Chapitre 16
Ce soir, je raccompagnais Lizzy jusqu'à la maison des Darcy. Ses parents repartaient demain pour se rendre à des rendez-vous professionnels, alors ils passaient la soirée en famille. Celle-ci n'était pas particulièrement pressée de rentrer, alors nous marchions doucement au le clair de lune. Pour ma part, j'espérais ne pas me faire écorchée vive par M. Darcy pour le retard de Lizzy dont j'étais en partie responsable. Cette dernière laissait ses pensées vagabonder par-ci par-là et se fichait bien que le poulet refroidisse, mais je savais qu'elle prendrait le blâme si besoin.
- Alors comme ça, Kelly connaît ton cousin, me fit-elle en chemin.
- Eh oui, j'aimerais dire que c'est une coïncidence mais on sait maintenant qu'ils ont tout planifié.
Elle pencha la tête sur le côté, comme pour considérer la question.
- Oui, c'est un peu moins glamour que dans les films mais ça n'a aucune importance, plaisanta-t-elle.
- Encore heureux, quelle fille hypocrite seriez-vous dans le cas contraire Mlle Darcy ! m'exclamai-je.
- Ça je ne puis le nier..., soupira-t-elle.
Nous ricanâmes encore un peu à propos de choses stupides du même genre, avant de retrouver un sujet sérieux.
- Es-tu stressée à l'idée de le revoir ? me demanda alors Lizzy.
Stressée à l'idée de revoir Cameron...peut-être un peu mais, au fond je savais que ça allait bien se passer.
- Oui je l'avoue, mais je suis surtout très excitée. J'attends inconsciemment ce moment depuis si longtemps que...je me demande quand est-ce que j'ai commencé à penser que je ne le reverrais plus jamais, et là, on me dit qu'il m'a retrouvée et qu'on sera réuni dans peu de temps. C'est incroyable ! Mais...
J'observai Lizzy du coin de l'œil et remarquai rapidement qu'elle n'écoutait qu'à moitié ce que je disais et que quelque chose la préoccupait davantage. Je ne lui en voulais pas le moins du monde. J'avais moi-même peur que trop en parler nous porterait malheur. Je changeai donc de sujet sans regret.
- Est-ce que ça va, tu es bizarre, tu as quelque chose d'autre à me demander ? l'interrogeai-je, inquiète.
Elle se mordit la lèvre et serra son manteau autour d'elle.
- As-tu..., hésita-t-elle d'abord, as-tu vu Marley depuis notre retour ?
Oh mais quelle idiote !
J'avais complètement oublié de lui en parler, et maintenant elle devait penser que notre amie nous évitait depuis notre retour.
- Oh non c'est ma faute, Lizzy, j'ai complètement oublié de te prévenir ! C'est normal qu'on ne l'ait pas vue, Jason m'a dit qu'elle était en stage, lui expliquai-je.
Elle parut immédiatement soulagée.
- Oh je vois. Rentre-t-elle bientôt ? me demanda-t-elle avec une pointe d'appréhension.
- Je...euh oui je crois, mais ça ne semble pas te réjouir. N'as-tu pas hâte de la revoir ?
- Bien sûr que si, seulement, je suis anxieuse à l'idée de nos retrouvailles, finit-elle par m'avouer.
Je m'arrêtai de marcher et me concentrai sur son expression perplexe. Elle marcha encore de quelques pas avant de se tourner vers moi.
- Ne te m'éprends pas, Anna, elle...elle me manque beaucoup, j'ai seulement peur que ce ne soit pas réciproque.
C'était bien ma Lizzy, ça. Je pris ses mains dans les miennes.
- À moi aussi elle me manque tu sais, mais je n'ai pas peur. Et toi non plus tu n'as pas à avoir peur. Oui, nous avons fait des choix différents mais ce n'est pas mal pour autant. C'est toujours notre Marley !
- Tu crois ?
Ses yeux verts plein d'espoir trahir son envie de me croire sur parole.
- J'en suis certaine. On a toujours été différentes mais ça ne nous a jamais empêcher d'être amies toutes les trois. Tu te souviens de ces soirées pyjama qu'on organisait en cachette dans sa chambre ?
- Avec des tonnes de chocolats et de bonbons ! gémit-elle.
- Ma politique me dit toujours qu'on n'a jamais assez de chocolats et de bonbons, lui fis-je avec un clin d'œil.
