Après que j'eus botté le dernier de Jason un bon nombre de fois, nous décidâmes d'arrêter là pour aujourd'hui, sachant que nous étions probablement les seuls élèves à nous entraîner un dimanche. Néanmoins, c'était définitivement ce dont j'avais besoin. Alors que nous rangions nos affaires, le téléphone de Jason vibra une fois.

- Message ! s'écria-t-il d'une voix infantile.

Je ris et l'observai se jeter sur son portable tout joyeux. Seulement, deux secondes plus tard, il avait déjà plus ou moins perdu son sourire.

- De qui est-ce ? lui demandai-je doucement.

- Marley. Elle me demande si je compte la rejoindre tout à l'heure à la fête que Lizzy a organisé pour l'anniversaire de Luke ou non, m'expliqua-t-il.

Je restai silencieuse quelques instants. Le fait qu'elle en organisait une ne me gênait pas tant que ça, c'était plutôt le fait qu'elle ne m'eût pas invitée. Bien évidemment, je n'y serais pas allée, alors ma tristesse était quelque peu déplacée, mais cela montrait surtout que Lizzy avait baissé les bras. Elle n'essayait même plus d'arranger les choses entre nous. Je finis par mettre mes sentiments de côté et me concentrai sur mon ami qui méritait bien de s'amuser un peu.

- Jason ! m'écriai-je alors.

Il leva le nez vers moi, surpris.

- Bien sûr que tu dois y aller !

- Je... euh non je crois que je ne vais pas y aller, elle comprendra, j'en suis sûre.

Je m'assis en face de lui, ahurie.

- Mais pourquoi ? On est dimanche, profites-en pour passer du temps avec Marley.

- Je sais que je devrais et j'en ai envie ne t'inquiète pas mais, moi je m'inquiète aussi pour toi et elle ne m'en voudra jamais pour ça, m'assura-t-il avec un sourire.

Je levai les yeux au ciel.

- Je vais bien. Et puis, il y aura tous tes amis là-bas, je suis sûre qu'Eliza s'attend à te voir.

- Vois-tu, reprit Jason avec un ton malicieux, j'ai d'un côté une amie qui a besoin de moi pour manger des petits fours et boire des bières, et de l'autre ma meilleure amie qui a de sérieux problèmes d'estime de soi et qui a plus besoin de moi que jamais.

Il était plutôt convaincant, sauf pour cette histoire de problème d'estime de soi. Pour être honnête, je n'avais aucune envie de refuser sa compagnie, surtout aujourd'hui, mais je ne voulais pas non plus le priver. Je plissai donc les yeux et pris moi-même un air malicieux.

- En attendant je suis sûre que tu rêves de ces petits fours depuis des jours...

- Non ! se défendit-il. Absolument pas, j'ai seulement passé des heures entières à imaginer leurs odeurs, leurs aspects appétissants et leurs goûts succulents, rien de plus.

Je pouffai de rire.

- C'est bien ce que je pensais !

Jason écrivit donc un petit message pour expliquer à Marley qu'il ne viendrait pas, puis, se tourna vers moi.

- Que faisons-nous du coup ?

Je levai les sourcils.

- À propos de quoi ?

- Mais de ton stage pour l'estime de soi bien sûr ! Il faut bien commencer quelque part.

- À toi l'honneur dans ce cas !

Il porta sa main à son menton comme si c'était affreux de devoir choisir parmi toutes les choses qui lui venaient à l'esprit.

- Laisse-moi réfléchir... Tu as besoin de te sentir jeune et belle, toi-même quoi.

- Je me sens déjà comme ça je te rassure, lui fis-je avec un clin d'œil.

- Pas suffisamment. Pas comme moi je te vois, allez, suis-moi !

Jason se mit à dresser la liste des choses stupides mais très amusantes que nous avions pu faire par le passer. Il y en avait un petit paquet, mais sachant que toutes ces choses nous avaient valu des punitions, des heures de colle ou encore des jours d'exclusion, ne vous attendez pas à quelque chose de très réfléchi.

- Je ne sais pas toi mais j'ai bien envie d'aller espionner M. Carter !

- Oh ça c'est une excellente idée ! Qui sait ce qu'il peut bien faire toute la journée enfermée dans son bureau ? m'exclamai-je.

