Chapitre 42
Outre le fait que Jeremy m'avait retrouvée en plein concours de tractions contre un des hommes Jackson complètement soûls la veille au soir avant de me ramener au pensionnat, j'étais plutôt fière de moi. J'avais passé le reste de la nuit a étudié tous les renseignements que Kyle m'avait dénichée et j'étais maintenant persuadée d'avoir raison. Il ne me restait plus qu'à convaincre Lizzy, qui n'avait pas quitté le chevet de Luke depuis notre confrontation de l'autre jour.
Je me sentais pour le moins trahie. J'avais passé des mois à la protéger, je lui avais ouvert mon cœur, j'étais prête à lui dédier ma vie en devenant sa Soleil, mais elle, elle m'avait préféré Luke. Un traître. Mais j'étais aussi en colère contre moi-même. Je n'avais rien vu venir, j'avais laissé cet enfoiré s'immiscer entre ma meilleure amie et moi sans le savoir et je payais aujourd'hui le prix de mon inattention. Si Lizzy avait sa part de responsabilité, je ne doutais pas qu'il l'avait également manipulée et il était temps que je lui ouvre les yeux.
Le seul très léger problème était que mes preuves n'étaient pas à 100 % irréfutables. En effet, l'ami de Kyle avait réussi à pirater le serveur de l'académie et avait découvert qu'un message avait bien été envoyé cette nuit-là à 2 h 05 sur le parking des employés externes. Le problème était que ce parking était complètement dépourvu de caméras de sécurité. Je pouvais comprendre que M. Carter se fichait bien de savoir dans quelles voitures arrivait le personnel d'entretien ou de cuisine, seulement moi cela contrariait mes plans. Néanmoins, il était bien sûr évident que la personne n'avait donc pas choisi cet emplacement au hasard. De plus, les faits restaient inchangés : Luke était à chaque le seul à savoir où nous étions. Cela ne pouvait qu'être lui.
Le lendemain matin, je sortis de ma chambre de l'infirmerie avec assurance et détermination, me fichant complètement de savoir que Mme Diggle voulait que je me reposasse après la soirée d'hier. Mes pas résonnaient d'un écho inspirant la peur dans les couloirs et mes longs cheveux roux bouclés se balançaient dans mon dos au rythme de ma marche. Tous les infirmiers et patients que je croisais me dévisageaient avec surprise et de crainte. L'un d'eux fit même une grimace l'air de dire : « Ça va faire mal... »
Un peu plus loin, je découvris Jeremy assis dans le couloir, plongé dans ses pensées. J'en avais tellement marre de ce petit jeu encore une fois. Il sembla se réveiller à l'entente de mes pas et se leva pour attirer mon attention. Il ne recula pas dès qu'il me vit comme d'autres l'avaient fait mais son visage afficha une expression quelque peu hébétée.
- Savannah, on...
- Pas maintenant, le coupai-je sèchement en continuant d'avancer sans même le regarder.
Il resta planté là, bouche bée, en me regardant quitter l'infirmerie. Il était temps que quelqu'un l'envoyât bouler. Aujourd'hui, c'était le jour des règlement de compte.
On m'avait vite fait comprendre que Luke et Lizzy n'étaient pas dans l'infirmerie même – sûrement par peur que je me misse à frapper aux portes en hurlant contre eux – alors une fois considéré l'état de Luke, je compris qu'ils ne pouvaient être que dans le jardin. En effet, je les découvris tranquillement assis sur un banc. Quand j'aperçus Lizzy passer tendrement une main dans les cheveux de Luke, je n'hésitai plus une seconde.
- Eh toi le toutou, interpellai-je Luke, va jouer ailleurs, tu veux.
Je me plantai au bout du banc à côté de Lizzy, les mains sur les hanches, et le regardai avec un mépris immense. Celle-ci s'était à peine retournée pour me regarder et elle baissait la tête, comme si elle souhaitait éviter la situation mais qu'elle savait que c'était impossible. Luke lui...avait vraiment une sale gueule. Un sacré œil au beurre lui encerclait l'œil gauche, son nez et ses pommettes étaient couverts de coupures et de bleus de couleurs étranges et sa lèvre inférieure était fendue. Il ne s'agissait encore que de son visage. Son bras droit était en écharpe et je ne doutais pas de l'existence d'autres blessures même si elles n'étaient pas visibles.
- Pardon ? fit-il avec dédain en écarquillant les yeux.
