Chapitre 24 ❄ Celle que je ne suis pas
❄❄❄❄ Leyn ❄❄❄❄
Tous mes membres tremblaient. Mon cœur frappait à grands coups ma cage thoracique, et j'avais peur que Madame Taylor n'entende ma peur. Je pris donc une grande respiration qui se voulait silencieuse, tout en essayant de me convaincre que le mensonge que je m'apprêtais à donner était vrai, peut-être pour paraître moins stressé et plus sûr de moi.
- Madame Taylor, vous êtes là. Je... vous cherchais.
Puis, lui tendant les clés de son appartement que j'avais glissées dans ma poche, je lui divulguai mon argument apocryphe.
- J'ai trouvé vos clés devant l'immeuble. J'ai sonné à votre porte mais il n'y avait personne. Je me suis dit que je devrais peut-être poser vos clés à l'intérieur alors...
- Tu n'avais pas à entrer par effraction dans mon appartement, Leyn, me coupa-t-elle.
Elle m'arracha les clés des mains et poussa mon épaule pour que je sorte. Je bégayai un "pardon" confus et inaudible, et me pressai de sortir. Je courrus à mon appartement et m'y engouffrai, le cœur battant.
- Leyn, est-ce que tout va bien ?
Ma mère se tenait appuyée contre le mur, portable à la main, sa voix douce et rassurante s'élevant, comme une caresse sur mon bras. Elle eut le pouvoir de faire taire les battements incessants de mon cœur, qui reprirent une vitesse normale.
Devais-je lui dire ? Lui faire part de mon anxiété ? De mon délire paranoïaque ? De mes flashs qui me rendaient fou ?
Non, elle me ferait interner dans un asile de fous au pire, et au mieux cela lui génèrerait une angoisse permanente. Lui dire ne m'apporterait rien. Quoique si...
- Maman... Je crois, je crois que...
Ses grands yeux bleus clairs, presque blancs, me fixaient avec intensité.
- Je crois que je suis amoureux, lachai-je.
Il me fallut quelques secondes pour réaliser ce que je venais de dire. Cela m'avait échappé, comme ça, sans que je ne contrôle plus rien. Et j'avais honte, à présent. Terriblement honte.
Honte de ce qu'elle pouvait penser.
Honte de ce qu'elle allait me dire.
Honte d'avoir dit cela, d'un air si niais.
Honte de le penser, de penser que ça pouvait bien être vrai.
Ma mère ne réagit pas. Une larme de nostalgie que j'avais l'habitude de voir coula sur son visage. Elle la refoula d'un geste de la main, et essayant de prendre un air détaché, elle haussa les épaules.
Puis, elle s'approcha de moi. Je voyais bien qu'elle avait quelque chose d'important à me dire. Elle avait l'air à la fois grave, posé, et qui se voulait rassurant et bienveillant.
- Leyn, commença-t-elle, écoute bien ce que j'ai à te dire.
Elle tira une chaise à elle, s'assit. Puis elle me prit les mains dans les siennes et me les serra très fort. Si fort que je pouvais sentir mes os craquer. Mais cela m'importait peu. Je voulais savoir ce qu'elle avait de si important à me dire. Car j'avais le pressentiment étrange que ce qu'elle allait me dire avait un lien avec toutes ces larmes de nostalgie sans raison connue qui coulaient toujours le long de ses joues.
- Leyn, s'il y a bien une chose que j'ai retenue au cours de ma vie, c'est cela: fais ce qui te fait plaisir. Réalise tes rêves.
❄❄❄❄ Erra ❄❄❄❄
La sonnerie de quinze heures venait de sonner. Je n'avais pas revu le dénommé Alexandre, et cela m'inquiétait. Nous, gardiens, n'abandonnions jamais. Et nous étions les seuls à pouvoir dire cela, les seuls pour qui le mot "jamais" avait une véritable signification. Car pour un humain qui promettrait "je ne fumerai plus JAMAIS", c'était assez facile de tenir sa promesse. Il ne devait tenir que jusqu'à la fin de sa vie, et cette dernière avait une durée déterminée. Alors que nous, gardiens, n'avions pas de durée déterminée à notre promesse. Étant donné notre immortalité, nous devions tenir ce "jamais" à tout jamais.
Donc, ce gardien du feu n'abandonnerait que quand il serait mort, car lui pouvait mourir. Je devais être prudente, mais surtout élaborer un plan pour l'empêcher de nuire même après mon départ de la terre. Mais une question subsistait dans ma tête tandis que je gravissais une énième fois les marches du lycée qui menaient au deuxième étage.
Pourquoi ce gardien du feu en voulait-il à Tommy ? Et Tommy se savait-il en danger ? Ou du moins savait-il son lien avec l'affaire du gardien ayant provoqué l'accident ?
Il ne fallait absolument pas que je quitte Tommy des yeux. Une chose était certaine: son esprit ne se troublait pas pour une quelconque menace: ma faculté émotionnelle l'aurait perçu.
Tout cela commençait à me faire perdre mon objectif principal de vue: tuer Leyn. Mais je ne devais pas avoir à faire de choix entre réaliser ma mission et sauver Tommy ainsi que tous ceux qui étaient en danger à cause d'Alexandre.
Lie s'assit à mes côtés dans la salle d'anglais. Elle me demanda si tout allait bien. Mon air inquiet commençait à se faire remarquer.
Pourtant, en addition avec ma faculté émotionnelle, j'avais développé toute seule une faculté non magique, que certains humains essayaient aussi d'avoir. Je m'étais dit que cela pouvait toujours servir. Pour ma mission, surtout. Mais quelque chose en moi commençait à se fendre, à se briser. Et le pire, c'était que je n'en étais pas responsable. Quelque chose ou quelqu'un l'était, peut-être même sans s'en rendre compte.
Cette faculté que j'avais développé en moi, c'était une barrière émotionnelle qui créait un masque neutre sur mon visage; quelque soit mon émotion, mes sentiments, j'avais toujours l'air que je souhaitais avoir. Un mensonge permanent qui était à vrai dire très utile. Et que beaucoup d'autres avant moi avaient essayé de développer en tant qu'humains, pour échapper au regard des autres.
En ayant revêtu ce masque tous les matins, je me sentais mieux, je me sentais libre. Libre d'être la gardienne de l'eau que j'étais, sans que personne ne le voit.
Mais aujourd'hui j'avais beau essayer, rien ne marchait. Je paraissais inquiète, perdue... Comme j'avais toujours craint que cela m'arrive. Que les gens me voient sans mon masque heureux et enjoué, qui leur donnaient confiance en moi. J'agissais comme un aimant sur tous ceux que je voulais embobiner dans mon piège, comme Lie, Tommy et Leyn. Et l'idée que les gens voient qui j'étais vraiment m'inquiétait. Cela me rendait nerveuse... Je me sentais si vulnérable.
Et ce changement n'était pas arrivé par hasard. Quelqu'un l'avait provoqué. Quelqu'un avait brisé en moi ce cœur de glace extérieur. Quelqu'un, qui m'avait battue à mon propre jeu.
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