Tenir le coup
Je tenais à remercier les nouveaux lecteurs de leurs soutiens...
A remercier ceux qui me suivent depuis le début. J'ai commencé la réécriture du roman :) Il me tarde d'avoir vos réactions sur ce chapitre spécial...
Et puis...voilà, bonne lecture à vous tous !
ROMAIN
Vendredi 3 octobre
21h23
Pendant la semaine qui suit nous sommes dans une période de contrôles intenses. Une semaine avant les vacances, les profs nous blindent l'esprit...
Je n'ai pas beaucoup parlé à Avril, tous deux étions concentrés sur nos études. Je ne l'ai vue que mercredi soir quand elle est venue me voir pour un devoir de mathématiques.
J'étais en train d'apprendre ma leçon d'histoire, allongé sur le lit, écouteurs dans les oreilles lorsqu'elle était entrée dans ma chambre à l'improviste. Habillée d'une jupe évasée qui mettait ses jolies jambes en valeur et d'un débardeur je l'avais dévisagée un peu trop longtemps.
Avril en a profité pour fixer d'un air amusé le bazar qui régnait dans la chambre et s'était arrêté sur mon armoire de vêtements entrouverte.
Elle s'est surtout avancée vers le soutien-gorge qui n'était pas spécialement bien caché entre mes casiers de chaussettes.
En rigolant doucement, yeux exorbité de surprise, elle s'en était emparée.
Je m'étais senti si petit et si gêné que j'avais fait mine de repartir dans ma leçon d'histoire tout en me mordant la langue.
- A qui est cette chose féminine ? avait demandé Avril, avec amusement.
-A toi ? j'avais demandé avec espoir.
Avril avait émis un grognement, en secouant négativement la tête.
- Tu as une admiratrice...une chose est sûre vu la petite taille, ce n'est pas Tara ! avait-elle conclu avant de me demander avec précision des éclaircissements sur ses exercices.
Sérieuse et hyper concentrée, elle n'avait plus reparlé de sa découverte gênante, ce qui dans le fond, m'avait convenu. Mais cela ne m'avançait pas plus que ça sur l'identité mystérieuse de sa propriétaire...
*
Au lycée, l'ambiance est studieuse. Les harcèlements cessent un peu pendant cette période, bien que les rumeurs, les insultes sur les réseaux sociaux ou à l'encontre d'Avril et Valentine continuent. Alors que je suis avec Julien et Enzo, à jouer à la console lorsque mon portable vibre.
Je mets le jeu rapidement en pause, en ne prenant pas en compte les râles de mes deux amis. Je repousse quelques bières qui traînent près de moi. Le temps de retrouver le portable sous le bazar de mes cahiers de cours, des vêtements sales et des papiers de gâteaux, je loupe le premier appel.
Le téléphone fixe retentit dans mes oreilles.
De loin, j'ai la tête un peu embuée à cause des bières que j'ai bues.
Je jette un œil à Julien qui comprend en un regard mon besoin d'aide dans la recherche du mobile.
Enzo commence à mettre de côté tout ce qui se trouve à côté de nous pour m'avancer.
J'entends le portable vibrer une nouvelle fois lorsque la porte de ma chambre s'ouvre à la volée. L'entrée de ma mère paniquée, me fais sursauter. Je pose une main sur ma poitrine, comme si ce simple geste allait faire descendre les battements de mon cœur.
Elle me fait signe de la rejoindre. Elle pose une main sur sa poitrine comme si sa respiration se coupait. Ce geste d'angoisse me signifiait l'urgence de la situation.
Ma mère a attendu de repousser la porte de ma chambre avant de m'annoncer d'une voix nouée :
- Romain, je veux que tu restes ici ce soir, malgré ce que je vais te dire...Des fois, il faut savoir laisser les familles gérer certains problèmes entre elles.
Qu'elle me dise cela ne m'a pas paru bon du tout !
- Avril ? je murmure inquiet.
