❄❄❄❄ Erra ❄❄❄❄

J'avais gagné. Enfin. Je m'approchai doucement du visage de Leyn, et posai ma main au niveau de son cœur. Je la retirai aussitôt, horrifiée. Il battait toujours. Les yeux du garçon s'ouvrirent doucement, ayant repris leur couleur. Non, ça n'avait pas marché, c'était impossible... Ma diversion n'avait pas dû marcher comme escompté. Je soupirai de désespoir. J'avais perdu, en fait.

Leyn ne paraissait pas s'être rendu compte de ce qui venait de se passer.

- Oui, merci, ça va mieux, depuis que...

Il avait déjà dit cela. Il ne s'en souvenait plus. Cette fois, désespérée et dépourvue d'énergie, je le laissai parler.

- Depuis que je sais que tu vas mieux.

Mes lèvres s'écartèrent en un sourire reconnaissant. Nous discutâmes ainsi deux ou trois heures, riant de temps en temps de choses insignifiantes. Et je me dis alors que j'avais le temps, finalement. Le temps de regretter mon choix. Une éternité d'un côté, comblée par une seule et même chose, la protection de l'environnement. Un peu moins d'un siècle de l'autre, à la vie rythmée et riche, et à ne se soucier que de soi.

Oui, j'avais le temps, tout le temps de regretter. Mais seulement 24h pour faire mon choix, et renoncer à l'autre possibilité. 24h avant de commencer ma nouvelle vie, qu'elle soit éternellement ennuyeuse ou fugace, mais toujours pleine de nouveautés...

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❄❄❄❄ Leyn ❄❄❄❄

Les cours de l'après-midi étaient aujourd'hui annulés. Nous étions le 20 mars, dernier jour de l'hiver, dernier jour avant le printemps. Dernier jour avant le départ d'Erra. Le jour de son anniversaire, aussi. Je lui avais préparé un cadeau, immatériel, certes, mais qui, quand je le lui offrirais, allait peut-être bouleverser ses plans. Ça, c'était sur le papier, c'était en théorie. Mais j'avais peur de paraître radin, alors je lui avais préparé à côté une clé USB, où étaient entreposées toutes les photos prises au cours de son petit séjour à nos côtés. Ce n'était pas grand chose, mais j'avais cru apprendre de la jeune fille qu'elle ne s'intéressait pas aux choses matérielles.

Ainsi je franchis la grille du lycée, un peu triste de savoir qu'il s'agissait de ma dernière journée aux côtés d'Erra. Elle ne m'avait pas informé d'un quelconque changement de plans pour venir à la fête, et mon cadeau immatériel était ma dernière chance de l'empêcher de partir. Je m'assis au troisième rang dans la salle de Français. Ma place habituelle, idéale pour ne pas trop se faire remarquer : pas au dernier rang car les professeurs portaient toujours une attention particulière à ces élèves, ni aux deux premiers rangs pour ne pas non plus être interrogé. Erra et Lie étaient installées un rang devant, et trois places à droite. Ainsi elles ne pouvaient pas m'entendre parler avec Tommy.

- Dis, c'est pas l'anniv' d'Erra, aujourd'hui ?

- Tu es réactif, toi. Si, c'est aujourd'hui.

- Tu lui as trouvé un cadeau ? Ne me dis pas non, si tu as oublié, tu es grillé. Elle ne t'accordera sa confiance que si tu lui offres un cadeau qu'elle n'oubliera pas. C'est comme ça. Tu lui as acheté quoi, du coup ?

- Je lui ai fait une clé USB avec des photos de son séjour.

Tommy me regarda, et éclata de rire. Notre professeure de Français leva la tête de son ordinateur, l'air mécontent.

- Tommy, tu as fini ton exercice, peut-être ?

- Oui, exactement, la défia-t-il.

- Bien. Quand tout le monde aura fini, tu viendras présenter ton travail devant la classe. Et tu seras noté. Je suis curieuse de savoir ce que tu as pu répondre en trois minutes.

Tommy baissa la tête. Depuis le temps, il aurait dû savoir qu'il ne pouvait pas s'en sortir en étant insolent envers un professeur. Mais il était trop têtu pour ça.

- Merde, chuchota-t-il. J'ai rien compris à l'exo. Tu pourras m'passer le tien ?

J'acquiesçai en souriant. J'aurais dû m'y attendre. Je n'aimais pas le français, mais j'étais assez bon. Mon ami ne lâcha pas mon affaire malgré l'avertissement du professeur. Il continua à me faire sa leçon de morale, mais à voix basse cette fois.

- Tu rigoles, j'espère ? Et tu penses qu'elle va faire quoi ? Qu'elle va se jeter dans tes bras grâce à ça ?

- Elle n'est pas très matérielle, tu sais, dis-je d'un air nonchalant.

J'en avais marre de cette discussion, et je le fis comprendre à Tommy en prétextant devoir finir l'exercice qu'il devait présenter dans quelques minutes. "Si tu veux avoir une bonne note, laisse moi travailler" lui avais-je dit.

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La matinée était finie. Nous étions tous les quatre réunis dans l'arrière cours, là où personne ne venait jamais. Après avoir souhaité un joyeux anniversaire à Erra, nous étions venus là, pour que Lie - devenue sa meilleure amie - et moi, puissions lui offrir nos cadeaux.

Lie s'avança vers elle et lui tendit un grand sac blanc en plastique. Erra la remercia, un peu étonnée de recevoir des présents, et ouvrit le paquet. Elle en sortit une tenue bleue claire. Lie expliqua que c'était pour la fête. Erra lui montra son enthousiasme et la remercia une seconde fois, sans jamais lui faire part de son départ du jour même. J'étais le seul à savoir qu'elle partait aujourd'hui. Elle ne voulait sûrement pas faire de peine à son amie. Ou alors elle n'était plus sûre de vouloir partir...

Quand ce fut à mon tour de lui offrir son cadeau, mon cœur se mit à battre plus fort. Je lui tendis ainsi la clé USB en forme de tête d'orque (je l'avais achetée exprès pour l'occasion. Deux heures à chercher sur internet). Elle la prit, à la fois étonnée et émerveillée.

- C'est une orque ? Qu'est-ce que c'est comme objet ?

- Une clé USB, expliqua Tommy à ma place. Ça contient des photos et des vidéos.

Le sourire illumina le visage d'Erra. Je me sentis soulagé. Cela lui plaisait vraisemblablement.

- Merci, souffla-t-elle, émue.

Gêné par le silence qui s'installa ensuite, je proposai à Erra de rentrer à l'immeuble avec elle. Elle accepta vivement, salua Tommy et Lie en les remerciant chaleureusement. Puis elle me suivit. Je pouvais enfin me préparer à lui offrir l'autre morceau de mon cadeau. Mais les battements de mon cœur m'en empêchaient.