Épilogue
Savannah
5 ans plus tard
Je retins mon souffle dans l’attente que le juge prît enfin sa décision.
– Au vu des preuves qui ont été portées à mon attention, je retire officiellement à Monsieur et Madame Taylor la garde de leurs deux enfants. Ces derniers seront dès à présent placés en famille d’accueil le temps d’être adoptés ou d’atteindre leur majorité. La famille d’accueil sera dans l’obligation de s’assurer qu’ils aillent à l’école jusqu’à l’âge obligatoire. Concernant la famille en question, j’ai bien étudié le dossier approuvé par les services sociaux que vous m’avez adressé, Maître Hamilton, et je confie ainsi la garde de Chloe et Astrid Taylor à Monsieur et Madame Ridings qui deviendront leurs responsables légaux jusqu’à nouvel ordre. Un assistant social sera attribué à ce dossier et veillera au bon déroulement des conditions posées par ce changement de garde.
Lorsque que le juge frappa de son marteau, je pus pousser un long soupir.
– Merci, Votre Honneur.
Je me retournai enfin vers Chloe et Astrid pour les prendre dans mes bras.
– C’est fini, les filles, murmurai-je avant de déposer un baiser sur le front de chacune. Ce soir, vous serez avec votre nouvelle famille.
Chloe et Astrid étaient deux sœurs Lunes que nous étions parvenus à sauver d’une situation familiale abusive grâce aux témoignages de leurs voisins. Les enfants de ces derniers avaient remarqué que les filles ne venaient plus à l’école et qu’elles portaient des traces de coups les rares fois où ils les voyaient encore. C’était encore malheureusement ce qui se produisait dans un certain nombre de foyers lorsque les enfants atteignaient l’âge de la transformation et qu’ils devenaient Lunes. C’était ce contre quoi je me battais chaque semaine au tribunal pour enfants.
Quelques années plus tôt, j’avais pris la décision de m’engager dans des études de droit, parallèlement à mon travail humanitaire, afin de faire une différence pour le plus d’enfants possibles, qu’ils fussent Soleils ou Lunes. Le racisme continuait tristement d’exister encore des siècles après l’abolition de l’esclavage et des lois l’interdisant, ainsi de la même manière, il allait falloir encore un peu de temps avant que l’on ne considérât les humains, les Soleils et les Lunes comme égaux. Mais c’était un combat que je mènerais jusqu’au bout.
Après m’être assurée que Chloe et Astrid repartiraient bien du tribunal avec les bons parents d’accueil, je quittai la salle d’audience et regardai aussitôt mon téléphone pour être au courant des dernières mises à jour sur mes autres dossiers. Dans les couloirs du tribunal, je tombai justement sur une de mes associées.
– Savannah ! s’écria-t-elle en me voyant. Qu’est-ce que tu fais encore là ?
Je haussai les sourcils en sentant la réprobation dans sa voix.
– Je n’ai plus le droit d’exercer mon métier ? demandai-je avec amusement.
– Pas aujourd’hui, non ! rétorqua-t-elle sévèrement. Tu devrais déjà être à l’aéroport ! Que se passera-t-il si tu rates ton avion ?
Je jetai un coup d’œil à mon téléphone pour voir l’heure. Certes, je n’étais pas en avance…
– Je prendrai le suivant ? fis-je naïvement.
Ella me donna un coup à l’épaule et me prit mon sac et tous mes dossiers des mains.
– Tu arriveras en retard au dîner de répétition, voilà ce qui se passera et il n’en est pas question ! On a déjà fait tous les arrangements nécessaires pour gérer tes affaires en cours avec les autres, alors maintenant tu pars !
– D’accord, d’accord ! acceptai-je avant qu’elle ne me donnât un coup de pieds pour me faire sortir de là.
Elle leva les yeux au ciel face à mon attitude.
– Dis-moi que Jeremy est déjà en route lui.
– Oui, il a pris un avion cette nuit, la rassurai-je alors qu’elle m’accompagnait vers la sortie.
