I - Chapitre 47
Jeremy
On me conduisit dans une autre pièce aux murs blancs un peu plus loin dans le couloir. On m'y soigna les mains, bien que je ne sentais presque pas la douleur tant j'étais dans un état secondaire proche de l'inconscience, et on me laissa échanger mes vêtements tâchés de sang pour des propres. Je n'avais pas la moindre idée que ce qu'ils allaient faire de moi, et honnêtement, je n'arrivais même pas à m'en inquiéter. Mon monde venait d'être transpercée de piques de glace et je n'avais rien pu faire pour le sauver.
On m'entraîna ensuite jusqu'au rez-de-chaussé de la maison. J'aperçus pour la première fois depuis plusieurs jours la lumière du jour à travers les portes vitrées qui donnaient sur un petit porche. Mes yeux n'y trouvèrent pas la moindre beauté. Elle venait de disparaître sous mes yeux.
- Jeremy Scandola ! s'exclama une voix masculine dans mon dos.
Je me retournai lentement, sachant parfaitement à qui j'allais faire face. La haine joignit la douleur dans mon regard. Arthur Hamilton avait peu changé depuis notre première et dernière rencontre en personne, un an plus tôt. C'était un homme relativement grand et assez en forme pour son âge, bien que son ventre semblait avait pris légèrement du volume sous son costume parfaitement repassé. Ses cheveux étaient également d'un blond un peu plus prononcé que dans mes souvenirs, probablement pour remédier au fait qu'il grisonnait. Ses yeux... Ses yeux étaient à la fois comme ceux de Savannah et complètement différents. Dans leur forme et leur couleur, ils étaient très semblables, mais ceux de ma bien-aimée était plein d'affection et d'étincelles d'audace là où ceux de son père était plein de condescendance et de mépris.
- Ravi de vous voir à nouveau sur pieds, déclara-t-il en souriant.
Dès qu'il fut suffisamment proche, j'utilisai une de mes mains fraîchement guérie pour écraser mon poing sur sa mâchoire. Cela ne m'apporta même pas autant de satisfaction que je l'espérais. Ses hommes, jamais bien loin, avaient tous fait un pas vers moi avec un air menaçant. M. Hamilton leur fit bientôt signe de reculer, se massant encore la mâchoire. Il se redressa ensuite avec assurance et haussa un sourcil.
- Voilà qui est peu cordial et non mérité, à mon humble avis.
Mon visage dut être déformé par une grimace de dégoût et de rage.
- Non mérité !?
Il écarta les bras d'une manière défensive.
- Je ne vois pas ce que vous me reprochez, Scandola, j'ai tenu ma parole.
Je dus me retenir de toutes mes forces de le frapper à nouveau.
- Vous aviez jurer de libérez l'un d'entre nous si nous battions vos Soleils et nous l'avons fait ! m'écriai-je, les dents serrées.
Qu'il essayât de se défendre me paraissait absurde et me mettait encore davantage hors de moi. Le voile de choc qui avait engourdi mes sens un peu plus tôt se dissipait peu à peu et je recommençai à sentir chaque émotion avec une intensité assourdissante, aussi bien la peine que la colère.
- C'est pour cette raison que vous êtes là, Scandola. Je vous libère, fit-il légèrement en désignant les portes derrière moi.
Mon regard resta rivé sur lui avec mépris. Il devait trouver cela très drôle.
- J'aime me considérer comme un homme d'honneur, voyez-vous, alors comme promis, je libère l'un de vous. Je n'ai jamais rien dit concernant le sort de l'autre.
- Vous avez tué votre propre fille ! lui hurlai-je au visage, la gorge de plus en plus serrée. Comment avez-vous pu ? Il y a encore quelques semaines, vous vouliez désespérément que je vous la livre en vie.
M. Hamilton joignit les mains devant lui et redressa le buste avec assurance.
- Je n'ai pas à me justifier auprès de vous, Scandola. En revanche, je peux vous féliciter pour votre travail. Elle s'est bien battue. Ce n'était pas suffisant bien sûr, mais je vous accorde au moins ça.
Instinctivement, mon poing se leva à nouveau à hauteur de son visage, mais il l'intercepta cette fois-ci de son avant-bras et fit un pas vers moi.
- Vous devriez me remercier, murmura-t-il à quelques centimètres de mon visage. Je vous ai donné de quoi mettre votre famille à l'abri et je vous ai même laissé avoir vos petites vacances avec ma fille avant d'y mettre fin. Il va de soi que je ne vous avais pas payé pour partager son lit, mais ça s'est finalement bien goupillé. Les gens amoureux font les erreurs les plus stupides.
