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33. Troyen

"Dès que nous naissons, nous pleurons d'être venus sur ce grand théâtre de fous." - Shakespeare

***

Au fur et à mesure que nous nous approchons de la date d'arrivée de l'Utopia sur Mars, une tension presque palpable s'empare de notre groupe.

Les vivres sont presque épuisées, malgré le rationnement que nous nous sommes imposés dès notre arrivée à Sithonius. Tous ont hâte que Mars Utopia nous largue enfin de quoi aménager des serres.

Sol 34, an martien 12, 10h27, heure martienne.

Je me trouve dans la salle commune en compagnie de Hayden, lorsque Hawa fait irruption dans la pièce.

— Le déshumidificateur a lâché.

L'annonce jette un froid, et elle nous adresse un regard désolé.

— Lâché ? répète Meyer.

— Oui. J'ai passé une heure à tenter de le réparer, mais rien n'y fait.

Sans déshumidificateur, nos réserves d'eau s'amenuisent considérablement. Des murmures inquiets s'élèvent, et Giordanna prend la parole pour tenter de les apaiser :

— Il nous reste toujours l'extracteur de glace, en attendant de trouver une solution pour le réparer. L'eau en provenance des sous-sols est de toute façon traitée, elle est potable.

Son intervention calme les chuchotis.

— Shinar, Hawa et moi-même allons essayer d'arranger ça. En attendant, il y a assez de glace dans les profondeurs de Sithonius Lacus pour subvenir à nos besoins.

Je ferme les yeux. Les problèmes recommencent, et je n'ose imaginer tout ceux qui suivront. Cette cascade incoercible de malheurs qui nous tombent dessus à la chaîne me fait frémir.

***

Sol 50, an martien 12, 07h54, heure martienne.

Je somnole à moitié devant mon petit déjeuner. Le déshumidificateur n'est toujours pas réparé. Une chape de fatigue semble s'être abattue sur mes épaules depuis quelques jours. J'ai cette impression confuse que chaque sol se ressemble, que tout se mélange. Il faut dire qu'entre les préparatifs de notre retour sur Terre et cette impression permanente que je suis en train de faire la plus grosse bêtise de ma vie, le temps file à toute allure et je ne dors plus beaucoup.

Mon estomac se tord, comme prit dans un noue d'angoisse absolue. Tout à coup, la galette de soja que je mâche consciencieusement me révulse.

Mon ventre se soulève en un désagréable haut-le-cœur.

Sans même prendre le temps d'avertir Hayden, je me rue vers la salle de bain du module privatif le plus proche. Là, penchée au-dessus des toilettes, je rends une bile amère qui me laisse un goût atroce sur les lèvres.

Ma main tremblante se pose sur le mur, des larmes irrépressibles roulant sur mes joues. L'Utopia se placera en orbite de Mars dans trente-huit sols. Je ne peux pas me permettre d'être malade. Pas maintenant.

J'entends des pas derrière moi.

— Harmony ?

Les bras d'Hayden m'entourent. Je m'accroche à son cou, secouée de sanglots.

— Qu'est-ce... qu'est-ce qui m'arrive ?

— C'est le stress du départ, affirme-t-il en caressant lentement mes cheveux. Tout va bien.

Je sens une nouvelle montée acide remonter le long de mon oesophage à l'idée qu'il nous reste si peu de temps à vivre ici, ensemble.

Il sèche mes larmes d'un geste ferme et doux à la fois.

— Viens. On va voir Millie. Elle pourra te donner quelque chose.

Il m'accompagne à travers les couloirs de la base. Je le suis en silence, en sachant pertinemment que Millie ne pourra rien faire. Notre stock de médicaments est si infime que nos médecins ne les utiliseront qu'en cas d'urgence extrême.

Ni Millie ni Travis ne se trouvent dans l'infirmerie de Sithonius Lacus. Hayden m'embrasse avec douceur, m'ordonnant de rester dans la salle de soin, avant de partir à la recherche d'un de nos deux médecins. 