Ma mère s'est mordue la lèvre et a secoué négativement la tête.
- Jim...Jim s'est ouvert les veines.
Le choc de la nouvelle m'a fait porté une main sur la bouche pour étouffer le cri de surprise qui sortait de ma gorge.
Mon cœur s'est accéléré quand j'ai entendu une ambulance se rapprocher du quartier.
Tenir le coup. Ne pas paniquer. Ne pas exploser.
- Baptiste est déjà parti chez Avril, c'est lui qui va gérer cette situation ! m'a demandé d'un ton autoritaire ma mère. Tu ne bouges pas d'ici !
- Pourquoi ? Avril...Avril a besoin de moi ! j'ai crié, d'un coup hors de moi.
- Elle est en état de choc Romain, elles vont à l'hôpital, nous les retrouverons quand Flora me donnera le feu vert. Elle préfère que tu les laisses tranquilles pour le moment...
- Elle ou toi ?
- Nous avons décidé qu'il était bon pour vous deux de vous voir seulement demain ! Tu as une nuit à patienter...tu peux faire ça pour moi, et te tenir tranquille jusqu'à demain ? Le temps de leur laisser gérer le choc ? Camille et sa mère sont avec elles cette nuit.
Ma mère m'a serré contre elle. Des tremblements nerveux me secouent le corps. Avant de nous séparer, elle m'a regardé dans les yeux, en posant une main affectueuse sur ma joue droite.
- Donnez-vous le temps de vous retrouver, n'allez pas trop vite...
- C'est ma faute si on en est là, j'ai murmuré. Comme Baptiste doit s'en vouloir à mort en ce moment...
- Ton père l'a accompagné voir Jim.
Nous avons sursauté quand Enzo nous a demandé si tout allait bien.
Anissa a soupiré, et m'a demandé :
- Cette information doit rester entre vous...on ne s'amuse pas avec ce genre de situation !
J'ai hoché la tête en lui promettant de défoncer quiconque fera de cette terrible nouvelle son amuse-bouche !
Enzo et Julien m'ont promis de me rejoindre si cela arriver.
AVRIL
Accroupie contre le lit d'hôpital, je sers la main de ma sœur avec une peur intense de la perdre si je la lâche. J'ai épuisé mon stock de larmes pour la soirée, j'attends seulement que Jim se réveille.
Je suis partagée par l'envie de lui crier dessus, pour avoir eu envie de me quitter ainsi qu'à maman, et désespérée par son appel à l'aide inattendu. Morte d'inquiétude pour la suite. Coupable au possible de n'avoir pas su éviter cette situation, alors que j'étais dans la pièce à côté...
Je n'ai plus la notion du temps alors je suis surprise quand Camille me tend une barre chocolatée.
Je la repousse sans lâcher Jim du regard. Ses bras étaient en sang quand je l'ai découverte. Elle était déjà inconsciente...
Mon monde ne devait sans doute pas connaître de temps de répit. Un monde couvert de nuages sombres prêts à s'abattre sur ma vie à tout instant. Jamais à l'abri des soucis, je me sens impuissante et dépourvue. Un creux immense rempli mon cœur, de culpabilité et de tristesse. De rage. Pourquoi ? Pourquoi Jim tu as fait ça ?
Regardes dans l'état que tu es. Ces perfusions qui te parcourent le haut du corps, t'emprisonnent. Tu es clouée à ce lit en état de décomposition...
Pâle et remplie de pansements, tu me fais peur. Pourquoi je n'ai pas creusé davantage quand je voyais tes yeux vides le matin ? Si je te croisais.
Les larmes ne reviennent pas mais j'aurais préféré qu'elles soient là, pour m'empêcher de penser. La culpabilité est telle que je me force à respirer depuis que tu es allongée sur ce lit.
Je ne peux pas me laisser aller, maman a besoin de moi. J'ai besoin de toi Jim...Pourquoi tu as fait ça ?
Pourquoi tu n'es pas venue te confier à moi ?
