Dimanche 14 septembre

ROMAIN

02h15 du matin

J'ai déjà essayé de lui dire qu'elle me plaisait...

En classe de sixième.

Pour son anniversaire, j'avais acheté une petite porcelaine, celle d'un poussin noir. J'ai été maladroit sans doute, Avril n'a pas compris mon message, le sous-entendu de mon petit discours sur la description de ce petit poussin !

Je l'avais emmenée dans sa chambre au calme. Elle avait déchiré le papier cadeau qui entourait  la porcelaine tout en cherchant ce qu'il pouvait bien renfermer...

Je me rappelais de chaque détail de cet instant. Chacune de ses expressions, faits ou paroles ne me quittaient jamais ! Ils étaient ancrés en moi, comme des centaines et des centaines d'autres souvenirs !

Je lui avais dit que ce petit poussin, qui l'étonnait tant, m'avait tapé dans l'œil par sa couleur noire, sa petite taille que l'on avait envie de protéger. Qu'il était différent des autres poussins jaunes, et que j'avais aimé ça dès le départ en le voyant.

Qu'il avait été unique à mes yeux.

Je lui ai précisé que malgré ses défauts, il m'avait plu et continuait de me plaire. A travers ce poussin, je lui décrivais ce qu'elle représentait pour moi.

Avril n'avait rien dit pendant quelques secondes, j'avais cru que le message était passé. Au lieu de quoi, elle a ajouté, en souriant :

-              Ouais, okay, c'est un poussin quoi ? Mais merci beaucoup...Il ira très bien sur ma table de chevet !

A partir de ce moment-là, je n'ai plus essayé de lui dire la moindre déclaration, je m'étais senti vraiment seul au monde !

Je n'avais plus vu la porcelaine dans sa chambre dès le moment où je suis sorti avec Tara. J'aimerais bien savoir si elle l'a gardé ou jeté.

J'y pense juste comme ça à ce poussin, parce que je n'arrive pas à dormir...

08h05

Ce n'est pas le seul cadeau que je lui avais fait. La liste pouvait être longue si je m'amusais à la faire ! Mais Avril n'était pas vraiment affective. Elle n'avait donc jamais porté ou mis en avant les présents que je lui avais offerts, comme si elle y était indifférente. Cela me blessait bien sûr, mais je savais aussi pourquoi elle agissait ainsi.

A cause de son père, elle se mettait une barrière immense avec tout le domaine des compliments, de la flatterie, de la tendresse en général. Je savais par Camille que je lui rappelais beaucoup son père, et que notre lien amical la perturbait dans la gestion de ses sentiments.

J'étais mal barré pour la séduire... Plus j'y pensais plus je me sentais dans une impasse, attendant désespérément des signes concrets de la part de celle que j'aimais !

Pour chasser le coup de blues qui me prenait, je me suis assis à mon bureau, j'ai pris une feuille blanche et j'ai noté les changements que j'avais pu percevoir chez Avril.

1-            Son physique : elle faisait plus attention à elle

2-            Elle s'ouvrait davantage aux filles de la classe et aux garçons

4-            Elle flirtait avec Fred sans vraiment le connaître

5-            Elle faisait un effort vestimentaire dès que nous étions sûrs de nous retrouver

6-            Elle était plus ouverte à la communication avec moi (quand elle ne  faisait pas sa tête de mule)

7-            Elle me regardait beaucoup.  M'avait embrassé deux fois sur la bouche et ne m'avait pas repoussé quand nous avions dormi ensemble.

Agacé, j'ai arrêté la liste et j'ai balancé mon stylo contre le mur. Si Romain, je me suis dit, elle t'aime aussi ! Pourquoi tu doutes encore de toi ?

Parce que si c'était le cas, elle ne me le montrait pas assez.

11h02

Je suis en train de travailler lorsque Baptiste entre dans ma chambre.

Il s'assoit sur le lit à côté de moi. Mon frère a une mine fatiguée et dépitée. Il me quémande, sur le ton d'un murmure :

-              Tu ne veux pas que l'on s'organise quelque chose pour décompresser ?

-              Quel est ce « quelque chose » ?, je questionne, surprit.

-              Une escapade pour un weekend.

J'hausse les épaules, indécis. Je lis un sms que Tara vient de m'envoyer.

« Tu veux venir chez moi ce soir ? »

Mon ventre se resserre. Baptiste lit l'inquiétude qui agite mon visage car il me demande :

-              Ça ne va pas ?

-              Tara me propose de la retrouver chez elle.

-              Rom', ne retombe pas dans son panneau, elle a bien vu que vous vous étiez disputer avec Avril, alors elle tente sa chance...

Il a totalement raison. J'ai perdu les pédales pendant quelques infimes secondes ! J'ai soupiré :

-              Oui, mais une partie de jambes en l'air ne m'aurait pas déplu non plus.

-              Surtout pas avec ton ex, imbécile ! s'est exclamé Baptiste en se massant le crâne. Nous n'avons pas choisi des filles très simples à aimer, c'est tout.

Je me frotte les yeux, ils picotent. Je suis sur les nerfs depuis vendredi. Je susurre :

-              Tu n'as pas reparlé à Jim ?

-              Non. Son immaturité face à certaines situations me met hors de moi !