Tous les produits envoyés par la Terre sont aseptisés, pour éviter toute prolifération microbienne dans le milieu clos qu'est une base martienne. De ce fait, hormis quelques rhumes liés à une climatisation disproportionnée ou quelques bobos faits lorsque, petite, je courais dans tous les sens à Utopia Planitia, je n'ai jamais été véritablement malade.

Le reste de nos problèmes médicaux se constitue de fractures, foulures, et, bien que cela n'est jamais arrivé, de risques liés au taux de radiations solaires que nous recevons, peu protégés par l'atmosphère de notre planète.

C'est donc avec une certaine appréhension que je vois Millie entrer en trombe dans le module.

Je lui raconte ce qu'il vient de se passer.

— Techniquement, la nourriture en provenance de la Terre ne peut entrer en contact avec aucune bactérie.

— L'emballage était peut-être déchiré, suggère Hayden. Auquel cas il aurait été contaminé.

— Peut-être. Mais contaminé par quoi ?

Un frisson descend de ma colonne vertébrale. Jusqu'au bout, Mars fera tout pour me retenir prisonnière.

— Tu es certaine que ce n'était pas périmé, Harmony ?

J'acquiesce. Nous avons tous l'habitude de vérifier scrupuleusement les dates de péremption.

— Je ne sais pas, finit-elle par avouer. Il est possible qu'il y ait un défaut de fabrication.

Mais elle semble peu convaincue par ses propos, et, lorsque je quitte la salle de soins, j'ai la désagréable impression qu'elle me cache quelque chose. Mais quoi ?

***

Le lendemain et le surlendemain, je me retrouve de nouveau à rendre tripes et boyaux. Hayden maintient patiemment mes cheveux en place, la mine inquiète. D'un commun accord, nous avons décider de ne rien dire à personne. Ma mère nous a jeté un regard interloqué lorsque nous nous sommes enfuis en courant de la salle commune pour que j'aille vomir.

Courbée en deux, j'ai une grimace de dégoût devant le contenu de mon estomac déversé dans les toilettes, mais elle disparait bien vite, remplacée par une angoisse intense.

Une seule certitude occupe toutes mes pensées. Je vais mourir, sans avoir jamais connu la Terre. J'ai tellement peur. Après tout, personne ne sait exactement quels effets la vie sur Mars peut faire à des enfants. Je suis peut-être bourrée de radiations à l'heure qu'il est.

J'aimerais juste me blottir dans les bras d'Hayden et dormir, rester là, serrée contre lui, respirer son odeur, sentir sa peau chaude contre la mienne, son souffle sur mes cheveux, sa main sur ma joue. Ce serait le meilleur endroit au monde pour ne jamais me réveiller. Oui, si je dois partir, je voudrais le faire dans ses bras. Mais au lieu de cela, il me traîne de force jusqu'à l'infirmerie, malgré toutes mes protestations.

Lorsqu'il lui apprend que je ne semble manifestement pas remise depuis avant-hier, notre médecin à bord fronce les sourcils, soucieuse, ce qui ne fait qu'augmenter ma propre inquiétude.

— Et si c'est dû à Mars ? fais-je d'une voix tremblotante. Les radiations, je ne sais pas...

Des scénarios plus invraisemblables les uns que les autres germent dans mon esprit. Et si Mars Utopia empoisonnait notre nourriture lyophilisée pour nous tuer à petits feux ? Et si...

— Comment te sens-tu, en ce moment ?

— Bien, fais-je machinalement avant de me reprendre. Fatiguée, en fait.

Hayden presse mes doigts entre les siens. Si je suis en train de mourir, la fatigue me semble un élément tout à fait banal. Comme une préparation, un glissement vers le sommeil éternel.

Je me focalise sur les gestes de notre doctoresse pour éviter de penser au pire. Elle me fait subir toute une batterie de tests médicaux: fréquence cardiaque, pression artérielle, prise de sang.

Pas un seul instant Hayden ne me lâche. Tandis qu'une peur sourde enfle dans chaque parcelle de mon corps, sa présence à mes côtés m'est indispensable.

— Hayden, fait tout à coup Millie en fixant nos mains jointes avec insistance. Est-ce que tu pourrais nous laisser un instant ?