Je reculai de quelques pas, au bord des larmes, au bord du gouffre et au bord de tout ce dont il était possible d'être. C'était un monstre. Il m'avait arraché ce que j'avais de plus cher et il voulait que je l'en remerciasse. Comment pouvait-on être aussi insensible ? Comment pouvait-on assassiner son propre enfant, la chair de sa chair ? Je savais qu'il avait été affreux avec elle au cours de son enfance. Il l'avait délaissée, humiliée, frappée, et malgré tout, j'avais du mal à croire qu'il n'avait jamais ressenti le moindre amour pour elle. Pourtant, il se tenait aujourd'hui devant moi, n'éprouvant pas d'émotion face à sa mort.
- J'ai peur de ne pas pouvoir vous contredire à ce sujet, répondis-je finalement en m'efforçant de ne pas laisser paraître à quel point j'étais troublé. Mais une vie sans amour, ce n'est pas une vie. Vous en êtes la preuve vivante. Vous manipulez et blessez les gens, ça vous donne sûrement l'impression d'être fort, mais la vérité c'est que vous êtes terrifié à l'idée de perdre le contrôle. Vous êtes terrifié à l'idée d'aimer parce que vous savez que ça demande du courage et vous en êtes dépourvus. Alors vous faites semblant. Votre vie toute entière n'est qu'une vaste blague.
M. Hamilton resta d'abord silencieux, un air neutre sur le visage, puis il prit une grande inspiration avant de soupirer.
- Si seulement j'en avais quelque chose à faire de votre opinion, Scandola... Néanmoins, détrompez-vous. Il m'est arrivé d'aimer. Et en toute honnêtement, c'est bien l'une des erreurs les plus stupides que j'ai pu commettre.
Je ne pus m'empêcher de rire avec sarcasme.
- Ça je n'ai aucun mal à le croire. Se faire larguer fait mal, n'est-ce pas ?
Il perdit son sourire suffisant.
- Je...
- Ne vous embêtez pas à le nier, le coupai-je sèchement, je sais que vous l'aimiez sincèrement, que vous vous compreniez, que vous vous vouliez vieillir ensemble blabla en fin de compte sa réponse à votre demande en mariage a été de vous abandonner. Aïe.
Contrairement à moi, M. Hamilton était expert pour garder son sang-froid. Il parvint à garder la même distance qui nous séparait et à avoir l'air détendu.
- On ne peut uniquement juger une histoire sur la manière dont elle s'est terminée. Malgré tout ce que vous pouvez croire, ce que j'ai vécu était bien plus réel que ce que vous pensiez avoir avec ma fille. Ne réalisez-vous pas qu'elle vous utilisait pour survivre ? Vous étiez sa meilleure option, rien de plus. Et maintenant vous vous retrouvez seul, le cœur brisé, pitoyable.
Je dus fermer un instant les yeux pour ne pas laisser ses mots m'atteindre. De toute évidence, tous les moyens étaient bons pour me blesser, mais il aurait fallu bien plus que ça pour me faire croire que Savannah n'avait fait que me manipuler. C'était sa manière à lui de régler ses problèmes et elle était si différente et tellement meilleure que lui.
- C'est vrai, mais vous avez tort sur un point : je ne suis le seul qui mourra seul et le cœur brisé.
- Quoi qu'il en soit, soupira-t-il en frappant dans ses mains, il est temps de nous séparer, Scandola. Étant donné que nous sommes pour ainsi dire au milieu de nulle part et que je ne suis pas assez stupide pour vous laisser une chance de retrouver la localisation de cette maison, mes hommes vont vous conduire chez vous en jet avec un bandeau sur les yeux. J'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénient ? Parfait.
Un jeune domestique s'approcha alors doucement de M. Hamilton, un plateau à la main contenant une enveloppe, attirant son attention.
- Ah oui, j'allais oublier ! fit-il en récupérer l'enveloppe avant de la lancer vers moi.
Par réflexe, je la rattrapai.
- Voilà les dernières semaines de salaire que je vous devais. Je déteste avoir des dettes.
Je baissai les yeux sur l'enveloppe remplie de billets. Comment avais-je pu travailler pour cet homme ? Comment avais-je pu manquer d'autant de jugement ? Je redressai froidement la tête.
- Je ne veux pas de votre argent.
