Chapitre 15
L'entraînement du jour fut un peu plus douloureux que prévu. Il n'y avait pas à dire, avoir manqué 8 mois d'entraînement...ça se sentait. J'étais courbaturée d'un peu partout et m'efforçai de ne pas grogner de douleur à chaque mauvais coup. Bizarrement, je n'en distribuais pas autant que je l'aurais voulu. J'essayais de ne pas trop me formaliser, sachant qu'ils avaient tous appris des choses que je ne risquais pas de deviner toute seule. D'un côté, cela me rendait impatiente d'aller à ces cours particuliers qui me permettraient de rattraper mon retard, mais en me rappelant que c'était Jeremy qui m'attendait là-bas, ma joie retombait rapidement. D'autant plus que c'était ma pauvre épaule qui prenait le plus, au point que je finis par me décider d'aller demander des calmants pour la douleur à l'infirmerie.
- Où as-tu mal exactement ? me demanda Mme Diggle.
Mme Diggle, notre chère infirmière en chef/médecin spécialisé en enfant du Soleil/chirurgienne dont le statut n'était pas très clairement défini, était une jeune femme charmante. Elle portait un carré blond, son nez fin était recouvert de petites taches de rousseur et elle avait de jolis yeux noisette. C'était une personne très attentionnée et soucieuse d'autrui. La plupart du temps, elle était parfaite dans ce qu'elle faisait. Elle était très certainement un des seuls membres du personnel de ce pensionnat que je ne détestais pas.
- À l'épaule, lui répondis-je doucement.
Elle hocha la tête et réajusta ses lunettes sur son nez. Je l'avais toujours trouvée tellement jolie. Parfois, elle semblait si jeune qu'elle pourrait avoir mon âge ou presque, et à d'autres moments, elle faisait preuve d'une maturité confirmée et d'une expérience incontestable.
- Tu n'as pas besoin que je t'examine ?
- Non, m'empressai-je de dire trop rapidement.
La dernière fois que j'avais jeté un coup d'œil, d'horribles bleus et hématomes la recouvrait. Pourtant, ici, j'étais considérée comme une habituée et je n'avais jamais été réticente à montrer mes blessures. Je ne craignais en aucun cas de heurter la sensibilité de Mme Diggle, mais en revanche, ce que je redoutais, et à juste titre, c'était ses questions. Mais malheureusement pour moi, mon refus encouragea sa curiosité. Je la surpris en train de me dévisager, se demandant certainement si elle avait raison de me faire confiance ou non.
- Euh je vois... Tu es sûre que tout va bien ? s'enquit-elle néanmoins.
- Oui, j'en suis certaine, j'ai juste besoin d'un petit quelque chose pour m'aider, c'est tout. Vous savez, la reprise, ce n'est pas évident.
Ma jolie petite excuse et mon air fatigué achevèrent de la convaincre et étonnamment, je me retrouvais presque à culpabiliser de mentir à une personne si compatissante et compréhensive.
- Eh bien je n'ai aucune raison de te le refuser, déclara-t-elle finalement.
Elle m'apporta une plaquette de cachet et un verre d'eau.
- Prends-en dès que la douleur devient trop forte, mais n'en abuse pas. Ils t'aideront sûrement à dormir, mais je ne saurais dire si c'est bon ou mauvais vu le travail qu'on exige de vous. Donc, tu dois faire de ton mieux pour rester dans l'action.
- C'est ce que je ferai, lui assurai-je, merci beaucoup !
J'avalai immédiatement un cachet et sortis dans le couloir en rangeant discrètement la plaquette dans mon sac. Je passai alors devant une chambre et entendis un gémissement. Pas très surprenant dans une infirmerie, certes, mais ma curiosité l'emportait toujours. J'ouvris un tout petit peu le rideau, et (surprise !) j'aperçus Kelly. Je m'approchai doucement du lit, mais elle gémit encore et commença à trembler. Je pris sa main et la serrai légèrement.
- Kelly ?
Son corps était recouvert d'une fine pellicule de transpiration. Elle tournait encore et encore la tête, comme pour se débarrasser de quelque chose et tremblait toujours un peu plus. Ne reconnaissant que trop bien ces symptômes, je m'assis sur le lit et attrapai ses bras pour la réveiller.
- Kelly !
Elle se réveilla en sursaut et se redressa à toute vitesse.
- Tout va bien, c'est Savannah, tout va bien, répétai-je doucement, en éloignant ses longs cheveux de jais de son visage. Tu faisais un mauvais rêve.
