28 * Des tasses pour Noël
Zachary
L'ambiance est festive, il y a du monde partout. Agathe virevolte auprès de tous les invités, à son aise. Sa robe pailletée lui sied à merveille. Dans un coin de la pièce, le sapin s'illumine de mille feux, accueillant cadeaux par dizaine. En ce qui me concerne, je ne sais pas où me positionner. Puisque je n'avais nulle part où fêter cette fin d'année, elle a insisté pour que je vienne dans sa famille. Une trentaine de personnes se sont réunies en ces lieux pour se retrouver. J'avais déjà fait la rencontre de son papa avant ce soir. D'abord méfiant, il a finalement baissé ses gardes, comprenant que je ne voulais aucun mal à sa fille. Pour autant, Arthur et Alexis montrent toujours autant de réserve à mon égard.
Quelques enfants rodent autour des paquets, impatients. La table est joliment dressée, toute de rouge et dorée vêtue. Ils semblent tous heureux de se voir, de prendre des nouvelles de chacun. Un fond musical accompagne l'instant.
Vient le moment de l'ouverture des cadeaux. Assis sur un fauteuil à côté d'Agathe, j'observe ce qui m'entoure avec curiosité. En réalité, depuis tout petit, je fête Noël avec mon frère et mon père. Nous mangions un repas bon marché. Ezequiel et moi avions des petites voitures ou des costumes de super-héros de seconde main. Pas parce que Papa n'avait pas les moyens. Plutôt parce qu'il n'avait pas envie de s'investir au-delà de ça.
Lorsque j'étais en prison, cette fête n'existait plus vraiment. Mon père venait me voir parce qu'Ezequiel insistait. Quand je suis sorti, mon géniteur était tellement déçu qu'il ne fournissait plus d'effort. Il récupérait une commande de fast-food en rentrant du travail, m'offrait un cadeau basique trouvé en supermarché avant d'aller se coucher. Depuis dix ans, aucune décoration n'a orné la maison familiale, aucune magie de Noël n'a opéré entre nous. J'ai fini par oublier tout ça, passant décembre seul dans ma chambre, puis dans mon van. Je trouvais un endroit joli pour y passer la nuit, emmitouflé dans une couverture, un chocolat chaud à la main.
Alors, voir toute cette animation est nouveau pour moi. Troublé, j'ai du mal à trouver ma place, à savoir comment me comporter. Soudainement, un petit garçon tend un emballage rouge à ma brune, tout sourire. Son prénom orne le papier, joliment écrit.
— Merci, murmure-t-elle, ébouriffant ses cheveux.
Manifestement content, il continue la distribution. Agathe découvre une écharpe avec bonheur, échangeant un regard entendu avec sa tante. Ses proches ont immédiatement accepté ma venue dans ce repas. Ils n'ont pas posé de questions, tentant de m'intégrer au mieux. Même s'ils savent tous qui je suis réellement, ils n'en parlent pas. Simplement, je n'ai pas vraiment les codes des repas de famille, en ayant eu si peu dans ma vie.
Alors, lorsque l'enfant revient, me donnant un paquet à moi, je ne sais pas comment réagir. Pourtant, l'inscription indique Agathe & Zachary. Sentant mon trouble, ma petite amie le récupère et le pose sur mes genoux.
— Pourquoi mon prénom est écrit dessus ? balbutié-je, perdu.
— Mais parce que c'est pour toi, m'explique-t-elle. Mon oncle aime bien que tout le monde ait quelque chose.
— Ah bon ?
Elle doit percevoir ma surprise puisqu'elle fronce les sourcils. Tant et si bien que je me vois obligé d'ajouter :
— Je n'ai pas fêté Noël depuis dix ans...
Instantanément, son visage se tord de douleur pour moi. Elle paraissait si heureuse de toutes ces décorations, des marchés de Noël, que je n'ai pas voulu miner son moral avec mon passé toujours aussi tumultueux.
— D'accord, murmure-t-elle simplement, frôlant mes phalanges. Tu as le droit de l'ouvrir.
