Chapitre 38 ❄ Les rouages de la peur
❄❄❄❄ Iris ❄❄❄❄
J'actionnai le lave vaisselle avant de prendre appui sur la table du salon. Paul venait de partir, pour une "urgence", alors qu'il ne travaillait normalement pas le lundi après-midi. J'étais las de ce mensonge. J'aurais aimé pouvoir dire la vérité à mon fils, mais je savais pertinemment ce qu'il en adviendrait...
La sonnerie de la porte retentit et je me précipitai pour ouvrir. Il devait sûrement avoir oublié son portable, ou je ne sais quoi d'autre. Mais ce que je trouvai devant la porte faillit me faire perdre connaissance. Leyn était évanoui, transporté par une jeune fille que je ne connaissais pas, et par notre voisine. Alertée, je lâchai ce que j'avais dans les mains et saisis mon fils dans mes bras. Les deux femmes qui l'avaient transporté se regardèrent, l'air inquiet. Mon fils ne respirait plus. Je me mis à vaciller, mais tins bon.
- Il va bien, me rassura la vieille femme qui se tenait debout en face de moi.
En effet Leyn avait l'air de reprendre ses esprits, ainsi que sa respiration. Je ne voyais qu'une seule explication au fait qu'il soit vivant alors que sa respiration venait de se couper. C'était un gardien qui lui avait fait cela. Un des trois gardiens qui, par ma faute, s'étaient retrouvés privés de leur immortalité, coincés dans un corps de jeune adulte. Et même si, comme moi, ils avaient pu garder leurs pouvoirs, ils m'en voulaient. Et certains voulaient sûrement se venger. Seulement j'avais tout fait pour que personne ne sache qui j'étais, et que Leyn était le fils de la gardienne de l'air responsable de leur chute. Comment était-ce possible alors ?
Je refermai la porte, bien trop occupée par mes pensées angoissantes pour remarquer que les deux sauveuses étaient toujours là, et courus allonger mon fils sur le canapé. Sa respiration était à nouveau normale, mais il était toujours dans le coma. Pourvu seulement que Paul ne revienne pas avant quelques heures. Que pourrais-je lui dire alors ? Il ne savait rien de mon passé, si ce n'est que Leyn n'était pas son fils.
Ce dernier, qui paraissait se rétablir, finit par rouvrir les paupières. Mais je ne m'en aperçus pas immédiatement, trop occupée par mes pensées. Mais quand je le vis là, ses yeux grands ouverts, qui me regardaient en cherchant du réconfort, un rire m'échappa. Et des larmes s'ensuivirent. Rire et larmes de soulagement. Leyn n'avait pas l'air de s'être rendu compte de ce qui lui était arrivé. Et je n'en avais moi-même qu'une maigre hypothèse. Mais le plus important à présent était qu'il aille bien.
J'avais toujours su, au fond de moi, que je lui avais transmis un peu de mon don de gardienne de l'air. À présent, même si je conservais mes pouvoirs, je ne pouvais plus les transmettre. Avant, quand j'étais gardienne, mes pouvoirs ne se contentaient pas de faire partie intégrante de moi. Ils étaient moi. Et tout ce que je faisais, même tout ce que je ressentais, était rythmé et orchestré par mon pouvoir ou ma faculté émotionnelle. Oui, ils n'étaient pas simplement là, ils étaient les maîtres de la marionnette que j'étais.
Maintenant, c'était moi qui décidais. C'était moi qui choisissais ce que je voulais faire, qui réalisais mes rêves seule, par moi-même. Et mes pouvoirs étaient tapis dans un coin de mon cerveau, attendant sagement que je veuille bien les remettre en service. Ce que je n'avais d'ailleurs pas fait depuis à présent quatorze ans. Depuis que j'avais épousé Paul.
- Maman... murmura Leyn. Dis-moi la vérité.
C'était bel et bien la phrase que j'attendais autant que je la redoutais. La phrase qui ne pourrait désormais plus jamais rester sans réponse.
