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II - Chapitre 18

Savannah


Le regard fixé sur l’aurore, je m’efforçais de faire taire les voix et disparaître le tourbillon d’images qui ne demandaient qu’à resurgir sous mes yeux. La chambre. La porte. Le petit garçon. Les corps. Les flammes. Lui. Tout repassait en boucle devant moi et mon cœur se serrait un petit peu plus à chaque fois. Cela ne devait pas se passer comme ça. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’une mission ne se déroulait pas de la manière dont nous l’avions prévu, mais là… Là, c’était un désastre.

McCarthy était mort sans nous avoir donné la moindre information. À cause d’un traître, son épouse se réveillerait et découvrirait non seulement le cadavre de son mari mais aussi celui de son fils. J’avais beau être à des kilomètres de la maison, j’avais sans cesse l’impression d’entendre un atroce hurlement de douleur, comme si on avait arraché son cœur de son poitrine. Ou du moins c’était ce que j’imaginais être la douleur d’une mère dont le bébé était mort avant elle. Et c’était aussi ma faute. J’avais appuyé sur la gâchette. J’avais tué son bébé.

Si la catastrophe s’était arrêtée là, j’aurais pu simplement rentrer chez moi plutôt que de trouver un toit d’immeuble froid et loin de tout pour me ressaisir. Jamais l’armée ni la police américaine n’avait été aussi près de nous attraper. Ils n’avaient même jamais été capables d’anticiper nos attaques auparavant. Le traître avait tout changé. Nous ne nous battions plus contre un seul camp mais deux.

Et ce n’était toujours pas fini. Jeremy était là. J’avais réalisé qu’il était le pire adversaire que je pusse affronter car il me faisait hésiter. Ça ne m’était pas arrivé une seule fois depuis des mois. Alors qu’hier, il avait suffit que je rencontrasse son regard, quand bien même lui ne me reconnaissait pas, pour que mes membres se paralysassent un instant. Cela faisait presque un an que j’attendais le moment où je pourrais le faire souffrir. Je m’étais finalement résignée à me dire que c’était la surprise qui m’en avait empêchée.

En effet, Scandola était la dernière personne que je pensais voir cette nuit-là. Il m’avait fallu un bon moment avoir de pouvoir déduire que Thompson l’avait envoyé. Nous étions encore en pleine négociation avec ce dernier et je supposais qu’il avait envoyé son nouveau Soleil enquêter sur nos modes d’action avant de s’engager avec nous. Face à la situation, Scandola avait sûrement improvisé, ce qui nous avait conduits sur le toit. Je pouvais encore sentir la douleur de sa glace contre ma peau brûlante et l’intensité de son regard lorsqu’il avait découvert mon visage. C’était comme si le monde avait cessé de tourner le temps d’un battement de cœur.

Mais lorsqu’il avait repris son cours, je n’avais plus d’autre choix que de partir, peu importait comment. Mes nouvelles flammes étaient mon arme secrète et je détestais les lui avoir dévoilées ainsi. C’était stupide de ma part. Au lieu de penser à cela, j’aurais dû m’inquiéter du fait qu’il connaissait mon identité en tant que chef d’une équipe de Soleils clandestins et qu’à tout moment il pouvait transmettre l’information à l’État. Cependant, comme il l’avait toujours fait, il troublait mon bon sens et c’était réellement les flammes qui me gênaient le plus. Il n’avait pas le droit de les voir, il ne le méritait pas. Elles étaient à moi et uniquement à moi. Peu importait comme je les avais eu.

Finalement, lorsque je me sentis prête, je contactai un des chauffeurs de mon père pour rentrer. Il était encore très tôt alors je ne rencontrai personne en descendant l’immeuble et pus rejoindre la voiture sans encombre. Je profitai du trajet pour me préparer mentalement à l’affront que j’allais sans le moindre doute avoir avec mon père aussitôt après être rentrée. Je ne regrettais même pas de ne pas pouvoir me reposer car je savais que je serais soit incapable de fermer les paupières en premier lieu, soit d’avoir un sommeil particulièrement troublé.

