Chapitre 4
Après notre débâcle de danse, j'étais allée faire des courses. Il fallait bien que nous mangeassions, fugitives ou pas. Au fond, j'aimais bien me déguiser et mettre une perruque. Déjà, parce que c'était agréable d'avoir autre chose qu'une crinière de fauve sur la tête, puis, parce que cela me permettait de devenir... Personne. J'étais juste une femme parmi tant d'autres, quelqu'un qu'on ne remarquait pas. Je pouvais agir sans avoir peur que l'on me prît de haut ou qu'on ne me prît pas au sérieux tout court. Il n'y avait plus personne pour me juger, j'étais simplement et complètement libre.
- Ah Savannah tu es là ! s'écria Lizzy en m'apercevant. Dis-moi que tu as pris des pâtes, ne me demande pas pourquoi mais j'ai une subite envie de pâte.
J'avais à peine franchi le seuil de la porte qu'elle accouru à ma rencontre.
- Aucun problème ma bonne amie, lui répondis-je en lui tendant mes sacs chargés de nourritures et autres, le service à domicile vous a même pris de la sauce bolognaise avec des boulettes de viande.
Elle écarquilla les yeux et alla poser toutes les courses sur la table de la cuisine. Je commençai ensuite à les déballer.
- Allons-nous la jouer à la Belle et le Clochard ? me demanda-t-elle, un grand sourire aux lèvres.
- Seulement si vous êtes le clochard, je ne m'abaisserai pas à ce point ! rétorquai-je d'un ton plein de condescendance.
- Ce rôle vous convient pourtant bien avec une perruque de travers, fit-elle remarquer en m'examinant d'un œil minutieux.
Je retirai alors ma perruque et lui lançai à la figure.
- Je plaisantais, dit-elle d'une voix étouffée par la perruque.
- J'espère bien, ou ne comptez plus sur moi pour faire vos courses, la menaçai-je avec un regard perçant.
Lizzy enleva ma perruque blonde de sa tête et se recoiffa.
- Je suis prévenue dans ce cas.
- Vous l'êtes. Mais j'y pense, faites donc la cuisine et j'oublierai votre écart de conduite, lui proposai-je la tête haute.
- Oh Ciel, voilà ma chance d'être graciée ! Vite !
Elle contourna la table et s'empara des paquets de spaghetti. Nous éclatâmes de rire.
Eliza décida ensuite de mettre les infos, histoire de se tenir au courant, pendant qu'elle préparait à manger. Figurez-vous que je m'étais découvert un certain intérêt pour la politique. On nous tenait tellement dans l'ignorance à Minneapolis, c'était incroyable !
Je m'étalais sur le canapé quand le titre du JT attira mon attention.
« Une famille riche est-elle au bord du scandale ? » commença le présentateur.
Je me redressai inconsciemment et fixai cet homme fringant, à qui les lunettes donnaient un air de Monsieur Je Sais Tout.
« Vous savez tous de quelle famille il s'agit. Il fut un temps, ils auraient été ravis d'être au centre de l'attention, mais aujourd'hui le sont-ils ? »
- Je peux changer de chaîne, proposa Lizzy qui avait interrompu sa cuisine un instant.
- N'en fait rien, je veux savoir ce qu'ils ont à dire, déclarai-je, sûre de moi.
« Mesdames et Messieurs nous parlons bien sûr de la famille Hamilton. Il semblerait qu'une histoire persiste malgré elle à les replonger dans le passé. Il y a 5 ans, après l'apparition du virus Bronzage mortel, ils ont eux aussi eu à un deuil à faire : celui de leur jeune fille Savannah, morte dans un accident de voiture, alors qu'elle était conduite à l'école par sa gouvernante. La famille a connu de sombres mois et risque d'en connaître à nouveau. Nous avons tous entendu parler de la fugue d'Elizabeth Darcy, fille de William et Veronica Darcy, mais pas uniquement. Le bruit court qu'elle aurait été encouragée par sa meilleure amie, Savannah Hamilton, de plus près, Savannah Teresa Hamilton, devenue fille du Soleil à l'âge de 12 ans, internée au pensionnat de Minneapolis. Pour ceux qui s'y intéresseraient plus particulièrement, il s'agit d'une pensionnat accueillant les enfants du Soleil en formation, mais aussi ceux de l'Élite. Elle est reconnue pour ses résultats et sa sécurité. Néanmoins, alors que M. et Mme Darcy les avaient emmenées en vacances, les deux jeunes filles ont décidé de ne pas retourner à Minneapolis mais de fuguer. Elles vivent par leurs propres moyens dans le monde depuis maintenant 8 mois. Ceci entraînant cela, nous rappelons que toute personne qui les repérera aura droit à 20 000$ de récompense. Ouvrez bien les yeux. Pour vous aider, voici une photo des demoiselles prise à l'anniversaire de Mlle Darcy, l'année passée."
