Chapitre 32
Un quart d'heure plus tard, nous nous retrouvâmes dans un cagibi de service. Il se trouvait dans le même couloir que la salle des professeurs et entraîneurs. Là-bas, un grand tableau était affiché sur le mur avec toute sorte d'information. Nous, c'était une liste de noms que nous cherchions. Pour cela, nous devions malheureusement attendre qu'il n'y ait plus personne dans la salle. À ce moment-là nous n'aurions plus qu'à forcer la serrure.
- Anna ? chuchota la petite voix Jason.
- Hum.
- Est-ce que tu as vu John à l'infirmerie ? me demanda-t-il. Il paraît qu'il s'est fait agresser hier après-midi.
Alors tout le pensionnat était déjà au courant... super ! Mais maintenant, comment dire à mon meilleur ami que j'étais son agresseur ? Comment lui raconter des événements auxquels je m'interdisais formellement de penser ?
- Euh... je... non je ne l'ai pas vu mais c'est vrai qu'il y a eu une certaine agitation à un moment.
- Ça devait être lui alors. Finalement, ce n'est pas plus mal que tu ne sois pas aller faire ces heures de colles. Si quelqu'un en avait vraiment après lui tu aurais pu être blessée toi aussi.
- Oui c'est vrai. Comment était l'entraînement sinon ? changeai-je rapidement de sujet.
- Comme d'habitude. Mais c'est cool que Marley soit enfin rentrée. Elle a tout déchiré.
- Enfin rentrée ? Je croyais qu'elle n'était partie que depuis une semaine ?
Allait-il m'annoncer quelque chose ? Allait-il se confier à moi ? De ce point de vue-là j'aurais beaucoup donné pour que cela redevienne comme avant. En fait notre amitié n'avait que très peu changée mais je n'arrêtai pas de me dire qu'un tas d'autres choses auraient été différentes si je n'étais pas partie en laissant des personnes que j'aimais tant derrière moi.
- Oh non tu as raison, c'est juste une façon de parler tu sais...
Je sais...
- Je vois. Elle m'a manqué à moi aussi, dis-je en tentant de l'inciter à me parler.
Peut-être me faisais-je seulement des films ? Il était possible qu'il n'y ait rien entre eux après tout. Bon, la présence de cette photo devenait un peu perturbante, mais ce n'était pas une raison pour tirer des conclusions un peu trop hâtives.
- C'est normal. Tu es partie longtemps. Mais tu lui as aussi beaucoup manqué ça je peux te le dire. On a passé beaucoup de temps à parler tous les deux et ton nom ressortait très souvent, me fit-il avec un clin d'œil.
Ils avaient passé beaucoup de temps à parler ? Oh ce que j'aurais tant aimé qu'il y ait quelque chose entre eux. C'était stupide mais je les voyais vraiment bien ensemble et je les aimais tellement tous les deux. Chacun méritait d'être avec une personne incroyable et ils ne pouvaient pas trouver mieux.
- C'est gentil. Ce n'était pas facile au début, on devait s'éloigner le plus possible du pensionnat et les Soleils étaient vraiment à nos trousses à l'époque, ils nous manquaient de peu à chaque fois. Puis, on a réussi à se poser et j'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir, presque trop. Saurais-tu... saurais-tu pourquoi Marley a refusé de venir avec nous ?
Il hésita un moment.
- En fait, il me semble qu'elle...
Je plaçai précipitamment ma main sur sa bouche après avoir entendu un bruit. Il se tut immédiatement en se doutant du motif de mon geste et nous pûmes entendre distinctement une porte se fermer, une clef entrée dans une serrure puis des pas qui s'éloigner. Pendant ce temps, nous avions tous les deux retenus notre souffle involontairement et soupirâmes dès que le couloir redevint calme.
- Tu crois que c'était le dernier ? chuchota Jason.
- Je pense. Il n'aurait pas fermé la porte à clef sinon, observai-je.
Il acquiesça et, doucement, entrouvrit la porte du cagibi. Le couloir était bien plongé dans l'obscurité et le silence. Nous nous avançâmes alors vers la salle et nous accroupîmes devant. Aucun filet de lumière ne passait par les bords de la porte et j'en présumai que la voie était libre. Je ressortis donc la barrette de ma poche.
- Mais qu'est-ce que tu fais ? me demanda Jason.
- Il faut bien l'ouvrir cette porte ! expliquai-je comme si c'était évident.
- Euh...je t'adore Savannah tu le sais hein, mais là on n'a pas de temps à perdre.
Il plaça sa main devant la serrure et il déverrouilla la serrure en quelques secondes.
- On peut aussi la jouer comme ça...marmonnai-je.
Nous pénétrâmes dans la salle sans bruit et nous dirigeâmes vers le grand tableau contre le mur. Il faisait vraiment sombre, alors je trouvai une lampe de bureau et éclairai ainsi le tableau.
- Alors... voyons voir...
Nous cherchions depuis trente secondes la fameuse liste quand une voix brisa le silence dans notre dos.