– Au moins un de vous est raisonnable. Et ta robe ? me demanda-t-elle avec panique. Tu n’as plus le temps de repasser chez toi la chercher !
Je ne pus m’empêcher de rire.
– Respire, Ella !
Elle ne semblait pas le moins du monde amusée.
– On ne rigole pas avec la robe, Savannah ! insista-t-elle d’un ton culpabilisant.
– Je ne rigole pas ! me défendis-je. Sophia l’a emmenée pour moi, elle a pris l’avion qui était juste avant le mien.
Ma collègue poussa un long soupir de soulagement.
– Dieu merci… Quelle bonne demoiselle d’honneur !
Nous arrivions maintenant aux portes du tribunal alors j’étreignis rapidement Ella en guise d’au revoir.
– Bon courage !
– Bon mariage, poulette, me fit-elle avec un clin d’œil.
Je quittai enfin le tribunal et allai aussitôt appeler un taxi. Quoi qu’en disait ma collègue, je passai d’abord à mon appartement pour récupérer ma valise – déjà prête, heureusement – avant de me rendre à l’aéroport. En fin de compte, je ne fus presque pas en retard ! Je pus embarquée sans avoir à courir en traînant ma valise derrière moi et aussitôt fus-je assise à ma place que j’envoyai un message à tout le monde pour les rassurer. Comme quoi, aucun ne me faisait confiance pour être à l’heure, même à un événement aussi important.
Les six heures de vol se déroulèrent sans le moindre incident et les passagers ne manquèrent pas d’applaudir le pilote lorsque nous atterrîmes à Keflavik. Je ne pensais pas dire cela un jour, mais j’avais réellement hâte d’aller me geler les miches en Islande. Je traversais tout l’aéroport avec une excitation grandissante, sachant qu’un des chauffeurs de Lizzy m’attendait déjà pour m’emmener sur les lieux de la réception. J’étais sur le point de passer les portiques lorsque quelque chose, ou plutôt quelqu’un, attira mon attention, en plein milieu du hall. Une petite fille d’environ cinq ans était se tenait là toute seule, immobile, le nez levé vers le panneau d’affichage des vols. Et ce n’était pas n’importe quelle petite fille.
Je me rapprochai d’elle et constatai que je ne m’étais pas trompée.
– Victoria ! l’appelai-je en me précipitant vers elle.
Le visage de ma nièce s’illumina, simplement de joie de m’apercevoir mais en aucun cas parce qu’elle était soulagée.
– Tante Anna !
Je la pris dans mes bras avant de la regarder gravement.
– Où est ta mère ? Qu’est-ce que tu fais là toute seule ?
Et pourquoi personne ne s’était inquiété de voir une enfant de cinq ans toute seule dans un aéroport ?
– Tu savais…
Elle passa ses petites mains sur son visage pour se débarrasser des mèches blondes qui lui bloquaient la vue.
– Tu savais pourquoi Maman m’a appelée Victoria ?
Ma nièce me regardait avec ses habituels grands yeux bleus pleins de vivacité, et aussi perspicace qu’elle pouvait être du haut de son jeune âge, je ne savais pas si c’était une conversation que je pouvais réellement avoir avec elle.
– Il faut que j’appelle ta Maman, répondis-je donc à la place.
– C’est parce qu’elle avait un frère qui s’appelait Victor ! s’exclama-t-elle en tirant sur ma manche pour attirer mon attention. Du coup, toi aussi tu l’avais ?
Je rencontrai son regard si innocent et sincère et je ne pus continuer à l’ignorer. J’envoyai alors un rapide message à Sophia avant de ranger mon téléphone et de me pencher pour être au niveau de sa fille.
– Oui, je l’avais aussi, dis-je tendrement en caressant ses cheveux encore plus blonds que ceux de ma sœur.
Son visage prit alors un air plus triste.
– Maman a dit que je ne pouvais pas le rencontrer parce qu’il était trop loin au paradis.
Elle lança un regard vers le panneau d’affichage, même si elle ne savait pas lire.
