Nos regards se croisent, ils sont électriques. Mon instinct de survie, de protection me pousse à m'éloigner du lavabo contre lequel je suis. J'essaye ensuite d'atteindre la porte de sortie mais Claire réagit vite et elle me plaque violemment contre le mur grâce à son coude qu'elle plaque sous mon cou.

Son haleine mentholée glisse le long de ma joue, elle me fait grimacer et trembler. Claire mesure deux têtes et 20 kilos de plus que moi. Je n'aurais jamais aimé me trouver seule contre elle, je dois lutter contre ce corps plus musclé que le mien. Je sais d'avance, cette fois-ci, que mon gabarit de naine ne va pas du tout me servir contre les coups que Claire à décider de me donner.

Quand elle m'a craché dessus, je lui ai mordu la main. Pour se venger, elle m'a envoyé deux gifles, une sur chaque joue. La chaleur de ma rage s'est mélangée à une douleur indescriptible. Puis elle plaque sa main imposante contre ma bouche afin de m'éviter de crier. Claire rapproche son visage de poupée démoniaque du mien et me murmure d'un ton rempli de colère et d'agacement :

- Avril, qu'est-ce que tu n'as pas compris hier, durant le cours d'orientation, quand je t'ai dit que je n'hésiterais pas à me débarrasser ou à écraser une vermine comme toi ? Hein ? Je croyais pourtant avoir été claire, je ne veux plus te voir discuter ne serait-ce que de la pluie et du beau temps avec Romain !

Elle a souris et un petit rire nerveux s'est échappé de sa bouche. J'ai essayé d'appeler de l'aide mais elle m'a sifflé :

- Tu cries, je te casse un bras. Ta gueule, c'est compris ?

J'ai essayé de lui lancer un coup de pied. Le coup de genou que j'ai reçu dans le ventre m'a fait renoncer rapidement à me rebeller davantage. La douleur m'a fait plier les genoux, Claire m'a alors balancé comme un sac  poubelle, par les cheveux, contre la première cabine venue.

Mon agresseur s'est ensuite mis à ma hauteur, et à continuer de dire :

- Tu croyais vraiment que j'allais laisser passer votre petit pacte minable entre Tara et toi ? Pour m'humilier mardi prochain ?

J'ai secoué négativement la tête, afin d'éviter de nouveaux coups. Ma soumission a semblé lui convenir car elle a souri, et Claire a continué à se confier :

- Je pensais lui plaire...sincèrement, nous avions un super feeling avec Romain. Il est vraiment doué pour le sexe, très à l'aise...Mais ce connard m'a bien eu !

En ajoutant cela, elle a pris le papier toilette qui était posé sur le rangement à son effet.

Je n'ai pas vu venir un violent coup de pied dans le dos, qui m'a mise encore plus à terre. Sonnée et angoissée, je l'ai regardé dérouler une grande partie du PQ me demandant avec peur ce qu'elle avait prévenu de me faire avec lui.

- En fait, il n'y a que toi qui le fait vraiment bander et respirer !

Mon cœur s'est glacé en entendant cela d'une bouche autre que mes amies. D'une rivale, d'une fille que Romain a baisé sans scrupule...

Ses mots ont fait réagir mon pauvre cœur blessés à mille à l'heure !

Ma respiration est devenue plus saccadée. Elle mentait ! Claire disait cela pour me déstabiliser encore plus...

- Tu sais, a murmuré de nouveau Claire. Il murmure ton prénom avant de jouir, je ne sais pas s'il te l'a déjà dit, ou si tes amies t'en ont fait la remarque. Tu es tellement coincée que ça m'étonnerait que tu parles de sexe avec Romain...Tu oses à peine le toucher, c'est pathétique.

Lorsque ma vue est devenue floue, pendant quelques secondes, j'ai vu ma vie défilée, ces trois mots qui me terrorisaient, ceux que j'avais une trouille bleue de dire à Romain, ces mots ont pris toute leur importance dans mon esprit. Cette année, il fallait que je lui dise absolument mes sentiments ! Arrêter de douter pour tout et rien, je me bouffais l'existence ! Ces filles ne faisaient que nous détruire.

Il fallait que l'on assume nos sentiments et notre jeu de séduction aux yeux de tous pour nous, notre relation. Pour qu'elle tienne plus longtemps...

- A tes yeux écarquillés, je suppose que tu n'étais pas au courant qu'il bande énormément sur toi !

Claire m'a empoigné les cheveux et elle a balancé ma tête contre la cuvette des WC. Un filet de sang a coulé le long de mon front et contre mon oreille droite. Un hoquet m'a retourné les tripes. Les larmes se sont mises à couler sur mes joues. Ma nervosité déjà palpable s'est accentuée à travers des frissons incontrôlables. Une gifle, deux gifles ont écrabouillé le peu de dignité qui me restait.

- Tu sais quoi, Avril, m'a —t-elle murmuré une dernière fois. Vas te pendre, tu feras plaisir à beaucoup de monde !

J'ai appelé à l'aide mais pas assez longtemps. Un flux d'eau dégueulasse a nettoyé brusquement mon visage. Après qu'elle m'eut tiré la chasse d'eau à la tête, Claire m'a fourré le papier toilette dans la bouche.

- Trou du cul, a —t-elle conclu en sortant dès que la sonnette annonçant la fin de la récréation à retentit.

L'agression n'a duré que quelques minutes ? j'ai pensé, apeurée. Elle m'avait semblé durer des heures !

Une fois que j'étais certaine d'être seule, je me suis empressée d'enlever le surplus de papier WC qui me collait à la bouche et j'ai fermé la porte des WC à clef. Mortifiée, je me suis effondrée sous un torrent de larmes.

Comme à chaque fois, je me sentais coupable de ce qui venait d'arriver. C'était sans doute normal d'être traitée ainsi : j'étais une soumise depuis de si nombreuses années !

Mon corps était un jouet dont les autres se servaient à leur guise.

Ce corps m'échappait complètement...