❄❄❄❄ Leyn ❄❄❄❄
J'ouvris lentement les yeux, un peu assommé. Je n'avais aucune idée de ce qui venait de se passer. Mais une chose était certaine, j'étais bien trop têtu pour ne pas me servir de cette situation.
Ma mère était assise sur le canapé où j'étais allongé. Son regard était ailleurs. Quand elle tourna enfin la tête vers moi, ses yeux se tintèrent de joie, tout comme les larmes qui en jaillirent. Elle avait eu peur pour moi. Mais pas seulement. Elle se sentait responsable de ce qu'il m'était arrivée, j'en étais certain, même si moi-même ne comprenait pas cette situation. Elle était désolée. Elle s'excusait à travers son regard rempli de soulagement.
Quelque chose, oui, quelque chose était étrange. Si ma mère paraissait si inquiète, c'était sûrement parce-que j'avais eu un grave accident. Pourtant je n'étais pas sur un lit d'hôpital, mais sur le canapé du salon. Encore une question restée sans réponse. "La question qui fit déborder mon cerveau". Et je lançai alors, las de garder pour moi toutes mes interrogations, la phrase que je me retenais de dire depuis de si longues années.
- Maman, dis-moi la vérité.
Et oui, je m'étais servi de cette situation particulière, et de toute l'angoisse qu'éprouvait ma mère, pour poser cette question. Je l'avais posée assez sûr de moi. Mais intérieurement je redoutais autant qu'elle ne me réponde pas, que sa réponse elle-même.
Elle s'assit sur le lit, à côté de moi, prête à tout me dire. Mais elle se retint, et posa la main sur mon front. Et, comme si je venais d'avaler douze somnifères, je m'endormis.
❄ ❄ ❄
Je me réveillai déboussolé. Ma mère était avachie par terre, à mes côtés, sur une pile de couvertures et d'oreillers. Elle dormait. Ma main alla tâter la table derrière ma tête pour saisir mon téléphone portable. 11h36. Il était trop tard pour le lycée. Je ne m'en affolai pas, et m'en réjouis plutôt. Je n'avais aucune envie ni force d'y aller.
Je me rendis compte de la pièce dans laquelle je me trouvais. J'étais sur mon lit, et dans ma chambre, plus sur la canapé. J'essayai de me relever pour en sortir. Mais la porte était fermée à clé. Bien que les clés y soient encore pendues, je renonçai et allai voir ma mère qui, réveillée par le bruit de mes pas, s'était redressée. À cet instant je me souvins de ce que je lui avais demandé avant que par je ne sais quel moyen je ne plonge dans un profond sommeil.
Je la fixai donc en insistant, puis me dirigeai vers la fenêtre, lui tournant le dos.
- Dis-moi.
Je ne m'attendais pas à ce qu'elle me réponde, mais elle soupira comme pour renoncer à rétorquer encore.
- Assieds-toi.
Je lui obéis alors, pressé autant que stressé d'enfin savoir.
- D'abord, ce que je vais t'apprendre va te sembler impossible, mais tu dois me promettre de me laisser parler, et de me croire.
J'acquiesçai, plutôt intrigué.
- Il y a dix-sept ans, commença-t-elle, je suis tombée enceinte de toi. J'étais alors livrée à moi-même dans un monde hostile. Je ne viens pas d'ici, en réalité. Je suis ce que l'on appelle "une gardienne". Mon rôle est de protéger mon élément, par conséquent l'air. Le jour de mes vingt-deux ans, je suis descendue sur cette planète, dans le but de réaliser une mission. J'avais un an pour cela. En réussissant, je me donnais le moyen d'être immortelle. Dans le cas contraire, je devais rester humaine. Mais rien ne s'est passé comme je l'imaginais. J'ai... rencontré ton père. Et je suis tombée enceinte. Mais si je devenais immortelle, j'aurais dû t'abandonner. Et je ne me sentais pas capable de le faire.
- Paul n'est pas mon père, réussis-je à articuler.
Tout ce qu'elle me révélait d'étrange n'avait pas le pouvoir de m'atteindre. Je voulais simplement savoir qui était mon vrai père.
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