- Oh, murmura-t-elle en tentant de reprendre son souffle. Encore...
- Ce n'est pas nouveau, j'en conclus.
- C'est le troisième depuis hier soir, m'apprit-elle.
Je jetai un coup d'œil à la pièce étroite qui lui servait de chambre.
- Tu es ici depuis l'accident ? demandai-je, préoccupée de sa santé mentale après avoir été enfermée entre quatre murs pendant des jours.
Elle hocha tristement la tête.
- Oui. Ils ont essayé de me faire dormir mais je ne cesse de faire ces cauchemars et de me réveiller.
- Je connais ça, répondis-je avec compassion. Ça finira par passer.
Elle soupira faiblement.
- Je n'en suis pas sûre. Ils m'ont expliqué ce qu'il s'est passé à la soirée et d'après ce qu'ils disent, les cauchemars sont liés.
Je coinçai délicatement une mèche de cheveux derrière son oreille, étonnée par sa pâleur et le côté bleuté de ses lèvres. Elle n'était vraiment pas gâtée.
- Dans ce cas, dès que tu commenceras à apprendre à maîtriser tes pouvoirs, ils devraient s'en aller.
- Oh je l'espère, c'est insupportable, m'avoua-t-elle en affaissant les épaules. Mais que faisais-tu ici ?
Son regard sembla reprendre un peu de sa vivacité en changeant de sujet.
- Juste une douleur à l'épaule, mais je suis contente de te voir, de toute façon. Personne d'autre n'est venu ? lui demandai-je, inquiète.
- Non. Ils essayent de me maintenir à l'écart. C'est un miracle que tu sois là, me confia-t-elle.
Si ma présence était un miracle, c'était sûrement parce qu'elle était tout simplement officiellement interdite. Essayaient-ils de la mettre en quarantaine ou quelque chose comme ça ? J'étais pourtant persuadée que ce qui lui arrivait n'avait rien de contagieux puisque nos pouvoirs apparaissaient uniquement lorsque nous étions prêts. J'ignorais quel événement avait pu conclure le sort de Kelly mais à elle aussi ça semblait lui échapper.
- Tu nous as tous fais très peur, confessai-je en me remémorant la panique qui s'était emparée de moi.
- À moi aussi si ça peut te consoler, je n'en dors plus, la preuve. Et à ce propos, je tiens vraiment à te remercier, je sais que tu as essayé de m'aider ce soir et je suis désolée que les Soleils aient si peu apprécié cette aide, s'excusa-t-elle, soucieuse.
Je balayai ses excuses d'un geste de la main.
- Tu n'as pas à t'excuser, ni à me remercier d'ailleurs. Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me dit que tu aurais fait la même chose alors ce n'est rien. Et puis justement, le Soleil Scandola m'a dit qu'on passerait tous par là d'une manière ou d'une autre.
Kelly écarquilla les yeux avant de souffler :
- Très rassurant.
Je ris doucement devant cette réaction identique à celle que j'avais pu avoir.
- Mais peu importe, reprit-elle, je suis contente que tu sois là parce qu'il faut que...
Elle prit une inspiration mais hésita à continuer sa phrase.
- Que quoi ?
- Savannah, déjà quand je suis arrivée ici, il fallait que je te parle. Je ne pouvais bien sûr pas le faire à la soirée, ça aurait plombé l'ambiance mais je crois que si je ne le fais pas maintenant, je n'en aurais plus l'occasion.
Que pouvait-elle bien vouloir me dire ? Nous nous connaissions à peine.
- Tu m'inquiètes, là.
- Non, tout va bien je te rassure. Écoute, le fait est que je te connaissais bien avant d'arriver à Minneapolis, commença-t-elle.
Je la dévisageai, perplexe. Cela n'avait aucun sens.
- Mais...tu viens d'Atlanta, non ?
- Justement, j'ai beaucoup entendu parler de toi là-bas, m'expliqua-t-elle.
Un léger détail, pourtant considérable, me revint à l'esprit. La seule personne que je pouvais peut-être connaître au pensionnat d'Atlanta était mon cousin Cameron, que je n'avais pas vu depuis l'apparition du virus et même un peu avant. Cela voulait également dire que j'ignorais s'il était un fils du Soleil ou non, alors encore moins où il se trouvait actuellement.
- Kelly...qui t'a parlé de moi au juste ?
