Chapitre 41 ❄ Regrets
❄❄❄❄ Erra ❄❄❄❄
Je m'étais inquiétée toute la nuit pour lui. Me disant qu'il avait été enlevé, ou qu'il avait fugué à cause de moi, qu'il m'en voulait... Peut-être me donnais-je trop d'importance à ses yeux ? Mais je ne pouvais m'empêcher de penser que c'était de ma faute. L'était-ce seulement ? Lequel de ses sentiments le faisait-il penser à moi, la colère, la haine, la rancœur, la tristesse, le regret, ... ? L'amour ? Ou ne pensait-il simplement pas à moi, se perdant au milieu de pensées noires, se noyant dans un marécage d'eau trouble...
J'avais remarqué que j'avais perdu ma faculté émotionnelle, troquée contre des sentiments. Mais avais-je réellement perdu mon précieux pouvoir de l'eau ? Je me redressai tant bien que mal sur mes deux jambes tremblantes pour me diriger vers la salle d'eau de l'appartement. Là, j'ouvris le robinet à fond. Pas très écolo, mais le stress m'empêchait de faire autrement. Je tendis la main et fermai les yeux. Un jet d'eau m'aspergea le visage et un rire m'échappa, un rire clair, un rire qui sonnait comme une délivrance. Mes pouvoirs, mes chers pouvoirs, ne m'avaient pas abandonnée. Il étaient là, prêts à me soutenir dans les moments difficiles, à me suivre partout où j'allais et à me surveiller d'un œil rassurant, bondissant si quelqu'un me voulait du mal. Ils étaient là, et le seraient toujours.
Je fermai le robinet, l'esprit plein de joie et de résolutions. J'allais arrêter de me morfondre et agir. Premièrement, aller voir Iris, la gardienne, et lui dire la vérité, attendant une explication de sa part en retour. Je saisis au passage la lettre qui m'avait aidée tout au long de ma mission, preuve à l'appui de mes origines de gardienne de l'eau, et sortis à la hâte de l'appartement, pour sonner à celui de la mère de Leyn. Celle-ci m'ouvrit, et en me voyant, s'excusa de son attitude de la veille et me fit entrer. Je m'assis dans son salon merveilleusement aménagé et elle fit de même, attendant des explications.
- Je sais que vous êtes une gardienne, Iris, attaquai-je d'emblée.
Elle ne parut pas étonnée.
- C'est toi qui a fait cela à Leyn ? C'est à cause de toi, tout cela ?
Son ton était étonnamment calme, et posé. Je baissai la tête, hésitant à avouer, puis ne pouvant plus tenir dans le mensonge, je déballai toute la vérité, faisant faux bon aux recommandations d'Elisa.
- Oui, c'est moi. Je suis Erra, gardienne de l'eau, en mission. Et ma cible était Leyn. Lundi, j'ai failli le tuer, mais ça n'a pas marché. Madame Taylor, ma gardienne suprême, m'a expliqué que c'était parce que Leyn portait de la magie en lui. Elle a alors usé de la sienne pour détecter un gardien susceptible de lui avoir transmis ce pouvoir. Et vous a vu, vous. Iris, je suis désolée. Je... ne voulais pas. Et si par ma faute il est arrivé quelque chose à Leyn, je m'en voudrai éternellement. Je ne savais pas qu'il comptait tant à mes yeux. Je ne pensais pas que je l'aimais, en fait...
J'étais si pitoyable, comme cela, assise à regarder le sol et m'excuser en justifiant tous mes faits et gestes. Je n'aurais jamais fait cela, avant. Mais depuis que j'étais humaine tout avait changé. Je me sentais faible, attaquée par des sentiments qui n'étaient plus traqués par une quelconque barrière émotionnelle. J'avais tant changé...
Iris posa une main sur mon épaule, et de l'autre releva ma tête en me tenant le menton.
- Je ne t'en veux pas. Tu vas découvrir petit à petit qui tu es vraiment, maintenant que tu es la seule à contrôler ta vie. Tes pouvoirs seront toujours là, mais c'est toi à présent qui décideras quand et comment ils interviendront dans ta vie. Quand à ta barrière et faculté émotionnelles, elles ont disparues. C'est pour ça que tu te rends compte de ce que tu as fait. Ne t'inquiète pas.
- Tout ce qui m'importe pour l'instant, c'est de retrouver Leyn, murmurai-je.
- Ce n'est pas de ta faute s'il est parti, me lança-t-elle.
Mes yeux s'agrandirent. Elle avait dit cela avec tant d'aplomb, que je devinai qu'elle avait quelque chose à m'expliquer, elle aussi.
- Comme tu le sais, commença-t-elle, je suis une gardienne. De l'air, précisément. Tu sais, même si toi et moi sommes à présent des humaines, nous n'en perdons pas pour autant notre âme de gardiennes. Nous ne serons jamais tout à fait comme les autres.
Elle marqua une courte pause, puis reprit.
- Je fais partie de la dernière génération de gardiens, qui ont eut leur mission il y a dix-sept ans. Mon passage sur terre a provoqué de nombreux changements, et très conséquents. L'un d'eux est le passage d'un délai d'un an de mission à celui de deux semaines. L'autre est l'installation d'une barrière émotionnelle indénouable.
- Je... Je ne comprends pas.
Iris soupira.
- À cause de moi, les trois autres gardiens sont coincés dans un corps d'adulte de vingt-trois ans à cause de leur immortalité temporelle, et ont gardé leur faculté émotionnelle. Je suis la gardienne responsable de l'accident. L'année de mes vingts-trois ans, je suis tombée enceinte de Leyn. Devenir immortelle signifiait le perdre. J'ai donc renoncé à mon immortalité et je suis restée humaine, abandonnant le père de mon fils pour le protéger. Trois ans plus tard j'ai épousé Paul, cachant à Leyn qu'il n'était pas son père biologique. Je lui ai tout révélé ce mardi. Il m'en veut de l'avoir arraché à son vrai père. Il a fugué.
À présent tout s'éclairait dans ma tête. Tout prenait un sens. Mais, alors... Si Iris était la gardienne responsable de la situation catastrophique des trois autres gardiens... Cela voulait dire que c'était à Leyn qu'en voulait Alexandre, pas à Tommy. Il s'était trompé de cible, grâce à la vigilance d'Iris. Mes yeux s'agrandirent de peur et la mère de Leyn m'interrogea du regard.
- C'est Alexandre ! Le gardien du feu de votre génération ! Il veut se venger, et s'en est pris à Tommy, un ami de Leyn, pensant que c'était votre fils. Il va finir par se rendre compte de son erreur.
- Il faut vite retrouver mon fils ! s'exclama Iris, paniquée.
- Attendez, j'ai une idée. Le lycée n'est pas encore fermé, je vais m'y rendre, peut-être trouverai-je des informations supplémentaires.
La gardienne se laissa tomber sur son siège et m'adressa un sourire reconnaissant. Il ne tenait à présent qu'à moi de réparer mes erreurs. Et de sauver la vie de Leyn, que j'avais moi-même mise en danger.
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