- Ne faites pas le difficile. Votre sœur est mère désormais et il me semble que vous êtes un de ses seuls clients, vous perdre serait terrible. Par ailleurs, je m'excuse pour l'état dans lequel s'est retrouvé votre voiture de location, c'est l'inconvénient des hélicoptères, mais ceci devrait vous aider à payer les réparations.
Ne supportant plus d'entendre un mot de plus de sa part, je lui tournai le dos et partis en direction de la sortie d'un pas décidé. Une main sur la poignée dorée, je m'arrêtai. Je détestais l'idée qu'il eût le dernier mot. Alors je me retournai et le regardai droit dans les yeux une dernière fois.
- Un jour vous paierait pour ce que vous avez fait.
J'ouvris ensuite la porte et me retrouvai sur le porche, aveuglé quelques secondes par le soleil haut dans le ciel. Savannah aurait dû être celle à revoir cette lumière. Je descendis rapidement les marches et à peine eus-je commencé à marcher sur le gravier que j'ouvrai l'enveloppe et lançai dans les airs les billets de Hamilton. Pour rien au monde je n'aurais accepté cet argent après ce qu'il venait de faire.
Un jet m'attendait en effet un peu plus loin. Je montai sans prononcer le moindre mot et ne luttai pas lorsqu'on me passa un bandeau autour des yeux. Pendant les heures qui suivirent, je tentai de me concentrer pour deviner où nous étions et tenter de comprendre quelles avaient bien pu être les intentions de Hamilton depuis le début. En réalité, tout ce qui s'était produit au cours des derniers jours me paraissaient incroyablement flous et indistincts. Je n'arrivais pas encore réellement à y croire. Alors je pensais à tout sauf à ce qui me ferait m'effondrer dès que j'y accorderais des pensées.
D'une manière ou d'une autre, je me persuadai qu'elle serait à la maison aux côtés de ma famille lorsque je rentrerais. Elle me sourirait chaleureusement et me ferait un clin d'œil malicieux à défaut de pouvoir m'embrasser devant les autres. Elle danserait avec Stella, elle chanterait avec Raphaël, elle câlinerait mon neveu avec Marina et Harry et elle cuisinerait avec ma mère et Paul. Elle serait pleine de vie et rayonnante sans le moindre effort. Elle me ferait languir pour le moment où nous pourrions à nouveau nous retrouver juste tous les deux, corps contre corps. Elle ne me quitterait jamais.
Mes rêveries furent interrompues lorsqu'on ôta le bandeau de mes yeux. Je reconnus immédiatement ma Corse natale à travers le hublot et observai notre descente vers un terrain où le jet atterrirait en sécurité. Une fois à terre, je me mis faiblement en route pour le village non loin de là. Le souvenir de nos promenades main dans la main sur la plage au coucher du soleil s'imposa à mon esprit. Le reflet de cuivre de ses cheveux, la chaleur de sa peau, la mélodie de ses rires, les étincelles de son regard. Ils me semblaient encore si proches.
Lorsque j'arrivai enfin à hauteur du portail de la maison, je sonnai pour annoncer ma présence puis avançai. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit à la volée et laissa apparaître ma mère.
- Jeremy !
Je me mis immédiatement à chercher les autres du regard. Je m'attendais à ce que Stella bousculât ma mère pour courir vers moi et se jeter dans mes bras, à ce que Paul sortit avec un sourire de bienvenu, à ce que Raphaël débarquât en pyjamas, à ce que Marina et Harry sortissent avec un nourrisson dans les bras et surtout, surtout, à ce que Savannah se frayât un chemin à travers eux pour que l'océan de ses yeux se posât sur moi et fît disparaître tout le reste. Mais la porte se referma derrière ma mère et personne d'autre ne sortit de la maison.
Une expression très inquiète sur le visage, elle se rapprocha de moi et comprit vite que quelque chose n'allait pas. Moi je continuai de chercher partout Savannah du regard. Peut-être était-elle au balcon de la chambre. Peut-être était-elle dans la piscine. Peut-être était-elle sur le toit. C'est alors que cela me frappa. L'image de son corps sans vie baignant dans une marre de sang. Ce fut comme être frappé en plein cœur avec toute la puissance du monde.