- Que faites-vous ici ?
C'était une voix féminine, plutôt hésitante.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle encore.
Je demandai silencieusement à Jason s'il savait de qui il s'agissait et je lus sur ses lèvres un nom : Carson. Comme par hasard... Je lui fis signe de continuer les recherches puis je me retournai pour faire face à cette chère Mlle Carson, en m'assurant que la lampe éclaire le tableau et pas mon visage. Jason pouvait se moquer de ma perruque, mais j'étais ravie de l'avoir remise sur ma tête.
- Navrée mais il s'agit d'une mission privée, articulai-je d'une voix enrouée.
- Je vous demande pardon ? Vous n'êtes ni professeur ni Soleil alors je vous le redemande : Que faites-vous ici ?
- C'est ce Soleil euh... Scandola, qui nous envoie, mentis-je.
À mon plus grand dégoût pour être honnête, le regard de la prof de français s'illumina en entendant ce nom. Elle m'énervait déjà.
- Mais de quel genre de mission peut-il bien s'agir ? me demanda-t-elle curieuse.
Euh sérieux ? Ça t'aurait vraiment gêné d'appeler quelqu'un si j'avais vraiment été une voleuse ou un truc dans le genre ?
- Nous sommes chargés de laisser un message sur le bureau d'une de ses collègues.
- Qui donc ?
Elle se rapprocha de moi dans l'attente d'une réponse. Je reculais. Mais quelle tarée... Bon, au moins, cela m'arrangeait énormément qu'elle soit stupide.
- Une certaine Mlle Carson.
- Vraiment ?!
Il y avait tellement de joie et d'excitation dans sa voix que c'était à croire qu'elle allait s'évanouir.
- Non.
Je brandis la lampe que je tenais toujours à la main et la frappai à la tête avec. Elle s'étala alors à mes pieds de tout son poids.
- Non mais t'es malade ?? s'écria Jason, ahuri.
- Alors là je te jure que je n'ai pas pu me retenir, soupirai-je, satisfaite.
Il me regarda en penchant la tête.
- Ça t'a fait du bien ?
- Tu n'as même pas idée...
Nous rîmes alors un bon coup tous les deux avant de reprendre notre sérieux.
- Tu as bien fait de ne pas lui dire nos noms. Viens, on a qu'à l'installer à son bureau et avec un peu de chance elle croira qu'elle s'est endormie de fatigue.
- J'espère que tu as raison. Mais elle risquera quand même de se demander d'où vient sa douleur à la tête.
- Tu y es allé si fort ?
- Non... pas tant que ça...
Au pire, pensais-je, si les gens pensaient réellement que John s'était fait agresser, pourquoi pas elle aussi ?
Jason la prit sous les bras et moi par les pieds. Nous l'assîmes sur sa chaise, mîmes ses bras sur la table et sa tête sur ses bras. Je remis aussi en place la lampe de bureau après avoir vérifié qu'elle était intacte.
- Tu as trouvé la liste au fait ?
- Tu veux dire, ça ?
Il me tendit une feuille. Je lis en gros titre : Soleils affectés à la surveillance de la prochaine Battle. Parfait !
- On est bon pour la deuxième étape ? demanda Jason, toujours tout excité.
- Et comment !
Pour la deuxième étape, direction la cafétéria, ou plutôt, les cuisines de la cafétéria.
- On entre comment cette fois ?
- Par les conduits d'aération, répondis-je.
- Sans déconner ?!
Je hochai la tête en souriant.
- Sans déconner.
- Écoute, je sais que nous les avons nous-mêmes déjà testés mais on avait 14 ans. Je ne suis même pas sûr qu'on rentre encore dedans, protesta Jason.
- Alors comme ça tu n'aimes plus partir à l'aventure ? Je sais que Marley est géniale, mais je t'assure qu'il n'y a qu'à elle que ça va d'être raisonnable, plaisantai-je gentiment.
- Tu n'as pas tort, dit-il d'un air pensif.
Avais-je touché le bon point ? Décidément, il fallait vraiment qu'on parle.
Dix minutes plus tard, après un rapide changement de bâtiments, je retrouvai facilement la grille qui cachait le conduit d'aération.
- C'est parti.
Je m'engouffrai dans ce mini couloir sur le ventre, puis Jason me rejoignit peu de temps après. Une fois que nous nous étions suffisamment éloignés, il grogna.
- Je t'avais dit que ça allait être un peu petit.
- Tu parles, ce n'est pas toi qui as un sac à dos en plus, rétorquai-je.
- Ce n'est pas toi qui mesures 1m88.
Je ris doucement.
- Tant que tu y es parles-moi des kilos de muscles que tu as et pas moi.
- Aucun problème, fit-il en souriant certainement jusqu'aux oreilles.
- C'est ça, moi au moins je suis agile et souple, me défendis-je vainement.
- Quand ça t'arrange ouais !
Nous continuâmes comment ça jusqu'à ce que nous soyons au-dessus d'une des chambres froides. Comme dans mes souvenirs, une trappe se trouvait juste là et nous descendîmes entre les étagères de nourriture congelées.