– Je voulais juste voir s’il y avait un avion qui allait là-bas.
Mon cœur se serra comme il ne l’avait pas fait depuis longtemps. Je la pris finalement dans mes bras et la portai pour aller nous asseoir vers la zone d’attente. Même s’il avait la place, je le gardai sur mes genoux, serrée contre moi.
– Il te manque à toi aussi ? me demanda-t-elle avec curiosité. Des fois, j’entends Maman pleurer le soir. Tu penses qu’on peut aller le voir au paradis, tante Anna ?
Je continuai de caresser tendrement ses cheveux.
– Oh mon cœur… Moi aussi j’aimerais tellement aller le voir, mais ce n’est pas possible.
Elle fronça les sourcils, mécontente. Elle allait définitivement devenir aussi têtue que moi.
– Pourquoi ?
– Il n’y a pas d’avions qui y va, Vicky, tentai-je d’expliquer le plus simplement possible. Tu vois, avant Victor était ici, avec ta Maman et avec moi, mais quelque chose de terrible est arrivé…
Elle commençait déjà à ouvrir la bouche pour demander quoi.
– ... quelque chose que tu comprendras plus tard, ajoutai-je rapidement, je te le promets, et le fait est que Victor a dû partir pour que nous, nous soyons là aujourd’hui, en sécurité et en liberté. Mais tu n’as pas à t’inquiéter, parce qu’il est heureux au Paradis, il n’a aucun soucis là-bas !
– C’est vrai ? fit-elle avec la gaieté que je lui connaissais.
– Oui, c’est vrai.
Je savais bien qu’elle n’allait quand même pas s’arrêter là.
– Il peut aller à la plage et manger autant de glaces qu’il veut ? me demanda-t-elle sérieusement.
Je ne pus m’empêcher de sourire. Bien sûr, c’était ça son idée du bonheur.
– Il peut manger absolument toutes les glaces qu’il veut, à tous les parfums qu’il veut ! répliquai-je en la chatouillant.
– Même… Arrête ! Même cookie avec du chocolat fondu dessus ?
Je hochai la tête.
– Oui, même celui-là.
J’attendis patiemment sa prochaine objection.
– Mais il s’ennuie pas là-bas tout seul ?
– Victor n’est pas tout seul, répondis-je aussitôt, il est avec Trevor. Maman t’a parlé de lui ?
Vicky secoua la tête.
– Trevor était un ami à nous, lui expliquai-je, il a presque grandi avec Victor et ta Maman, moi je l’ai rencontré un peu plus tard, mais j’ai tout de suite su que c’était une personne formidable. Et tu sais quoi ?
– Quoi ? fit-elle avec impatience.
– Trevor et ton oncle s’aimait beaucoup, comme tes parents s’aiment, comme Nora et Morgan s’aiment et comme Jeremy et moi on s’aime. Ils sont partis ensemble au Paradis, alors tu peux être certaine qu’il ne s’ennuie jamais.
Ma réponse sembla la satisfaire, du moins pour un petit temps.
– Et toi et Tante Nora vous allez pas partir au Paradis, hein ?
J’avais en horreur de voir une telle inquiétude dans son regard innocent.
– On ne va nulle part, mon cœur, je te le promets. Ta Maman ne sera jamais seule, on sera toujours là, d’accord ?
Je levai son petit menton pour qu’elle me regardât droit dans les yeux.
– D’accord.
– Et la prochaine fois que tu l’entends pleurer le soir, tu sais ce que tu peux faire ?
– Quoi ?
– Tu peux aller la prendre dans tes bras et lui dire que tu l’aimes et que Victor n’est jamais loin parce qu’une part de lui est en Ben et en toi.
Elle fronça les sourcils, perplexe.
– Comment ça ?
– Juste ici, soufflai-je en posant ma main sur son petit buste, il est dans vos cœurs et il veille chaque jour sur vous.
– Tu crois que c’est grâce à lui que j’aime la glace au cookie avec du chocolat ? me demanda-t-elle avec beaucoup d’espoir.