Ma mère avait depuis longtemps lu sur mon visage la réponse à sa propre question concernant Savannah et je finis par m'effondrer dans ses bras. J'y pleurai et y hurlai de douleur de manière incontrôlable. Elle me serra contre elle de toutes ses forces, murmura à mon oreille de lâcher prise et pleura elle-même à chaudes larmes pendant ce temps. Une bonne heure passa avant que mes sanglots ne se calmassent et elle finit par me conduire jusqu'à ma chambre. Je continuai d'y souffrir jusqu'à ce que le sommeil m'arracha péniblement à la douleur.
Le jour même, Marina et le bébé sortait de l'hôpital à Ajaccio et le reste de ma famille les ramenèrent à la maison. J'étais dans un état de demi-conscience lorsque j'entendis ma mère les accueillir et leur apprendre que j'étais rentré. Stella et Marina voulurent se précipiter à l'étage pour me voir mais ma mère les en empêcha. Au même moment, Raphaël lui demanda où était Savannah. Ils prirent chacun la nouvelle à leur façon. Stella et Marina ne tardèrent à pleurer, l'une parce qu'un nuage venait d'assombrir son monde ensoleillé pour la première fois et l'autre parce la naissance venait de la laisser dans un état d'hypersensibilité. Raphaël resta parfaitement muet, probablement sous le choc. Paul demanda à ma mère ce qu'il s'était passé mais elle n'avait aucune réponse à lui offrir. Harry se chargea d'emmené son fils à l'étage pour les laisser se remettre de l'émotion.
Un à un, ils tentèrent de venir me voir, mais j'étais incapable de leur faire face. Seule ma mère osait entrer pour déposer des plateaux de nourriture qu'elle récupérait toujours intacts ensuite. Je n'avais aucune intention de les blesser en refusant de les voir, je voulais seulement leur épargner mon état. Je ne quittai pas mon lit de la semaine, à l'exception du temps d'une douche qui ne m'avait en rien soulager. Les draps qui portaient encore son odeur étaient trempés de mes larmes et j'avais l'impression de n'être rien d'autre qu'une épave. Je n'avais pas la moindre force, ni la moindre envie. Je passais réellement plus de temps à fixer le plafond ou le vide qu'à dormir et la lumière du jour m'était devenue intolérable.
Au cours des rares minutes de sommeil que je parvenais à obtenir, je ne voyais qu'elle. Je la voyais se battre contre les hommes de son père. Je la voyais me sourire avec amour avant de ressentir la glace traverser sa chair, ses os et ses organes. Je la voyais tomber à genoux puis ramper vers moi, une main pressée sur ses blessures pour stopper le flot abondant de sang. Je la voyais mourir sous mes yeux. Encore et encore. Je me réveillais en sueur, les joues humides de larmes salées et la gorge si serrée qu'aucun son, même de douleur, ne pouvait en sortir.
Un jour, Marina entra dans ma chambre, son bébé emmailloté dans une couverture dans les bras. Je me retournai pour ne pas lui laisser voir mon visage et lui faire comprendre que je n'étais pas en état pour de la compagnie, mais celle-ci referma la porte derrière elle malgré tout et se rapprocha du lit. Elle s'y allongea et déposa délicatement mon neveu entre nous. Nous restâmes ainsi silencieux pendant un moment, jusqu'à ce que des gazouillements rompirent le silence.
- Jeremy, murmura alors ma grande sœur, je suis tellement désolée. Je sais à quel point tu l'aimais.
- Tu ne sais rien, répondis-je dans un souffle avec désespoir.
- Tu n'as jamais rien dit, c'est vrai, mais je t'ai vu avec elle. J'ai vu la manière dont tu la regardais, la manière dont tu lui souriais, la manière dont tu la touchais. Tu l'aimais de tout ton cœur, petit frère, et elle t'aimait. Tu veux savoir comment je le sais ?
De nouvelles larmes coulèrent le long de mes joues.
- Elle te regardait de la même manière. Ce n'était pas la peine de nous le cacher, Jeremy. On t'aime et on n'en a jamais rien eu à faire que tu étais son mentor et elle ton élève. À la minute où tu l'as ramenée parmi nous on a su que vous étiez bien plus que ça l'un pour l'autre et...
- Marina, l'interrompis-je d'une voix enrouée, je sais que tu veux seulement m'aider à aller mieux, mais là tout de suite...
Je dus réprimer un sanglot pour pouvoir finir ma phrase.
- ...là tout de suite ça fait juste encore plus mal.
Je me retournai, ne supportant plus la vue de mon petit neveu, si innocent et si pur. Je sentis Marina se lever du lit. Quelques secondes plus tard, elle ouvrit en grand les rideaux et les rayons du soleil inondèrent la pièce. Je serrai les draps dans mes poings tremblants tandis que mon corps était secoué de sanglots.