La voiture ne tarda pas à s’arrêter devant le porche et il me fallut une seconde pour prendre une grande inspiration avant de sortir. Mes Rangers avancèrent lourdement sur les marches de pierres blanches. De nouvelles courbatures me rappelèrent alors que l’on m’avait tiré dessus cette nuit. Deux cicatrices de plus. Je n’étais plus à ça près.

– Mlle Hamilton, commença délicatement le portier, votre père…

– Je sais, soupirai-je en pénétrant dans le hall.

J’y découvris Sophia, faisant les cents pas. Il était aisé de voir à son froncement de sourcil et ses bras nerveusement croisés qu’elle était inquiète et préoccupée. Elle ne parut pas énormément soulagée en s’apercevant de ma présence.

– Savannah, souffla-t-elle en venant à ma rencontre.

Nous nous étreignîmes brièvement. De plus près, je pus discerner des cernes sous son maquillage.

– Depuis quand es-tu debout ? lui demandai-je doucement.

– Papa a requis la présence de François en pleine nuit, je n’ai pas réussi à me rendormir.

Je passai mes mains sur mon visage, dépitée.

– Bien sûr, il n’a pas pu s’empêcher de le mêler à tout ça.

Sophia me fit un petit sourire en coin, partageant tout de même mon opinion. Nous savions néanmoins aussi bien l’une que l’autre qu’il était impossible de faire partie de la famille à moins de représenter un intérêt aux yeux de notre père.

– Il aurait voulu aider de toute façon.

– Alors ? Combien d’investisseurs avons-nous perdu pour le moment ?

Le visage de ma sœur se décomposa quelque peu, détestant être la porteuse de mauvaises nouvelles.

– Trois, murmura-t-elle la gorge serrée.

Je n’eus pas la force de restée impassible face à elle.

– Trois… Et ça ne fait que quelques heures.

– On se rattrapera. On est tous sur le coup.

J’avais davantage de mal à être optimiste.

– Je dois aller le voir, soupirai-je.

– Je t’accompagne, il est dans la bibliothèque ! s’écria Sophia.

– Ce n’est pas nécessaire, répondis-je gentiment en commençant à marcher vers la bibliothèque.

Elle grimaça.

– Il est vraiment très énervé.

– Il ne peut pas me faire mal, tu te souviens ? Et même s’il essaie, je le lui ferai regretter avant même que sa main ne me touche.

Sophia leva le ciel et m’arrêta à quelques pas de la porte de la bibliothèque.

– Ce n’est pas parce qu’il ne peut pas te frapper qu’il ne peut pas te faire mal.

Elle plongea un regard sombre et triste dans le mien et je sus instantanément qu’elle parlait par expérience.

– D’accord, hochai-je finalement la tête.

J’étendis ensuite une main vers la poignée de la porte, et après avoir reçu un signe d’encouragement de ma sœur, je l’ouvris et entrai dans la bibliothèque. Je vis tout d’abord ma mère, se tenant debout près du piano, feuilletant des partitions d’un air absent, puis mon père, assis dans un des fauteuils en cuir au centre de la pièce, ruminant. Lorsqu’il leva les yeux vers moi, son poing se serra et vint frapper violemment l’accoudoir du fauteuil.

– C’est maintenant que tu rentres !? cria-t-il d’une voix grave.

Je relevai le menton.

– J’ai dû faire face à un imprévu.

Il resta silencieux une seconde, tandis que ses narines se gonflaient lentement.

– Tu appelles ça un imprévu ? fit-il ensuite. Faire exploser quelques caisses d’armes, c’est un imprévu, foirer complètement une mission de la plus haute importance, ce n’est pas un imprévu ! C’est un putain de désastre !

Il se leva soudainement et avança rapidement vers moi. Je sentis Sophia se raidir à mes côtés.

