Elle ne tenait plus. Elle voulait faire pleuvoir ses pourquoi. Pourquoi venait-il toujours ? Pourquoi était-il si doux ? Pourquoi cette tendresse ? Pourquoi elle ? Pourquoi ? Elle travaillait, et lui s'acharnait à l'attacher. Il lançait ses jolis mots comme autant de pièges invisiblement mortels. Lorsque leurs corps se rejoignaient le soir, elle se sentait vide, si vide contre lui et ses émotions pleines. Ses émotions qui l'entouraient, la noyaient. Il était trop. Trop lui, trop bon. Elle avait peur, elle qui ne connaissait que la demi-mesure et la retenue dans ses pensées. Il maniait un langage encore trop abstrait pour elle. Elle n'en avait ni les codes ni le dictionnaire, est-ce qu'il lui apprendrait ? Cette langue qu'il parlait à sens unique, elle se persuadait pourtant de ne pas vouloir la connaître.

— Comment ?

Il fit glisser ses doigts sur le grain de sa peau. Les frissons faisaient apparaître en relief sa chair de poule. Elle était un paysage qu'il découvrait chaque nuit : ses doigts devenant ses yeux. Les bleus, vestiges des sévices, s'effaçaient progressivement, ne laissant que des traces florales.

— L'air de croire que je t'invente chacun de mes sourires. L'air de me dire que tu m'appartiens.

Il embrassa ses lèvres. Pulpeuses, acides. Goût grenade, au sens propre et figuré.

— Je ne suis pas prétentieux. Tu imagines des regards pour tous ceux qui viennent jusqu'ici.

— Réponds-moi.

Il enroula ses doigts aux siens, se pressant contre elle. Sa chaleur l'inondait, l'apaisait. Il leur restait 27 minutes et 33 secondes. 32. 31.

— Je ne sais pas ce que tu crois voir dans mes yeux, tu sais. Ce que je peux te dire ? Tu y vois seulement ton reflet. Et tu dois y briller.

22.