— Mais je... elle...

— Hayden.

Il n'y a aucune agressivité dans sa voix. Simplement une autorité inébranlable. Il la contemple un instant, surpris, avant de hocher lentement la tête. Ses lèvres frôlent ma joue, puis il se lève pour quitter le module. Je respire un grand coup pour juguler la panique qui monte en moi lorsque la porte se referme derrière lui. Qu'elle demande à Hayden de sortir n'augure rien de bon.

Je dévisage Millie, le coeur battant à toute rompre.

— Je vais mourir, c'est ça ?

Je tente d'assortir ma question d'un sourire. Mais c'est tout sauf drôle, et je ne parviens qu'à invoquer des larmes au bord de mes cils.

Millie prend une grande inspiration.

— J'ai réfléchi à toutes les possibilités. Je ne pense pas que ce soit lié au stress, étant donné que les symptômes persistent sur plusieurs jours. Soit, comme l'a proposé Hayden, il s'agit d'un simple problème alimentaire, soit il s'agit d'une maladie liée à Mars.

Je le savais. Mon coeur se serre. Je ne veux pas mourir, pas maintenant, pas alors que je touche la Terre du bout des doigts.

— Comme personne d'autre ne semble éprouver ces symptômes, la deuxième solution semblerait plus envisageable.

Je me recroqueville, ramenant mes genoux contre ma poitrine, y enfouissant ma tête pour qu'elle ne voit pas les larmes qui affluent dans mes yeux.

— Nous n'avons pas les instruments pour te faire des scanners ou quoi que ce soit d'autre, tout a été détruit dans notre ancienne base. Je pourrais envoyer immédiatement les relevés de tes prises de sang à Mars Utopia, ils sauraient nous dire si quelque chose d'anormal se produit dans ton organisme.

L'emploi du conditionnel me fait froncer les sourcils.

— Tu pourrais ? Pourquoi est-ce que tu ne le fais pas, tout simplement ?

— Parce que je crois que la piste d'une pathologie martienne est à écarter. J'ai une autre hypothèse, qui me semble bien plus plausible.

Elle s'arrête, comme pensive. Je relève la tête, et elle me sourit avec bienveillance.

— À Utopia Planitia, j'aurai pu en être certaine, mais nous n'avons pas les machines ici pour le vérifier.

— Les machines pour vérifier quoi ?

Son sourire s'accentue.

— Il se pourrait que vous soyez cinq à partir sur Terre.

Je la fixe, interdite. Je ne comprends pas. Ou plutôt, je ne veux pas comprendre.

— Harmony, je pense que tu es enceinte.

Mon coeur me fait si mal que j'ai l'impression que l'univers vient de s'y effondrer.

C'est impossible. C'est impossible. Et pourtant, les réminiscences de cette nuit me reviennent, lourdes de sens.

C'est impossible.

— Je... je... tu es sûre ?

— Je ne peux pas te l'affirmer à cent pour cent. Mais il y a de grandes chances pour que ce soit le cas.

Aucun sourire ne s'affiche sur mon visage. Mes parents ont dû ressentir une telle joie à l'annonce de ma naissance.

Mais moi, je ne peux pas. Car nous serons cinq à bord de l'Utopia, et Hayden n'en fera pas partie.

Ma main se pose machinalement sur mon ventre, et, tout à coup, j'aurais envie de lacérer ma peau, d'arracher ce probable fœtus à son antre. Parce qu'il me met face à un dilemme insoutenable. Partir sur Terre en risquant sa vie et en l'éloignant de son père, ou fonder une famille sur Mars et me condamner à la planète rouge.


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* Troyen (satellite) : satellite naturel, partageant la même orbite qu'une planète, situé sur un des deux points stables de Lagrange (L4 ou L5), où les forces d'attractions s'annulent.

* Une grande, grande nouvelle. Vous vous y attendiez ? ;-)

J'en profite pour vous annoncer que j'ai fini Fille de Mars il y a quelques jours, ce qui veut dire que le rythme de publication devrait s'accélérer puisque tout est prêt, je n'ai plus qu'à poster !

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