RUMEUR
Vendredi 12 septembre
AVRIL
07h00
Retourner au lycée... Boule au ventre. Cœur qui se serre, douloureusement. Envie de rester au calme entre les murs de ma chambre. Sans le regard des autres sur soi. Sans ce sentiment d'oppression.
Je ne me suis pas rendormie après nos derniers mots avec Romain. Lui, si. Les coups de Claire me faisaient trop mal au cœur. Je ne l'ai dit à personne mais elle a menacé de me tuer si je sortais avec Romain cette année. J'essaye de me contenir quand Romain est là, ne pas trop parler des harcèlements avec précision mais la peur me bouffe constamment l'esprit ! Je fais ma fière parce que j'en ai marre de passer pour une faible mais intérieurement, je me décompose lentement.
En me dirigeant vers l'arrêt de bus, j'ai l'impression d'être un chat que l'on emmène vers l'abattoir.
Je ne veux pas y aller au lycée. Mais je n'ai pas le choix. Il faut bien que j'ai un diplôme pour travailler plus tard. Travailler dans quoi je n'en ai strictement aucune idée, comme la plupart des autres autour de moi. Or c'est cette année que nous devons choisir notre voie...
Oui, je sais, on n'est pas aidé.
Je me suis placé devant Pauline et Laura dans le bus, mauvaise idée pour débuter la journée !
J'ai reçu des tapes sur la tête. En même temps, Pauline me chuchotait :
- Hey petite pute, mon frère est en manque, combien tu prends le soir ? Hein, Jack ne te suffit plus on dirait ? Tu te tapes aussi Romain ?
- Elle doit bien gérer les bites, je te l'ai toujours dis, a grogné Laura. Ils ne s'en rendent compte que maintenant, alors ils lui tournent autour !
Il n'y a personne dans le bus pour s'interposer alors pour ne pas faire d'histoire, je serre les dents tandis qu'elles continuent de m'insulter dans mon dos.
- Tu ne sers à rien, tu le sais au moins ? a conclu Pauline et sa brebis avant de descendre.
J'ai soufflé en en sortant à mon tour. Je n'ai pas eu le temps de respirer plus longtemps. Jordan et Tarik m'ont entouré, un sourire malicieux éclairait leur foutu visage de petit pervers...
- Dis-moi Avril, tu prends vraiment pour 50 euros ? m'a demandé Jordan, avec un ton plus qu'intéresser.
- Pardon ? j'ai balbutié, surprise qu'ils s'y mettaient eux aussi à me prendre pour une prostituée.
- Ben, oui, on a reçu une jolie photo de toi très explicite, et je dois dire que tu as un petit cul assez excitant. Je ne suis plus étonné que Romain le mate sans arrêt !
Quelle photo ? a scandé ma conscience d'un coup affolée. Quelle connerie avait-on encore lancé à mon sujet ? J'ai sursauté lorsque j'ai senti une main sur mes fesses. La main de Jordan a arrêté ma gifle au moment où elle partait.
7h30
Il n'y a toujours aucune de mes connaissances. Mais où sont-ils passés ?
La bande de Tara qui fume devant les grilles me regarde passer devant elles et elles rigolent à mon passage.
Alors que nous remontons l'allée principale vers le CDI, Jordan n'arrête pas d'essayer de m'embrasser dans le cou. Je me sens vraiment mal. S'il s'attendait à une gifle de ma part, le coup de pied que je lui ai lancé à la cheville l'a fait reculé.
J'ai vu le regard que se sont lancés Tarik et Jordan. Au moment où je m'apprêtais à déguerpir, Tarik m'a collé violemment contre l'arbre le plus proche de nous. Si Salomé n'était pas arrivée à ce moment-là, je ne sais pas ce qui aurait pu se passer !
Jordan avait été viré deux fois de ses anciens collèges, la première pour avoir frappé un prof qui l'avait traité de moins que rien. La deuxième pour plaintes diverses d'attouchements...
Il est grand, costaud, pas dans le genre musclé mais sa carrure imposait le respect. Cheveux courts cendrés, yeux d'une noirceur infinie, il avait des lèvres charnues et un sourire jaunis par les nombreuses cigarettes ou drogue qu'il fumait. Jordan aurait pu être beau s'il n'était pas aussi défoncé et en colère contre la terre entière pour je ne sais quelle raison...
Mais en ce moment, il me terrorisait car il agissait exactement comme mon père le faisait pour me toucher si je ne le laissais pas faire, il utilisait sa force.
Salomé était réputée pour son don au judo et à l'auto-défense. Le moindre mec qui l'a cherché se retrouver castré à vie ! Une fois au collège, alors qu'un garçon de quatrième essayait de l'embrasser -nous n'étions qu'en sixième-, elle l'a plaqué au sol et l'a rué de coups jusqu'à lui faire passer l'envie de l'embrasser ou de la toucher sans son consentement ! Le garçon en question était Jordan. La semaine qu'il l'a passé à l'hôpital après les coups de Salomé ont eu raison de lui. AU moment elle est apparue sur l'allée, il s'est reculé.
- Vas-y dégage avant que je ne t'en colle une ! a grondé Salomé en désignant la sortie à Jordan. T'es dégoûtant, espèce de salaud ! Il faudrait que tu te tapes la terre entière pour exister !
J'ai vu Jordan s'éloigner en lui faisant un bras d'honneur.
- Ça va Avril ? m'a questionné ensuite plus calmement Salomé. C'est lui qui t'a fait le bleu que tu as à la joue ?