- C'est vrai ! Confirma-t-elle, le sourire aux lèvres. Oh mon Dieu, tu te souviens de la fois où on a toute versé une goutte de notre sang dans cette grande coupe pleine de sangria et qu'elle nous a forcés à la boire ?
Nous rîmes en même temps en nous remémorer ce souvenir pour le moins étrange.
- J'ai vraiment cru que j'allais vomir ce soir-là ! m'exclamai-je. On aurait dit une soirée d'initiation avant d'entrer dans un gang de vampires !
- C'était affreux, en effet.
Je vis ma meilleure amie reprendre son sérieux progressivement.
- C'est aussi le soir où elle nous a dit qu'à partir de ce jour, nous étions sœurs.
Je lui souris tendrement.
- Je m'en souviendrai toujours de ce soir-là, lui confiai-je, on avait beau avoir 13 ans et un cerveau en barbe à papa, on n'a jamais dit quelque chose de plus vrai que ça. Je crois que ça l'amusait bien d'être notre grande sœur.
- À l'époque je n'osais même pas rêver d'avoir une sœur. À l'instant où je vous aie rencontrées, j'en ai eu deux !
- Oh...
Je la pris dans mes bras et la serrai contre moi. Lizzy était fille unique et avait plus ou moins été élevée à l'écart des autres enfants de son âge. On ne le croirait peut-être pas comme ça, mais pour elle aussi, ça avait été dur de s'intégrer.
- Ça m'a brisé le cœur quand elle a refusé de partir avec nous, chuchota-t-elle dans mes cheveux.
- À moi aussi, répondis-je en m'éloignant. Elle a toujours été la plus intelligente de nous trois, plaisantai-je, ce qui me valut une frappe sur l'épaule. Non sérieusement, je crois que c'était pour le mieux, depuis le début elle est destinée à devenir une brillante Soleil et dans quelques mois elle le sera. Si elle était partie ça n'aurait pas pu être le cas.
- Et tu ne regrettes pas toi ? Tu es aussi douée qu'elle, Savannah, affirma Lizzy.
- Je ne regrette rien, la rassurai-je. Contrairement à elle, ça faisait comme partie de mon initiation. J'en avais besoin. Avant ça, je n'avais jamais vraiment réalisé ce que voulait dire protéger quelqu'un. Ça implique tellement de responsabilités et de sacrifices, ce n'est pas quelque chose que j'aurais pu apprendre en restant enfermée au pensionnat. Si on ne l'avait pas fait, je ne serais pas celle que je suis aujourd'hui et je l'aime assez bien cette fille-là.
- Moi aussi. Elle me rend folle mais je l'adore ! me fit Lizzy avec de gros yeux.
Le clair de lune se reflétait sur ces doux cheveux et ma peau blanche semblait luire sous cette lumière. Nous avions toutes deux des étoiles dans les yeux.
- J'espère bien ! En tout cas, fais-moi confiance Lizzy, ça se passera très bien et nous serons enfin réunies. Je t'avoue que j'en ai un peu douté moi aussi au début, je m'attendais à la voir accourir dès qu'on serait sorties de cette voiture mais personne n'est venu. Puis j'ai vu Jason, j'ai compris qu'elle n'y était pour rien, et je me suis dit que je n'avais pas le droit de lui en vouloir de ne pas être là pendant une semaine alors que nous sommes parties plus de huit mois.
- C'est vrai, acquiesça-t-elle, je comprends.
- Et si on changeait de sujet ? demandai-je en recommençant à marcher.
- Justement ! Avant qu'on arrive je voulais te demander, que penses-tu d'une petite fête quand mes parents seront partis ? Je suis sûre que M. Carter me laissera utiliser la maison exceptionnellement.
- Attends, tu me demandes mon avis à propos d'une fête ? Moi je te dis c'est quand tu veux ! m'écriai-je en riant.
- Super ! dit-elle toute souriante cette idée. On ne sera pas obligé d'inviter autant de personne qu'à ta soirée, je sais que toi aussi tu as trouvé ça un peu étouffant.
Elle me connaissait trop bien. Cette fois-ci, je tenais à ce que ce soit sa fête en plus. Elle faisait toujours tant d'efforts pour les autres, il était temps qu'on en fasse pour elle.