À ses yeux j'étais clairement en train de le défier et je me gardais bien de l'informer qu'il s'agissait d'un combat perdu d'avance. Ce petit minable serait parti d'ici 10 secondes.
- Tu m'as bien comprise espèce de face de gland alors maintenant dégage.
Il lança un regard interrogateur vers Lizzy. En apparence, on aurait pu croire qu'il lui demandait si elle arriverait à supporter ça toute seule, mais pour moi, il lui demandait seulement la permission de partir, sans la moindre inquiétude en ce qui concernait la suite. Elle lui adressa finalement un petit hochement de tête et il s'éloigna rapidement en secouant la tête. Elle semblait épuisée, mais je devais absolument la confronter avant qu'il ne fût trop tard.
- Comme c'est mignon, soupirai-je, tu le congédies littéralement comme un chien.
Je ne distinguais encore que son profil mais je la vis très bien fermer les yeux avec fatigue.
- Arrête Savannah, s'il te plaît, dit-elle doucement en restant assise sur le banc et sans me regarder.
- Oh mais je ne fais que commencer !
Je m'assis à ses côtés et posai sur ses genoux mon dossier de preuves contre Luke. Elle le frôla à peine des doigts.
-Qu'est-ce que c'est ? me demanda-t-elle en commençant à l'ouvrir.
- Tout ce que tu as besoin de savoir sur qui est vraiment Luke Sherwood.
À peine eus-je fini ma phrase qu'elle le referma. Elle se leva ensuite brusquement, une nouvelle lueur de colère dans les yeux, et s'empressa d'aller le jeter dans la poubelle la plus proche.
- Mais qu'est-ce que tu fais ? m'écriai-je.
Lizzy me fit enfin face, les poings serrer.
- Toi qu'est-ce que tu fais !? Ce n'est pas à un jeu, Savannah, c'est ma vie et je suis assez grande pour décider de ce que je veux en faire ! Je ne sais pas quel est ton problème avec Luke, mais ça doit cesser sur le champ !
Je secouai vivement la tête.
- Tu ne comprends pas ! Luke n'est pas la personne que tu crois connaître, j'en ai la preuve ! insistai-je en récupérant mon dossier. Laisse-moi au moins t'expliquer !
- Il n'y a rien à expliquer ! s'exclama-t-elle sévèrement. Luke est mon petit-ami, un point c'est tout, passe à autre chose, Savannah !
Je l'ignorais et étaler toutes mes feuilles sur le banc.
- Regarde ! Absolument tout pointe vers Luke, c'est lui qui nous a donné notre emplacement aux Soleils pendant notre fugue et à deux reprises, il voulait qu'on rentre au pensionnat ! Lizzy, tu dois me croire, il n'est digne de confiance.
Le doute commença à s'installer dans l'esprit de ma meilleure amie et elle alla jeter un rapide coup d'œil au relevés téléphoniques que je lui avais mis sous les yeux.
- Mais enfin pourquoi est-ce qu'il aurait fait ça ? Soupira-t-elle finalement en se massant les tempes.
- Pour qu'il puisse commanditer ton meurtre plus facilement, déclarai-je de but en blanc.
À ma plus grande surprise, elle se mit alors à rire à gorge déployée. Je fronçai les sourcils, perplexe.
- Waouh vraiment Anna ? D'abord c'est un menteur et une balance et maintenant un meurtrier ? Je commence à me demander si ce n'est pas à propos de toi que je devrais m'inquiéter.
J'eus l'impression de prendre un deuxième coup de massue sur la tête. C'était la deuxième fois qu'elle choisissait de faire confiance à Luke plutôt qu'à moi, sa meilleure amie depuis 5 ans. Je me retrouvai partagée entre déception, tristesse et colère. Je choisis finalement la colère.
- Nom de Dieu, mais ouvre les yeux ! m'écriai-je alors.
Lizzy croisa les bras, sur la défensive et de plus en plus irritée.
- À propos de quoi ? Tu n'as pas la moindre preuve concrète que Luke que soit derrière quoi que ce soit !
Je levai les yeux au ciel en grognant.
- Tu te fiches de moi ? La preuve est littéralement devant toi et puis regarde un peu la vérité en face : que ce soit à Chicago, à Nashville ou à Los Angeles, Luke était la seule personne de l'extérieur à savoir où on était !
- Ça tu n'en sais rien ! rétorqua Lizzy.
Je dus me retenir de la secouer violemment pour qu'elle se réveille enfin.
- Mais sors-toi un peu la tête du cul, merde ! Il ne veut pas d'une petite-amie, il te veut morte !