Ils affichèrent alors une photo de nous, prise en effet ce jour-là par les parents de Lizzy en personne. Je m'en souvenais parfaitement. Il faisait beau et les Darcy avait invité beaucoup de monde, on n'avait pas 16 ans tous les jours ! Le soleil était haut dans le ciel et la nature était verdoyante. J'avais lâché mes longs cheveux et laissé Lizzy me maquiller. À l'inverse, je lui avais coiffé les cheveux, mais l'avais laissé se maquiller elle-même en revanche, c'était loin d'être mon point fort, bien que je m'améliorasse de jour en jour.
Je portais une robe corail allant avec ma chevelure et Lizzy une verte allant avec ses yeux. Ce jour été parfait. La photo avait été prise sous un cerisier japonais, nous affichions nos plus beaux sourires et avions les cheveux qui volaient au vent. Surtout, nous étions parfaitement heureuses.
- Au moins, ils nous font honneur, plaisanta-t-elle dans mon dos.
- Pas faux, répondis-je en souriant.
« Maintenant revenons à l'affaire qui nous intéresse. La question est là : Savannah Hamilton est-elle bien la fille de la famille concernée ? Si on peut prouver qu'elle ne ressemble à personne dans la famille, rien que par ses cheveux comme vous pouvez le voir, on ne peut nier que nous ne reconnaissons que trop bien ses yeux. Nous avions proposé à Arthur Hamilton de s'exprimer sur cette affaire, mais il a refusé en expliquant que cette histoire faisait plus de mal qu'autre chose à sa famille, particulièrement à sa femme, Béatrice Hamilton, pleurant de nouveau la perte de leur enfant. « Espérer que notre fille soit en vie est déjà un faux espoir, mais savoir en plus qu'elle ne serait plus celle que nous avons connue serait une torture », a-t-il déclaré. Maintenant est-ce vrai ? Nous l'ignorons, mais ce que nous pouvons vous dire, c'est que les autorités n'en resteront pas là. »
Lizzy éteignit la télévision sans me prévenir.
- Tu t'es assez torturée, déclara-t-elle.
La mâchoire serrée, je restai focaliser sur l'écran noir en face de moi.
- Ce sont de bons acteurs, n'est-ce pas ? Mes parents ? lui fis-je sans même me retourner pour la voir.
- J'imagine qu'ils regrettent d'avoir laissé l'affaire s'ébruiter.
- Et ils peuvent ! m'exclamai-je. Personnellement je me réjouis de les savoir tourmentés par ma faute.
- Savannah ! Tu ne peux pas vraiment penser ça ?
Elle me rejoignit et s'assit à mes côtés, un air triste sur le visage.
- Parfaitement ! Savoir que je les hante longtemps après qu'ils m'aient abandonnée me donne un plaisir fou. Ils vont pouvoir se morfondre sur eux-mêmes. Dire que grâce à moi ils n'en dormiront peut-être même pas c'est encore mieux, jubilai-je.
Une petite partie de la noirceur de mon cœur remontait à la surface malgré moi. Néanmoins, comme d'habitude, ma meilleure amie était là pour la faire s'estomper.
- Tu as raison de leur en vouloir. Mais rappelle-toi que tu n'es pas aussi mauvaise qu'eux. Ce n'est pas la peine de jouer à leur propre jeu.
Je considérai ce qu'elle venait de dire et fus forcée de me rendre à l'évidence.
- Mais...pourquoi as-tu toujours raison ? me lamentai-je.
Lizzy haussa les épaules.
- Je suis née comme ça, que veux-tu ? répondit-elle avec humour.
- Et elles viennent mes pâtes dis donc ? l'interrompis-je dans ses rêveries.
- Oh pardonnez-moi, Mlle Hamilton !
Elle s'agita avec panique et retourna aux fourneaux.
- Mlle Hamilton, répétai-je en riant, comme ça sonne mal, heureusement qu'on ne m'appelle jamais comme ça !
- Je ne suis pas d'accord. Je trouve ça élégant.
Je secouai la tête et m'assis de manière à la voir cette fois-ci.
- Jamais autant que Mlle Darcy, descendante d'un membre du Conseil.
- Tu sais bien que je ne suis pas réellement descendante de quoique ce soit, me contredit-elle en levant les yeux au ciel. Je ne siégerai jamais au Conseil si ma famille ne me juge pas apte à le faire et tu n'imagines même le nombre de tests qu'il faudrait que je passe.
- Depuis que tu es entrée en maternelle tu as toujours bon à tous les tests, je ne m'inquiéterais pas à ta place, et puis c'est ton destin d'accomplir de grandes choses, tu ne peux pas lutter contre ça.
- Pas de pression, merci beaucoup, fit-elle en écarquillant les yeux, toute amusée malgré elle.
Les pâtes finirent par être prêtes et nous les dévorâmes goulûment.
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Hey 😊 De toute évidence, les parents de Lizzy et le pensionnat sont près à beaucoup pour retrouver nos deux rebelles. Que pensez-vous du passé du Savannah que l'on commence à découvrir ? A-t-elle réellement tout laissé derrière elle...?
Bonne lecture 😘
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