❄❄❄❄ Leyn ❄❄❄❄

Les larmes qui coulaient de mes yeux mouillaient le double de la clé USB que je lui avais offerte. Je faisais défiler les photos contenues, pleurant de plus en plus à chaque fois que je les revoyais. Ma tristesse avait prit le pas sur la colère et le regret. J'avais passé la nuit à regarder les unes après les autres ces maudites photos. Je m'étais peut-être endormi, je n'en savais rien. Mes yeux étaient rouges d'avoir trop pleurer, ou peut-être d'être resté les yeux fixés sur l'écran de mon ordinateur portable toute la nuit. Il était 7h30 du matin et ma mère frappa à ma porte. Je baissai l'écran de mon ordinateur et déverrouillai la porte de ma chambre. Sans rien me dire ma mère entra et s'assit sur mon lit comme à son habitude. Je fis de même en essayant de garder l'air le plus détaché possible. Mais bientôt je fondis en larmes dans ses bras. Ma mère me regarda dans les yeux, avec un mélange de compassion... Et de déception. Elle me prit pas les épaules et soupira.

- Tu es déçu, n'est-ce pas ? Tu te dis en colère, mais tu es triste parce-que tu comprends que tu ne pourras pas lui pardonner.

Je baissai la tête. Encore une fois elle m'avait devancé pour comprendre le fond de ma pensée.

- Mais laisse moi t'expliquer. Après seulement, tu seras apte à prendre ta décision.

❄ ❄ ❄

- Non, non, je ne l'ai pas vue aujourd'hui.

Je ne comptais plus le nombre de fois que j'avais entendu cela. Je remerciai Lie et raccrochai, cachant mon désespoir.

Il fallait que je réfléchisse : elle n'était pas chez elle, ni Madame Taylor, ni Lie, ni Tommy ne l'avaient vue. Je courus dans la rue, la cherchant des yeux. Elle n'était nul part. Était-elle revenue chez elle, sur son petit nuage de gardienne ? Non, elle en était privée. Je m'arrêtai au bout d'une avenue pour reprendre mon souffle, et pour essayer d'éclaircir mes pensées. Ce que m'avait dit ma mère avait tout changé. Ce que m'avait dit ma mère signifiait tellement...

Et puis une dernière idée me vint. Un idée qui allait peut-être me sauver. Je courus jusqu'à la maison de Lie dont je m'étais approché sans m'en rendre compte et sonnai. Celle-ci ouvrit rapidement.

- Tout va bien ? me demanda-t-elle en voyant le sueur qui coulait sur mon front.

J'acquiesçai et sans lui donner d'explication lui demandai son vélo. Lie me le prêta sans rien dire, affichant seulement un immense sourire. Mon amie était vraiment géniale. Je le remerciai, et partis en pédalant dans la direction de la plage secrète que j'avais un jour montrée à Erra. Elle était notre petit secret à nous. Peut-être s'y trouvait-elle, je l'espérais sincèrement. La route était longue jusqu'à la petite plage, mais grâce au vélo de Lie j'y parvins en moins d'une demi-heure. Je posai le vélo contre un arbre et ralentis ma respiration comme pour ne pas faire fuir l'ombre d'Erra que je venais d'apercevoir. J'avançai de quelques pas sans faire de bruit. Si elle m'entendit m'approcher, elle ne le montra pas et ne se retourna pas, le regard fixé sur l'océan. Je m'assis à côté d'elle, le cœur battant.

- Leyn, dit-elle sans bouger.

Elle n'avait pas l'air d'être contente de me voir. Finalement elle se décida à tourner la tête vers moi.

- Je suis désolé(e), nous dîmes d'une seule voix.

Cela eut au moins le mérite de la faire sourire.

- Ma mère m'a dit pourquoi tu avais essayé de me tuer... Je ne savais pas que tes sentiments étaient piégés, que tu avais agis comme une machine, je suis désolé d'être parti comme ça.

Ses yeux me fixaient avec une telle intensité que je ne pus m'empêcher de penser à notre première rencontre. Et cela me fit sourire.

❄❄❄❄ Erra ❄❄❄❄

J'étais soulagée. Soulagée qu'il ait compris, qu'il me pardonne. Je me sentais bien quand il était là.

- Leyn, je suis perdue ici. Comment avoir de la nourriture, des vêtements, alors que je ne travaille pas, je...

Il me coupa vivement.

- Ça, c'est réglé. Ma mère veut bien t'héberger si tu le souhaites, mais dans tous les cas elle insiste pour prendre en charge tous tes frais.

Mes yeux s'agrandirent, et je me jetai dans ses bras. Leyn m'enlaça et murmura, tandis que je me retirais de son étreinte :

- Il y a autre chose, que je sais. C'est que je t'ai embrassée l'autre jour avant que tu... Que tu n'essaies de me tuer.

Je dus rougir, car il me sourit tendrement. Sans crier gare je me levai, et soupirai. Ce que j'allais faire n'était vraiment pas dans mon intérêt, mais j'aimais Leyn et je devais le faire pour lui, et pour Iris.

- Je suis désolée, je ne peux pas. Je ne peux pas accepter qu'Iris me prenne en charge, ni... Ni d'interférer plus longtemps dans ta vie. Pardonne-moi, je ne veux pas te compliquer les choses, alors je m'en vais.

Leyn se leva à son tour et je détournai la tête, me mettant à marcher dans le sens inverse de ma venue, pour ne pas avoir à endurer son regard. Mais il me retint par le bras et se planta en face de moi, bien décidé à ne pas me laisser partir.

- Tu rigoles ou quoi ? Tu as illuminé ma vie, Erra, et si tu partais tu me briserais le cœur. Je t'aime, ne pars pas, je t'en supplie.

Je ne demande que ça, mais c'est impossible. Résister, ne pas céder. Je ne dis rien.

- Et pour ce qui est de ma mère, elle t'apprécie énormément. Je t'en prie, reste.

Cette fois-ci, je n'en puis plus. J'acquiesçai résolument en affichant un sourire ému. Ses yeux brillèrent de satisfaction. Leyn approcha son visage du mien et m'embrassa, tandis que mon regard plongeait dans le sien.

Cette fois, aucune pensée meurtrière n'envahit mon esprit, et mon cœur ne battait plus pour la même raison. Ce n'était plus de l'angoisse que je ressentais. Ce temps là était révolu.

"Je m'appelle Erra Lisbergue, j'ai seize ans. Et, à ce moment là, les mots ne viennent plus pour vous décrire l'instant présent. Je suis heureuse, tout simplement. Heureuse parce qu'il est là, maintenant et pour toujours. Heureuse parce-que je suis moi-même, et que plus personne ne pourra exiger de moi que je lui obéisse.

Heureuse parce que ma nouvelle vie vient de commencer..."