– Michael a dit que tu avais tiré sur le gamin de McCarthy, qu’est-ce qui ne va pas chez toi !? me hurla-t-il au visage.

– C’était un accident ! commençai-je à me défendre, d’abord faiblement, voyant encore le petit William gisant au sol. Je ne voulais pas… J’avais placé un de mes hommes devant la chambre des enfants, je ne sais pas ce qu’il s’est passé.

– Tu ne sais pas ce qu’il s’est passé ? répéta-t-il avec mépris. C’est vraiment tout ce que tu trouves à me dire !?

Son visage était de plus en plus rouge et je pouvais voir quelques unes de ses veines ressortir anormalement de son cou et de ses tempes. Malgré ma fatigue, ce fut suffisant pour me maître moi-même en colère.

– Tu n’étais pas là ! criai-je en retour. Ne me regarde pas comme si j’étais entièrement responsable de toute cette merde parce que je te signale que si l’enfant a pu monter à l’étage c’est parce qu’un Soleil que Richard nous a envoyé était un traître ! Moi, j’ai fait ma part du boulot, d’accord ? J’ai enquêté sur chacun de mes Soleils pour m’assurer qu’ils étaient dignes de confiance avant de les emmener en mission et jusqu’à maintenant ils ne m’ont pas laissé tomber une seule fois, alors il n’y a pas qu’envers moi que tu devrais être en colère !

Il recula brusquement et se mit à faire bruyamment les cents pas, certainement pour s’empêcher d’aller trop loin. Ma mère posa alors ses partitions et se tourna vers nous avec son flegme habituel.

– J’ai eu Richard au téléphone cette nuit, dit-elle calmement, il s’est lui-même fait dupé par cet homme. Cela ne se reproduira pas.

– Alors le FBI est non seulement sur nous mais aussi sur lui ? m’étonnai-je.

S’il y avait bien un homme reconnu pour sa discrétion, il s’agissait de Richard.

– Plus pour longtemps, déclara-t-elle en croisant les bras.

– C’est-à-dire ? fis-je en haussant un sourcil.

– C’est-à-dire qu’il va faire ce qui est nécessaire, intervint à nouveau mon père sévèrement, ce que tu aurais dû faire cette nuit plutôt que de t’enfuir !

Je serrai les poings et sentis encore la chaleur qu’ils avaient générée quelques heures plus tôt.

– Je n’ai pas eu d’autre choix !

Il attrapa alors un verre à whisky qui traînait sur la table basse et l’envoya avec force de l’autre côté de la pièce, où il se brisa contre un tableau.

– T’en n’a pas fini avec tes excuses merdiques !? hurla-t-il. Des gens t’ont vu ! J’ai dû mettre François sur le coup, ajouta-t-elle en lançant un regard à Sophia, pour m’assurer qu’aucune photo ne serait publier nulle part ! Sans parler du fait que McCarthy est mort avant de nous avoir donner la moindre information utile et tu veux me faire croire que tu as fait ta part du boulot !? C’était tout ce qu’on te demandait, Savannah ! La seule chose à laquelle tu es bonne, juste ça, une chose ! À la place tu continues de n’être qu’une gigantesque déception, un énorme boulet ! On a déjà perdu trois investisseurs par ta faute !

– Papa ! s’écria alors Sophia, comme offensée pour moi. Comment peux-tu dire ça ? On ne serait jamais arrivé jusqu’où on est aujourd’hui sans Savannah !

– Oh c’est vraiment le moment que tu choisis pour montrer un peu de solidarité sororale ? Je t’en prie, arrête de nous faire perdre notre temps et retourne sourire bêtement et serrer des mains, c’est aussi la seule chose qu’on attend de toi.

Ma mâchoire se décrocha et se serra à la fois de haine en l’entendant prononcer ces mots. Il n’avait pas le droit. Il pouvait me dénigrer, me cracher au visage et me traiter comme de la merde autant qu’il le souhaitait, je n’en attendais pas mieux de sa part. Mais Sophia n’avait absolument rien fait pour mériter cela dans toute cette histoire et je pouvais avec certitude affirmer que sans elle sa soigneuse image médiatique d’un père de famille aimant se serait écroulée depuis longtemps.