-              Jim ne fera pas le premier pas pour arranger les choses, ce n'est pas son genre, j'ai fait remarquer en m'emparant de la bouteille d'eau qui était près de mes cahiers.

-              J'aimerais bien que ça change...a avoué Baptiste.

Il a entendu que j'ai fini de boire quelques gorgées pour ajouter :

-              Juste pour que tu sois au courant, Avril est restée chez Fred hier soir...mais ne fais rien sous le coup de la colère, ne rejoins surtout pas ton ex ! Je te le dis parce que ça me ronge de garder cette info pour moi...Bon, je regarde si quelque chose est intéressant pour ma proposition et je t'en reparle.

Je sens les larmes me monter aux yeux tandis que j'hoche la tête. Je suis assez fort pour ne pas craquer complètement. Pour contrôler ma tristesse de voir Avril s'amuser dans les bras d'un autre.

J'enfile un jogging et je sors prendre l'air.

Je me fige en croisant Jim qui prenait le courrier.

Dans son panier bien rempli, une lettre à l'enveloppe noire attire mon attention.

Au regard triste que Jim me lance, j'ai compris que la lettre était à l'attention  d'Avril.

-              Les lettres de menace continuent ? j'ai questionné la voix nouée.

-              Maman ou moi nous les récupérons, si nous prenons le courrier, a avoué Jim. Avril ne les découvrent pas toutes. Romain, elle en reçoit tous les deux jours... Je la protège comme je peux, mais je peux comprendre qu'elle craque au bout d'un moment !

-              Je peux la lire ?

-              Je ne sais pas si c'est une bonne idée pour toi, je ne préfère pas.

Jim a levé les yeux et je l'ai vue fixé l'une des fenêtres de l'étage.

Je me suis retourné à temps pour voir la silhouette de Baptiste disparaître derrière les rideaux.

J'ai souris, bien que mal-à-l'aise.

Nous nous sommes souhaité une bonne fin de journée et je me suis mis à courir.

16h35

Je suis en train de faire ma séance de musculation, dans le salon, lorsque Camille et Julien passent me voir. Nous parlons de tout et de rien pendant un petit instant, jusqu'à ce que je grogne :

-              Bon, allez-y, sermonnez-moi, je vous écoute...

Julien a ébouriffé ces cheveux, un sourire coquin a éclairé son visage. Il a ajouté :

-              C'est marrant, il y a moins de trente minutes Avril nous a sorti la même réplique !

-              Qu'est-ce que t'il t'a pris de donner toute ton attention à Tara, hier ? a riposté Camille. Il m'avait bien fallu deux heures pour convaincre Avril de venir t'encourager !

-              Ça va, j'ai le droit encore de parler à qui je veux, non ?

-              Oui, mais Avril était spécialement venue pour toi Romain, a soupiré Julien.

-              Et après, tu piques ta crise de jalousie parce qu'elle parle deux secondes avec Jack, qui lui demandait comment elle allait suite à vendredi...a ajouté Camille en claquant, agacée, son genou de sa main gauche.

J'ai arrêté mon chronomètre et je me suis assis par terre, face à eux, qui s'étaient installés sur le canapé.

J'ai ramené mes genoux contre mon torse et j'ai fermé les yeux quelques secondes.

-              Romain, tu le savais que ça n'allait pas se faire en un claquement de doigts, a dit plus calmement Camille.

Je l'ai approuvé d'un hochement de tête.

-              Je veux bien qu'elle t'ait déçue à cause de la drogue, a ajouté Julien. Mais nous avons été au moins une fois défoncés, lors d'une soirée, non ? Drogue ou pas, c'est pareil...nous étions dans les mêmes états !

J'ai dû reconnaître qu'il avait raison.

-              Vos discussions ne regardent ensuite que vous deux, a continué Julien, mais si vous ne vous parlez pas, pour un oui ou pour un non,  vous êtes mal barrés pour avancer dans votre relation !

-              Quitte à ce que vous vous disputiez un bon coup sur le moment, a commenté Camille. Il vaut mieux que les reproches sortent plutôt que d'être gardées sous silence pendant un temps...

-              C'est ce que je te dis aussi de faire avec Enzo, j'ai précisé en souriant. Ce n'est pas si évident que ça !

-              Oui je sais, mais Avril n'est pas dans les bras d'un autre que je sache... a grommelé Camille.

Elle a froncé les sourcils lorsque je lui ai annoncé que si. Manifestement, Avril ne lui avait rien dit sur la tournure que prenait sa relation avec Fred ! Je l'en ai alors informé. Surprise, Camille a ouvert la bouche sans qu'aucun son n'en sorte.

-              Avril a le droit de s'amuser, a commenté Julien avant que Camille ne dévoile un flot de jurons. Je trouve ça même bien qu'elle commence à se détendre de ce côté-là !

-              Oui mais elle ne m'a rien dit ! s'est exclamée Camille dans un soupir d'agacement.

-              Elle savait que tu t'emporterais, j'ai sorti en même temps que Julien.

-              C'est vrai, a alors conclu Camille.

J'ai sursauté lorsque la sonnette de la maison à retentit. J'ai senti mon cœur s'accélérer. Je me suis levé pour ouvrir. Ma joie s'est littéralement cassée la gueule en découvrant Tara sur le seuil de l'entrée !