II - Chapitre 10
Savannah
Je rentrai à Washington le cœur léger, ravie d’avoir pu passer du temps avec mes meilleurs amis et persuadée que Lizzy parviendrait à maîtriser ses pouvoirs. Pendant le vol, je réfléchis aux deux missions que j’allais devoir mener au cours de la semaine et affinai mes stratégies. Plus le temps passait, plus nos ennemis progressaient eux aussi et nous n’avions plus le droit à l’erreur. Notre avenir à tous en dépendait.
Mon jet atterrit en fin de soirée et je fus immédiatement accueillie par l’un des membres du personnels de mon père.
– Bonsoir, Mlle Hamilton, me sourit-elle aimablement, j’espère que votre vol était agréable.
J’aurais mille fois préférée être accueillie par Maria, mais je savais que ce jeune homme ne faisait que son travail. Il devait déjà être très pénible, alors je n’avais aucune envie de le rabaisser avec la condescendance des invités de mon père à laquelle il devait être habitué.
– Très agréable, merci, répondis-je sincèrement.
Je passai mon sac de voyage sur l’épaule avant qu’il ne pût le porter lui-même. Il parût surpris et me proposa tout de même :
– Puis-je vous aider avec votre sac, mademoiselle ?
– Non, c’est gentil, il est léger je peux m’en occuper.
Nous marchâmes côte à côte en silence jusqu’à la maison et le jeune homme s’empressa de m’ouvrir la porte une fois arrivés.
– Merci !
– Oh Mlle Hamilton, j’oubliais, votre père souhaite que vous montiez le voir dans la salle de contrôle au troisième étage. Dès que possible, ajouta-t-il d’un air navré.
Je levai les yeux au ciel en poussant un long soupir.
– Ça le tuerait de se déplacer comme tout le monde ?
Le jeune homme baissa la tête en souriant timidement. Mon attention se porta sur le petit badge qu’il portait à la poitrine.
– Merci, Randall. J’y vais de ce pas.
Je passais d’abord par ma chambre pour y déposer mon sac de voyage. Je ne pris même pas la peine de voir à quoi je ressemblais dans un miroir, je n’étais pas prête de soigner mon apparence pour un père ingrat et fainéant. Je montai ensuite au troisième étage d’un pas lent et entrai dans la salle de contrôle sans frapper. Je découvris alors que toute mon équipe était assise à la longue table en métal au milieu de la pièce, au bout de laquelle trônait mon père. Ce dernier me lança un regard sévère.
– Ce n’est pas trop tôt, déclara-t-il d’un ton sec. Et puis pour quelqu’un qui rentre de vacances, tu as mauvaise mine.
Un sourire crispé se dessina sur mon visage.
– C’est toujours un plaisir de te voir. Puis-je savoir pourquoi tu as convoqué mon équipe sur leur temps de repos ?
Leurs regards alternaient entre mon visage à l’expression téméraire et celui de mon père à l’air dur et froid. Celui-ci se redressa et posa sérieusement ses mains sur la table, les doigts entremêlés.
– Je tenais à ce qu’ils soient tous présents pour le débriefing.
Je serrai la mâchoire, puis m’assis finalement de l’autre côté de la table.
– On a réussi à installer le virus de Michael comme prévu. Tous les documents confidentiels dont nous avions besoin ont été récupérés, y compris ceux en version papier. Concernant les armes, tout a été envoyé à Richard. Il les a bien reçues ?
– Oui, acquiesça d’abord mon père, en revanche, il a été très surpris par la quantité. J’ai donc examiné les rapports et il est vrai qu’on en attendait beaucoup plus.
Je me retins de lever les yeux au ciel. Bien sûr il n’avait pas pu s’en empêcher. Il avait fallu que Richard se plaignît auprès de mon père plutôt que de moi, comme si j’étais irresponsable et incapable de régler le moindre problème. Jusqu’ici, l’aide de Richard, le père de vous savez qui, s’était montrée plus que précieuse et je devais bien féliciter mon propre père pour cette alliance. Néanmoins, il avait tendance à voir ce dernier comme en charge de tout alors que j’étais celle qui me démenait jour et nuit pour mener à bien notre plan. Mon père travaillait également, c’était indéniable, mais sa partie du contrat ne mettait pas directement sa vie en danger.
– Tu sais bien que les missions ne se passent pas toujours on l’espérait, rétorquai-je finalement sans fuir son regard.
Chaque trait de son visage était sévère et il ne faisait même pas d’effort pour cacher son envie de me frapper.