Naïvement, je me tournai vers elle, ayant peur de la retrouver en larmes, mais c’était stupide de ma part. Elle était une Hamilton, elle aussi. Elle n’avait peut-être jamais appris à se battre contre des Lunes, mais elle avait bien sûr appris à se protéger des attaques qu’on lui lançait, et quelque chose me disait que celle-ci était loin d’être la pire de celles auxquelles elle avait dû faire face par le passé.

Nous voyant à la fois sans voix et prêtes à exploser, ma mère décida de s’interposer.

– Arthur, calme-toi, dit-elle d’une voix inébranlable et autoritaire. Nous nous en remettrons comme nous nous sommes remis de tout le reste. Cela implique de rester lucide. T’en prendre gratuitement à ta fille ne nous avance en aucun cas.

Bien sûr, elle prenait la défense de Sophia, prendre la mienne ne lui avait probablement même pas traversé l’esprit.

– J’ai plusieurs contacts qui me doivent des faveurs, continua-t-elle, nous aurons de nouveaux investisseurs en un rien de temps. Pour ce qui de notre image publique, nous n’avons rien à nous reprocher, nous connaissions à peine McCarthy. On enverra Sophia et Victor présenter nos condoléances à l’enterrement et ce sera suffisant. L’important c’est de ne pas laisser croire les Sherwood que nous sommes affaiblis.

– Les gens s’attendront aussi à m’y voir, signalai-je en lui rappelant ma présence.

Du haut de ses talons aiguilles, ma mère me détailla de la tête aux pieds avec une pointe de dégoût.

– Vu ton état ce n’est pas souhaitable. Et puis tu en as déjà assez fait.

En réalité, j’avais très peu envie de me rendre à une cérémonie honorant deux innocents que j’avais tué, mais par principe, je lui rendis un regard chargé de mépris.

– Par ailleurs, tu ne seras pas en charge de la prochaine mission.

– Pardon !? fis-je, absolument ahurie.

Elle releva fièrement le menton.

– Trevor a déjà fait ses preuves, lui et les autres se débrouilleront très bien sans toi.

– Tu n’as aucun droit de faire ça ! Tu n’as pas la moindre idée de comment les choses se déroulent sur le terrain, toi tout ce que tu fais c’est aller à des brunchs et des galas pour boire du champagne et parler gossip avec tes stupides amies ! Peut-être bien que les missions, frapper et interroger des gens c’est la seule chose à laquelle je suis bonne, mais dans ce cas laissez-moi le faire !

Mon père brandit un doigt menaçant sous mon nez.

– Je t’interdis de t’adresser de cette manière à ta mère, Savannah, tu m’entends ?

Ce dernier semblait s’être quelque peu calmé et je n’étais désormais plus du tout intimidée.

– Oh c’est vraiment le moment que tu choisis pour montrer un peu de solidarité conjugale ? Et qu’est-ce que tu vas faire de toute façon ? Me frapper ? Essaie pour voir, qu’on rigole un peu !

Je pus voir sa poitrine se soulever et ses muscles se contracter au plus haut point pour le retenir de se laisser aller à sa colère.

– Ne te fatigue pas, Arthur, répondit finalement ma mère, elle le cache bien, mais au fond elle n’est toujours qu’une petite fille insolente qui refuse d’obéir aux règles. Elle est persuadée que ça fait d’elle une rebelle, que ça la rend forte, mais moi je sais qu’elle est juste terrifiée.

Les poings serrés, je grognai :

– Mais c’est quoi ton putain de problème ?

Toujours impassible, elle planta son regard dans le mien, presque en signe de défi. Je refusai de m’aplatir comme je l’avais trop fait étant enfant.