- J'avais oublié comme il faisait froid, avouai-je alors que j'étais celle qui portait déjà un gros sweat.
- Quoi tu n'as pas un pull supplémentaire dans ton mystérieux sac ? me taquina Jason.
- Non, mais ce que j'ai nous sera bien plus utile.
Nous sortîmes de la chambre froide pour accéder à la cuisine elle-même. Je me dirigeai ensuite vers les frigidaires où se trouvaient les barquettes des Soleils et enseignants et les installaient sur la table derrière moi. Voilà un exemple d'injustice. Les Soleils avaient réellement des repas différents des nôtres. Meilleurs, bien sûr. C'était vraiment nul, encore si c'était eux qui amenaient leur repas, personne ne pourrait leur en vouloir mais en l'occurrence c'était directement le pensionnat qui leur préparait des plats spéciaux. Bien fait, pour une fois ils allaient le regretter.
- Tu peux me réexpliquer le plan s'il te plaît ? me demanda Jason en m'imitant.
- Après avoir mangé leur bon déjeuner, certains Soleils vont se retrouvés avec quelques brûlures d'estomac.
- Ça j'avais compris, maintenant dis-moi comment on fait pour que ça n'arrive qu'aux Soleils qui nous intéressent. Il n'y a pas de barquettes attribuées que je sache.
- Exact. J'ai le regret de t'annoncer que ça n'arrivera pas uniquement à des Soleils.
- Je vois... dommages collatéraux ?
- On va dire ça comme ça. Mais on a quand même un moyen de filtrer. Ceux qui vont surveiller la Battle vont devoir manger au premier service, alors tous les adultes qui mangeront pendant ce même service seront touchés, on n'a pas le choix. Et puis s'il n'y en a que quelques-uns ce serait trop louche.
- Et pour le deuxième service ? Si eux ne sont pas touchés alors qu'ils ont mangé le même plat ça ne va pas le faire, remarqua pertinemment Jason.
- Encore exact. C'est pour ça qu'ils ne mangeront pas le même plat.
- Ah oui ?
- Ouais. Toutes les barquettes du deuxième service vont bizarrement disparaître et ils n'auront pas d'autre choix que de servir celle du lendemain, ou à la limite, de servir la même chose qu'ils servent aux élèves. Dans les deux cas, les plats n'ont rien en commun.
- Intelligent, avoua mon meilleur ami.
- Merci, fis-je fièrement. Ceci nous amène donc à la suite. Aucun des Soleils sur cette liste ne sera en mesure d'assurer la surveillance de la Battle, ils seront obligés de faire appel à ceux qui n'ont pas été touchés. Bien sûr, tout ceci ne part que du principe que seuls ceux qui sont sur cette liste savent que je n'ai pas le droit d'y participer.
- Et s'ils sont prévenus à la dernière minute ?
- Il faut croiser les doigts pour que ce ne soit pas le cas. Et puis regarde, dis-je en désignant la liste. L'astérisque à la fin précise qui n'est pas autorisé à participer, puisque la feuille a disparu, ça fait déjà un point de notre côté.
Je commençai à ouvrir les barquettes une à une.
- D'accord, je crois que ton plan devrait fonctionner si tout se passe bien mais j'ai une dernière question. Qu'est-ce que tu comptes leur donner qui pourrait bien leur donner des brûlures d'estomac.
Je souris fièrement à nouveau et sortis de mon sac des dizaines de boîtes de médicament.
- Des gélules contre l'acné !
- Des gélules contre l'acné ?! répéta Jason en me dévisageant. C'est une blague ? Moi qui croyais qu'on avait une chance...
- Non je suis sérieuse ! Pris n'importe comment et à forte dose ce truc n'est pas bon du tout !
- Qu'est-ce que tu veux dire par n'importe comment ?
- On est censé prendre une gélule par jour et au milieu du repas. Tu sais, comme ça il y a déjà de la nourriture avant et après. Mais si on leur en met un peu dans l'entrée, le plat et le dessert, mais surtout l'entrée, ça ne va pas leur faire du bien. Donc mets-en le plus dans l'entrée puis un peu dans le reste pour finir. Et puis si la technique de la prise ne suffit pas, la dose fera le reste.
- Est-ce qu'on est sûr que ça va marcher au moins ? demanda Jason plus ou moins inquiet.
- Tu sais comme moi qu'on n'est jamais vraiment sûr à 100 % mais je pense qu'on a au minimum 80 % de chance.
- J'espère que tu as raison... et que va-t-on faire des barquettes du deuxième service ?
- Ha ha ! Ma partie préférée du plan... elles sont pour nous ! m'exclamai-je avec un clin d'œil.
- D'accord c'est bon, ton plan est officiellement génial !
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J'espère que vous avez aimé voir Mlle Carson se faire frapper par Savannah, parce que moi oui 😂 Comme je vous l'avais annoncé, Anna est sortie des sentiers battus !
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