- Quelqu'un que tu connais aussi. Avant que je ne sois envoyé ici je lui ai fait une promesse et elle te concerne.
Dites-moi que c'est lui.
- En quoi ? Bon sang, de qui parle-t-on Kelly ?
- Cameron Hamilton, déclara-t-elle le souffle court.
Je me figeai. C'était lui. C'était vraiment lui ! J'attendais depuis si longtemps d'entendre son nom que j'en restais sans voix. Il se souvenait de moi et surtout il était comme moi. Enfin. Enfin, je n'étais plus toute seule. J'avais encore une famille. J'hésitai encore à m'autoriser à le croire. Les doutes étaient une chose, mais les faux espoirs, c'était le pire.
- Ce nom te dit quelque chose, n'est-ce pas ?
Kelly ne savait absolument pas comment interpréter mon silence et il était évident qu'elle stressait.
- Non...c'est...je...Cameron ? répétai-je.
- Oui, Cameron. Il est à Atlanta, nous nous sommes rencontrés il y a 3 ans. Quand il a su que nous allions enfin être transférés, il m'a chargée de venir te trouver et de m'assurer que tu allais bien en premier lieu.
Elle se mit à sourire de toutes ses dents. Elle devait être soulagée maintenant qu'elle m'avait confié son secret.
- Il m'a tant parlé de toi si tu savais... J'imagine que tu as préféré l'oublier mais...
- Il...il est vivant ? m'efforçai-je de dire, ne réalisant qu'à moitié ce que je venais d'apprendre. Et, comme moi ?
Je la fixai intensément pendant que les larmes me montaient aux yeux. Le retrouver était la meilleure chose qui pouvait m'arriver maintenant que nous étions de retour ici. Finalement, je ne serais pas rentrée pour rien.
- Comme toi et moi, dit-elle en souriant et me prenant la main. Votre famille a aussi bien maquillé sa mort que la tienne. Évidemment, ils se sont arrangés pour que vous soyez séparés en conséquence.
- Si seulement j'avais su..., murmurai-je.
- Il ignorait ce que tu étais devenue jusqu'à ce que tu apparaisses aux infos il y a 8 mois. Il m'a tout de suite parlé de toi et de tous vos souvenirs d'enfance.
J'étais tellement excitée. Mon cousin était en vie ! J'avais enfin une chance de retrouver ma famille. Ce n'était pas juste un faux espoir. C'était réel.
- Comment est-il ? Parle-moi de lui ! A-t-il beaucoup changé en 5 ans ? lui demandai-je.
Des étincelles apparurent dans les yeux de Kelly.
- Je crois que tu ne le reconnaîtrais pas, fit-elle en riant. Il est aussi grand et musclé qu'un Soleil doit l'être. Il a les cheveux châtains, mais surtout, il a tes yeux.
J'imaginai facilement qu'à part cela, nous ne nous ressemblions toujours pas énormément.
- Bien sûr... Je dois lui parler, déclarai-je avec assurance. N'importe quoi, un message, un mail, une lettre n'importe quoi.
-Tu ne peux pas, tout éventuel échange entre vous a été bloqué il y a des années, ils ne sont pas stupides.
- Qui ?
- Vos parents, ils ont payé nos pensionnats une fortune pour qu'ils gardent le silence et qu'ils fassent tout ce qu'ils leur demandent.
Je sentais une colère refoulée depuis longtemps remonter à la surface.
- Pourquoi ? Qu'est-ce que cela peut bien leur faire qu'on communique ensemble ? On est mort aux yeux du monde extérieur.
Ne nous avaient-ils pas suffisamment gâché la vie comme ça ?
- Pour la même raison qu'ils vous ont séparés.
- Je ne suis pas sûre de la comprendre, avouai-je perdue parmi tous ces nouveaux sentiments qui me prenaient d'assaut.
- Savannah, à vous deux, vous pourriez ruiner la réputation des Hamilton et tout ce qu'ils ont accomplis depuis le virus.
Je ne sus que dire. Était-ce grave à ce point ?
- Mais ne t'inquiète pas, Cameron a trouvé un moyen et c'est déjà en cours, me rassura Kelly.
- Que veux-tu dire ? Quel moyen ?
- Il va nous rejoindre, Savannah. Il arrive.
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Salut ! Cette fois il semblerait bien qu'un nouveau membre s'apprête à rejoindre la bande...et peut-être à remuer un peu le passé. Bonne ou mauvaise chose, à vous de me dire quel pressentiment vous avez ! 🤔
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