– Arthur, Sophia, laissez-nous, dit-elle alors d’un ton qui ne souffrait aucune discussion.

Sans broncher, mon père et ma sœur quittèrent la pièce. Nous nous retrouvâmes face à face, elle dans un pantalon tailleur blanc et un chemisier bleu marine en soie, moi dans ma tenue de mission trouée et ensanglantée.

– Tu veux vraiment faire ça maintenant ?

– Et comment. Je vais rester en charge de la prochaine mission et de toutes les suivantes parce que c’est mon domaine et sans moi vous vous planterez royalement.

Elle me tourna alors le dos et reprit en main les partitions qu’elle feuilletait auparavant.

– Laisse-moi en douter.

Comme mon père l’avait fait un peu plus tôt, j’eus envie d’attraper un verre et de lui lancer à la figure, mais bien sûr je n’en fis rien.

– Tu ne sais même pas de quoi tu parles ! m’énervai-je. Moi je risque à chaque fois ma vie !

Elle releva la tête vers moi.

– Oui, c’est ce pour quoi tu as été entraînée et c’est ce pour quoi on t’a ramenée chez nous.

Je ne pus m’empêcher de rire ironiquement.

– Comme si c’était une incroyable faveur que vous me faisiez !

– C’en est une ! insista-t-elle en délaissant à nouveau ses stupides partitions. Aux dernières nouvelles, tu n’avais pas plus envie de travailler pour des particuliers et de rester dans l’ombre le long du mur toute la journée !

– Justement, je n’ai pas plus envie de le faire qu’avant, c’est sur le terrain que je m’en sors le mieux ! rétorquai-je, tenant réellement à prouver ma valeur.

Je n’aurais pas dû avoir à prouver quoi que ce fût et je n’aurais pas dû continuer à vouloir attirer son attention et un peu de son affection, mais à chaque fois que nos étions seules dans la même pièce, c’était comme si j’avais à nouveau 11 ans. Je ne pouvais rien y faire.

– Hier tu t’en sortais le mieux ? fit-elle en haussant un sourcil.

Je secouai la tête, réellement fatiguée.

– J’ai foiré, d’accord, c’est ça que tu veux entendre ? J’ai foiré. Mais avant ça j’ai mené des dizaines de mission à bien, j’ai tellement, tellement travaillé dur pour en arriver là. Je mérite d’être au contrôle.

– Et je mérite des vacances au soleil, mais on n’a pas toujours ce qu’on mérite dans la vie.

Je la dévisageai, sentant progressivement ma colère se dissiper pour laisser place à la tristesse, au désespoir. Plus de huit ans étaient passés depuis que j’avais quitté cette demeure et rien n’avait changé. C’était comme si je n’étais pas là. Ils savaient que j’étais dans la pièce et ils m’entendaient, mais ils ne me voyaient pas et ils ne m’écoutaient pas.

Finalement, je me laissai tombée dans un fauteuil avec lassitude.

– Pourquoi ? murmurai-je d’abord tout bas. Pourquoi m’as-tu toujours détestée ?

Elle fuit d’abord mon regard, puis, chose que je n’avais jamais cru possible, elle sembla avoir pitié de moi, l’espace d’un instant.

– Je ne t’ai pas toujours détestée.

Prononcer ces quelques mots semblaient lui avoir coûté beaucoup.

– Ah bon ? m’étonnai-je. Pourtant, tu sais, je n’ai pas un seul bon souvenir avec toi. Pourquoi ?

Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre, ayant toujours envie de fuir cette conversation et triturant un élégant bracelet qui ornait son poignet.

– Je t’assure que je t’aimais, Savannah, souffla-t-elle finalement. Tu étais mon bébé, comme Sophia et Victor.

Je voulais réellement la croire, mais il y avait toujours un problème.

– Alors quoi ? Tu m’as aimé les 9 mois où j’ai été dans ton ventre puis t’en as eu marre ?

Elle pencha la tête, presque peinée.

– Ce n’était pas comme ça.