Je ris doucement malgré moi.
– J’en suis certaine !
– Savannah ! m’interpella-t-on alors.
Je relevai la tête et aperçus ma sœur en train de courir vers nous, François et Ben non loin derrière elle. Je portai Vicky pour la reposer au sol et la regardai courir maladroitement vers sa mère qui la prit aussitôt dans ses bras.
– Oh mon bébé, murmura-t-elle la gorge serrée, j’ai eu si peur…
Je me levai et les rejoignis.
– Je t’ai déjà dit de ne jamais lâcher ma main quand on est dehors ! haussa le ton Sophia.
– Ne sois pas trop dur avec elle, lui chuchotai-je discrètement, je t’expliquerai.
Elle me fit confiance et hocha simplement la tête en réponse. J’en profitai ensuite pour saluer François et embrasser mon neveu.
– Comment vas-tu, mon petit Ben ?
– Je ne suis pas petit ! rétorqua-t-il vivement. Et j’aime pas ici, il fait trop froid.
Je haussai les sourcils avec surprise et me tournai vers François. Ce dernier soupira en secouant la tête.
– Ne cherche même pas… C’est l’adolescence avant l’heure.
Ma sœur reposa finalement Victoria, gardant tout de même sa petite main fermement enfermée dans la sienne.
– Et c’est à cette heure-ci que tu arrives, toi ? me fit-elle alors sévèrement.
J’écarquillai les yeux, ahurie.
– Heureusement que tu étais là, sœur chérie, merci ! répliquai-je ironiquement.
Sophia les yeux au ciel avant de tous nous entraîner vers la sortie, où le chauffeur nous attendait toujours.
– Si ce mariage ne tourne pas au fiasco, ce ne sera pas grâce à toi !
Quelques minutes plus tard, nous rejoignîmes enfin Lizzy et Charlie, ainsi qu’Alec et Jeremy, déjà installé au charmant hôtel où se tiendrait la réception en petit comité. Celui-ci se trouvait en plein milieu de la nature, au bord d’un lac, et quand bien même je devais rejoindre Ben sur le froid et la neige, il fallait admettre que le paysage était sublime. Le dîner de répétition se déroula bien sûr sans le moindre soucis et je ne manquais pas de frapper ceux qui firent un commentaire sur l’heure à laquelle j’arrivais. J’avais tellement hâte que le reste des invités arrivât et que l’on fût tous réunis.
Le lendemain, je me réveillais dès que les premières lueurs du jours percèrent les rideaux de la chambre, ce qui n’était en fin de compte pas un exploit puisque que le soleil se levait tard à cette période de l’année en Islande. Je m’habillai toute fois rapidement et ne descendis même pas rejoindre Jeremy et les autres pour le petit-déjeuner, mais me rendis directement dans la chambre de Lizzy. Je trouvai celle-ci en peignoir, les cheveux encore mouillés, assise devant le miroir de sa commode, en pleine réflexion. En m’apercevant dans le reflet, un sourire se dessina sur son visage et elle se leva pour venir à ma rencontre. Je ne pus m’empêcher de la prendre dans mes bras avec émotions.
– Ça y est, soufflai-je.
– Oui, ça y est, c’est le grand jour, fit-elle ensuite en prenant mes mains dans les siennes.
Je me pinçai les lèvres avec émotion.
– Je n’arrive pas à y croire… Tu te maries aujourd’hui, Lizzy !
Celle-ci leva les yeux au ciel et secoua nerveusement la tête.
– Mon Dieu, je me marie aujourd’hui !
– Comment te sens-tu ? lui demandai-je en l’entraînant vers le lit.
Nous nous assîmes ainsi face à face.
– Excitée et…nerveuse et...impatiente !
Son état frémissant me donnait envie de sourire jusqu’aux oreilles.
– Aucun doute alors ? Tout va bien ?
Lizzy prit une grande inspiration avant de hocher la tête.