– Je sais, oui, fit-il avec insistance, ce que j’aimerais savoir maintenant c’est qui à foirer.
Je voulus instantanément lui demander ce que cela changeait, mais je sentais ce serait le pousser à bout. Le voyant scruter les visages de chaque membre de mon équipe avec suspicion, je m’empressai de mettre fin à ce calvaire.
– C’était…
– ...C’était moi, M. Hamilton, me coupa brusquement Trevor. J’avais la vision brouillée par les gaz mais j’ai quand même voulu tenter ma chance. De toute évidence, j’ai raté ma cible.
Je restai un instant sans voix, surprise que Trevor eût ainsi prit le blâme pour moi. Je cherchai à croiser son regard pour savoir à quoi il jouait, mais il resta parfaitement concentré sur mon père, malgré l’air suspicieux de ce dernier.
– De toute évidence, répondit-il finalement. Eh bien vous êtes suspendu des missions des pendants deux semaines, à la place vous protégerez Victor.
Tous les membres de mon équipe me lancèrent des regards furtifs tandis que je fronçai moi-même les sourcils. J’étais pourtant persuadée d’être la seule à utiliser ce moyen de pression.
– Il est en séminaire presque toute la première semaine, ça promet d’être ennuyeux à mourir, ajouta mon père. En attendant, je trouverai un remplaçant.
Avant même que je ne pusse protester, il fit signe à tout le monde de sortir, exceptée moi. Je parvins à me retenir de hausser le ton jusqu’à ce qu’ils fussent tous sortis, les poings serrés.
– C’est hors de question ! m’écriai-je fermement en repoussant mon siège. On était d’accord là-dessus, je suis la seule à choisir qui part en mission avec nous et O’Brien est un de nos meilleures éléments !
Pour être précise, il s’agissait même d’un article stipulé dans notre contrat. En revanche, cela semblait être la dernière préoccupation de mon père.
– On était aussi d’accord pour ne pas faire exploser les trois quart des munitions dont on avait besoin ! s’exclama-t-il en se levant à son tour. Et aux dernières nouvelles, je suis celui qui paie tes précieux Soleils, alors je participerai à la décision un point c’est tout ! Tu te passeras d’O’Brien pour les deux semaines à venir.
Je serrai la mâchoire et croisai les bras sur la poitrine, sachant pertinemment qu’il s’agissait déjà de son dernier mot.
– Si quelque chose tourne mal, tu en seras responsable.
– C’est ça, soupira-t-il en se rasseyant.
Je secouai la tête et me retournai pour sortir lorsqu’il déclara encore :
– Je n’ai pas fini.
La possibilité de lui envoyer quelque chose à la figure me vint sérieusement à l’esprit.
– J’ai remarqué la présence de Jeremy Scandola à notre vente aux enchères vendredi dernier.
Je me raidis immédiatement et en oubliai ma pensée précédente.
– J’ai depuis appris qu’il travaillait pour Brian Thompson.
– Je sais.
– Et ? me fit-il en haussant les sourcils.
Je décroisai les bras et levai fièrement le menton.
– Et rien. Il n’y a que Thompson qui a de l’importance dans cette affaire.
– Bien. Je ne tolérerai pas qu’il devienne un problème.
Un petit rire sarcastique m’échappa.
– Au moins sur ce point, on est d’accord.
Sans un mot de plus, je quittai la salle de contrôle en prenant soin de claquer la porte derrière moi. Peu de personne m’horripilait autant que mon père. Cela devait être génétique. Pourtant même ma mère n’était pas aussi difficile à vivre. Le fait qu’elle quittait toujours une pièce dès que j’y entrais et qu’elle m’ignorait le plus possible devait y être pour quelque chose. Victor et elle était vraiment les mêmes. Leurs égos surdimensionnés et leur mépris à l’égard du reste du monde sans distinction les rendaient absolument détestables.
Je redescendis rapidement au deuxième étage et eût l’agréable surprise de trouver Trevor au pieds de l’escalier.
– Pourquoi est-ce que tu as fait ça ? lui demandai-je tout de suite. C’était ma faute.
Trevor haussa les épaules avec un petit sourire.
– Protéger Victor ne me paraît si terrible, pour toi je sais que c’est différent.
Ses yeux bruns étaient doux et il fût évident qu’il avait vraiment tenu à faire ce geste pour me faciliter la vie.