- Penses-tu à un amant secret ? me fit Jason en m'entraînant en sautillant comme un gamin.

- Ou un enfant caché ! répondis-je en l'imitant.

- Mais attend ! s'écria-t-il en arrêtant de courir. S'il y a une chose que j'ai apprise, c'est qu'on ne part jamais en mission le ventre vide.

- Ah les petits fours tu vois !

- Chut pauvre folle ! On n'attise pas la faim d'un homme déjà affamé, chuchota-t-il alors que des élèves passaient près de nous en pouffant.

- Oh tu vas me faire pleurer... En attendant, j'ai peut-être une solution pour ton problème urgent d'estomac.

Il fronça les sourcils.

- Dit comme ça on dirait que j'ai besoin d'aller aux toilettes ! protesta-t-il.

- Peut-être que ce sera le cas après...

Jason me tira rapidement les cheveux.

- Ah ! D'accord, d'accord, je me tais.

- Sinon, reprit-il avec son regard suspicieux, quelle est ton idée ?

- Donc ça t'intéresse finalement ? demandai-je pour le taquiner.

- Bien sûr ! Laisse-moi deviner, s'introduire en douce dans les cuisines et voler leurs petits muffins du dimanche ?

- Encore mieux, mon plan ne contient ni effraction ni vol !

- Bah je ne vois pas du tout alors...

- Il se trouve que ta rouquine préférée connaît une fille sympa qui bosse aux cuisines, expliquai-je toute fière.

- Mais où est passé ton esprit insouciant, il n'y a rien de marrant dans ton plan !

- Certes, mais penses-y. Pas de problème à l'horizon et des tas de muffins au bout du chemin.

Jason fit semblant de réfléchir.

- On devrait pouvoir s'arranger...

Je souris et nous guidai ai vers les cuisines.

- Tu es certaine qu'on ne va pas nous chasser au moins ? s'inquiéta mon ami affamé.

- Certaine. Mais attends, où est passé ton insouciance J. ?

- Très drôle, grommela-t-il.

Nous franchissons les portes qui du bâtiment qui abritait les cuisines et nous retrouvâmes plantés là, surpris. Elles étaient vides. Ou presque. Il n'y avait que trois personnes et elles semblaient débordées. Où avaient bien pu passer tous les autres ?

- Savannah ! s'exclama alors une voix joyeuse.

- Lucy ! Je n'étais pas sûre de te trouver là, ça semble...plutôt vide ici.

Elle retira sa charlotte après avoir jeté un coup d'œil à Jason. Trop mignonne.

- C'est parce que ça l'est. Quasiment toutes mes collègues ont pris leur journée congé aujourd'hui, allez savoir pourquoi...

- Je vois. J'imagine que tu as beaucoup de travail ? demandai-je gentiment.

- Plus ou moins, mais M. Carter vient de renvoyer ce que nous lui avions préparé. Apparemment ça ne convient absolument pas et j'ai très peu de temps pour lui amener autre chose, m'expliqua-t-elle.

- Pourquoi est-ce que ça ne m'étonne pas ? intervint Jason en nous rejoignant. Merci pour les présentation Savannah, moi c'est Jason, fit-il en tendant sa main à Lucy.

- Et moi c'est Lucy, répondit-elle en rougissant légèrement.

Bien sûr mon ami ne vit rien.

- Tu n'avais pas besoin de moi, tu vois.

- J'ai cru comprendre que tu étais très occupée, peut-être pouvons-nous t'aider en échange du service que nous allons sûrement te demander très bientôt ?

Vraiment prêt à tout pour de la bouffe celui-là...

- Oh vous n'avez pas besoin de faire quoique ce soit en échange, je serais ravie de vous aider.

- On insiste, insista Jason.

Elle se mordit la lèvre. Je confirmai les paroles de Jason du regard.

- Eh bien, pour la nourriture vous n'allez pas pouvoir faire grand-chose mais pour le service vous vous révélerez peut-être utiles. Comme vous le voyez, on manque de personnel.

- C'est parfait ! répondis-je.

- Merci c'est vraiment gentil. Mais qu'est-ce que je peux faire pour vous en fait ? nous demanda enfin Lucy.

Je me tournai vers Jason, toute souriante.