Regardant ce qui m'entoure, je vois toutes ces personnes entourées de papiers vides et déchirés, souriants et reconnaissants. Presque coupable, je décolle précautionneusement le scotch retenant le présent. Le cœur battant, j'aperçois un ensemble de tasses.
En cet instant, je me fiche de ce que contient ce carton. Parce qu'un homme que je ne connais pas a jugé bon de penser à moi. Et ce, même s'il connaît ma responsabilité dans le drame familial.
— Elles iront très bien dans ton van, affirme Agathe, souriante.
— Non, protesté-je, retournant le paquet, lui montrant les deux prénoms inscrits.
— Il y en a des dizaines dans la cuisine, prends-les, m'assure-t-elle, confiante.
Mon regard se pose sur cette vaisselle qui pourrait paraître insignifiante pour d'autres. À mes yeux, elle a un sens totalement différent.
— Qui nous les a offert ? m'enquiers-je.
De l'index, elle me désigne un homme au crâne dégarni un peu plus loin. Déposant précautionneusement le carton sur le fauteuil et me dirige vers lui, sous le regard prévenant d'Agathe. Lorsqu'il m'aperçoit, il me sourit.
— Je voulais vous remercier, Monsieur.
— Appelle-moi Jeff ! s'exclame-t-il. C'est avec plaisir mon grand.
D'après ce que m'a dit ma petite amie, il tient un garage non loin de là. Il semblait en pleine discussion avec une blonde et un jeune, visiblement sourd. Je les salue d'un hochement de tête, discutant avec eux encore quelques minutes avant de rejoindre ma brune.
Achille a pris ma place. En réalité, les quatre frères l'entourent, élégamment vêtus. Maladroitement, je tente de montrer ma présence. Immédiatement, le cadet se lève, me permettant de retourner sur le fauteuil.
— Zachary.
Surpris par le ton sérieux employé par Arthur, je me redresse, haussant un sourcil. Agathe pose sa main sur mon genou, le défiant de me faire le moindre reproche. Il se frotte la nuque, mal à l'aise.
— Je ne dis pas que ça sera simple. Mais j'ai bien compris que mon idiote de sœur ne comptait pas te quitter. Avec Alexis et elle, nous avons beaucoup discuté. Je crois que nous te devons des excuses. Nous n'aurions pas dû t'accuser de la mort de Maman. Je suis désolé.
— Excuse-moi, ajoute son frère, sincèrement.
— Je ne vous en veux pas, déclaré-je calmement.
À mes côtés, ma moitié lâche un long soupir de soulagement, pressant mes doigts entre les siens. Puis, elle se lève, serrant ses deux « frères stupides » - selon ses dires – dans ses bras. Achille et Auguste m'observent tranquillement, un sourire aux lèvres. La magie de Noël vous dites ?
Rassuré que ces tensions se soient estompées, je les laisse mener leur discussion entre eux. Ses quatre frères et son père m'acceptent auprès d'elle. Après notre escapade à la mer, elle n'hésitait plus à me parler de ses ressentis. Ainsi, je sais que ce rejet l'a profondément blessée. Aujourd'hui, la donne semble avoir changé. Nous avançons à notre rythme et c'est parfait comme ça.
Un enfant court en riant, trébuchant sur le tapis, je le rattrape au dernier moment. Il s'agit du petit qui jouait au Père Noël, un peu plus tôt.
— Marco ! s'exclame son père, avec un fort accent italien.
Il me remercie, m'offrant un sourire. Soudainement, en voyant toute cette famille, je ressens une bouffée d'amour aussi dévastatrice que puissante. Tendant la main, j'attrape simplement celle d'Agathe, continuant de m'abreuver de cet élan de vie. Je pourrais vite m'habituer à tout ça. Agathe m'a si facilement intégré à tout ça. Je trouve mes repères, petit à petit. Elle détruit chacun de mes doutes, les remplaçant par des certitudes. En quelques mois, ma vie a changé du tout au tout.
Quand il est temps de s'attabler, je talonne les cinq frères et sœurs qui s'assoient tous ensemble. En cet instant, j'ai une pensée particulière pour mon frère qui doit se retrouver seul avec mon père, dans la cuisine sombre. La bûche doit être en train de fondre tandis qu'ils sont arrivés à la fin des sujets de discussion. Mon paternel a dû partir se coucher tandis que nous en sommes à peine à l'apéritif. Sauf que, ce coup-ci, je me dis que je suis bien mieux ici, entourés d'inconnus.