– Tout est parfait, affirma-t-elle, c’est ce que je veux vraiment.
– Je suis si heureuse pour toi, soufflai-je avant de la reprendre dans mes bras.
Quelqu’un frappa alors à la porte.
– Oui ?
La tête de Jeremy apparût prudemment dans l’embrasure, comme pour s’assurer qu’il n’interrompait rien d’important.
– Entre, entre ! l’encouragea ma meilleure amie.
– En tant que témoin, je me dois de te prévenir que la manucure est là et qu’elle n’attend que toi, d’autant plus qu’après elle il y aura le coiffeur et la maquilleuse et qu’il faut absolument respecter le timing.
Je lui lançai dubitatif alors qu’il s’improvisait wedding planner et il me répondit aussitôt par un regard moqueur.
– Je suis prête ! déclara Lizzy. Merci, je savais que tu serais un témoin incroyable.
– Pas comme une certaine de tes demoiselles d’honneur, fit-il en grimaçant avant d’ouvrir la porte pour quitter la chambre en vitesse.
– Quoi !? m’écriai-je, offensée. Attends que je te retrouve, on verra si tu fais toujours le malin !
Bien sûr, il avait déjà refermé la porte derrière lui depuis longtemps et seule restait Lizzy pour se moquer de nous.
– Quel con celui-là, grognai-je.
– Mais tu l’adores ce con, remarqua Lizzy en me donnant un coup d’épaule.
Et elle avait parfaitement raison sur ces deux points : je l’adorais et il état un témoin incroyable. Parfois, j’avais encore du mal à croire qu’ils étaient devenus si proches tous les deux. Il m’arrivait même de ne pas aimer cela et d’être jalouse, mais pas jalouse comme on pouvait le penser, j’étais jalouse parce que Lizzy avait toujours été ma meilleure à moi et je voulais être la plus importante à ses yeux, après Charlie bien sûr, je ne pouvais pas être en compétition contre son futur mari. Mais la plupart du temps, j’étais surtout contente qu’ils s’entendissent aussi bien, après un début plutôt mitigé des deux côtés.
Pas moins d’une minute plus tard, quelqu’un débarqua pour s’occuper des ongles de Lizzy, puis à partir de là, ce fut une défilé complet d’autres personnes toutes à son petit soin pour rendre ce jour parfait. À la demande de la future mariée, et uniquement parce que c’était elle qui le demandait, j’acceptai que l’on s’occupât également de ma coiffure et de mon maquillage, bien que j’insistai tout du long pour que cela resta simple et naturel. Vint ensuite le moment pour nous d’enfiler nos robes. Moi, ma robe de demoiselle, et elle, sa sublime robe de mariée. Elle n’était en aucun cas extravagante ni particulièrement luxueuse, mais elle lui allait simplement à la perfection et faisait d’elle la plus belle mariée de tous les temps.
Bien sûr, Lizzy avait également veillé à ce que nos robes de demoiselles d’honneur fussent aussi très jolies et qu’elles plussent autant à Sophia qu’à moi. Il s’agissait de longues robe ni trop moulantes ni trop lâches, mais qui soulignaient parfaitement nos silhouettes, ornées d’une délicate dentelle, et dont le bleu clair mettait en valeur nos yeux.
Charlie avait quant à lui choisi Alec pour être son garçon d'honneur. Ce dernier avait fait un travail admirable concernant les nouvelles écoles et programmes scolaires et il avait toujours veillé à ne pas devenir ce directeur strict et lointain, mais à venir dans ses écoles rencontrer et parler aux enfants. Les refuges pour orphelins étaient de moins en moins nombreux, mais c'était toujours là qu'il préférait passer son temps et faire une différence. En fin de compte, il s'était avéré que c'était eux l'amour de sa vie.
C’était d’un commun accord que Lizzy et lui avaient désigné Jeremy comme témoin. Ce dernier avait été à leurs côtés tout au long de la première année qui avait suivi le coup d’État et la nouvelle présidence de Lizzy, et c’était cette fameuse année qui avait le plus mis leur couple à rude épreuve, mais de laquelle ils étaient ressortis grandis et encore plus amoureux l’un de l’autre.