Ma meilleure amie prit sa tête entre ses mains et inspira profondément comme pour se calmer, mais finalement, elle laissa tout sortir.
- Pourquoi est-ce que tu fais ça !? hurla-t-elle de toutes ses forces. Luke est la seule chose qui soit uniquement à moi et qui me rend heureuse, pourquoi est-ce que tu veux me l'enlever ? Tu es censée être ma meilleure amie !
- Je le suis !
- Et pourtant tu n'as rien vu ! J'ai été malheureuse pendant des semaines et tu n'as jamais essayé de comprendre pourquoi. C'est la vérité. Luke était là quand tu ne l'étais pas. Tu peux l'accuser de toutes les horreurs du monde et me reprocher de t'avoir caché ma relation avec lui, mais si depuis le début tu ne t'es rendue compte de rien, c'est peut-être parce que tu n'es pas une si bonne meilleure amie que ça.
Cette fois-ci, j'étais bouche bée. Comment...comment pouvait-elle me dire ça ? J'avais toujours été là pour elle, non ? Je lui avais toujours tout donné ! Aucune insulte n'aurait pu me faire plus mal que ça. Je fis de mon mieux pour ne pas me laisser abattre.
- Bien sûr, ça va être ma faute maintenant, soupirai-je la mâchoire serrée.
- Mais oui ça l'est, Savannah ! renchérit Lizzy. Tu as toujours été tellement obsédée par toi-même. Tu ne vois même pas ce que les gens ressentent autour de toi, et je peux te dire qu'ils en ressentent des choses ! Quand Marley t'a dit qu'elle était avec Jason...
- Non ! la coupai-je sèchement. Là tu n'as rien à dire, je n'ai jamais été aussi contente pour eux ! me défendis-je ensuite.
- Tu es peut-être contente mais tu as peur. Tu peux te mentir à toi-même si ça te fait plaisir mais tu as peur qu'ils te laissent pour être plus souvent ensemble et bien sûr c'est ce qui va se passer, mais ce n'est pas juste eux, il y a aussi Cameron et Kelly puis bientôt Jace. Alors évidemment, tu pourrais commencer à te poser des questions à ce moment-là mais non ! Tu restes bornée comme d'habitude.
Je reculai pour la dévisager.
- Ça veut dire quoi ça ?
- Ça veut dire qu'à la fin tu ne pourras t'en prendre qu'à toi-même ! Tu passes ton temps à te plaindre et à t'apitoyer sur ton sort, mais ouvre un peu les yeux : tu n'es pas la seule à souffrir ici. D'accord, ta famille t'a abandonnée et même avant ça tu avais l'impression de ne pas en faire partie, mais quand tu es arrivée à Minneapolis, tu as continué à faire comme si le monde entier te détestait. Tu as rejeté les seules personnes qui contrairement à des millions d'autres sur cette Terre ne te verraient jamais comme un monstre ! Et puis même quand on a cru que tu avais enfin compris ça, quand tu as fini par nous laisser entrer dans ta vie Marley, Jason et moi, ce n'était pas encore suffisant. Il fallait sans cesse que tu combattes le système, que tu sois en désaccord avec le reste du monde. À l'époque je trouvais ça admirable qu'on veuille à ce point défendre ses opinions mais cela n'avait rien à voir en réalité. Tu ne te sentais pas à ta place parmi ton propre peuple alors tu es partie. Tu as tout quitté dans l'espoir de trouver un endroit où tu pourrais te sentir chez toi. Et de toute évidence, c'est seulement quand on était complètement coupées du monde que tu as réussi à être toi-même. Les gens répètent en permanence à quel point tu es forte et courageuse, mais la vérité c'est que tu es terrifiée. Jeremy croit que tu as peur de faire confiance aux mauvaises personnes, mais ce n'est pas très étonnant quand on est déjà incapable d'avoir confiance en soi-même et oui c'est ton cas, Savannah. Toutes les personnes qui vivent à Minneapolis se sont complètement trompées sur ton compte. Tu n'es pas forte et tu n'es pas courageuse, ton plus grand ennemi n'est pas le peuple de la Lune, tu es ton plus grand ennemi. Tu es davantage effrayée à l'idée de te remettre en question plutôt que d'affronter ce que l'on considère comme les vrais monstres et tu sais pourquoi ? C'est parce que tu sais que si tu essaies vraiment de voir ce qu'il y a au fond de ton cœur, si tu choisis de ne pas rester aveugle plus longtemps, ce que tu verras sera bien plus terrifiant qu'une armée de Lune. Tu es pleine d'amertume Savannah, ton cœur est rempli de rage et d'illusions. Tu passes ton temps à te demander pourquoi ta famille t'a tourné le dos sans réellement chercher à comprendre ce qui ne va pas chez toi pour qu'ils aient été obligés de le faire. J'ai essayé de t'aider. De tout mon cœur je t'assure que j'ai essayé. Mais tant que tu ne te donneras pas une vraie chance de changer, tant que tu n'apprendras pas à t'aimer pour qui tu es réellement, tous mes efforts seront vains. Tu dois apprendre à ouvrir ton cœur. Ce n'est pourtant pas si compliqué ! Je sais que tes amis et même Jeremy peuvent tout à fait t'atteindre, alors laisse-les...
