CHAPITRE 16
Leurs compagnons étaient traités au 4è étage, annonça Domenic. Dans l'aile Ouest. Call devait encore être sur la table d'opération.
- Vous êtes arrivés quand ? osa demander Léo en s'appuyant contre la paroi alors que l'ascenseur filait.
Il voulait essayer de penser à autre chose. Enfin l'espérait-il. Il s'était levé aux aurores après une nuit horrible. Leslie était venue le trouver dans la chambre de la maison médicalisée juste à côté et l'avait forcé à avaler quelque chose. Il avait rechigné mais elle avait été plus têtue. Il la remercierait un jour pour tout cela. Et après une bonne douche, elle l'avait accompagné jusqu'aux admissions. Là, il avait retrouvé les soldats de l'Imperator et d'autres navires.
Dans la foule, il avait reconnu les cheveux roux de Domenic et s'était précipité vers lui. Son ami était si pâle qu'il fit peur à Léo et à peine s'était-il approché qu'il lui était tombé dans les bras pour pleurer en silence. Ils avaient réussi à échanger quelques mots avant d'apprendre où étaient leurs amis et ils étaient là, en chemin vers l'inconnu. La peur leur nouait les entrailles.
- Dans la nuit, les blessés graves ont été de suite transférés ici.
- C'était pour ça que... que je n'avais pas de nouvelles ?
- Oui.
- Dis-moi la vérité, Dom, qu'est-ce qui s'est passé ?
Le pilote poussa un lourd soupir et se frotta le visage.
- Je ne peux pas tout te dire parce que je ne sais pas tout non plus.
- D'accord.
Léo regarda son ami avec sérieux. Domenic semblait à bout. Il ne devait pas avoir beaucoup dormi aux vues des profondes cernes noires sous ses yeux.
- Ils ont découvert que le vaisseau qui vous avait attaqué...
Le pilote respira lentement une nouvelle fois.
- .. que c'était un nouveau modèle. Unique et en test. C'est grâce aux contacts de Shana qu'on a pu savoir tout ça.
- L'officier scientifique ?
- Oui. Alors ils ont décidé d'une mission. Ce sont les unités spéciales qui auraient dû s'en occuper mais l'amiral a dit qu'elles étaient ailleurs sur une autre mission tout aussi importante.
Léo le vit serrer les mâchoires et les poings. La colère grondait en lui.
- Alors ils ont demandé des volontaires. Deux pilotes et trois hommes. Bien sûr cet imbécile de Calahan s'est porté volontaire ! gronda-t-il, blessé et énervé. Et ce connard a refusé que je vienne avec lui.
Il y avait de l'amertume, du reproche et de la tristesse dans sa voix.
- Et Benny ?
- Benny, il n'a pensé qu'à une chose : si on arrivait à récupérer un échantillon de leur machin-là, on saurait les contre-carrer. On serait à l'abri. Tu serais à l'abri.
- Et il s'est porté volontaire.
- Oui. Espèce d'idiot, pas un pour rattraper l'autre !
Domenic frappa les parois de l'ascenseur d'un poing lourd.
Les portes s'ouvrirent et les deux hommes sortirent. Domenic le conduisit vers la réception. La jeune femme qui se tenait assise au comptoir lui sourit aimablement avant de pianoter sur sa tablette.
- Le capitaine Reese est sorti du bloc, leur annonça l'infirmière. Il est en salle de réveil et nous le monterons dans une chambre sous peu.
- Et l'opération ? demanda le rouquin d'une voix pleine d'espoir.
La jeune femme au chignon impeccable continua de lire le rapport qu'elle avait sous les yeux. Elle semblait vérifier quelque chose.
- Le docteur Tchala viendra vous trouver tout à l'heure.
- D'accord. Léo ? Tu veux des nouvelles de Benny ?
- Je...
- Tous les patients de l'Imperator sont encore au bloc ou en soins intensifs, annonça l'infirmière. Nous ne pouvons rien dire pour le moment.
Léo hocha la tête et alla s'asseoir dans la salle d'attente. L'endroit était déprimant avec ses murs blancs, son mobilier gris et l'unique machine à café. Il s'affala sur un siège et se massa la jambe en fermant les yeux. Il se sentait las.
- Alors on va attendre...
- Oui. Et prier que tout aille bien.
- J'ai jamais prié, avoua Domenic en s'installant près de lui.
- Eh bien, tu peux commencer dès maintenant.
- Sois pas si con.
- Je n'ai que ça pour le moment.
Il se passa une main sur le visage. Demain matin, il retrouverait Estelle et Georges. Il se rappela leur venue sur Lagoon, il avait eu peur de leur réaction, peur d'affronter leur regard mais ça s'était bien passé.