- Jeremy, insista-t-elle fermement en revenant s'asseoir près de moi. Jeremy, regarde-moi !
Je me tournai lentement vers elle à contrecœur. Son regard était à la fois dur et rempli d'affection.
- Je sais que tu n'as jamais autant souffert et que tu as l'impression que c'est la fin du monde, mais ça ne l'est pas. Savannah t'aimait et elle n'aurait pas voulu que tu restes enfermer ici à la pleurer, j'en suis certaine.
- Tu ne l'appréciais même pas, soupirai-je en l'entendant parler en son nom.
- C'est faux ! rétorqua-t-elle en plantant son regard dans le mien. Je ne la connaissais pas et je ne la comprenais pas alors j'avais peur. J'avais peur qu'elle te fasse mal, petit frère. Mais j'avais tort, tellement tort. Tout ce que j'ai toujours souhaité pour toi c'est que tu sois heureux et que tu trouves la personne avec qui tu veux passer le reste de ta vie. Il m'en a fallu du temps, c'est vrai, mais jamais je n'ai été aussi persuadée que Savannah était celle dont tu avais besoin. Elle te faisait rire comme personne d'autre et surtout elle te faisait rêver. Et tu n'as pas idée qu'à quel point ça me met hors de moi qu'elle t'ait été arrachée aussi tôt. Mais comme tu l'as fait après avoir perdu Tom, tu vas guérir et avec le temps tu trouveras la force de te battre pour la rendre fière.
Si les choses tournent mal, promet-moi que tu baisseras pas les bras et que tu continueras de te battre pour rendre ce monde meilleur, même si je ne suis pas là pour le voir.
Il s'agissait de ses propres mots. Je savais que Marina avait raison et j'avais promis à Savannah, mais...
- Je ne suis pas sûr d'en être capable, avouai-je douloureusement.
- Tu l'es, Jeremy, insista ma sœur, tu es si fort. Maintenant, regarde-le.
Je détournai le regard, ce qu'elle me demandait étant au-dessus de mes forces.
- Regarde ton neveu. James.
Lentement, je parvins à poser mon regard sur la petite frimousse qui dépassait de la couverture. Ses yeux étaient clos. Il avait un tout petit nez et de toutes petites lèvres roses. Si Savannah avait été là, elle n'aurait pas pu s'empêcher de caressait sa peau douce d'un doigt délicat et de lui sourire avec adoration. Mais elle n'était pas là.
- Si mon fils est en vie aujourd'hui c'est grâce à Savannah, reprit ma sœur. Elle a donné vie à ce petit être merveilleux parce que nous avons besoin de joie et d'espoir pour nous aider à surmonter le plus dur. Tu y arriveras, Jeremy, et on sera là à chaque instant pour te soutenir et te rappeler à quel point tu es toujours aimé.
Marina prit le petit James dans ses bras et s'éloigna vers la porte.
- J'espère te voir en bas avec nous pour le dîner. Si tu n'y arrives pas, ce n'est pas grave, mais je vais continuer de venir te voir jusqu'à ce que tu y arrives.
Ce soir-là, je parvins à descendre et à venir à table avec toute ma famille. L'atmosphère était lourde malgré leurs efforts pour se comporter comme d'habitude. Je ne prononçai pas un mot et je ne pris pas plus de quelques bouchées de mon assiette. Je remontai ensuite dans ma chambre et me recouchai. Plutôt que de fixer le plafond, je pris le temps de réfléchir aux paroles de Marina et surtout à celle de Savannah.
Promet-moi que tu baisseras pas les bras et que tu continueras de te battre pour rendre ce monde meilleur, même si je ne suis pas là pour le voir.
Rendre ce monde meilleur. C'était la raison pour laquelle Tom et moi avions rejoint l'armée six ans plus tôt. Cela semblait remonter à une éternité. Et aussi parce qu'on avait aucune idée de ce que nous voulions faire après le lycée, mais ça c'était un peu moins glorieux à admettre.
Je sortis du lit et ouvris un des tiroirs de la commode. Mon regard se posa immédiatement sur une petit boîte couverte de velours noir. Je soulevai le couvercle et la lumière du clair de lune vint se refléter sur la plaque militaire de Tom. Le métal était froid sous mes doigts et cela me procura la lucidité dont j'avais manqué toute la semaine pour prendre la moindre décision. Désormais, je savais quoi faire.
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