Une heure avant le début de la cérémonie, je pris temporairement congé de ma meilleure amie pour aller accueillir le reste des invités avec Sophia. Pendant ce temps, François était déjà à l’intérieur de la salle de réception et avait la dure mission de contenir les jumeaux. Les premiers à arriver furent Jason et Lucy, la sœur d’Alex et Charlie. Je me permets ici de bien insister sur le « et » car oui, ils étaient ensemble depuis maintenant un an. C’était à la fois le couple qui nous avait vraiment surpris, mais en fin de compte pas tant que, car ils se complétaient parfaitement bien et se méritaient autant l’un que l’autre.
Arrivèrent ensuite Cameron et Kelly, avec qui nous avions repris contact ces dernières années à notre plus grand bonheur, d’autant plus qu’ils ne vinrent pas seuls, mais avec un petit bébé tout endormi dans son berceau : Matthew, mon… Existait-il un mot pour désigner l’enfant d’un cousin ? Probablement, mais passons. Ce qui comptait, c’était qu’il était adorable et le parfait mélange de ses parents.
Après eux, nous eûmes le plaisir de recevoir toute la famille Scandola ! Laura et Paul avaient pris grand soin de se mettre sur leur trente-et-un, Marina et Harry avaient de toute évidence fait un gros effort, mais avoir deux enfants en bas-âge à la maison ne semblait pas de tout repos, Raphaël était venu accompagné de sa copine, avec qui les choses paraissaient être sérieuses mais nous n’étions pas censés en parler pour ne pas lui porter la poisse, et enfin, Stella était plus belle et plus accomplie que jamais, puisque récemment médaillée aux Jeux Olympiques.
De nouveaux amis du jeune couple de futurs mariés nous rejoignirent également, et les dernières à arriver furent finalement Nora et Morgane, sa compagne, qui n’avaient cessé de voyager en tant que Médecins sans Frontières pendant les dernières années. Cette fois-ci, nous étions au complet. Je remontai donc aux côtés de Lizzy pour m’assurer que tout allait bien avant le début de la cérémonie. Ce n’était pourtant pas la première fois que je la voyais dans cette robe de mariée, mais j’en eus tout de même le souffle coupé. Celle-ci avait décidé qu’elle remonterait l’allée seule, son propre père n’étant plus là et ne souhaitant pas être accompagné par qui que ce fut d’autre. Comme d’habitude, elle me rendait incroyablement fière.
Puis vint enfin l’heure du mariage. Charlie, particulièrement beau et élégant, prit une grande inspiration, puis la musique démarra. Les premiers à avancer furent Sophia et Jason, et je les suivis lentement au bras de Jeremy. Lorsque celui m’avait aperçu dans ma robe pour la première fois, il s’était simplement immobilisé et m’avait admirée sans prononcer le moindre mot. « Pas si mal comme demoiselle d’honneur, hein ? » lui avais-je lancé avec malice. La seule réponse que j’avais obtenue était un baiser passionné.
Nous nous séparâmes au bout de l’allée, Jeremy pour se placer derrière Charlie et moi, auprès de Sophia, derrière l’estrade où se tiendrait Lizzy. Et arriva en effet son grand moment. Un murmure d’admiration s’éleva dans la salle lorsqu’elle fit son entrée et il était évident que le souffle avait été ôté à Charlie. Ma meilleure amie avança lentement, élégante, gracieuse, simplement sublime. Ils avaient chacun déjà les larmes au yeux avant même que Jeremy ne leur eût apporté les alliances et qu’ils prononçassent leurs vœux.
La cérémonie se déroula aussi merveilleusement que l’on pouvait l’espérer et nous nous souviendrions tous du moment tant attendu où l’officier annonça : « Vous pouvez embrasser la mariée ». Pendant tout le reste de la soirée, passé à rire et à danser en famille et entre amis, à créer des moments magiques et inoubliables, je me sentis légère et absolument comblée. Enfin presque.