J'aurais dû insister, être davantage là pour toi...
- Avril, me chuchote ma mère en posant une main dans mes cheveux. Mange quelque chose s'il-te-plaît.
Ma mère est la seule à qui j'accepte de parler.
- Je n'ai pas faim, je dis.
Je ne reconnais pas ma voix, elle est rauque et nouée.
- Il est deux heures du matin, ma chérie, prends des forces...
Pour lui faire plaisir et la rassurer, je mange à petites bouchées la barre que Camille a essayé de me tendre toute-à-l'heure.
Mais je ne l'ai pas mangé en entier.
Je sais que Baptiste et son père sont dans l'hôpital, mais je ne supporte pas de voir Baptiste pour l'instant. Pourquoi on se prend la tête autant pour un garçon ?
Serais-je prête à en arriver là pour Romain ?
- Tu sais que ce n'est pas seulement à cause de Baptiste qu'elle a fait ça, me murmure ma mère qui est assise en face de moi.
Je la regarde et hoche la tête. Mais il a fait déborder le vase du malheur pour Jim...
- Vous ne pouvez pas continuer comme ça, continue ma mère. Vous avez le droit d'être heureuse Avril.
- Je ne veux pas discuter de lui maintenant, j'ai grogné.
- Mais pourtant c'est à cause de lui que Jim est ici, pas la tienne Avril, a insisté ma mère.
- Elle avait besoin de moi et je n'ai pas été là pour elle, j'étais dans la pièce à côté. Dans la pièce à côté...
Je n'ai pas crié alors quand j'ai fait valsé la chaise d'un mouvement de rage, et que je me suis levée, ma mère et Camille ne m'ont pas retenues. Je suis sortie de la chambre et j'ai sursauté en voyant Baptiste accolé contre le mur près de la porte, il somnole. Ses cheveux sont en bataille, et il ne porte que son bas de pyjama sur lui. Un slip jaune dépasse de son short.
Je ne lui ai adressé qu'un regard noir, avec l'envie d'être seule au plus vite, pour recracher la barre avalée qui me tordait le ventre.
J'ai la tête qui tourne et des spasmes nerveux dans les jambes ; je me suis levée un peu trop vite.
Tenir le coup, physiquement commence à m'être difficile.
Je m'appuie contre le mur quand ma vue se floute davantage. Je sens des bras qui m'attrapent. J'ai un hoquet et je sens la barre qui remonte dans ma gorge. Je porte une main à ma bouche, on m'aide à m'assoir contre le mur et l'on me tend une poubelle dans laquelle je déverse le peu de chose qui me tenait encore dans le ventre.
Quand je retrouve une partie de mes pensées, je suis en sueur et Baptiste me tient dans ses bras pour ne pas que je m'en aille.
Il relâche mes cheveux quand j'ai fini de vomir. L'infirmière qui m'a tendu la poubelle me tend ensuite un mouchoir.
Je m'essuie la bouche.
- Je vais vous chercher un peu d'eau et un médecin, indique l'infirmière.
- Il faut que tu dormes, me chuchote Baptiste doucement
- Il faut que tu répares tes conneries sinon je te tue, j'ai menacé faiblement.
Nous sommes restés assis contre le mur jusqu'à ce qu'un médecin me prenne sous son aile.
Nouvelle partie : Spectateur
ROMAIN
Assis devant la télévision, je remonte le plaid sur mon torse. Enzo et Julien dorment dans ma chambre. Je me suis levé pour arrêter de les déranger, à force de me retourner sans arrêt, dans mes draps.
Ma mère m'a confisqué le portable parce que j'avais les yeux fixés dessus, ce qui l'agaçait fortement.
Et elle me l'a pris pour m'empêcher d'harceler Avril d'appels et de messages. Je suis tenté de prendre une cuite, mais je doute qu'être saoule aide Avril en ce moment.
J'ai déjà passé des nuits blanches mais aucune ne m'a paru aussi interminable. Spectateur de la situation, impuissant, je restais sur la touche comme un joueur blessé.