– Dans ce cas c’était comment, putain !? insistai-je encore.

Elle se mordit la lèvre, puis elle décida finalement de venir s’asseoir face à moi. Elle lissa doucement son pantalon, sentant probablement le poids de mon regard sur elle, avant de relever la tête.

– Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’étais vraiment heureuse, expliqua-t-elle d’abord. Mon couple avec ton père battait de l’aile depuis un moment et j’ai vraiment cru que ça changerait tout. Je pensais qu’avoir un autre enfant nous rapprocherait comme avant, mais ça ne s’est pas vraiment passé comme ça. Et j’ai fait l’erreur de reporter toute ma déception sur toi.

Je secouai tristement la tête.

– C’était pas ma faute.

– Je sais, hocha-t-elle la tête. Je le savais aussi à l’époque. Mais ce n’était même pas ça le pire.

Je fronçai les sourcils, perplexe.

– Le pire ?

Elle prit une inspiration avant de déclarer rapidement :

– On m’a informé que tes amies avaient rendu visite à Mary Colby-Diggle et sa fille l’été dernier.

Pour la première fois, j’eus l’impression de lire une trace d’émotion sincère dans les traits de son visage. De la douleur.

– Tu veux dire Mary West ?

Elle baissa les yeux avant de soupirer :

– J’en déduis que tu es au courant de tout.

– Oui, répondis-je simplement.

Je me souvenais encore de l’état de choc dans lequel je m’étais retrouvée en apprenant la vérité. Cela faisait à la fois sens et non. C’était un peu comme si je l’avais toujours aimée comme une grande sœur protectrice, mais que le fait qu’elle le fût vraiment changeât ma vision d’elle. Je ne l’avais revue qu’à de rares reprises depuis et exactement comme il m’avait fallu du temps pour reconsidérer Sophia comme ma sœur, j’avais encore beaucoup de mal à l’appeler ainsi. Ainsi, ma mère était la dernière personne avec qui je pensais en discuter un jour.

– À l’époque, reprit-elle d’une voix de plus en plus chargée d’émotions, j’ai demandé à un de mes hommes de m’envoyer régulièrement des rapports et des photos pour m’assurer qu’elle respectait sa part du marché. Il m’envoyait des photos d’elle...et de l’enfant. L’as-tu déjà vue sans lentilles et sans teinture ?

Son image dans le salon de sa mère me revint à l’esprit. Ses cheveux blonds étaient identiques qu’au pensionnat, mais ses yeux avaient changé de couleur. Ils étaient comme les miens. J’avais également appris qu’elle n’était pas réellement blonde, mais rousse. Néanmoins, je ne l’avais jamais vue ainsi.

– Non.

– C’est frappant, déclara alors ma mère. La ressemblance. Il m’a fallut un peu de temps pour m’en rendre compte. Tu devais avoir un an tout au plus lorsque je suis retombée sur des photos d’elle toute petite. Vous étiez les mêmes bébés. Absolument les mêmes. Et plus tu as grandi, plus tu as continué de lui ressembler. Si j’avais autant de mal à t’aimer, c’était parce que je la voyais en toi. Je voyais un rappel constant de l’échec de mon mariage avant même qu’il n’ait commencé. Mais je m’en suis voulue, sache-le.

Je parvins à éprouver de la peine pour elle. Jamais je n’avais imaginé que le problème ne venait pas réellement de moi, que j’aurais pu être une enfant parfaite et qu’elle ne m’aurait tout de même pas aimé comme une mère devait aimer sa fille. C’était soulageant, d’une certaine manière, mais...

– Ce n’est pas suffisant.

Ma mère baissa la tête et se pinça les lèvres.

– Je sais. Je sais bien. Mais je suis quand même désolée.

Sur ce, elle se leva, lissa à nouveau son pantalon, puis quitta la pièce. Je restai là, à fixer la place vide où elle était assise auparavant, absolument épuisée et ne me sentant pas plus entière qu’avant.

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