sentiment n'était rien comparé à la terreur qui m'envahit à l'idée que les siennes ne se rouvrissent plus jamais.

- Jeremy ! hurlai-je seule en sachant que je n'allais jamais recevoir de réponse.

Une douleur que j'ignorais jusqu'à maintenant me déchira le cœur comme je ne savais pas cela possible. Marley et Jeremy ? Non, ce n'était pas possible. Il avait raison en disant que des personnes avaient besoin de moi hors de ce mur, mais j'avais encore plus besoin de lui, quoi qu'il eût pu se passer. Et il avait besoin d'oxygène.

Le feu ne te fera jamais de mal, il te protégera.

Et c'était ce qu'il faisait. Pas une seconde je n'avais senti le manque d'oxygène autour de moi. Quand mon corps s'était enflammé, c'était une sorte de satisfaction que j'avais ressenti. Cameron avait aussi raison, le feu faisait partie de moi. C'était évident. Le caractère, les crises, ça. Tout y était. J'ignorais seulement où était ma place dans tout ça. En attendant, je ne pouvais peut-être pas encore le contrôler, mais je pouvais l'accepter. Et en enlever le côté destructeur. Mais comment ?

Une de mes larmes tomba alors sur les lèvres roses de Jeremy.

Bien sûr.

Je pris donc son visage entre mes mains et pressai mes lèvres contre les siennes. Je n'aurais pas pu trouver meilleure manière de lui partager le souffle de vie qui était en moi.

À ce moment précis, quelque chose se débloqua en moi. Comme si mon esprit, mon corps et mon âme s'étaient mis d'accord pour retrouver la paix juste un instant. L'atmosphère changea également autour de moi. Je pouvais presque sentir la vie revenir en Jeremy, dans chacune de ses veines, dans chacune des gouttes de son sang jusque dans son cœur. Ses lèvres embrassèrent les miennes avec toute la délicatesse du monde.

Quand des cris me ramenèrent à la réalité, je levai rapidement la tête et observai ce qui nous entourait. Les flammes avaient complètement disparu, du moins en dehors de mon corps. Les gens étaient pétrifiés et les Soleils s'efforçaient de maintenir l'ordre en formant une chaîne en cercle pour empêcher les gens de passer. Une chose incroyable émerveilla ensuite mon regard, une chose magique même. Il neigeait. Une couche de neige de déjà plusieurs centimètres recouvrait le sol et un millier de flocons flottait dans le ciel au gré du vent. Ce qui restait de ma robe semblait parsemé de paillettes blanches. Je sentis une main me caresser la joue tout doucement comme si elle avait peur que je me brisasse entre ses doigts. Je rebaissai la tête vers Jeremy et rencontrai son regard. La tendresse et la beauté d'un millier d'étoiles s'y reflétaient. Cependant, l'inconscience m'arracha à lui et mon sang rejoignit celui de Marley sur un oreiller de neige immaculée.

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