J'ai repassé dans ma tête les instants de ce début d'année, les bons comme les mauvais moments. Au ralenti, les évènements se déroulaient pour me rappeler à quel point la vie était imprévisible et passait si vite. A quel point, rien ne nous était acquis.
Si l'on ne se bat pas, la vie nous bouffe dans nos malheurs, la positivité se fait la malle et se remplace par une centaine de cartes noires qui nous emprisonnent dans de puissants regrets. Des chaînes sombres dont la lumière est difficile à faire éclore. J'aimerais très souvent être un archéologue, ou un historien, pour me permettre de mieux comprendre ces choses du passé, mieux les décrypter, les nettoyer et les ranger précieusement dans un coffre-fort.
Allez de l'avant sans y penser. Enlever tous ces poids qui nous unie Avril et moi.
Je sursaute quand le téléphone de la maison sonne une première fois. Je ne réponds pas. Ma mère m'a bien fait comprendre ne pas le faire.
A la troisième sonnerie, c'est elle qui s'est levée pour y répondre.
Elle s'est dirigée vers moi et m'a tendue le combiner.
- C'est Avril, elle veut absolument te parler...
Il est cinq heures du matin.
Mon ventre se serre douloureusement me préparant à une mauvaise nouvelle.
J'essaye de canaliser l'inquiétude dans le son de ma voix mais je crois que cette nuit, dissimuler quoique ce soit ça va être compliqué.
« Salut », murmure Avril
« Salut », j'ai répondu.
Que lui dire pour la réconforter ? Lui signifier que j'étais là pour elle...
Avril relance la conversation rapidement :
« Jim dort en ce moment »
« D'accord, et toi ? Tu as dormi ? »
« Je...je n'y arrive pas...balbutie Avril. Camille m'a ramenée de chez elle quelques magazines de filles pour m'occuper. Baptiste et elle sont en train de jouer aux cartes avec ma mère et ton père »
Je n'arrive pas à trouver les mots. A m'exprimer comme je le voudrais, mes émotions semblent restées volontairement muette sous la fatigue et le stresse d'être maladroit dans un moment aussi délicat.
C'est tout moi, je reste spectateur et enchaîné par une timidité unique quand je suis avec Avril.
« Au fait, ajoute-t-elle alors pour combler le silence. C'est mon soutien-gorge que tu as dans ta chambre... »
Un rire nerveux m'échappe, et au ton amusé qu'Avril a employé j'espère qu'elle esquisse son beau sourire en me l'annonçant.
Mon cœur fait des pirouettes. Une petite danse de la joie dans mes fantasmes.
Avril m'explique :
« C'est Camille qui l'avait glissé dans ton sac »
« Tu es une bonne comédienne pour cacher ta surprise », je commente.
« Merci, j'avoue que je suis plutôt douée pour cacher tout court mes sentiments... »
Son ton redevient triste quand elle me dit ça. Puis je me repasse ces mots et me prend à penser qu'elle les a utilisé comme un certain aveu. Je secoue négativement la tête en me traitant d'idiot. Avril n'avoue pas facilement ses sentiments mais si elle le fait, elle le fait de manière directe et assumée !
Avant de raccrocher, elle me murmure :
« Tu comptes plus pour moi que tu ne le crois Romain Rabah, tu peux garder le vêtement si tu veux »
« Tu comptes aussi pour moi Avril », je réussis à glisser avant d'entendre le bip qui clôture la conversation.
Conversation expresse...je pense en m'ébouriffant les cheveux pour détendre les spasmes nerveux qui me traversent la main.
L'entendre me rassure, cette histoire de soutien-gorge résolue aussi. Sacrée Camille, elle fait toujours partie de nos tours tordus...
Cette fin de conversation me prouve au moins une chose : je ne suis peut-être pas qu'un simple spectateur dans la vie d'Avril et mes idées sombres s'envolent un instant en attendant que d'autres nuages les fassent revenir.
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