- Tes beaux-parents arrivent demain. Ça va aller ?
- Hum.
Léo haussa les épaules sans ouvrir les yeux.
Les deux hommes attendirent de longues heures. Malgré leur nervosité, la fatigue prit le pas et ils s'endormirent à moitié sur les fauteuils assez inconfortables de la pièce.
Quand dix-huit heures sonna, un type en blouse blanche, portant en dessous une chemise bleu clair. Il s'approcha d'eux et se présenta comme le docteur Tchala. C'était un Terrien à la peau mate et au regard franc.
- Lieutenant Sanders ?
Domenic qui somnolait se lever d'un coup quand il entendit son nom. Il cligna des yeux plusieurs fois avant de les poser sur le médecin.
- Oui. Oui, c'est moi. Domenic Sanders. Je...
- L'opération du capitaine Reese s'est bien passé, commença Tchalla en levant sa tablette pour y lire le contre-rendu.
- Ses... ses yeux ?
- Nous avons dû retirer les implants oculaires et les remplacer par un modèle plus performant.
- Alors, il ne sera pas aveugle ?
- Avec une bonne rééducation, il recouvrira la vue rapidement.
Léo poussa un lourd soupir de soulagement et il laissa Domenic retomber lourdement sur le siège, la tête entre ses mains. Il vit les épaules de son ami bouger, secouées, et il vit les larmes couler le long de ses joues, silencieuses.
- Il n'est pas encore réveillé mais je peux vous conduire à lui, proposa gentiment Tchala.
- Je... Oui. Merci.
Léo regarda son ami se frotter les yeux et renifler un peu.
- Vous...
Léocadie s'humecta les lèvres. Il avait soif.
- Vous avez des nouvelles de Benedict Lanstrong ?
Domenic se leva et posa une main sur son épaule pour le rassurer pendant que le médecin pianotait sur sa tablette.
- Je suis navré, je ne peux rien vous dire sans l'aval de sa famille.
- Docteur, je... je voudrais juste savoir s'il est en vie, souffla Léo d'une voix faible et suppliante.
Il vit le docteur hésiter puis ce dernier lui offrit un sourire bien que teinté de tristesse.
- Oui.
Ce simple mot emplit de joie le cœur du capitaine. Il voulait juste savoir ça.
- Oui, capitaine, mais son pronostique vital est engagé.
Le capitaine blêmit et ferma les yeux. La main sur son épaule se resserra mais cela ne l'atteignit pas.
- Merci, docteur.
Il ne le vit pas hocher la tête.
- Léo ? appela doucement Domenic. Je peux te laisser? Je vais voir Call.
Le brun leva les yeux sur lui.
- A-avant la mission, on a contracté une union civile, avoua Domenic avec un léger sourire en se frottant la tête avec gêne. C'est débile, j'aurai préféré qu'on se fasse un vrai petit truc avec Benny et toi en témoin. On aurait bouffé au restau avant de finir dans un bar. T'aurais même organisé une soirée d'enterrement de vie de garçon rien que pour lui mais...
Le pilote poussa un lourd soupir.
- ... mais Call n'a pas voulu attendre. Tu sais comment il est quand il a une idée en tête... j'ai pas pu lui dire non.
- Je suis content pour vous, murmura le capitaine en serrant sa main sur celle sur son épaule.
Ils échangèrent un regard, le pilote lui promit de le tenir au courant avant de l'abandonner seul dans la salle. Léo regarda autour de lui et l'angoisse monta. Il se sentit alors seul au monde. Jamais il n'avait eu un tel sentiment d'abandon. Et il repensa à ce que venait de lui annoncer Domenic : ils s'étaient mariés. Call n'avait jamais abordé le sujet avec lui et pourtant, il venait de sauter le pas. Léo pensa alors à Benny : est-ce qu'il se voyait marié à lui ? L'idée lui tira un sourire et il secoua la tête, la réponse était simple : oui. Oui, il aimerait cela mais il regarda autour de lui et la réalité lui revint en pleine figure. Benny risquait de mourir...
Il remonta son genou intact contre sa poitrine et croisa les bras dessus, enfouissant la tête entre. Les larmes coulèrent silencieusement tandis qu'il se maudissait de n'être que « le petit-ami » de Benedict. Parce qu'il n'était qu'une pièce rapportée, il n'aurait droit qu'aux miettes qu'on voudrait bien lui jeter. Et si Georges et Estelle Lanstrong lui refusaient le droit de voir Benny ? Cette pensée lui coupa le souffle et lui fit mal. Il ne pourrait pas le supporter. Jamais. Plutôt mourir.
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