- C'est vrai, mais pense bien à inviter Luke, tentai-je de glisser subtilement.
- Luke ? Pourquoi ? me demanda-t-elle comme si ce n'était pas évident.
- Ne fais pas semblant Lizzy, c'est quasiment le seul gars de l'Élite qui n'est pas totalement ennuyeux, alors profite.
- Tu parles de lui comme s'il allait se passer quelque chose...
- Et pourquoi pas ? lui demandai-je en lui lançant un regard lourd de sous-entendus.
Lizzy ouvra les bras avec indignation.
- Parce que ça ne fait que quelques jours Savannah ! Quelques jours, seulement quelques petits jours qu'on est rentrée à Minneapolis !
Je réfléchis à ce qu'elle venait de dire.
- C'est tout ? J'ai l'impression que ça fait au moins plusieurs semaines...
- Je sais, mais ce n'est pas le cas. Je ne veux pas presser les choses et mes parents ne sont même pas encore partis, soupira-t-elle.
- Excuse-moi Lizzy, je ne réalisais pas du tout.
Elle avait raison, et puis techniquement, ça ne me regardait non plus. Ce n'était pas parce que j'allais devenir sa Soleil tout en étant sa meilleure amie que je pouvais intervenir dans absolument tous les domaines de sa vie. Même si j'en mourais d'envie.
- Ne t'excuse pas, c'est moi, je n'aurais pas dû réagir comme ça, seulement...
Elle souffla de fatigue et chercha ses mots.
- Tu as peur ? finis-je par lui demander.
- Pardon ?
- Est-ce que tu as peur ? répétai-je en la regardant droit dans les yeux.
Elle me regardait l'air de dire : « Mais de quoi ? » et je devinai qu'elle ne savait pas quoi répondre.
- Lizzy, si tu as peur qu'il puisse se passer quelque chose c'est peut-être que tu en as tout simplement envie, émis-je malgré son regard un peu perdu.
- Ce n'est pas de ça qu'il s'agit...
Je la regardai attentivement.
- Tu as...oh je comprends, tu as peur de tomber amoureuse...en général. Pas forcément à cause de Luke, c'est juste tomber amoureuse qui te fait peur.
Elle ne répondit pas dans un premier temps et se contenta de me lancer un regard gêné. Puis, elle me demanda vivement :
- Pas toi ?
Je ne réfléchis pas bien longtemps.
- Euh...je dirais que non.
- Pourtant toi non plus tu n'es jamais vraiment tombée amoureuse, comment peux-tu être si confiante ?
Voyons voir...
- Tout d'abord parce que je suis destinée à être ta Soleil, à te consacrer ma vie et à personne d'autre, je ne suis pas censée avoir le temps de tomber amoureuse et ensuite, ne dit-on pas que c'est quelque chose de merveilleux ? Pourquoi en avoir peur ?
- Oui c'est censé être merveilleux, mais c'est aussi une des choses qui fait le plus souffrir les gens sur cette terre.
Je levai les yeux au ciel.
- Vu comme ça, c'est clair que c'est flippant !
- Quand je vois mes parents, continua-t-elle, je vois à quel point ils s'aiment et ils sont heureux, mais que sont-ils comparés à la souffrance du monde entier ? L'amour fait couler des larmes et brise des cœurs.
Je connaissais le côté réaliste de ma meilleure amie, mais je ne la savais pas si pessimiste.
- Mais il en répare d'autres Lizzy, ne l'oublie pas. L'amour a aussi sauvé bien des personnes. Et s'il est aussi génial qu'on le dit, alors il mérite qu'on souffre aussi un petit peu pour lui non ?
- Un petit peu...
- Je vois, en fait c'est plus le fait d'avoir le cœur brisé que de tombée amoureuse qui te fait peur, conclus-je enfin.
- J'ai bien peur que les deux soit liés malheureusement, soupira Lizzy.
- Heureusement qu'ils le sont ! m'exclamai-je. Parce que c'est ça tomber amoureux. On n'aime pas quelqu'un uniquement pour ses qualités, on l'aime pour ses défauts comme pour ses qualités. On l'aime pour le meilleur et le pire de lui-même à la fois. Tout ça va ensemble. On aime quelqu'un pour tout ce qu'il est, pas seulement ce qui est facile à aimer.
Lizzy s'arrêta de nouveau de marcher et me regarda.