- Ne me parle pas de Jeremy, grognai-je enfin entre mes dents et la gorge serrée.
- Pourquoi ? fit-elle fièrement. Parce que ça te fait aussi peur de voir l'effet qu'il a sur toi ? Au contraire, tu devrais en tenir compte. Mais le pire ce n'est l'effet qu'il produit sur toi, c'est ce qu'il te fait ressentir. Tu crois que je n'ai pas remarqué la manière dont tu le regardes ? Tu te sens bien avec lui, n'est-ce pas ? Et ça te fait peur parce qu'au fond de toi tu sais très bien que tu n'as pas le droit de l'aimer et que vu les récents événements, c'est peut-être lui le vrai connard.
Pour la première fois de ma vie j'avais presque envie de la frapper. Je voulais qu'elle se taise. Je voulais juste qu'elle la ferme.
- Ça t'amuse, hein ? lui répondis-je alors. Ça t'amuse de me voir me démener pendant que tu vas faire je ne sais quoi avec ton Luke, un traître qui veut ta mort mais que tu idéalises tellement que tu n'es même pas capable de le voir. Tu sais quoi ? J'ai de la peine pour toi.
- J'en ai aussi pour toi, rétorqua Lizzy, parce que tu es tellement persuadé que Luke est le méchant dans cette histoire et que Jeremy est ce dieu du combat sexy alors que...
Mais qu'avaient-ils tous avec ça ?! Jeremy était mon mentor, comment pouvaient-ils ne serait-ce que l'imaginer ? Cette simple idée me faisait désormais froid dans le dos (sans mauvais jeu de mot).
- ...Il n'y a rien entre Jeremy et moi ! m'écriai-je avec frustration. C'est mon mentor ! Au mieux je ne ressens que de l'admiration pour lui.
- Pourquoi mens-tu ? demanda-t-elle, ahurie. C'est trop tard. Je lis en toi bien plus que tu ne lis en moi et je n'ai pas besoin d'avoir un sang particulier pour ça. C'est la vérité, accepte-le. Tu n'as aucune maîtrise sur ce que tu ressens. Que tu sois en colère ou que tu aies mal, tu es bien plus transparente que tu ne le penses. Tu détestes ce que tu ressens pour Jeremy parce que c'est exactement ce que tu as toujours rêvé de ressentir mais que tu sais qu'à un moment ou un autre on te l'arrachera en t'interdisant de le ressentir. Alors plutôt que de profiter de l'instant présent, tu le repousses lui aussi.
Elle fit une triste pause pour me regarder comme si j'étais juste une pauvre carcasse vide.
- C'est ce que tu fais toujours, finit-elle par souffler avant de s'éloigner.
Je fus incapable de prononcer le moindre mot quelques secondes. Puis je réalisai que je n'étais absolument pas soulagée comme j'aurais dû l'être après avoir vidé mon sac.
- C'est ça, tourne-moi le dos tu as raison ! criai-je à son attention. C'est sûr que ça arrangera tout !
Lizzy se retourna précipitamment, les larmes aux yeux, mais ne revint pas me faire face.
- Je ne te tourne pas le dos, Anna. Tu m'as tourné le dos la première.
Je la regardai alors lentement disparaître en restant bouche-bée, sans bouger d'un millimètre. J'avais toujours pensé que c'était ça ma plus grande peur : qu'elle me quitte elle aussi. D'autant plus qu'elle avait raison sur ce point, je ne devais pas avoir peur qu'elle me quitte mais de ce que je pouvais bien faire maintenant qu'elle l'avait fait.
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Salut ! 😊 Alors ? Qui l'avait vu venir ? Dites-moi vite en commentaire quelles sont vos impressions après cette dispute, je suis très curieuse de savoir ce que vous en avez pensé !
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