– Il ne m’aurait jamais assignée à sa protection, rétorquai-je, je suis Soleil en chef sur le terrain, il a besoin de moi.
Trevor fronça légèrement les sourcils.
– Je ne prendrais pas trop sa confiance pour acquise si j’étais toi. Il a peut-être arrêter de te faire surveiller, mais il n’a pas oublié que tu n’as pas grandi ici et que tu as passé 6 ans à le haïr de tout ton être.
J’avais parfois le sentiment qu’il comprenait mieux que moi les rouages de ma propre famille détraquée.
– Peut-être bien, admis-je avec résignation. Mais maintenant tu vas te faire chier toute la semaine à cause de moi.
– Vois plutôt ça comme vacances ! s’exclama Trevor avec un grand sourire. Je serai parfaitement reposé à mon retour.
Je ne pus m’empêcher de lever les yeux au ciel.
– Tu parles… C’est si tu meurs pas d’ennui avec Victor.
Il me donna immédiatement une frappe amicale à l’épaule.
– Tu es dur avec lui !
– C’est vrai, j’oublie sans cesse que tu as plus ou moins grandi avec lui.
Il se trouvait que Trevor avait une histoire un peu particulière avec la famille Hamilton. Il était le fils d'une de nos femmes de chambre, seulement arrivée après mon propre départ pour Minneapolis. Il n'avait qu'un an de moins que Victor et Sophia, mais contrairement à eux, il était devenu un fils du Soleil. Sa mère n'avait pas les moyens de l'envoyer en pensionnat alors elle l'élevait seule, plus ou moins en cachette. Un jour, mon père avait surpris Trevor autour des écuries et il s'était pris d'affection pour lui. Il avait décidé de payer ses frais de scolarité peu après ça et il lui avait promis un emploi chez nous après ses études. J’ignorais complètement d’où venait cet élan de générosité, mais le fait était que Trevor lui devait beaucoup. Pendant un moment, il était revenu chez nous à chaque vacances, il avait passé beaucoup de temps avec Trevor et Sophia. Leur propre vie sociale était assez limitée à cause de l'exigence de mes parents. Il était ainsi bien plus proche d’eux que je ne l’étais.
– C’est beaucoup dire, répondit ce dernier, mais j’étais là à ses premières cuites et ses premiers joints. Victor n’a pas toujours été ennuyeux.
Je me demandais sincèrement ce qui avait bien pu se passer pour qu’il devînt finalement si rigide et condescendant, mais je ne l’aurais jamais avoué.
– J’ai du mal à le croire, étonnamment, répondis-je donc en riant.
Trevor fit un pas vers moi et planta son regard dans le mien.
– Essaie de ne pas faire trop de bêtise pendant mon absence.
Je fis moi-même un pas vers lui.
– Essaie d’en faire le plus possible à ma place.
– Je ferai de mon mieux, souffla-t-il avec un sourire sincère.
Je lui tendis finalement une main.
– Alors bon courage.
– Également.
Trevor pris ma main dans la sienne et la serra à la fois avec force et tendresse. J’étais toujours aussi émerveillée devant ma peau si claire contre la sienne si foncée allant parfaitement ensemble. Contrairement au feu et à la glace qui se combattait, le blanc et le noir se complétait.
– À quoi penses-tu ? me demanda Trevor dans un murmure.
En redressant la tête pour rencontrer son regard, je réalisai que seulement quelques centimètres nous séparaient encore.
– Je…
Avant même que je pusse formuler la moindre réponse, il me tira vers lui et écrasa ses lèvres sur les miennes. Naturellement, je passai mes bras autour de sa nuque et me pressai contre lui. Il me plaqua ensuite contre le mur et glissa ses mains sous ma veste, laissant des frissons me parcourir le corps là où ma peau nue touchait la sienne. L’écho de pas de plus en plus proches nous rappela où nous étions et nous nous empressâmes de trouver une pièce fermant à clé. Cela s’avéra être une de nos buanderies et par chance, tout le linge était propre.
– Tu as beaucoup trop de vêtements, Hamilton, chuchota Trevor contre mon oreille.
Je lui lançai un regard provocateur, sentant déjà mon corps se réchauffer.
– Alors tu n’as qu’à les enlever, O’Brien.
Il sourit et fit glisser ma veste de mes épaules.
– À vos ordres, chef.
Très bientôt, les siens disparurent aussi et je dus faire de mon mieux pour faire le moins de bruit possible.
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Hey! Petit chapitre de transition avant de revenir en force la semaine prochaine 😉
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