❄❄❄❄ Erra ❄❄❄❄

Je ne pouvais pas croire ce qui était arrivé hier. Non, je ne pouvais pas digérer qu'Alexandre ait fait ça.

Alexandre... Si gentil d'habitude, si sûr de lui, de s'enfuir comme cela après avoir commis un crime... Il me décevait.

Cette pensée me fit rire. Comme ci Alexandre était mon ami... Mais je ne connaissais rien de lui, si ce n'était son nom, éventuellement, qu'il voulait se venger, en tuant Tommy. Et qu'il n'était pas prêt de renoncer. Coûte que coûte, je devais le stopper. Mais autre chose à présent me perturbait: Leyn avait vu ce qui s'était passé. Et malgré sa promesse, je ne savais pas si je pouvais réellement lui faire confiance. De toute façon, l'obliger de ne rien dire sur une tentative de crime contre son ami était impossible. J'espérais seulement qu'il tiendrait sans rien dire jusqu'à ce que je le tue. Mais je ne pouvais pas rester comme cela. Il fallait que je dise tout à ma gardienne suprême, et tant pis pour ma fierté, si elle était touchée par cet acte de bonne volonté que je m'apprêtais à faire.

Madame Taylor avait à nouveau ses clés à cause de ce qui était arrivé avec Leyn, et je dus sonner pour qu'elle m'ouvre.

Et si Leyn répétait ses éventuels soupçons à sa famille, ou à Lie, sa meilleure amie? Qu'adviendrait-il de moi, et de ma mission? Madame Taylor pourrait elle seulement m'aider, ou avait-elle comme ordre de me laisser me débrouiller seule?

Cette dernière apparut enfin sur le seuil de la porte, un grand sourire aux lèvres pour mon plus grand soulagement. Elle devait être de bonne humeur. Cela tombait bien, je pouvais comme cela lui dire une bonne fois pour toutes la vérité (légèrement arrangée en ma faveur) et sans craintes.

Ma gardienne suprême me fit entrer dans son appartement et je m'assis comme à mon habitude sur le grand fauteuil du salon. Elle ne me posa aucune questions sur ma venue, attendant que je le lui explique, et se contenta de me sourire d'un air rassurant.

Je pris donc ma respiration et commençai mon récit, prête à tout lui déballer d'un seul trait.

- Madame Taylor, ce matin...

- Appelle moi Elisa.

Je lui offris mon plus grand sourire. C'était la première fois qu'elle prononçait son nom. Elisa.

- Elisa, hier j'ai vu le gardien dont vous m'avez parlé.

Je baissai les yeux pour ne pas voir sa réaction, et ne m'arrêtai pas de parler, ayant peur de ce qu'elle allait me dire, et surtout qu'elle comprenne que je mentais en partie. Heureusement il ne lui arrivait que très rarement de lire dans mes pensées.

- Il a enchainé Tommy, un ami de Leyn, et l'a jeté, inconscient, sous un buisson auquel il a mis le feu. J'ai clairement vu dans ses pensées que Tommy était sa cible, mais je ne sais pas pour quelle raison. Vous aviez raison, il voulait se venger du gardien responsable de l'accident, mais je ne sais pas pourquoi il a voulu s'en prendre à Tommy.

J'hésitai une seconde à lui parler de la venue de Leyn dans l'histoire, et du fait qu'il aurait pu tout comprendre, puis me ravisai, me disant que cela pouvait faire partie du morceau de l'histoire que j'avais "omis" de citer. J'étais vraiment une grande menteuse, à tisser de toutes pièces des mensonges différents pour chaque personnes. Heureusement que mada... Elisa, ne parlait pas à Leyn de tout cela. J'aurais été dans un sacré pétrin.

- Autre chose, c'est un gardien du feu. Voilà, je vous ai normalement tout dit.

Je relevai les yeux, craignant sa réaction. Elisa avait perdu toute trace de son sourire et de sa bonne humeur encore d'actualité il y avait de cela une ou deux minutes. Je l'entendis murmurer entre ses dents quelque chose qui me fit frissonner sans aucune raison.

- Je m'en doutais... Il a fallu que ce soit lui.

Je ne savais pas s'il fallait que je relève ou non cette phrase. Il aurait été plus prudent de faire comme si je n'avais rien entendu, mais la curiosité l'emporta sur la raison.

- Vous... vous connaissez Alexandre ?

Pourquoi avais-je prononcé son nom ? Je risquais d'aggraver la situation. Mais il était trop tard pour essayer quoi que ce soit. Madame Taylor leva les yeux vers moi, l'air à la fois apeuré et horrifié, comme ci je venais de confirmer, en prononçant ce nom, sa crainte. Bien sûr qu'elle connaissait cet Alexandre, ou du moins de réputation: elle n'aurait pas eu une telle inquiétude visible dans ses yeux, dans le cas contraire.

Du moins de réputation. Si elle avait eu cette attitude en entendant qu'il s'agissait du gardien du feu, c'est qu'elle le craignait. Il devait être puissant - je m'en étais aperçue, mais voir Elisa Taylor réagir de cette façon était plus qu'inquiétant. Un gardien suprême ne devrait pas avoir peur d'un autre gardien. Cet Alexandre n'avait que quarante ans d'expérience, contrairement à Elisa, qui en avait plus de trois siècles (je n'avais pas retenu son âge exact, mais le moins que l'on puisse dire c'est que c'était beaucoup). Et, moi, du haut de mes même pas seize ans, je ne pesais pas lourd à côté.

Je me sentis soulagée d'avoir tout dit à madame Taylor / Elisa (je ne savais plus vraiment comment l'appeler), maintenant j'étais délestée d'un énorme poids, et je n'avais plus la lourde responsabilité de bloquer moi-même le gardien.

- On peut dire ça, me répondit enfin ma gardienne suprême. Erra, éloigne toi de lui. Et protège ce Tommy.

Je baissai la tête en acquiesçant.

- Vous allez vous en charger, Elisa?

Cela me faisait bizarre de l'appeler par son prénom alors qu'en parallèle je la vouvoyais. Et je fus étonnée de voir qu'elle ne me proposait pas de la tutoyer.

Ce fut à son tour d'acquiescer.

- Oui, ne t'inquiète pas, je m'en occuperai demain. En attendant concentre toi sur ta mission, la date limite arrive à grands pas, c'est dans trois jours.

Et moi qui voulais lui demander de me laisser une semaine de plus... J'avais vraiment envie d'aller à cette fête avec Leyn, aussi étrange que cela puisse paraître. Malgré sa réponse évidente, je posai tout de même la question. Cela ne coûtait rien, finalement.

- Elisa... Avec tout ce qu'il s'est passé, pourriez vous convaincre le conseil des immortels... De me laisser un peu plus de temps ? Ma mission a été entravée par cette affaire.

Elle se mit rire. Un rire plus nerveux qu'autre chose.

- Ça n'a duré qu'une journée, pour toi, Erra.

Prise à mon propre jeu, dans les filets de mon propre mensonge.

- Mais.... continua-t-elle, je vais y réfléchir.