- L'homme des cavernes qui se tient à côté de moi a terriblement faim et, à vrai dire, il pense à autre chose que les rations de secours qu'on nous sert le dimanche.

Je n'aurais jamais dit ça si elle ne m'avait pas confié la dernière fois que nos repas du dimanche étaient loin de sortir réellement de ces cuisines. Seuls les traditionnels muffins étaient faits le jour même.

- Oh je comprends, ce n'est pas l'idéal c'est vrai, mais la prochaine fournée de muffins est prête dans quelques minutes, est-ce que ça vous va ?

Jason sembla surpris de voir à quel point c'était facile.

- Ce serait vraiment génial.

Lucy lui sourit, puis s'éloigna vérifier quelque chose qui venait de sonner.

- Comment as-tu fait ça ? me glissa-t-il.

- Je n'ai rien fait justement. Ça s'appelle la bonté naturelle. C'est inné chez cette fille et pourtant la vie ne lui a pas fait de cadeaux à elle non plus.

Je le laissai réfléchir une minute et allai retrouver Lucy.

- Alors dit-moi, quel genre de repas M. Carter exige-t-il ?

Elle soupira.

- Un pique-nique.

- Un pique-nique ? répétai-je hébétée.

- Je sais, c'est bizarre, mais j'imagine qu'il veut passer une petite tête à tête avec sa femme.

Je jubilai d'avance, on allait bien s'amuser avec Jason.

- Tu es adorable Lucy mais M. Carter n'a pas de femme, non seulement parce qu'il est homosexuel, mais aussi parce qu'il n'y a que les hommes dépressifs qui commandent des pique-niques romantiques pour finir par les manger seuls. M. Carter n'en fait malheureusement pas parti.

Mon regard était lourd de sous-entendus.

- Oh, fit-elle en fronçant les sourcils, c'est gênant, n'est-ce pas ?

- Un tout petit peu, répondis-je avec un grand sourire. Mais c'est surtout très drôle.

- Qu'est-ce qui est drôle ? demanda Jason qui ne supportait apparemment plus d'attendre ses muffins tout seul.

- Tu verras.

Une autre sonnerie retentit.

- Les muffins ! s'écria Lucy en se dirigeant vers le four.

- Tu entends ça, Anna ? Les muffins...

Je levai les yeux au ciel.

- Fais attention ce serait bête de prendre un peu trop de poids, le taquinai-je.

- N'importe quoi, j'ai les plus beaux abdos du monde et mon ventre est parfait ! se défendit-il.

- Qui t'a dit ça ? Marley ?

- Pff... Tu es juste jalouse.

- Mince ! Tu as deviné mon secret...

Lucy revint alors avec toute une grille remplie de muffins. J'en comptais au moins une vingtaine. Jason en avait déjà deux en mains et je me demandai sérieusement s'il serait capable de tout manger si personne ne l'en empêchait.

- Vous pouvez tous les emporter. D'habitude il y en a bien plus qui finissent à la poubelle alors ce n'est pas un problème.

- Mais quelle honte, bafouilla Jason déjà la bouche pleine.

Heureusement pour ma vie sociale, cela fit rire ma petite cuisinière.

- Je suis d'accord, répondit-elle en riant.

Nous la laissâmes ensuite finir son travail et j'observai mon meilleur ami se goinfrer en toute tranquillité.

- Tu es sûre de ne pas vouloir en goûter un ? finit-il par me demander.

Je refusai poliment son offre avec une grimace.

- Il n'est que 11 h 30.

- Il n'y a pas d'heure pour les muffins...

Je souris et emballai tout de même quelques muffins pour plus tard.

- J'ai fini ! s'écria Lucy au bout de quelques minutes.

Elle posa devant nous le parfait petit panier de pique-nique.

- Sérieux ? fit Jason en s'essuyant la bouche.

- Sérieux.

- Merci beaucoup pour les muffins, Lucy ! la remerciai-je.

- De rien, et merci à vous aussi, vous me faites gagner beaucoup de temps.

- Je t'en prie, ça m'a fait plaisir de te revoir.

Je serrai brièvement sa main.

- Plaisir partagé ! À bientôt !

- À bientôt !

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Sachez qu'écrire ce chapitre m'a vraiment donné faim 😂 Dans le prochain chapitre, je vous propose un petit retour sur le passé lors de la rencontre de Jason et Savannah... 😍