Alors que nous étions déjà en plein milieu de la nuit, Jeremy me proposa d’aller nous promener et d’admirer l’aurore boréale. Nous ne prîmes même pas la peine d’aller enfiler un manteau, Jeremy pouvant se protéger du froid par sa Glace et moi par mon Feu. Lorsque l’air glacial de la nuit pénétra dans mes poumons, je me sentis tout à fait revigorée. Il prit ma main dans la sienne et m’entraîna le long du lac, dans lequel se reflétait le plus beau ciel étoilé qu’il m’aurait été donné de voir, parsemé de vert, de violé et de rose. Mais le plus beau, c’était de pouvoir l’admirer aux côtés de Jeremy.
– Est-ce que..est-ce que tu as déjà envisager ou réfléchi au mariage ? me demanda-t-il, presque avec timidité, sans oser me regard.
Je baissai moi-même les yeux un instant, avant de redresser la tête avec assurance.
– Non, répondis-je simplement.
Cette fois-ci, Jeremy tourna la tête vers moi, avec un léger étonnement.
– Non ? répéta-t-il.
– Non, je n’ai pas besoin d’y réfléchir, explicitai-je.
Il tenta de le cacher, mais je le vis froncer les sourcils, presque embêté.
– Pourquoi ?
Je haussai les épaules, comme s’il s’agissait d’une question banale.
– Parce que j’ai toujours su qu’elle était ma réponse. J’attends juste que tu me poses la question.
Jeremy s’arrêta brusquement de marcher, hébété l’espace d’un instant, avant de se mettre à rire doucement.
– Et pourquoi est-ce que ce serait à moi de poser la question ?
Je m’arrêtai également pour lui faire face.
– C’est à toi de décider si tu es assez fou pour vouloir passer le reste de ta vie avec moi, déclarai-je comme si c’était évident.
– Tu dis ça comme si c’était quelque chose d’horrible.
Je me rapprochai de lui et n’hésitai pas à plonger dans ses yeux sombres.
– C’est un job compliqué… Tu devras te démerder pour m’apporter des croissants le dimanche matin, même si de temps en temps je me contenterai de pancakes, tu devras supporter tous mes commentaires lorsqu’on regardera des films, tu devras sécher mes larmes quand tout ira mal, tu devras continuer de m’emmener en voyage jusqu’à ce qu’on ait fait le tour du monde, tu devras me laisser gagner quelques uns de nos combats pour prendre soin de mon égo, tu devras accepter que je rentre certainement un jour à la maison avec une petite fille ou un petit garçon qui a besoin d’une maison et d’être aimé et tu devras nous faire rire absolument tous les jours parce que la vie est trop courte.
Jeremy posa sur moi un regard de pur fascination.
– Qu’en dis-tu ? repris-je en souriant. J’avoue que la rémunération n’est pas géniale, juste beaucoup d’amour et de soutien et de sexe évidem…
Il m’interrompit brusquement pour m’embrasser avidement et passer ses bras autour de ma taille afin me serrer contre lui.
– J’en dis que je ferai toujours de mon mieux pour être à la hauteur, souffla-t-il ensuite.
Je lui souris, émue.
– Alors qu’est-ce que tu attends ?
Jeremy prit mes mains dans les siennes et posa un genou dans la neige.
– Savannah Teresa Hamilton… Veux-tu m’épouser ?
Je me mordis la lèvre, n’arrivant pas à croire que c’était enfin en train d’arriver.
– Ce que t’en as mis du temps…
Il écarquilla les yeux avec impatience.
– Ça t’embêterait de répondre avant que je ne tombe en hypothermie ?
Je ne pus m’empêcher de rire alors que je m’agenouillais face à lui dans la neige et posai mon front contre le sien.
– Oui.
– Oui ça t’embêterait ou oui…
Je levai les yeux au ciel et murmurai avant de l’embrasser :
– …La ferme, Scandola !
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