Chapitre 23 ❄ N'y vas pas
❄❄❄❄ Erra ❄❄❄❄
Je ne suis pas allée voir madame Taylor, hier. Je n'en avais pas le courage. Et, surtout, ma petite fierté m'en empêchait. Je voulais réussir par moi-même, coute que coute. La vie de Tommy était désormais en danger plus que la mienne, et mon choix était peut-être égoïste. Mais il y avait autre chose qui me poussait à ne rien dire à ma gardienne suprême: je voulais à tout prix en savoir plus sur cet "accident" qui m'intriguait. Pourquoi le gardien du feu, Alexandre, en voulait-il à Tommy ? En quoi était-il impliqué dans cette affaire ? Seul Alexandre pouvait me donner ces réponses. Et la nature de l'accident. Les quatre gardiens de cette génération ainsi que le conseil des immortels étaient les seuls à en connaître l'objet. Si madame Taylor s'occupait elle-même de cette affaire, je n'en saurais jamais rien. Et j'étais curieuse.
J'enfilai ma nouvelle paire de Converse. Hier, j'étais allée à contre cœur faire du shopping avec Lie. Elle avait trainé deux bonnes heures dans une boutique de vêtements, d'ailleurs dépourvue de chaussures - la raison principale de sa venue. Quand je le lui avais fait remarqué, elle avait rétorqué en riant : "Erra, le besoin de chaussures n'est qu'un prétexte. Je passerai en prendre en partant. Mais cette boutique est gé-ni-ale !"
Elle avait alors essayé une vingtaine de tenues différentes (au bout de la quinzième je m'étais arrêtée de compter). Une robe "pour les soirées, indispensable !", un jean "super branché", un haut bleu à manche courtes "idéal pour l'été", un pull en laine "pratique en hiver", et j'en passe. Autant de choses inutiles, qui, quand arriverait la saison concernée, ne seraient plus à la mode. Je crus bien m'être assoupie un moment, en y repensant.
Puis, nous étions allés dans le fameux magasin de chaussures en soldes. Lie y avait trainé une heure. Elle avait finalement trouvé une paire de chaussures blanches - qui ne le resteraient pas très longtemps -, et comme par hasard, il s'agissait de la seule paire de magasin qui n'était pas soldée. Lie m'avait priée d'en prendre une aussi, et j'avais cédé. Ainsi aujourd'hui j'enfilai cette paire de chaussures, moche, en plus. C'était pour lui faire plaisir plus qu'autre chose. Non, en fait c'était uniquement pour lui faire plaisir. Car en plus d'être laides, énormes, monstrueuses et encombrantes, elles me compressaient le pied.
Je me dis que ses parents ne devaient pas apprécier la somme d'argent qui s'évaporait de la carte bancaire de leur fille. Et cela me fit rire. Me détendit, même. Pour la première fois depuis deux jours, je souris. La vie ici était belle, il fallait bien l'avouer. Il me restait moins d'une semaine avant la fin de ma mission. Mais je n'avais pas envie de tuer Leyn tout de suite, et de partir. J'avais simplement envie de profiter un peu plus de ma vie d'humaine.
❄❄❄❄ Leyn ❄❄❄❄
Quand j'étais petit, je rêvais d'être un agent secret, qui pourrait dérober avec agilité les clés d'un coffre fort où était entreposée une bombe, et sauver l'humanité.
Aujourd'hui ce n'était pas l'humanité que j'allais sauver, et je n'avais pas non plus les clés d'un coffre renfermant une bombe. Non, mais ce que j'avais réussi à dérober allait m'être tout aussi utile.
Hier, j'avais réussi un tour de force. Dérober sans qu'elle ne s'en aperçoive les clés d'Erra. Mon plan avait été simple. Pour que j'aie le temps de faire mon enquête, Lie avait été chargée d'occuper Erra pendant une heure ou deux en l'amenant au centre commercial. J'avais prétexté au près de celle-ci une surprise que je comptais faire. C'était donc avec plaisir qu'elle s'était chargée de sa mission. Pendant ce temps, j'étais censé ouvrir l'appartement d'Erra, et voir s'il y avait quelque part des informations sur son pays, sur sa vie d'avant. Ensuite, il fallait rapidement prendre des photos de mes trouvailles, tout remettre en place, et laisser les clés au sol, devant la porte. Seulement c'était à ce niveau là du plan que tout s'était écroulé. Car ce n'étaient pas les clés de l'appartement d'Erra que j'avais réussi à dérober. Et je n'avais pas su ce que ces clés là pouvaient bien ouvrir. Me disant qu'Erra ne remarquerait rien, j'avais gardé les clés.
Et cette nuit, j'avais eu une illumination. Et si ces clés appartenaient à Madame Taylor ? Après tout, elle était la propriétaire de l'appartement d'Erra, et avait même l'air d'être une amie de cette dernière. Alors cela était loin d'être impossible.
Ce matin je m'étais donc levé plus tôt. Bien plus tôt que d'habitude.
En seize ans de voisinage avec madame Taylor, je savais que le matin elle sortait vers huit heures, pour aller à la boulangerie d'en face acheter du pain. Puis, les mercredis et samedis, elle allait déjeuner chez une amie, à quelques patés de maisons d'ici.
Aujourd'hui cela était une véritable aubaine.
À huit heure alors, je me postai à l'extérieur de l'immeuble afin de pouvoir voir quand madame Taylor sortait. Dix minutes après, elle quitta l'immeuble sans me voir, et je pus commencer à mettre mon plan à exécution.
Je me rendis discrètement près de sa porte, croisant les doigts, espérant de tout cœur que les clés ouvrent cet appartement. Je n'avais pas encore eu l'occasion d'essayer, et mon cœur battait à cent à l'heure. Pourvu que ça marche !
Il me fallut un peu de temps pour y parvenir car je tremblais comme une feuille, mais je finis par ouvrir l'appartement. Une odeur âpre s'en échappa. Une odeur de renfermé. Je repris les clés accrochées à la porte et les glissai dans la poche arrière de mon jean.
Puis j'avançai lentement, de peur de briser le silence installé dans la pièce.
Je traversai un petit couloir, auquel pendaient de nombreuses petites planètes colorées qui s'entrechoquaient sans bruit quand je les percutais. Étrange décoration que celle-ci. Plus qu'étrange, atypique.
Je n'avais jamais remarqué que madame Taylor avait tant pris soin de sa décoration intérieure, car la seule partie de sa maison qui m'était donné de voir était le hall d'entrée de l'appartement.
Son salon était décoré de cadres, représentant des personnes au regard puissant. L'une d'elle était une jeune femme à l'apparence banale, un grand sourire aux lèvres. Mais ce que je remarquai directement chez elle, c'était ses yeux. Ses yeux rouges comme le feu. On aurait presque pu voir une flamme en sortir. Comme l'homme que j'avais vu dans le bus.
Il se tramait quelque chose dans mon dos. D'abord Erra, puis l'homme dans le bus, et maintenant madame Taylor. Il fallait que je découvre le fin mot de l'histoire, car même si tout ce mystère m'excitait, je risquais bien d'être en danger.
- Leyn ! Que fais-tu ici ?
Je m'immobilisai sur place, stupéfié. Madame Taylor avait vraisemblablement annulé son déjeuner avec son amie.
Qu'allait-il m'arriver ? Que pourrai-je bien lui dire ?
Et si elle aussi faisait partie du complot contre moi, avais-je fait la chose de trop qui allait la pousser à avancer le meurtre sanglant qui m'attendait ?
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