- Comment fais-tu ma chère Savannah ? Tu n'es jamais tombée amoureuse et tu dis des choses tellement belles et justes...
Je levai à nouveau les yeux au ciel. Il ne fallait pas non plus qu'elle prenne trop au sérieux ce que je disais, j'étais quand même celle qui avait fait l'erreur de sortir Kyle Jackson, ne l'oublions pas, alors côté conseil sentimentale, j'allais ralentir la cadence.
- Franchement je ne sais pas d'où je sors tout ça, je sais seulement que pour moi, c'est à ça que devrait ressembler l'amour.
- J'ai une idée ! s'écria alors Lizzy.
- Je t'écoute.
- Tu vas plutôt me regarder et me suivre.
Elle me passa devant, et s'enfonça dans les bois qui bordaient le chemin, de l'autre côté des maisons. Il faisait sombre et non pas qu'ils fussent particulièrement dangereux, une petite excursion à la belle étoile dans la forêt n'était peut-être pas l'idéal.
- Lizzy, je crois que ce n'est pas une bonne idée, lui dis-je franchement.
Et puis nous étions déjà suffisamment en retard, je tenais à la vie moi !
- Ce n'est pas très loin, ne t'inquiète pas, continua-t-elle.
Je fus obligée de la suivre.
- Lizzy on devrait vraiment rentrer ! insistai-je.
- Non, pas encore, je veux te montrer quelque chose.
- Tu n'es pas en tenue, tu pourrais te blesser.
- Mais non, fais-moi confiance.
J'oubliais, cet argument ne marche qu'avec les gens normaux !
Nous marchâmes donc à bonne allure, au milieu des arbres et de leurs ombres mystérieuses.
- Tu avais dit « pas très loin » Lizzy, c'est dingue, mais où est-ce que tu m'emmènes ?
- C'est là !
Elle accéléra et nous débouchâmes soudain sur une clairière surplombée d'un grand et bel arbre. L'herbe était magnifiquement fleurie et la lumière de la lune se reflétait sur toutes ces feuilles et tous ces pétales pour les faire briller et illuminer cet endroit. L'arbre en question était tout aussi splendide qu'il était étrange, la botanique n'avait jamais été mon fort mais si je devais le décrire, je dirais qu'il ressemblait à un très grand cerisier japonais. Lizzy courut vers cette merveille de la nature avant que je ne puisse lui demander quoique ce soit.
- Non, non, non mais qu'est-ce que tu fais là ? l'interrompis-je néanmoins, au pied de l'arbre.
- Viens ! C'est magnifique.
Je la vis alors commencer à grimper de branche en branche. Ce n'était vraiment pas le moment de jouer à Tarzan !
- Lizzy descend de là tout de suite ! lui ordonnai-je, avec un manque cruel d'autorité.
- Il va falloir que tu me fasses descendre alors...
Et dire que je m'engageais à la protéger au péril de ma vie... Elle ne me facilitait pas la tâche cette tête de mule !
- Ce n'est pas vrai..., grognai-je.
Je commençai à mon tour à monter et rejoignis Lizzy jusqu'à son perchoir. Je m'assis à ses côtés après m'être assurée qu'elle avait des appuis stables, puis, je levai les yeux. Elle avait raison, c'était absolument magnifique. Des milliards d'étoiles s'étendaient au-dessus de nos têtes, on se croyait pris dans un tourbillon. Au milieu, la lune se pavanait et s'épanouissait parmi toutes ces étincelles. Plus bas, on pouvait suivre des yeux la cime des arbres formant les bois qui entouraient le pensionnat. On la voyait aussi d'ailleurs, mais d'ici elle semblait infiniment petite et insignifiante. C'était si réconfortant. Tout paraissait être là où il devait être, tout était à sa place et vivait en harmonie.
- Lizzy...j'ignore comment tu as trouvé cet endroit mais je te remercie parce que c'est incroyable.
- Je t'en prie, me répondit-elle en me gratifiant d'un sourire. Ça m'apaise d'être ici et d'observer le ciel. Cet endroit paraît tellement hors du monde.
- Je suis certaine qu'il l'est. C'est pour ça qu'il est si beau.
Lizzy posa délicatement sa tête sur mon épaule.
- Restons là pour l'éternité...
- Cinq minutes sont plus raisonnables, plaisantai-je, mais d'accord...
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