Tant pis, Papa. J'ai essayé de sauver tout ça, vraiment.
Je construirai ma propre famille pour avoir les mêmes moments. Moi aussi, je veux offrir des dizaines de cadeaux à Noël. L'année prochaine, je décorerai le van de guirlande rouges. Quand j'ai fait le sapin dans l'appartement, ma maladresse a doucement fait rire Agathe. Alors, elle m'a expliqué les différentes étapes. Chaque soir, lorsque je rentre du travail, j'aperçois les lumières clignoter depuis la rue. Ainsi, j'ai hâte d'atteindre l'appartement pour la retrouver. Même si Saphir adore s'en prendre à notre petit arbre, il tient encore debout.
Agathe a résolu les problèmes dans sa famille. Pour la mienne, nous verrons plus tard, quand j'irai mieux et qu'il sera temps.
— J'ai oublié de te dire, me chuchote-t-elle. Margot m'a donné un cadeau pour toi.
— Mais pourquoi ? m'étonné-je.
— Parce qu'elle t'aime bien, rit-elle, posant son front sur mon épaule. Tu es si mignon, on dirait un enfant.
Margot est toujours présente aux côtés de ma petite amie. Elle vient souvent manger chez nous le samedi soir. Au fond, je lui dois beaucoup. Notre histoire aurait pu prendre une toute autre tournure sans elle.
Déposant un baiser sur ma joue, elle semble attendrie par mon visage désorienté. J'ai déjà eu du mal à accepter ses preuves d'amour quotidiennes. Alors, celles des autres...
— Et...
— Vas-y, achève-moi, marmonné-je. Le concierge aussi ?
Elle éclate de rire, m'arrachant un sourire.
— Non, même s'il t'apprécie puisque tu sais trier tes déchets. J'ai fait tous les magasins de la ville, impossible de trouver tes gâteaux, m'apprend-elle, la mine triste. Du coup, j'ai essayé de les faire moi-même, mais je crois qu'ils ont trop cuit.
Du menton, elle me désigne une assiette sur la table, où résident les biscuits au chocolat que j'affectionne tant, cuisinés de sa main.
— C'est toi qui as fait ça ? m'exclamé-je, ahuri.
Elle acquiesce, visiblement inquiète. Sous son regard impatient, j'en goûte un, lui confirmant qu'ils sont réussis.
— Je n'aime pas quand tu n'en as plus, marmonne-t-elle, prêtant attention à ce que je me sente bien, dans toutes les circonstances.
— Mais enfin, ça n'était pas si grave...
— Joyeux Noël, Zachary, sourit-elle simplement.
Mon cœur bat fort dans ma cage thoracique. Quand ai-je entendu ces mots la dernière fois ?
— Je veux construire ma famille avec toi, déclaré-je dans son oreille.
J'ai conscience que le moment et le lieu ne sont pas appropriés pour de telles déclarations. Seulement, j'avais besoin de lui dire, parce que les émotions sont trop fortes pour moi.
— Ne pleure pas, je te donnerai des petits Zach, m'assure-t-elle dans un chuchotement qui n'appartient qu'à nous.
Son pouce essuie les prémices de mes larmes. Finalement, mes joues restent sèches. Seul un sourire timide étire mes lèvres.
— Joyeux Noël, Agathe.
Se mordant la lèvre inférieure, elle m'offre un sourire immense.
Et je suis certain de me trouver à ma place.
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Bonsoir !
J'espère que vous allez bien. Je vous souhaite un joyeux Noël, profitez bien de vos proches, c'est important. Une pensée particulière pour ceux qui sont seuls en ces fêtes de fin d'année, on pense à vous !
J'espère que ce chapitre vous aura plu ! Il y a quelques clins d'œil à d'autres histoires :) Toute la famille d'Agathe semble enfin accepter Zachary
Il s'agissait du dernier chapitre, il ne reste que l'épilogue, la semaine prochaine...
Bonne fin de journée :)
Fantine
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