Ma respiration déjà bien rapide, s'est accélérée davantage.
- Non, j'ai murmuré en portant une main sur le cœur. Non, c'est Claire.
- D'accord, je...je crois qu'elle a envoyé une photo à tout le monde de toi en train de faire une fellation à quelqu'un. La photo est cependant floue...Alors les doutes sont permis pour ceux qui ont un cerveau, mais pour les autres...Ceux qui sont facilement manipulables, elle a réussi à les convaincre que c'était toi !
- Avec qui ? j'ai demandé, la voix tremblante
- Certains se sont amusés à parier sur Facebook que c'était soit Romain soit Jack...
J'ai eu du mal à déglutir.
- La photo est sur Facebook ?
Le regard de Salomé m'a dit « je suis désolée ». Génial...
J'ai regardé mon portable, en moins d'un quart d'heure j'avais vingt messages de numéros inconnus qui me disaient être intéressé par tous services sexuels de ma part ! J'ai senti les larmes me monter aux yeux. Lorsque j'ai reçu un appel de Romain, je n'ai pas répondu, encore trop déboussolée par cette nouvelle rumeur et son ampleur.
Nous nous sommes dirigés vers le bâtiment de cours. Je voyais où j'allais mais mon esprit était complètement ailleurs. J'ai suivi Salomé vers un petit groupe de filles de la classe. Manon, Inès et Jade m'ont accueillie par un sourire loin d'être méchant, je dirais compatissant.
- Avril, tu joues dans un groupe de musique depuis longtemps ? m'a demandé Manon.
- Non, juste depuis la fin des vacances, c'est le frère de Romain qui m'a proposé d'en faire partie.
- Tu chantes ou tu joues seulement d'un instrument ? a continué Manon.
- Je chante mais je joue aussi de la guitare à mes heures perdues...
J'ai fait l'effort de la questionner à mon tour sur ses activités extra-scolaires.
- Je fais de la natation, m'a avoué Manon.
- Tu devrais aller te remaquiller la joue avant le cours d'histoire, m'a chuchoté Jade. Sinon tu risques d'avoir des questions indiscrètes des profs...
- Je n'ai rien pris pour le cacher... j'ai avoué, mal-à-l'aise.
- Viens, on va essayer d'arranger ça, m'a proposé Jade.
J'ai aperçu Romain et Camille au moment où je rentrais dans notre bâtiment de cours. Une bouffée de colère m'a envahie. Les pensées en désordre, je me sentais à l'instant exclue de leur duo. Jalouse de leur complicité si singulière. De leur normalité à se confondre avec les autres, leur facilité à s'intégrer, se faire respecter. Je me suis pincée pour essayer de chasser ces vilaines pensées !
Nous n'avons pas beaucoup discuté avec Jade mais ces sourires n'avaient vraiment pas l'air méchant ni hypocrite. Son fond de teint compact était d'une couleur plus foncée que ma carnation de peau mais en estompant bien la matière, nous avons réussi à cacher mieux le bleu de ma joue.
- Merci Jade, merci beaucoup, j'ai dit tandis que nous montions les escaliers vers le cours d'histoire.
- De rien, et n'écoute pas trop les bêtises sur toi, m'a conseillé ma camarade. La photo de Claire ne prouve en rien que c'est toi, a ajouté Jade.
En passant devant Tarik, mon cœur s'est serré. Il a sorti un préservatif emballé et me l'a proposé. Jordan a bien rigolé, Jade a fait une grimace remplie de dégoût.
La prof d'histoire lui a fait ranger le préservatif et ma respiration ne s'est dénouée, que lorsque Romain a pris place à côté de moi. Il m'a souri timidement. J'ai remarqué sa chemise entre deux prises de notes.
J'ai esquissé un sourire en coin et je crois qu'il l'a vu.
Sur un bout de ma feuille, j'ai indiqué pour plaisanter :
« Ma prestation minimum est de 50 euros »
J'ai dû lui faire du coude pour qu'il lise mon message. Le déconcentrer en histoire n'était pas une mince affaire...
« Déconne pas, c'est l'ensemble de mon argent de poche du mois ! », a inscrit Romain en dessous, dès que la prof regardait ailleurs.
Sa réponse m'a tellement surprise que j'ai mis cinq minutes pour la digérer. Il répondait donc volontiers à mes sous-entendus ? Ou se foutait-il lui aussi de moi ?
Mon cœur s'est accéléré. J'ai écrit de nouveau :
« Je peux peut-être diminuer mes tarifs pour toi »
Au sourire qu'il a fait tout en continuant de prendre ses notes, j'ai espéré avoir su profiter de la situation pour avancer dans mon jeu de séduction, un peu à plat ces temps-ci.
- C'est toujours bon à savoir, m'a chuchoté Romain à la fin du cours.
J'ai dévisagé sa chemise tout en sentant mon bas ventre s'exciter. Dès que j'ai senti mes joues rosir, Je me suis dirigée rapidement vers la sortie, sans rien ajouter.
10h00
Camille a essayé comme elle l'a pu de me rassurer sur les conséquences de cette rumeur mais j'étais toujours mal-à-l'aise à cause des propositions obscènes et répétées de Jordan. Dès qu'il croisait mon regard, il me faisait le signe de « on baise ? ». Ou alors il me mimait une fellation sans se gêner...
Juste avant la reprise des cours, je me suis éclipsée un instant au WC pour être tranquille.
Ma tranquillité n'a duré qu'une minute.
J'ai sursauté en voyant Claire rentrer à son tour dans les WC...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro